28 septembre, 2015

De vraies nouvelles de Jésus !


La semaine passée, j'avais commis un billet humoristique dans lequel je racontais n'importe quoi sur mon patient Jésus, celui qu'on a fait exorciser. Rassurez-vous, Jésus n'est ni à Sainte-Anne, ni dans un autre hôpital psychiatrique car Jésus va bien !

Bon en août, Jésus m'avait un peu occuper parce qu'il était allé voir un allumé du net, un type qui se prétend être la réincarnation du prophète Élie. J'avais eu la famille sur le dos car ils avaient peur qu'il ne sombre dans une secte quelconque. Ayant pris connaissance de la prose de cet allumé, je les avais rassurés leur disant, que connaissant bien Jésus, il se barrerait, ayant vu et pris ce qu'il y avait à voir et à prendre.

Et c'est ce qui est arrivé ; Jésus a passé quelque jours chez ce type et est reparti. Moi je trouvais cela logique que, compte tenu de sa singulière aventure, Jésus ait envie de rencontrer un type qui se prétend être la réincarnation du prophète Élie. Peut-être que si ce "prophète autoproclamé" avait parlé de marcassins, j'y serais allé aussi, rien que pour voir. C'est vrai, on est très seul au monde quand on aime les marcassins !

De toute manière, tous ceux qui l'ont approché récemment me disent qu'ils trouvent Jésus très bien ! Certes Jésus annonce une prochaine crise financière débouchant sur la fin de temps et la Parousie et explique qu'il faut s'y préparer. Après tout Jovanovic et tant d'autres disent la même chose sans qu'on leur accole une étiquette psychiatrique. C'est pourquoi, Jésus a décidé de vendre son appartement parisien pour s'acheter une propriété en province. Ceci dit, on peut aussi discuter d'autres choses avec Jésus, il n'est pas obsédé par la religion non plus !

De toute manière, il n'est ni schizophrène ni même bipolaire mais il a admis qu'il avait un gros TDAH et l'expérience prouve que cela se vit mieux à la campagne qu'en ville. Jésus a donc pour projet d'écrire un livre, de faire son potager,  d'élever poules et lapins, d'ouvrir quelques chambres d'hôtes et d'aller surfer de temps à autre. Jésus a bien muri son projet et je le soutiens fermement.

Bon certes Jésus voit des trucs que d'autres ne voient pas mais pas tellement plus que de grands mystiques chrétiens dont on a donné le nom à des églises ! Alors les voit-il ou non ? Je n'en sais rien et dans le doute, je ne m'abstiens pas et je lui fais confiance. Étant totalement dénué d'intuition, je ne resterai qu'un brave capricorne, les deux pieds dans la terre et il ne m'appartient pas de disqualifier les visions scorpioniennes de Jésus ! Question d'époque. Si Jésus est heureux alors moi aussi.

Là où je me contente d'additionner 1+1 pour échafauder des hypothèses, calculer des fonctions et leurs dérivées, des gens comme Chaton ou Jésus voient des tas de choses. Souvent Chaton m'engueule en me disant que je suis intuitif mais je soupçonne qu'il est jaloux de constater que je suis bien plus ingénieur que lui dans ma manière de penser. Là où Chaton et Jésus voient un mur, je ne vois que des rangées de briques avec des joints de mortier ! A la fin cela donne la même chose !

Comme Jésus va bien, il passe régulièrement au cafing et si Chaton est là, ça donne des discussions homériques sur des points abscons des Écritures. Et comme les deux sont plutôt doués, chacun à leur manière, ça donne de belles discussions animées. Chaton a pour lui la masse (Centrale et X) et retourne de grosses droites théologiques dans la face de Jésus. Ce dernier ne s'en laissant pas compter et ayant pour lui la vivacité (école de la vie), lui balance de beaux coups de pied retournés mystiques dans les côtes ! Et il n'y a jamais de gagnant même si l'un et l'autre m'assurent que l'autre a perdu la face !

D'un côté Chaton admet que Jésus a de belles intuitions mais qu'il distord les textes pour coller à ses "visions" tandis que Jésus explique que Chaton a une manière trop carrée de voir les choses pour dépasser le stade de gros prélat bouffi d'orgueil et de certitudes. C'est la lutte entre l'autodidacte et le diplômé de théologie, le prophète et le Nonce apostolique. Parfois je me dis que si à notre table était assis un psychiatre d'état, un sévère,  de ceux qui ont signé un partenariat avec Big Pharma et voit des schizophrènes partout, les deux se retrouveraient sous neuroleptiques à sculpter des statues de la Vierge en mie de pain dans une UMD. Moi je m'en fous, je trouve leurs affrontements plutôt sympas et intéressants dans la mesure où j'apprends plein de choses. 

Bref d'ici peu de temps, Jésus aura pris son envol, non qu'il aura pris place à la droite du Père mais sera loin de Paris dans un environnement plus propice à ce qu'il est. 

Pour moi la mission est donc bientôt terminée. Enfin rien n'est jamais terminé avec Jésus. Et puis, mon amitié lui reste acquise parce que bien qu'il se soit révélé assez compliqué comme "cas", il n'en reste pas moins très attachant. Jésus restera pour moi un mystère. Je peux mettre des mots comme syndrome de Stendhal et troubles schizo-affectifs sur ce qu'a vécu Jésus mais aucun de ces mots ne pourra jamais traduire vraiment ce que j'ai constaté, ni l'expérience singulière qu'aura vécue Jésus l'année passée. Le diagnostique limite forcément l'aventure psychique du patient.


J'allais oublier, Jésus nous assure que tout doit s'écrouler à la fin du mois au pire et avant décembre au mieux. Et il nous enjoint de faire des provisions pour affronter les temps difficiles. Au pire, si Jésus s'est planté, vous aurez des conserves et du sucre pour les mois à venir ! Si les matières premières augmentent vous aurez fait une bonne affaire.

Ou je parle d'un livre !


Ça m'est arrivé plusieurs fois ! Des patients, écrivains en herbe, m'ont utilisé comme "coach en écriture, me donnant le rôle consistant à les motiver à écrire. En plus de cette fonction, j'ai aussi assumé celle de directeur littéraire, prodiguant mes conseils après la lecture de chaque chapitre et de correcteur, ce que je fis moins bien puisque mes propres lecteurs le savent bien, j'ai déjà du mal à me relire moi-même !

