30 octobre, 2015

Modestie et mise en garde !

Attention, vous pénétrez à vos risques et périls sur un blog tenu par un :

THQI

Si vous ne saisissez pas tout ce que vous lirez, si les raisonnements vous semblent abscons et le vocabulaire trop compliqué, si vous estimez que les pensées jaillissent en tous sens telles des flèches, ne paniquez surtout pas ! Ne courez pas chez votre médecin, c'est que vous êtes absolument normal !

Flatterie qui fait du bien à l'égo !

 Léonard de Vinci, un mec comme moi en fait !
Dernièrement dans un échange que j'ai eu avec une ex-patiente, celle-ci m'a dit que je pourrais être "Asperger et thqi". Asperger, je sais ce que c'est et s'il y a bien une certitude que j'ai, c'est de n'être pas un Asperger. Je n'ai jamais fait de jeux de rôle et je ne suis pas ingénieur, ce sont des signes non ?

Le syndrome d'Asperger fait effectivement partie du "spectre autistique" et se signale par par des difficultés significatives dans les interactions sociales, associées à des intérêts restreints et/ou des comportements répétitifs. 

Moi, c'est vrai qu'avant de parler dans un groupe j'aime bien tout mettre en équations pour savoir comment tout ce petit monde interagit. Et puis, c'est aussi vrai que j'aime bien faire toujours les mêmes trucs avec les mêmes gens. Mais bon, c'est parce que je suis capricorne et non Asperger. Je n'ai rien à voir avec Monk, le personnage de la série éponyme ! Un peu plus et on va me refiler du Risperdal ou du Xeroquel ! 

Le "thqi", je ne connaissais pas alors elle m'a expliqué que cela voulait dire Très Haut Quotient Intellectuel avec plus de 145 de QI ! Bon là, c'était plus flatteur et j'ai posé des questions pour savoir pourquoi je serais THQI. Elle m'a donc expliqué que quand "je m'y mettais, c'était surprenant comme sensation, toutes ces flèches qui partent dans tous les sens". Là, c'est sur que j'étais sur un petit nuage parce que c'était plus sympa que d'être comparé à Sainte Véronique. Le mec qui "envoie des flèches dans tous les sens", ça donne un côté martial et couillu dans le genre cuirassé qui fait feu de toutes ses pièces. Ça j'aime bien.

Ceci dit, je ne me suis jamais posé la question de QI. Je ne me sais pas trop bête et surtout suffisant astucieux pour avoir pu mener mon petit bonhomme de chemin sans me tuer à la tâche. J'utilise mon talent au mieux en me contraignant au minimum. Parce que c'est la vie, et qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut, il faut bien parfois accepter les contraintes !

Mais bon si cette chère patiente a raison et que je suis THQI. Cela signifie que moi aussi je peux écrire des trucs sur le forum des Zèbres comme Le Touffier parce que je suis l'un deux. Et hop juste après, je me crée un profil et moi aussi j'irai dire que je suis malheureux parce que je suis trop intelligent. Cela veut aussi dire que Chaton en lisant ce post va mourir de jalousie avec son petit 132 de QI ! Ah il me prenait de haut le petit gars de Centrale, il va voir ce qu'il va voir quand je lui assénerai que nous les THQI on a parfois du mal avec les gens simples parce qu'on plane sur les cimes tels des aigles royaux et que même qu'on serait "un peu comme un albatros et qu'avec nos ailes de géants on aurait du mal à marcher" ! Baudelaire avait raison !

Enfin, je vais doubler mes honoraires parce que tout ce qui est rare étant cher, il n'y a pas de raison de brader mon THQI !Quoique, comme je suis roué et madré comme un maquignon sarthois, je n'augmenterai pas mes honoraires et bientôt telle une trainée de poudre, se répandra la rumeur selon laquelle il y aurait sur Paris un psy THQI vraiment pas cher du tout.

Ce sera l'émeute, il y aura un service d'ordre au pied de l'immeuble, des barrières de sécurité, les filles s'évanouiront et on me demandera des autographes. Je passerai à la télévision, peut-être même chez Hanouna pour rigoler et chez Ruquier pour mettre une grosse claque à Yann Moix !