J'ai assumé ces fonctions avec humilité bien sur, car ce n'est pas vraiment mon métier, et plaisir parce que c'est amusant de voir enfin éditer un livre que l'on à aider à faire accoucher. Voir le produit fini est satisfaisant quand on a eu durant des mois que des fichiers word à lire sur sa tablette. Si je n'ai jamais assuré la promotion d'un de ces livres, pour des raisons de discrétion, je vais faire une entorse à cette règle, car ma patient m'y a expressément autorisé.

Le livre dont il s'agit est une dystopie et j'adore les dystopies. Pour ceux qui n'auraient pas le courage de cliquer sur le lien rappelons qu'une dystopie, ou contre-utopie, est une fiction dans laquelle l'auteur décrit une société dans laquelle, alors que tout s'unit pour faire le bonheur des gens, il en résulte une catastrophe. 

Une dystopie n'est donc rien d'autre, que l'illustration littéraire du célèbre proverbe selon lequel, les voies qui mènent à l'enfer sont pavées de bonnes intentions. Les plus sagaces d'entre vous l'auront compris, une dystopie n'est rien d'autre qu'une critique, par voie de fiction, de tout système socialiste, étant entendu que le socialisme est une utopie dégénérant toujours en contre-utopie. Le socialisme est la mauvaise réponse à la bonne question de la répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail.

Ma chère patiente, libertarienne assumée, s'est donc amusée à élaborer une critique de la social-démocratie. Plaçant son histoire dans un futur proche, elle a imaginé l'avenir d'un individu qui, ne se contentant plus de baigner dans l'infantilisme béat d'une société où l'on va jusqu'à penser pour lui, se poserait des questions sur lui, sur cette société et sur les liens qui l'y unissent.

Elle est née sous le signe du cancer et possède une imagination fertile. Quant à moi, capricorne, j'aime bien que l'on aille au fond des choses. C'est ainsi qu'à chaque chapitre que j'ai toujours trouvé agréable à lire, je ne pouvais m’empêcher de dire : mais là vous auriez pu parler d'untel ou de telle théorie. Évidemment, son livre écrit par moi même aurait consisté en un roman dans lequel on aurait forcément appris quelque chose ! Parce qu'un  capricorne donne forcément dans l'utile et s'amuse en travaillant ! 

Si elle a pris quelques unes de mes remarques au sérieux, bien entendu, elle a écrit le livre qu'elle désirait écrire, un livre qui lui ressemble. Il en ressort un ouvrage très agréable à lire, incisif et drôle. Là où j'aurais donné des droites ravageuses, des uppercuts dévastateurs, ma chère patiente procède en finesse, par petites gifles moqueuses, dépeignant avec un talent d'aquarelliste l’enfermement d'une société carcérale voulant le bonheur de chacun.

Finalement, le plus drôle aura été de constater au cours de tous ces mois que la réalité pouvait dépasser la fiction. Il a fallu parfois réécrire des chapitres puisque Hollande et sa clique, autant par idéologie vermoulue, amateurisme, clientélisme, ont transformé le réel en quelque chose de parfois tellement incroyable que le monde dépeint par ma patiente dans son livre était en deçà de la réalité vécue par les français.

Quoiqu'il en soit, c'est agréable à lire et cela se trouve un peu partout, soit en version papier soit à télécharger sur votre liseuse, tablette ou smartphone préféré ! L'auteur a pour nom de plume Augustine C. et le titre est Soumission consentie pour dictature tranquille.

Sur son blog, mon confrère H16 en parle aussi ! Augustine C. s’illustre aussi dans un style assez différent sur un blog qu'elle tient depuis quelques temps.

Analyse réussie !


L'un de mes patients a été, durant dix ans de sa vie, complètement agoraphobe. C'est à dire que s'éloigner de plus d'une rue du domicile de ses parents où il logeait à l'époque, lui semblait surhumain. Je ne l'ai pas connu à cette époque mais peu après. Le travail que l'on a pu faire consistait à récupérer, autant que faire se peut, ces dix années "perdues". 

Durant les dix années que met un adolescent à faire diverses expériences, telles que celle du sexe opposé, des études ou que sais-je encire, lui est resté tel un nolife scotché à son écran et à sa manette de jeux. Finalement nous n'avions que brièvement abordé cette période de sa vie. Je savais plus ou moins comment cela avait commencé mais pas très bien comment cela s'était arrêté. Un jour, il a pu ressortir et mener de nouveau une vie à peu près normale, du moins comme celle que mènerait quelqu’un sortant d'un coma de dix ans.

L'ayant revu la semaine passée, on a abordé à la fin de notre séance les modalités de sa guérison passée. Comment avait il pu surmonter cette agoraphobie qui le tenait la plupart du temps enfermé dans sa chambre d'adolescent ? Ma foi, c'était assez simple et il a rigolé en me racontant sa thérapie passée.

Ses parents, au comble du désespoir, s'était mis en tête de chercher un psy capable de traiter l'agoraphobie qui soit dans leur quartier. C'est un psychiatre-psychanalyste d'obédience freudienne à qui fut confié cette lourde tâche de traiter cette agoraphobie. Vivant à deux rues du domicile des parents de mon patient, ce dernier faisait un effort surhumain pour aller le consulter chaque semaine.

Il le fit deux mois durant. De son propre avis, il ne comprit jamais vraiment ce que lui demandait mon confrère, se contentant d'adhérer au cadre que ce dernier lui proposait. Il parla donc de lui, de son papa, de sa maman et de son frère tandis que le thérapeute, muré dans son silence, ne lui adressait que de rares hmm-hmm.

Mon patient n'ayant aucune autorité en matière de psychologie, et n'ayant jamais rien lu sur le sujet, ne le prit jamais au dépourvu, se contentant durant ces deux mois d'honorer son rendez-vous hebdomadaire. Comme il me l'expliqua lui-même : au moins ça me faisait sortir à deux rues de chez moi, c'était déjà cela !

Puis, au bout des deux mois, il se trouva que le psychanalyste perdit sa fille dans un accident de la route. Une séance seulement fut annulée mais la semaine suivante, le psychanalyste était de retour dans son cabinet. Mon patient, qui est un individu doté d'une grande sensibilité, sentit que son thérapeute n'était pas et ne serait plus jamais le même. Il ressentait en lui une profonde tristesse mal dissimulée sous le masque impassible du psychanalyste.

Il m'expliqua alors qu'il commença à se sentir très mal à l'aise. Au bout de quelques semaines, il se sentit coupable de venir "ennuyer" ce pauvre psy ayant perdu sa fille, avec ses histoires d'agoraphobie. Tandis que le psychanalyste lui renvoyait l'image d'un homme miné par le chagrin qui se devait de vivre malgré tout, en affrontant chaque jour le quotidien, mon patient se sentait un peu "minable".

Tant et si bien qu'un jour, il se décida à surmonter ses peurs et à ressortir dans la rue. Patiemment il se prit en charge, se raisonnant et fit des progrès spectaculaires. La semaine suivante, il annula son rendez-vous et ne consulta plus jamais. Il était guéri. 

Songeons à ce pauvre psychanalyste qui ne saura jamais comment il a pu "traiter" avec un succès un agoraphobe en si peu de temps. Songe-t-il que ce patient a annulé ce rendez-vous, déçu de sa thérapie, ou au contraire, s'est-il persuadé que la psychanalyse freudienne avait porté ses fruits ? Nul ne le sait.

21 septembre, 2015

Des nouvelles de Jésus !

Vous fûtes nombreux à me demander des nouvelles de Jésus ! Jésus va bien et commande maintenant une armée céleste et se prépare pour l'Armageddon ! Les psys lui fichent la paix pourvu qu'il prenne ses neuroleptiques. De temps à autre, il peint mais toujours de grandes scènes apocalyptiques dans lesquelles légions célestes et infernales s'affrontent. Il sculpte aussi dans la glaise quantité d'anges dont il dit qu'ils sont ses troupes ! Il les cache sous son lit et le personnel n'a pas le droit d'y toucher.

Le psy qui a en charge sa thérapie à l’hôpital a un peu de mal à communiquer car Jésus lui dis toujours "arrière Satan". Mais il ne désespère pas. Toutefois la partie du parc où il y a un bassin lui est interdite car il s'obstine à vouloir marcher sur l'eau. 

Mais non, Jésus va très bien mais je vous en parlerai la semaine prochaine ! Ce sera l'occasion d'exposer une de mes théories fumeuses sur les troubles schizo-affectifs ! Mais je suis à peu près sur de ce que j'avance même si je me doute que je ne suis pas le seul à y avoir pensé !

Ante mortem mais principe de réalité quand même !


Ma plus vieille patiente étant en train de s'éteindre doucement, j'ai consulté mon agenda et ai constaté que le plus âgé était né en 1961. Face à cette avalanche d'AVC dont personne ne connait la cause, je ne saurait trop conseiller, s'il me lit, à mon patient la chose suivante :

Prends ton Kardégic mon Cricri !


Voilà, c'est fait. N'y voyez en aucun cas un exercice illégal de la médecine mais de la simple prévention. Et puis, même si je ne refuse jamais de faire l'éloge funèbre de mes patients, il ne faudrait pas qu'ils calanchent trop parce que cela affecterait mon chiffre d'affaires !

Ante mortem !


Voilà, ça y est ils sortent un film sur l'Everest. Alors bien sur, il y a eu des extraits sur toutes les chaines. Avec les moyens actuels, de toute manière, quelques acteurs idiots en tenue d'escalade, un fond vert et des informaticiens balèzes et hop on vous transporte dans n'importe quel environnement.

Quand un extrait est passé samedi, je lisais affalé sur mon canapé et c'est mon épouse qui m'a prévenu en me disant : "tiens ils ont fait un film pour toi". J'ai regardé d'un œil la télévision et j'ai juste dit "oui c'est la Khumbu icefall, c'est bien fait mais ce n'est pas si dur que ça en vrai", avec le ton du vrai professionnel qui s'est tapé tous les huit-mille de la planète !

D'ailleurs je n'irai pas voir ce film, je maintenant connais trop bien l'Everest pour me faire abuser par des artefacts informatiques. Autant aller voir le dernier Disney, cela me ferait le même effet. Toujours est-il que j'en étais là de mes réflexions montagnardes lorsque mon téléphone a sonné. C'était le fils de la plus âgée de mes patientes.

Il me demandait si j'avais eu des nouvelles de sa mère ou si je l'avais vue récemment. Je lui ai dit que nous avions eu notre rendez vous mardi soir mais que je l'avais croisée jeudi dans la journée. Il m'a alors expliqué qu'après les pompiers, c'était le SAMU qui était attendu pour une attaque massive. Ne sachant trop que dire face à une telle nouvelle, j'ai simplement demandé à ce qu'il me tienne au courant.

Dans la soirée, j'ai juste eu une précision. Il s'agissait d'un AVC massif. Ma patiente était en coma dépassé non récupérable et c'était une question d'heure au pire ou de jours au mieux ou l'inverse d'ailleurs. Cela m'a fait un choc.

C'est une patiente que je vois chaque semaine à domicile car elle a du mal à se déplacer. Elle est odieuse et plus d'une fois, j'ai failli repartir après à peine cinq minutes tant ses réflexions sont pénibles. Elle a mis des semaines à comprendre que je ne viendrais jamais à l'heure pile sachant que je ne finis jamais à l'heure et que de plus, il me fallait le temps d'arriver chez elle. Elle ne me comprenait pas et m'expliquait que Lacan qu'elle avait consulté en son temps méritait peut être des reproches mais qu'il était d'une ponctualité redoutable. Je lui avais dit que c'était bien dommage que le grand Jacques soit mort parce que je l'y aurais adressé avec plaisir.

Elle se permet aussi des questions d'une rare indiscrétion ; par exemple, si je vote et pour qui. Certaines de ses questions sont aussi totalement absurdes. Elle m'a ainsi demandé si j’accepterais de recevoir des électeurs du front national ou encore des nazis. Pour les premiers, je lui ai dit que compte tenu des scores de Marine Le Pen, il me serait difficile de leur fermer l'accès de mon cabinet si je ne veux pas mourir de faim. Quant au second, je lui ai expliqué que pour ma part, je n'avais croisé aucun nazi et n'en connaissais pas. Qu'il devait en exister quelques uns parmi les idiots du village jouant à faire la guerre dans les bois de quelque province reculée mais qu'à Paris l'espèce était rare. Puis, plus sérieusement je lui ai dit que je recevais tout le monde parce que c'était une obligation autant morale que légale, même s'il pouvait arriver que pour x ou y raison, l'alliance thérapeutique fut impossible et que j'adresse le patient à un confrère.