On va voir ce qu'on va voir, je me révèle enfin à moi-même ! D'ailleurs en rédigeant cet article, je me dis que je ne suis peut-être pas THQI mais TTHQI soit Très Très haut Quotient Intellectuel !

Tremblez puissants, je rentre dans l'arène ! Le monde m'appartient ! Je suis un marcassin céleste !

Image O combien phallique du cuirassé capable de faire feu de toutes ses pièces comme moi "j'envoie des flèches dans tous les sens".

Où je suis encore le gay de service !


Jésus allant vraiment très très bien, la dernière fois que l'on s'est vus, il m'a remercié chaleureusement en insistant sur le rôle que j'avais pu jouer dans sa vie. Perfidement, l'air de rien, je lui ai alors dit que le jour où il serait canonisé, il serait bon qu'il laisse des instructions pour que je figure de manière allégorique sur les vitraux le représentant. Je me serais bien vu personnifié sous les traits d'un marcassin ou d'un ours.

Et emporté dans son lyrisme, le voici qui m'explique qu'en cas de canonisation, on m'attribuera un plus grand rôle que celui de  sur un vitrail parce que j'aurais été dans sa vie sa "Sainte Véronique essuyant les larmes du Christ". Bon, d'une part, Sainte Véronique n’essuya pas vraiment les larmes du Christ mais le voyant peiner sous son fardeau, lui offrit son voile pour s'essuyer le front. Jésus accepta et en lui rendant, le voile avait miraculeusement conservé l'image de son visage. Moi j'ai déjà offert des cafés à Jésus mais je ne lui ai jamais offert un voile pour s'éponger.

Enfin comme je lui ai dit, je dois déjà endurer un mars en balance dans mon ciel de naissance ce qui n'est pas super viril si l'on considère que cela revient à imaginer Mars, le Dieu en train de regarder un épisode de Gossip Girl en buvant du thé au jasmin. Alors quitte à bénéficier d'une comparaison un peu sympa, j'aurais préféré être quelqu'un d'autre qu'une sainte, un "truc" un peu plus viril ! Ce à quoi réfléchissant, il m'a dit qu'effectivement je pourrais être Saint Joseph, celui qui a éduqué le fils d'un autre. Ouais, c'est déjà mieux mais bon ...

Ceci dit, j'ai averti Jésus que si comme Sainte Véronique j'avais une fonction consolatrice que je pouvais mettre en œuvre, que j’étais un bon gars, j'avais aussi une personnalité me permettant de mettre des pieds au cul si on m'emmerde. Ceci dit Jésus connait déjà la partie "pédoculthérapie" de ma pratique.

Sainte Véronique ! Pfff, moi qui m'imaginais en guerrier viking ou un truc de ce genre !

26 octobre, 2015

Remonter le temps !


La nostalgie est un sentiment de regret des temps passés ou de lieux disparus ou lointains, auxquels on associe a posteriori des sensations agréables. On y voit parfois un symptôme de dépression voire de mélancolie. Il m'arrive parfois de céder à cette nostalgie, de me laisser aller à me dire combien c'était mieux avant. Je fais alors ma Dame aux camélias et je m'autorise à capituler pour me morfondre goulument dans les délices de bonheurs enfuis depuis longtemps. Je lâche prise et capitule face au réel pour me réfugier dans des souvenirs.

Le piège de la nostalgie est justement de magnifier quelque chose qui n'avait vraiment rien de mirifique quand on le vivait, d'enchanter le morne quotidien disparu. La nostalgie nimbe les souvenirs d'un pâle voile qui dilue les formes, qui permet de à transformer une expérience banale à l'époque en moment magique de volupté trop tôt disparu. La nostalgie prend le contrôle de la conscience et distord nos souvenirs, les enjolivant en nous offrant un havre de paix artificiel. Elle extrait des éléments de notre mémoire à long terme et les rénove de telle manière qu'ils acquièrent un éclat qu'ils n'ont jamais eus.

J'adore la nostalgie. Je m'en repais. Dans ces cas-là, je m'offre une petite virée trente ans avant. Je remonte le temps. Je prends ma vieille Honda de 1980 et je vais m'asseoir dans un des derniers bar-tabacs qui subsistent dans les environs, un endroit où j'eus quelques habitudes voici bien longtemps. J'achète un paquet de Benson & Hedge, les cigarettes que je fumais à l'époque. Et comme il fait encore doux, je m'assieds en terrasse et j'oriente ma chaise de manière à avoir sous les yeux une perspective qui n'a pas varié depuis trente ans : un croisement de rues avec un paysage d'immeubles assez bas et de modeste pavillons de banlieue.

J'observe, je repense aux temps enfuis, je me délecte de pensées moroses à souhait, je me goinfre de sentiments maussades, je surfe à la limite de la dépression, me grise de me sentir devenir si triste sans raison, me vautre un moment dans la mélancolie dont je m'extirpe enfin d'un saut dans le réel. Je range alors mon livre que je n'ai pas ouvert, écrase ma cigarette et reviens dans le réel pour rentrer chez moi.

C'est vraiment bon d'être saturnien !


Paul Verlaine, Ode aux saturniens, 1866

12 octobre, 2015

Management !


Lui, c'est un ingénieur des Mines hyper brillant et rigolo même si au premier abord il n'a pas l'air si drôle que cela vu qu'il a l'air de ce qu'il est : un ingénieur. Mais moi j'aime bien que les gens ne soient pas toujours ce qu'ils ont l'air d'être. Par exemple moi-même, je pourrais passer pour un gros con de base, ce que je ne suis pas du tout. 

Alors mon ingénieur vient d'être nommé chef de projet. Autant vous dire que la belle vie est finie vu qu'il doit encadrer d'autres ingénieurs. Et c'est là que le bât blesse. Il leur donne des trucs à faire et ensuite, ils n'en font qu'à leur tête, c'est à dire le plus souvent rien. S'il ne les relance pas, rien n'arrive et à la fin il doit tout faire tout seul et même subir les engueulades de ses chefs à lui. 

Bref mon pauvre ingénieur était fort marri de cette situation et in repensait avec nostalgie à la bonne époque où il n'était pas gradé et n'était responsable que de son boulot à lui. J'aurais pu lui dire que c'était bien fait pour lui et que cela lui apprendrait à vouloir être chef et que l'orgueil était le chemin de la perdition.

Mais délaissant la voie du prêche pour faire mon métier, lui et moi, nous sommes amusés à faire l'inventaire des trois gusses qu'il encadre. Il s'en est suivi que si l'un d'eux est une vraie plaie, les deux autres sont rattrapables. En ce qui concerne le mauvais, une seule voie à suivre, celle mise en scène dans Le parrain 2 quand Pacino admet qu'il faut assassiner son frère qui l'ouvre trop de manière discrète et que les tueurs l’exécutent au cours d'une balade en barque.

Une semaine après, le clampin était débarqué de la mission et on pouvait considérer qu'il avait débarassé le plancher. Restaient les deux autres ! Qu'en faire ? Assez jeunes, l'un et l'autre, et tous deux diplômés d'écoles d'ingénieurs, on ne pouvait leur reprocher leurs compétences mais simplement leur difficulté à être indépendants en faisant preuve d'initiative ! Quoique mon patient leur dise de faire, il fallait les surveiller comme le lait sur le feu.

Et donc ? Et donc rien ! C'est un phénomène que connaissent bien tous ceux qui ont un peu étudié le management. A la fin des années soixante, deux chercheurs, Blake et Mouton, valident une grille permettant de mettre en exergue quatre styles de management mêlant plus ou moins un accent sur les résultat et/ou sur l'humain. 

Ce qui pose un problème puisque ces quatre types de management ne sont pas plus mauvais les uns que les autres. Des débats se créent pourtant au cours desquels on avance que tel ou tel style serait meilleur qu'un autre. c'est alors que deux autres chercheurs Hersey et Blanchard, mettent tout le monde d'accord en énonçant que ce débat est stérile.

Il n'y a pas un meilleur style de management qu'un autre, tous sont bons. Oui, tous sont efficaces mais pourvu qu'ils soient adaptés aux personnes que l'on doit manager. Ils classent donc les individus en fonction de leurs compétences et de leur motivation. Il s'ensuit dont que l'on aura quatre types de personnes à encadrer en fonction de leur maturité professionnelle :

Maturité faible D1: les collaborateurs n'ont pas les connaissances nécessaires et sont peu motivés.
 
Maturité moyenne-faible D2 : malgré un manque de connaissance, les collaborateurs sont motivés.
 