Madame étant une ancienne journaliste retraitée, elle est bien sur le chantre de la démocratie et des valeurs républicaines et sait ce qui est bon ou pas, bien ou mal, elle est l'alpha et l'oméga de la bonne conscience. Mardi dernier, elle m'a refait le coup ! A peine rentré chez elle, voici qu'elle se met à vitupérer contre ces français lâches et sans cœur qui ne veulent pas des migrants chez eux. Conséidarant son grand appartement qu'elle occupe seule, je lui ai dit que je partageais bien sur ses nobles préoccupations tout en lui demandant benoitement si elle-même se préparait à accueillir une famille chez elle. Sans se désarmer le moins du monde, ainsi que savent si bien el faire les adeptes de la gauche cavair, elle m'a répondu que cela aurait été avec plaisir mais que son appartement était trop mal fichu en termes d'accessibilité pour y accueillir une famille, laquelle aurait manqué d'intimité. Je n'ai pas répondu et l'ai laissé vitupérer quelques minutes.

Comme elle vient d'une autre époque, que c'est une vraie soixante-huitarde doublée d'une terrible féministe, ce qu'il y a de bien c'est qu'elle ne sombre pas dans l'hygiénisme à outrance. Chez elle, on peut fumer et la Nespresso est à disposition. Elle me reçoit toujours une clope à la main. On n'est pas vraiment chez Mamie Gâteau.

Elle m'a été envoyée pour des problèmes psychologiques qui n'en étaient pas et relevaient de la neurologie. Elle a apprécié que je trouve bien qu'elle ne m'ait jamais remercié pour le travail que j'avais fait pour elle. D'autres se seraient contentés de prendre les honoraires. Ce n'est pas le genre à remercier de toute manière puisque comme pour tout narcissique, tout lui est du !

J'adore la manière dont elle me parle des chefs de service en psychiatrie qu'elle a consultés ou consultait encore voici peu, manière de me dire de façon grossière que je ne suis rien ou disons pas grand chose à côté de ces gens là. Une fois passablement énervé, je lui ai dit qu'ils étaient tellement doués ces cadors, que quand je l'avais rencontrée elle avait une ordonnance complètement folle et que c'était un psychiatre que je comptais dans mon humble réseau qui avait remis de l'ordre dans tout cela, ne prescrivant que le strict nécessaire.

Ceci dit bien qu'elle ne me le dise jamais parce que ces mots lui arracheraient la gueule, je sais qu'elle m'apprécie. Sans doute pour mes compétence mais aussi, et peut-être surtout pour mon côté tout-terrain. Car si il m'arrive de la jeter, la plupart du temps je m'adapte au terrain, me contentant de compter dans ma tête combien de temps il faudra pour qu'elle cesse sa crise. Généralement, cela ne dure qu'une minute ou deux, ensuite elle retrouve le sourire et on commence la séance.

Déprimée pour de vraies raisons deplusi vingt cinq ans et jamais véritablement soignée, tout au plus stabilisée, je la pardonne parce qu'elle a eu un parcours difficile. Pourtant, le cas ne présentait pas de difficultés redoutables. Sans doute que sa personnalité narcissique a du jouer en sa défaveur et encore je n'en suis pas sur. A l'époque, elle ne devait pas en mener large et être d'un abord plus simple. C'est je pense un succès médical puisqu'elle ne s'est pas suicidée tout en étant une erreur clinique redoutable puisque personne n'a jamais vraiment communiqué avec elle.

A son âge je n'ai plus trop espoir de lui changer sa vie et de l'améliorer considérablement. Quand elle m'en veut, je lui dis toujours que je joue avec les cartes que l'on me donne et que si elle tient à s'en prendre à quelqu'un, qu'elle peut le faire avec ce fabuleux chef de service hospitalier, ce PUPH, qui l'avait si bien soignée. Et là, elle rigole toujours en me disant "mais il est mort ce pauvre type alors je n'ai que vous sous la main pour me plaindre du temps perdu !".

Odieuse et de mauvaise foi comme elle est, elle n'en reste pas moins curieusement attachante du fait de sa grande intelligence. Dès qu'elle laissait tomber son rôle d'ex grande journaliste de gauche qui a connu machin et truc pour devenir sincère, elle est assez amusante. Elle a la dent dure, elle ne loupe rien et méprise la faiblesse comme personne, sauf la sienne dont elle joue et qu'il faudrait toujours prendre en charge bien sur.

Lorsque je sais que j'ai rendez-vous avec elle, je me dis toujours "merde je vais voir mémé, fais chier". Et pourtant, une fois arrivé chez elle, ma clope en main et mon café servi, tout se passe plutôt bien. J'essuie les récriminations d'usage mais ce n'est pas bien grave. Désagréable comme elle l'est, je dois être l'une de ses deux seules visites nonobstant le petit personnel venu faire le ménage.

Même les plombiers ne tiennent pas le coup devant ses comportement de grande dame. La pauvre se targue d'être une vraie conscience de gauche mais parle au petit personnel comme un boyard n'aurait pas osé s'adresser au pire des moujiks. Mais elle en a le droit puis qu'en tant que personnalité narcissique, de toute manière, c'est elle qui fixe les règles, lesquelles fluctuent en fonction de son humeur et des circonstances.

Le jour où son plombier a fichu le camp, plus rien ne fonctionnait et comme parfois elle me confie le rôle de régisseur, j'ai du trouver un plombier. Heureusement que j'ai un vaste réseau. J'avais prévenu le plombier de la personnalité de madame et il est intervenu le lendemain pour faire les réparations d'urgence lui permettant d'avoir de l'eau chez elle. La semaine suivante, elle osait s'en plaindre pour me dire qu'il avait été un peu cher ! C'est dans ces moments là que je me dis que j'aurais du la laisser dans sa merde mais bon, je suis un gentil garçon, on ne se refait pas. Notez qu'elle m'a refait le même coup quand il s'est agi de lui trouver en urgence quelqu'un pour ôter les gravats laissés par le précédent plombier.