Maturité moyenne-élevée D3 : malgré les connaissances, les collaborateurs sont peu motivés.
 
Maturité élevée D4 : les collaborateurs sont à la fois motivés et compétents.


On comprendra que moins les salariés sont "matures", plus il fait être présent et faire preuve d'empathie en mettant au premier plan les facteurs psychologiques dans la manière de les encadrer. On les encadre certes mais on leur sert aussi de papa, de garde-chiourme et même de maman pour leur dire quand c'est bien. Bref, avec eux, il faut être présent. A l'inverse si l'on encadre du D4, nul besoin d'être très présent, il suffit d'expliquer aux gens ce que l'on attend d'eux puis de leur foutre la paix. D'ailleurs je lui ai dit que s'il voulait du D4, pourvu qu'il paye bien, je pouvais lui trouver deux ingénieurs très bien, dans le genre autonome, mais qu'aucun d'eux ne savait faire un nœud de cravate parce que ce sont de purs geeks.

Voilà c'était tout simple. Et voici que mon patient ayant évidemment parfaitement pigé le truc, de me dire : finalement moi je les encadrais comme j'aime que l'on m'encadre. Certes, certes, jeune ingénieur brillant ! Mais justement tout le monde, même s'il s'agit d'ingénieurs dument diplômé, ne possède pas ipso facto, la maturité professionnelle nécessaire à un style de management 1.1 !

Finalement, j'aurais du faire coach, c'est super bien payé coach. J'ai un patient qui voit un coach régulièrement et il l'admire. Moi, je trouve que son coach ne fait rien et que c'est moi qui règle les problèmes. Mais bon, comme je ne suis pas coach, que je n'ai pas eu d'expérience à l'international au sein d'une multinationale, on minore mes victoire. J'en ressens un fort dépit et parfois ça me donne envie de chanter Le mal aimé de Claude François.

Je suis parfois bien malheureux de ne pas être coach ! J'aurais eu des super costards, des Lobb, et un bureau dans le huitième arrondissement avec tout plein de boiseries sombres, des œuvres d'art contemporain, un grand tapis de soie et des lumières tamisées et j'aurais pratiqué des honoraires dispendieux ! J'aurais roulé en Jaguar f-Type et j'aurais eu ma cantine au Fouquet's.

Jalousie et profilage !

Même Sandrine Bonnaire peut être médecin !

Voici quelques années, un de mes chers patients m'avait parlé d'une blogueuse médecin qui le ravissait par sa verve, son humour et son humanité. Il en était vaguement amoureux et avait fini par se faire exclure de son compte Tweeter sur lequel elle sévissait aussi.

Ayant parcouru son blog, je l'avais surtout trouvée passablement hystérique. Je ne trouvais pas forcément ni drôles, ni vraiment correctes les allusions salaces à ses attributs féminins, même si c'était dans l'optique de paraitre "cool" et "vachement moderne". N'ayant pas plus approfondi que cela, j'avais averti mon patient qu'elle était potentiellement dangereuse, dans le style allumeuse qui promet mais n'offrira jamais rien.

Je m'étais fait la réflexion que si cette fille avait pu faire médecine avec un tel caractère, j'aurais alors du être déjà chef de service. A priori, si les traits histrioniques m'ont semblé courant en faculté de psychologie, du moins à mon époque, il me semblait que du côté de médecine, on recrutait plutôt de la bonne élève, sage comme une image et bosseuse, du genre qui fait dodo à dix heures du soir. Je crois qu'au fond de moi j'avais ressenti un peu de jalousie vis à vis d'elle.

Puis, je n'avais plus jamais repensé à cette demoiselle jusqu'à hier soir, quand Le Touffier m'a envoyé un SMS dans lequel il m'expliquait qu'il n'avait pas été d'accord avec elle au sujet de je ne sais quoi, sans doute un sujet de gynécologie. Rapidement, je lui avais répondu que j'étais mal placé pour me situer dans un débat médical mais que j'avais juste gardé un souvenir timoré de cette personne dans la mesure où ses diatribes humanistes me semblaient insincères tandis que ses aventures médicales me paraissaient relever de la plus haute fantaisie. 

Puis comme c'était dimanche soir et que je n'avais rien d'autre à faire qu'à regarder des Monk et que je déteste ne faire qu'une chose à la fois, je m'étais penché sur le blog de la demoiselle. Ayant lu les trois derniers articles, datant déjà d'un certain temps, je l'avais encore une fois jugée totalement hystérique. Cela ne changeait pas. Le style était plaisant bien qu'il fasse appel à des "plans stylistiques" un peu convenus. Mais le plus drôle était de constater la différence entre ce qu'elle écrivait elle et les commentaires de ses lecteurs dont la plupart étaient aussi des jeunes femmes médecins.

Tandis qu'elle utilisait un style enlevé et humoristique, les commentatrices, tout en se pâmant de reconnaissance pour elle, estimant qu'elle parvenait à dire ce qu'elles pensaient de leur profession, ne parvenaient pas à faire le moindre humour. Ou du moins quand elles s'y essayaient, cela tombait à coté parce que si la bonne élève est douée pour les concours, ce n'est pas demain qu'elle ira challenger Florence Foresti. C'était troublant de la voir se détacher ainsi d'un groupe apparemment cohérent de jeunes médecins. Statistiquement c'était peu probable.

L'un des articles surtout avait retenu mon attention. Bien qu'il fut bien rédigé, je doutais que ce qu'il racontait soit réel. J'ai l'habitude de fréquenter des médecins dans le cadre de ma profession. Et même quand je peste après eux en leur reprochant leur côté bourrin et peu imaginatif, je dois avouer qu'ils sont intelligents et carrés. D'ailleurs quand je suis pris de fulgurance sur un cas, que j'ai, sans savoir comment ni pourquoi, une idée lumineuse, bien que je sache que j'aie raison, je me hâte toujours d'avoir l'avis d'un psychiatre ou d'un neurologue bien carré pour me sécuriser.

Parce que les études de médecines sont difficiles et que si elles ne sélectionnent pas forcément les plus brillants ni les plus imaginatifs, elles sélectionnent du moins les plus sérieux et les plus travailleurs. Je connais de bons et de mauvais médecins mais je dois avouer que tous sont campés sur leurs appuis et sont sérieux. On peut d'ailleurs, comme me le disait Le Touffier accepter qu'un médecin soit nul mais pas désinvolte. Même moi qui me définis parfois sous le vocable de fainéant, j'avoue avoir une vraie conscience professionnelle.

Et c'est justement de la désinvolture que je distinguais dans le message de cette blogueuse. Certes c'était rigolo à lire mais si l'on envisageait qu'il s'agissait d'un médecin parlant de sa pratique, cela devenait préoccupant. N'ayant toutefois pas les capacités à aller plus au fond des choses, j'ai demandé au Touffier de lire ce post. Et le bougre fut de mon avis ! J'eus le droit dix minutes après à un long, long mail dans lequel il me faisait un exposé médical m'expliquant en quoi cet article était scandaleux pour un médecin dans la mesure où le sujet abordé relevait tout au plus du programme de quatrième année et était su de n'importe quel praticien.

J'étais déjà plus éclairé et lui répondis que si lui et moi étions choqués de la sorte c'est qu'il n'y avait qu'une explication, cette blogueuse n'était pas ce qu'elle disait être. Soit, il s'agissait d'une femme suffisamment proche de la médecine pour faire illusion, se faisant passer pour un médecin ; une visiteuse médicale, une biologiste, une femme de médecin, une infirmière, une hystérique amoureuse des médecins comme d'autres craquent pour l'uniforme. A moins que ce ne soit pas du tout une femme mais un homme, pour le coup réellement médecin, ayant décidé d'écrire sous le masque d'un personnage fictif féminin auquel il aurait donné des traits séducteurs comme Rider Haggard quand il créa le personnage de She dans l'Angleterre victorienne. 

Lui et moi penchions pour la seconde solution.  Lui parce qu'il s'était amusé durant une heure à trouver la trace de cette blogueuse et moi parce que dans ma tête, je voyais dans les propos de cette "jeune médecin", une subtile projection d'anima. Que voulez-vous, je n'ai pas fait des années d'analyse jungienne sans qu'il ne m'en reste quelques traces.