S'agissant d'une personnalité narcissique, j'aurais bien sur pu la laisser mariner dans ses problèmes ou la mettre en face de ses contradictions. A quoi cela aurait il servi ? J'ai juste procédé par touches discrètes, sachant que l'on n'aurait jamais le temps de faire du vrai bon travail.  j'ai pu la réconcilier avec son fils et lui ai permis de croire qu'elle serait de nouveau une photographe reconnue. Parce que madame ayant réalisé une expo voici vingt cinq ans était persuadée que le succès, qu'elle n'avais finalement jamais connu, lui sourirait de nouveau.

Usée par la dépression et l'angoisse, très affaiblie par une succession de traitements médicamenteux agressifs, minée par une solitude terrible dont elle se plaignait souvent, fragilisée par une multitude de petites pathologies souvent présentes chez le sujet âgé, j'ai su en la voyant qu'elle ne ferait pas de vieux os. Et pourtant, Dieu sait si elle consultait les médecins, et toujours les fameux chefs de service, les simples praticiens hospitaliers ne valant pour elle pas plus qu'un valet de pied ou un palefrenier.

J'ai donc toujours adapté mon intervention, acceptant d'en prendre parfois plein la tronche pour pas un rond, tout en sachant que ce qui se jouait c'était seulement ma présence et le fait qu'elle puisse avoir quelqu'un avec qui échanger. J'ai bâti avec elle des châteaux en Espagne dont je savais que pas un ne serait construit. Je l'ai entretenue savamment dans une douce illusion, sachant que la fin était proche, tout en raccomodant les quelques liens qui pouvaient subsister.

Plus d'une fois, face à elle, assis dans son fauteuil tellement inconfortable, signé d'un célèbre designer des années soixante dix, je me suis remémoré un vieil épisode de la série Amicalement vôtre. Dans cet épisode, Bret Sinclair et Danny Wilde, les deux protagonistes, sont face à une vieille duchesse russe totalement ruinée qui leur a servi de la limonade en étant persuadée qu'il s'agissait de champagne. Afin de ne pas la déstabiliser, les deux héros savourent cette limonade en assurant à cette duchesse qu'il s'agit du meilleur champagne qu'ils aient jamais bu.

C'était la plupart du temps ce que j'étais invité à faire face à elle. Elle se remémorait des rencontres de jadis et me parlait de gloires éteintes et oubliées et j'étais convié à ouvrir grand mes yeux à l'évocation de ces souvenirs futiles dont elle se gargarisait. Je partageais alors sa gloire déchue, faisant semblant de m'aveugler à ces lumières depuis longtemps éteintes. Et elle me souriait, tellement heureuse d'avoir un si bon public. Cela lui faisait du bien. Du reste, ma démarche restait thérapeutique autant qu'humaine, je n'aurais pas pu faire mieux. De plus, même dans ces instants d'où elle faisait surgir les fantômes de sa vie déchue, je restais sincère parce qu'elle avait un talent certain de conteuse.

Et me rends compte qu'à l'évocation de ces séances, je suis doucement passé du présent au passé. Je n'ai aucune nouvelle d'elle. A toute fin utile, j'ai toujours notre rendez-vous de demain soir et ne l'ai donné à personne d'autre. Elle ne sera pas en mesure de me recevoir, c'est une évidence. Peut-être est elle déjà décédée ou du moins le sera-t-elle certainement avant demain soir. C'est une question d'heure. Et pour ma part, c'était une question de dernière marque de respect de lui garder cet ultime rendez-vous.

Elle était ignoble et odieuse comme on peut rarement l'être mais elle restait attachante car c'était un personnage. Et puis, elle faisait partie de ma clientèle et je la respectais malgré tout. Enfin, alors qu'elle s'apprête à passer de vie à trépas, c'est tout une époque qui disparait avec elle.

Si de jeunes confrères me lisent, qu'ils se demandent s'ils ont déjà eu à recevoir une patiente de Lacan ? Sans doute que non, et il n'en recevront plus jamais. La dernière va disparaitre et avec elle tout un monde étonnant, baroque, complexe, fait d'un mélange contre nature d'idées gauchistes aberrantes et d'afféteries aristocratiques. C'était une autre époque.

Au revoir Madame D.




L'héritage Ozerov (minute 9:11)

13 septembre, 2015

La violence n'est pas la solution ...


On a coutume d'élever les gamins en leur disant que c'est le plus injtelligent qui cède et que de surcroit la violence n'est pas la solution. Voilà une intention louable qui vise à pacifier les relations entre frères et soeurs ou l'ambiance des cours de récréation. 

Mais qu'en est-il exactement de ces lénifiants conseils s'agissant de la vie en général ? La violence est elle un moyen efficace en dernier ressort pour faire cesser une situation conflictuelle ? Si j'en crois le nombre d'inscrits dans les sports de combat ou même le nombre de flics et de militaires que notre bonne république entretient à grand frais, j'ose croire que la violence, même si elle n'est pas privilégiée, reste un des moyens de solutionner les problèmes. 

Mettez un petit gars aguerri, issu d'un bon cours de boxe face à un agresseur peu entrainé ou l'un de nos modernes robocops face à un étudiant chevelu et vous verrez que la violence peut faire cesser ... la violence.

Encore s'agit-il de savoir discener contre qui on l'emploie. Usuellement on faisait la distinction entre hostis et inimicus. Initialement on distingue l'inimicus qui est un ennemi privé de l'hostis qui serait l’ennemi de la cité, celui peut menace carrément votre existence et celle de votre groupe d'appartenance. Peut-être que la célèbre phrase du Christ expliquant qu'il faut tendre la joue gauche quand on vous frappe sur la droite ne s'appliquerait d'ailleurs qu'à l'inimicus et non à l'hostis.

J'ai beau me qualifier d'anarchste de droite et avoir mes moments de misantrhopie durant lesquels je me verrai bien retranché derrière de hauts murs à des kilomètres du premier voisin, force est de constater que j'ai plutôt confiance en les individus. Je pense que 80% des gens ne posent pas de problèmes réels. Et quand ils en posent, ce ne sont que des problèmes passagers que l'on peut régler justement sans violence mais en discutant. Ce sont peut-être les inimicus, ceux avec qui on aura un désaccord passager.

Dans les vingt pour cent restant, cela se complique, surtout pour, schématiquement, vingt pour cent de ces vingt pour cent, soit pour les bons en maths, quatre pour cent de la population globale. On touche alors ce que l'on nomme les personnalités pathologiques. Et dans ce cas, même si en tant que psy, je suis bien sur convaincu qu'il faille privilégier la solution diplomatique, elle reste rarement possible. D'ailleurs les personnalités pathologiques consultent peu mais nous avons essntiellement leurs victimes.