Sur ce Le Touffier loua ma grande intelligence et ma grande sagacité mais je lui rappelais modestement que sans Watson, Holmes ne serait rien. Ce qui le choqua vu qu'il se serait plutôt vu dans le rôle de Holmes. Et c'est vrai que s'il est grand et mince et que la Macfarlane lui irait sans doute mieux qu'à moi, il apparait que Holmes était lubique comme je le suis tandis que lui était, en tant que médecin aussi carré et peu imaginatif que Watson.  Cependant, je le laissai bien volontiers se prendre pour Holmes une heure durant sachant que cela ferait du bien à son narcissisme. Après tout je peux cesser d'être moi-même l'espace de soixante minutes !

Bref, la prochaine fois qu'un patient me vantera les mérites de cette blogueuse d'un air énamouré. Plutôt que de ne rien dire et d'encaisser le fait qu'à côté d'elle je fais figure de gros lourdaud attardé, je pourrai lui asséner qu'elle n'existe pas et que s'il veut, j'ai suffisamment de talent pour lui mettre en scène la gonzesse de son choix ! 

Moi aussi j'ai une belle anima ! Non mais !

05 octobre, 2015

Mail !

Je suis un fainénant doublé d'un inadapté social terrible. Moi qui viens de vous parler de thérapie psycho-éducative, il aurait été bien que j'en suive une. Bon, cel an'aurait pas agi puisque je sais quelles sont mes failles et comment les combler. Mon confrère en aurait été frustré de ne pouvoir m'aider. A chacune de ses propositions, j'aurais répondu "je sais bien, vous avez raison, vous ne m'apprenez rien".

Par exemple, j'aurais voulu depuis deux ans au moins remettre à jour mes liens et rajouter quelques données comme mon mail. Je me dis que je le ferai ... un jour. C'est ainsi. M'auto-éduquant moi-même, j'ai appris à vivre avec mes failles et mes petits travers, c'est ainsi. Je sais que je le ferai un jour prochain, quand cela me prendra. J'ai toujours du mal à m'y mettre !

Bon toujours est-il que mon mail est :

pa6712@yahoo.fr

Psychologie et spirituel !


Voici bien des années, j'ai connu un type âgé de vingt ans de plus que moi. Tandis que je n'avais qu'une très relative estime pour mes professeurs, chez qui je voyais la plupart du temps des planqués de l'éducation nationale, Michel lui m'a vraiment fait progresser. Outre le fait qu'il était très brillant, il avait en plus une qualité extraordinaire, à savoir qu'il savait différencier le vrai du faux, l'important de l'accessoire, le travail de la facilité. Et tandis qu'il ne m'a jamais semblé bien difficile "d'enfumer" mes professeurs en leur procurant des pseudos-travaux pour lesquels j'avais plus usé de mes facilités à broder que de ma réflexion, cela n'a jamais été possible avec Michel.

Eussè-je voulu abuser de son intelligence en lui "vendant" des théories fumeuses qu'il me les aurait rejetées à la figure avec dédain. Avec lui, il fallait lire, penser, réfléchir et élaborer une vraie pensée dense et intéressante. Sinon, vous n'aviez que son mépris en retour. Je l'ai vu tant de fois massacrer des contradicteurs qui pensaient avoir le niveau pour croiser le fer avec lui que durant les premières années que je l'ai fréquenté, je me suis abstenu de m'en faire un ennemi. Il avait beaucoup à m'apprendre.

D'ailleurs la première fois que je l'ai vu, sur de moi comme tout crétin diplômé du supérieur, je ne m'en étais pas méfié, me contentant de lui asséner des platitudes, persuadé que celui que je prenais pour un "vieux marginal" saurait distinguer ma grande intelligence et ma profonde culture. Je n'avais eu pour réponse que "c'est complètement con ce que que tu dis", assorti d'un argumentaire qui m'avait mis complètement à nu. Je me retrouvais comme le crétin qui, dans un fil de cape et d'épée, va provoquer le fin bretteur et se retrouve en moins de deux, dos au mur, désarmé et la rapière de l'ennemi contre la gorge. J'avais donc décidé que si mes professeurs m'avaient juste rempli la tête, celui ci au moins serait capable de me faire progresser.

C'est donc durant quelques années que je fis de Michel mon mentor. Non que je me sois mué en adepte idiot mais que j'ai su distinguer au-delà de ce qui nous séparait, sa capacité à travailler et à construire un argumentaire solide. Si ce pauvre Michel, décédé voici peu d'un cancer, avait vécu, nul doute qu'il aurait été capable de prendre de face Aymeric Caron et Yann Moix et de les transpercer tous les deux d'un seul coup. 

Michel souffrait d'un trouble bipolaire, d'un vrai. Chez lui les crises maniaques avaient de l'ampleur. J'ai assisté plusieurs fois à ces crises. Et dans ces moments là, il avait plus que de l'habileté, carrément du génie. Je lui avais proposé plusieurs fois de consulter et il n'ignorait pas que des molécules auraient pu le sortir de son isolement, l'aider à s'insérer à la société de manière plus simple. Mais, il ne le voulait pas. Il savait que quand ses neurones s'emballaient, à la manière d'un avion qui met ses réacteurs en post-combustion pour arracher sa masse et vaincre la gravité terrestre, il vivait enfin comme peu de gens ont vécu.

Je me souviens d'une fois où sous l'emprise d'une crise maniaque, il avait commencé à "décoller". Et face à moi, son seul public, il avait théorisé sur le monde en croix ! Sa théorie était bluffante d'intelligence et d'originalité ! Je regretterai toujours de ne pas avoir eu de smartphone en main -ils n'existaient pas encore- pour l'enregistrer. De cela, ne me restent que des souvenirs, ceux d'avoir vu un individu animé par autre chose qu'une pathologie. Puis après quatre heures de discours, il était retombé, miné par le désespoir. J'étais resté un peu avec lui pour l'aider à supporter sa "descente" et j'étais rentré chez moi. Il était très tard dans la nuit.

J'ai toujours gardé intact à l'esprit cette nuit que j'ai passé assis face à lui en phase maniaque. Cela n'avait rien d'un délire ! Non, c'était juste une pensée fulgurante essayant de théoriser le monde et d'en dresser une fonction ontologique. Ce n'était qu'un pauvre type, nourri l'hiver par les restaus du cœur, qui par moment devenait autre, se transformant par la magie de sa neurobiologie particulière en un surhomme. Cette nuit là, en l'écoutant, si j'avais vu clairement que des modifications neurobiologiques étaient à l'oeuvre, j'avais pu aussi distinguer autre chose. Un peu comme si par l'action de ses neurotransmetteurs déréglés, il avait pu parvenir à "défoncer" les portes de la perception commune aux hommes pour accéder à une autre dimension spirituelle. Oui, il y avait bien sur du fait psychologique et même psychiatrique mais aussi du spirituel dans cette débauche d'idées. J'étais parfois triste qu'il ne veuille pas se faire aider tout en comprenant qu'il endure mille maux simplement pour jouir de ses envolées.

C'est ce "truc" que je ne saurais nommer qui m'a toujours fasciné. A une époque où chacun se targue d'être un surdoué, il m'a toujours semblé que sans ce "truc" dont jouissent les gens comme Michel, ce petit plus qui permet à la psyché de basculer pour embrasser d'autres plans de conscience, on n'est qu'intelligent et juste apte à passer des concours. Être brillant c'est bien autre chose qu'être simplement intelligent.  

D'ailleurs le terme brillant le résume simplement puisqu'il fait allusion à quelque chose qui brillerait, une sorte de diamant ou de filon aurifère qui jetterait ses feux au milieux de la psyché. C'est ce que l'on retrouve chez tous les êtres d'exception, ce petit "truc qui brille" et qui vous fait vous dire, sauf si vous n'êtes qu'un cuistre jaloux, que vous êtes en face de quelqu'un de singulier. 

J'en parlais jeudi avec un patient qui dirige un fond d'investissement, avec qui nous abordions les qualités de l'entrepreneur, du vrai. Lui même était d'accord, bien qu'il fut diplômé de l'X et peu enclin à plonger dans la supercherie, pour admettre que parfois face à certaines personnes, il était confronté à quelque chose en plus, à une manière de fonctionner totalement originale de la psyché. Là ou on pourrait crier au fou et tenter de classer  ces gens dans l'une des catégories du DSM, on avait admis tous les deux, que ce sont juste des gens qui ont un truc en plus que la bête psychopathologie malgré ses indéniables atouts ne saurait transcrire.