Si l'on prend par exemple les paranoïaques, les personnalités antisociales et les narcissiques, on constate que ces trois types de personnalités pathologiques sont extraordinairement nuisibles. Quant à daigloeur avec eux, autant se lever tôt le matin si l'on veut y parvenir. Le paranoïaque perdu dans ce que l'on nommait sa folie raisonnante n'écoutera jamais vos arguments. La personnalité antisociale, qu'elle soit psychopathique ou sociopathique, ne verra en vous qu'une proie susceptible de l'intéresser et ne possède de toute manière aucune empathie, ce qui ferme tout dialogue. Pour le narcissique, c'est un peu pareil puisque, tout empli de lui-même, sa vision du monde est calée autour d'un clivage fort-faible qui ne permet aucun échange véritable.

A la lumière de ces quelques lignes, il m’apparait donc criminel d'éduquer des individus ou tout un peuple à l'aune du principe sacré de non violence. Si celle-ci est à poursuivre en première instance, il faut se souvenir que ce bon vieux Bismarck disait aussi que la force fonde le droit et donc que le poing dans la figure peut succéder à la parole d'apaisement si manifestement celle-ci n'a pas été entendue. C'est ce que l'on nomme la riposte graduée.

Et dans un cadre plus large, il est aussi bon de se souvenir de qui l'on a en face. Car s'il est simple de finir par bien s'entendre avec un individu sain d'esprit, cela devient impossible face à d'autres. Donner comme simple viatique de vie à un jeune de s'abstenir de toute violence c'est aussi le priver de toute riposte quand son équilibre psychique, voire sa vie, sont menacés. Lorsque la querelle usuelle dans laquelle on a à faire à un inimicus fait place à la violence d'un hostis qui menace psychiquement ou physiquement quelqu'un, il est bon de savoir user de violence. 

D'ailleurs on notera qu'on propose à des femmes abusées par exemple des cours d'autodéfense dans lesquels on n'apprend pas à dire des mots doux mais à mettre des coups visant principalement les parties les plus exposées d'un agresseur potentiel (yeux, gorge et testicules). C'est donc que la violence doit avoir, pourvu qu'elle soit cadrée, quelques bienfaits. La pratique du noble art (la boxe) a autant fait pour la réputation des grandes universités anglaises que les versions latines et les thèmes grecs. Et je gage que, quoiqu'on en dise, la Grande Bretagne a du craindre autre chose qu'un pacifiste en slip pour quitter les Indes. Ghandi n'était pas seul aux manettes. 

Pourquoi cet articvle me direz vous ? Simplement parce que régulièrement j'accueille des patients qui ont cru à la panacée de la non-violence, c'est à dire à un principe appliqué à toutes les situations. Puis, victimes de comportements plus ou moins graves, harcèlement, agressions physiques, etc., les voici dans mon cabinet pour tenter de se reconstruire.

Je pense donc, bien qu'il y ait souvent du nounours en moi, dans le genre mec gentil et accommodant, qu'il faut de temps en temps montrer ses griffes et ses crocs. La violence n'est pas la solution mais elle l'est parfois.

12 septembre, 2015

Lubie ! 2


Dans ma tête disais-je c'est le cycle des saisons. C'est assez marrant parce que mes lubies sont construites comme le serait l'arche narrative d'une série. Oui, j'emploie à dessein le terme "arche narrative", parce que je suis précis et que j'ai des scénaristes professionnels dans ma clientèle.Ne pensez pas que je veuille me la péter. Je suis juste précis et j'aime les termes précis.

C'est ainsi que j'ai des lubies cycliques et des lubies plus longues. Comme dans une série durant laquelle chaque épisode possède sa propre dramaturgie tandis que des éléments permettent de relier tous les épisodes entre eux.

Mes lecteurs le savent, j'ai l'ambition d'ériger dans mon jardin une chapelle dédiée à Notre Dame des Ours. Parce que j'aime bien les ours et qu'à ma connaissance, s'il existe des Notre Dame de tout et n'importe quoi, je ne crois pas qu'il en existe une spécifiquement dédiée aux ours. Pour certains, c'est une perte de temps voire un projet un peu délirant, pour moi cela reste du domaine du classique. Toute demeure digne de ce nom se doit d'avoir sa propre chapelle. Je sais exactement o elle sera et je la désire art-déco parce que tout bonnement j'aime bien l'art-déco. 

J'avais aussi parallèlement le projet de faire une chapelle Saint-Gringeot. Celle-ci je ne l'aurais pas érigée chez moi pour que mon jardin ne ressemble pas à un cimetière ou au jardin d'un fou. J'avais envisagé l'acquisition d'un bout de terrain dans le centre de la France, un petit truc situé n'importe où en bord de route pour y ériger mon petit édicule dédié à Saint-Gringeot.

Et comme après l'Everest, je me suis intéressé aux oratoires, je me suis dit qu'un oratoire serait déjà un bon premier pas pour lancer le culte de Saint Gringeot. Un oratoire ça peut être petit et modeste et facile à réaliser. Et comme dans mon jardin, j'ai des allées, je n'ai qu'à le coller au détour de l'une d'elles, dans un coin un peu reculé, et hop, ni vu ni connu, une fois que mousses et lichens se seront accrochés, il paraitra avoir toujours été là. Tant et si bien que si quelqu'un me demande ce que c'est, je n'aurais qu'à lui dire que je ne sais pas bien mais qu'il a toujours été là, que c'est un oratoire dédié à un saint méconnu. 

Mais les passionnés d'oratoires qui me lisent, et il doit y en avoir, soulèveront le fait que dans un oratoire, il y a forcément une statue du saint ! Ils auront raison. Si j'étais filou, j'aurais pu m'adresser à une boutique de ce genre pour y commander la statue d'un saint méconnu que j'aurais placé dans l'oratoire. Saint Gringeot étant fictif, on aurait été bien en peine de savoir si c'était lui ou pas. Cependant, aucune de ces statues de saints ne ressemble au Gringeot ! Ce ne sont que moines étiques à la tonsure évidente que l'on me propose. Or, le Gringeot n'a rien d'un moine étique, d'un ratichon perdu dans sa robe de bure. Je n'allais pas non plus commander une figurine de Hulk, la repeindre en rose et dire que c'était Saint Gringeot, bien que le format du Gringeot soit plus proche Lou Ferrigno que d'un moinillon.

Il me restait donc à trouver une solution, laquelle s’imposa à moi. J'avais le modèle du Gringeot et des mains maladroites. Ne me manquaient que quelques accessoires, comme un livre expliquant le modelage, des outils de sculpture et de l'argile. J'allais réaliser moi-même le buste du Gringeot. De toute manière, me disais je en mon for intérieur, ce n'est pas bien compliqué, puisqu'il est chauve, au moins cça m'évitera de faire les cheveux parce que j'ai vu sur des tutoriels sur youtube que les cheveux n'étaient pas faciles à faire.

Ce qu’il y a de bien avec le Gringeot, c'est que même un sculpteur amateur peut parvenir à faire quelque chose de ressemblant. Vous faites une grosse boule pour la tête, un gros cylindre pour le cou et vous joignez à l'arrière cette boule et de ce cylindre par deux boudins parallèles qui formeront les fameux bourrelets de cou sans lesquels le Gringeot ne serait pas le Gringeot. A la limite, les accessoires comme les yeux, les oreilles et le nez, ça peut être esquissé et un peu maladroit. Pas besoin d'être super fort en anatomie pour faire un Gringeot. De plus, Rodin était capricorne et moi aussi, il n'y a donc pas de raison que je ne sois pas aussi bon que lui.

C'était ma nouvelle lubie ! Aussitôt pensé aussitôt fait, me voici sur Amazon pour acheter quelques livres, des outils, spatules et mirettes et bien sur de la terre ! J'aurais bien aimé avoir plus de photos du Gringeot mais je n'allais pas lui donner rendez vous pour le mitrailler avec mon APN. J'en ai quelques unes et puis comme je l'expliquais plus haut, l'idée générale est assez simple. A la limite je collerai une balle de tennis sur un bouchon en plastique de bombe aérosol et j'aurais déjà l'idée générale pour la tête et le cou. 

Je sais qu'il est à la mode de vouer Amazon aux gémonies mais il faut avouer qu'ils sont sacrément forts pour les livraisons. J'ai tout reçu dans les quarante huit heures. C'est mon épouse qui a ouvert les paquets. Bon, les  livres, elle n'a rien dit, elle est habituée à ce que j'en achète plien sur tous les sujets. Aprsè l'Everest elle se doutait que j'allais passer à autre chose.

Ce sont les outils de sculpture qui l'ont plus étonnée. Elle ne pensait pas que j'irais jusque là parce qu'en général, je me contente d'emmagasiner des connaissances sans réaliser la moindre chose. Or l'outil désigne forcément la poiésis, elle donne à penser à des mains malaxant la terre, utilisant des outils pour parfaire une œuvre qui à terme sera différenciée de son créateur. Or si j'aurais sans doute pu être un bon architecte, quoi que très classique, j'aurais été un très mauvais entrepreneur. 

Tant et si bien que mon épouse avisant la jolie petite trousse pleine de charmants outils délicats de sculpture, sans me laisser même le temps de lui expliquer mon projet de buste, m'a immédiatement dit : oh c'est sympa je pourrais m'en servir pour faire de la pâtisserie. Ces paroles apparemment anodines furent pour moi assassines car elles sonnaient le glas de mon grand œuvre. Mon épouse loin de m'épauler dans ma volonté de devenir un nouveau Rodin me condamnait sans appel à n'avoir que des idées, jamais rien d'autres que des idées.

Ceci dit, j'ai lu les livres, je n'ai pas touché aux outils pas plus qu'à la terre et je m'en suis allé vers d'autres horizons.Récemment ce qui me plait ce sont les vieux breaks Volvo. Les trucs immenses carrossés à coups de serpe. En peu de temps, je suis devenu assez bon et les modèles, 240, 740, 940, 850 et V70 n'ont plus aucun secret pour moi. 

C'est décidé après avoir fait le buste du Gringeot, je m'achète une Volvo break !


Lubie ! 1


Mes fidèles lecteurs le savent : je suis sujet aux lubies. J'ai même créé tout spécialement le néologisme "lubique" pour me décrire. Ainsi à ceux qui voudraient mieux me connaitre et brûlent de connaitre mes particularités, je n'ai de cesse de répondre qu'à mon sens, je ne me connais aucune tare ni défaut flagrant, si ce n'est que je suis lubique. Je saute du coq à l'âne, m'intéressant selonn les jours, les semaines ou les mois à un sujet puis à un autre.

Soyez sur que ce que j'écris ici, je ne le répéterai devant aucun psychiatre hospitalier. Je l’imagine déjà vêtu de sa blouse blanche de l'APHP avec l'étiquette bleue sur la poche de poitrine clamant Docteur Truc, me fixant du regard de celui qui sait mais n'en veut rien montrer et se disant "oh le beau cas, le vrai maniaque celui-là". Je repartirais de là avec une tape dans le dos accompagné d'un encourageant "ne vous inquiétez pas, on va vous sortir de là" et une ordonnance de Xeroquel. Car je l'ai noté dernièrement, ils aiment à prescrire du Xeroquel.

Or si je précise lubique c'est bien pour que cela ne soit pas confondu avec maniaque. Il s'agirait d'une honteuse méprise et d'un diagnostic erroné et je ne prendrais pas mon Xeroquel parce que cela ne traite évidemment pas les lubies. Et parce que j'aime bien mes lubies, pourvu que chaque fois que j'en ai une, je ne la satisfasse pas immédiatement. Mais j'ai appris à laisser passer quelques nuits pour que les choses se tassent.

Ma dernière grosse lubie fut l'Everest. Oui, vous avez bien lu, moi qui tremble déjà de peur, saisi de vertige en haut d'un escabeau, je me suis passionné pour l'Everest. Je n'y ai jamais fichu les pieds et n'irait sans doute jamais mais si vous avez une idée de trek dans l'Himalaya, ou bien sur vous voulez marcher dans les traces d'Hilary, vous pouvez m'en parler, je suis devenu un spécialiste. De Paris à Katmandou puis de Katmandou au camp de base, je saurai vous renseigner et vous éviter les arnaques. Et si vous avez besoin d'oxygène pour arpenter la dead zone au dessus de huit mille mètres, ne prenez que des bouteilles d'air comprimé Poisk !Les autres sont moins chères mais remplies en Inde et risquent de foirer quand vous redescendrez du sommet. Et là c'est la mort assurée.

Je crois que je pourrais déjouer tous les pièges de la khumbu icefall les yeux fermés, grimper les ressaut Hilary en moins de deux. Quant aux dizaines de cadavres qui jalonnent la Rainbow valley, je les connais tous par leur petit nom ! Je peux évidemment vous conseiller la meilleure poignée Jumar mais en tant que spécialiste, je vous dirais aussi que se taper l'Everest en style alpin est la seule manière qui vaille, l'expédition étant réservée au cadre ventripotent américain. Et fort de mes connaissances, je finirais par vous asséner que de toute manière l'Everest n'est qu'une médiocre montagne à vaches ne présentant aucune vraie difficulté et que si vous voulez vraiment relever un défi, c'est l'Annapurna qu'il faut tenter.

Comme il n'y avait pas grand monde à qui en parler, j'ai tenté d'entrainer Jean Sablon dans mon délire. Ce type, malgré d'indéniables qualités a le métabolisme d'une anémone de mer alors ce n'est pas forcément le meilleur compagnon de cordée à envisager. Ceci dit, il n'a pas dit non à l'Everest sauf qu'il voyait le truc différemment. Il nous imaginait aller au Vieux campeur à Paris, prendre des fringues de marques, genre Millet, faire des selfies trafiqués et ramener ensuite le tout dans les délais impartis pour nous faire rembourser. Comme il vit à deux-cent mètres d'un de ces magasins, il envisageait l'effort possible.

Bref, j'étais seul dans les cimes, perdu dans mes lectures. C'est aussi une des raisons qui m'ont tenues loin du blog parce que j'ai passé beaucoup de temps à dévorer des livres sur l'Everest. C'était la canicule, il y avait des pics de température de plus de quarante degrés à Paris et moi avec mes lectures, dans mes pensées, je me gelais les burnes par moins quarante au camp IV ! C'est chouette la lecture, on peut s'évader ! Ceci dit, les mauvaises langues diront que j'ai perdu mon temps avec mes lectures. Pas tout à fait.

Parce que si à Chamonix, le SNGM a besoin d'un mec à l'accueil, je peux être très crédible. Surtout qu'après trois semaines en cabriolet je suis bronzé. Un pull, un anorak et une paire de lunettes glacier et le tour était joué. 

Mais bon, ma lubie himalayenne a pris fin vers la mi-aut quand je suis arrivé au terme du dernier livre que j'avais acheté. Et totu comme les feuilles du printemps tombent en hiver, ma lubie himalayenne. Et tout comme les feuilles repoussent toujours au printemps suivant, j'ai fait ce que je fais toujours, j'ai rangé mes livres et je suis passé à autre chose. 

Enfin à une autre lubie ! Dans ma tête c'est le cycle des saisons, un éternel printemps !

Philippe psy, Everest 2015 (on me reconnait mal je sais)

11 septembre, 2015

De retour 2


Me revoici ! Je n'avais pas disparu même si cela fait longtemps maintenant que je n 'avais pas écrit ici. J'étais tout de même passé modérer les commentaires. Même qu'un quidam que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam a éructé contre un vieil article traitant du syndrome de Diogène en disant que je racontais n'importe quoi en m'accusant de mille maux. C'est tout de même rigolo que certains débarquent sur le net, qui plu est sur un blog comme le mien en pensant y trouver l'avis de la faculté ! Mais bon, j'ai publié quand même !

Sinon, pourquoi n'ai je pas publié depuis un mois et demie voire deux ? Je pourrais vous balancer plein d'excuses bidons mais ce n'est pas le genre de la maison. Je pourrais dire que j'étais très malade ou encore que je n'avais plus d'idées ! Ce serait bien sur faux puisque je me porte comme un charme ! Quant aux idées, s'il y a bien un truc dont je ne suis pas en manque, ce sont les idées. Lubique par nature, mon cerveau a tendance à trop penser que pas assez. Attention, je ne dis pas que je pense bien mais simplement que dans le fatras qui encombre mon cerveau; il n'est pas difficile de saisir une idée et d'en faire un article.

Bref si je n'ai rien écrit depuis tout ce temps, c'est simplement parce qu'il a fait un temps magnifique cet été et que je n'ai pas eu envie de m'enfermer devant mon Mac. Oh j'aurais pu, ce n'est pas pour le temps que me prends un article mais je n'ai pas eu l'idée. Te un jeune éphèbe bronzé vivant sur une plage de quelque pays merveilleux du bout du monde, j'ai passé mon temps dehors. Soit dans mon jardin, soit aux terrasses des cafés. J'ai glandé sereinement. Régulièrement, j'ai eu des éclairs de ucidité qui me disait "c'est pas bien Philou de ne pas aller écrire, c'est vraiment pas bien" mais je restais sourd aux conseils de mon ange gardien, préférant offrir ma peau aux rayons du soleil que de m'enfermer dans mon bureau.

Et puis il y a eu les vacances qui ont fait une autre coupure. Vacances qui nous virent, tels de modernes Gregory Peck et Audrey Hepburn dans Vacances Romaines, arpenter les départementales dans mon cabriolet. Bon, c'est vrai que dans Vacances romaines, eux sont en Vespa mais on s'en fout. Je n'avais aucun film de référence dans lequel les protagonistes sont en cabriolet sauf Le fanfaron ce qui ne cadrait pas, vu que dans ce film les protagonistes sont deux hommes, Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant tandis que dans mon cabriolet il y avait ma femme et moi. Il y avait aussi Thelma et Louise mais là, c'est pareil, ça tombait mal vu que ce sont deux femmes. Mais je m'égare. Bref, je n'ai rien foutu ici pour toutes ces raisons. Il a fait beau ! J'ai donc glandé dans mon jardin puis sur les départementales françaises. 

Si j'ai manqué à certain(e)s, vous m'en voyez désolé mais je suis sur de ce que j'avance : même Victor Hugo prenait des vacances ! Dans tous les cas, soyez certains que j'ai été très touché par les commentaires qui me demandait de mes nouvelles et plus encore par les mails qui s'inquiétait de ma santé.

pa6712@yahoo.fr

De retour ! 1