Car si elle est un outil puissant la psychopathologie, en prenant en compte des symptômes psychologiques, ne fait que présenter sa psyché à son degré le plus bas en tant qu'instance de régulation des émotions et des pensées. Renault ou Ferrari peu importe pour la psychopathologie pourvu que les deux fonctionnent. Et la Ferrari présentant des caractéristiques innées du fait de sa spécificité comme une faible garde au sol, un caractère survireur du au fait que ce soit une propulsion et non une traction,  une consommation gargantuesque, deviendrait au regard d'une psychopathologie adaptée aux véhicules une "voiture à problèmes" bien en-deçà d'une Clio. 

Tout le monde connait l'histoire de Bernard de Palissy, brûlant ses meubles et son plancher pour découvrir le secret de l'émail blanc qu'il a traqué durant vingt ans. Au regard de la psychopathologie, Palissy pourrait être obsessionnel, bipolaire ou que sais je encore. A notre époque, il est juste devenu un grand céramiste dont les œuvres sont exposées au château d'Ecouen. 

Bipolarité et créativité entretiennent des liens très proches. Une étude a ainsi montré que sur un échantillon de peintres, poètes et écrivains, deux tiers avaient connu des phases hypomaniaques ou de la cyclothymie et que plus de la moitié avait traversé une phase de dépression grave. C'est dans ces cas que l'on est en droit de se demander si ces pathologies que l'on cherche bien sur à traiter lorsque ceux qui en souffrent endurent mille maux, ne sont pas aussi un moyen pour le cerveau d'accéder à d'autres niveaux spirituels. Peut-être que les "gens normaux" sont heureux mais ne connaitront jamais l'extase d'un cerveau que l'on sent tourner à toute vitesse, enivré de sa propre puissance et sur de son jugement. 

Peut-être que ceux qui ont souffert, souffrent et souffriront de ces troubles communément appelés crises maniaques ou ces TDAH qui ne tiennent pas en place ont beaucoup à nous apprendre au delà de leur symptomatologie. Peut-être faudrait-il que la psychologie et ses applications thérapeutiques ait plsu de sagesse en tentant à chaque fois de dénouer le fait psychologique du spirituel sous peine de condamner l'humain à une morne normalité. S'il est utile d'empêcher un individu de s'en prendre à lui-même et aux autre, il n'est pas normal de l'empêcher de suivre son propre destin. Aurait-on empêché Palissy de brûler ses meubles qu'on l'aurait condamné à avoir un "comportement normal" au sacrifice de sa quête.

Bien sur, on m'objectera que bien des patients traités pour leurs pathologies mentales sont bien mieux maintenant qu'ils n'étaient auparavant livrés à eux-mêmes. C'est certain et en aucun cas, je ne m'opposerai à un traitement. J'ai toujours travaillé en lien avec les médecins, reconnaissant que ma discipline avait un début et une fin et qu'il ne m'appartenait pas de tout traiter. Je n'ai jamais pratiqué l’anti-psychiatrie pas plus que je ne m'oppose aux laboratoires pharmaceutiques.

Toujours est-il que bon nombre de ces mêmes patients, nostalgiques de leurs envolées spectaculaires, alors même qu'ils pouvaient en souffrir, cessent d'eux-mêmes leurs traitement pour redevenir ne serait-ce qu'un moment celui qu'ils étaient. 

Sans doute qu'au-delà des traitements efficaces mais aux effets secondaires parfois dévastateurs, il est utile de mettre en place, un suivi complémentaire qui ne censure plus la pathologie mentale en la mettant sous le signe de l'anormalité à éradiquer à tout prix mais la prenne en compte en tant que spécificité de l'individu en lui apprenant à vivre avec tout en gommant, autant que faire se peut, ses effets les plus dangereux. Les AA comme les NA le font très bien avec les personnes dépendantes.

Aujourd'hui, des mesures psycho-éducatives semblent porter leur fruit en permettant de limiter l’impact fonctionnel de la maladie, car même si la maladie peut être bien contrôlée par les traitements médicamenteux, il est difficile de supprimer l’ensemble de ses effets dans les sphères sociale, familiale, professionnelle et psychologique.

Il s'agit d'aider à une reconnaissance précoce des symptômes qui annoncent une récidive, d'une meilleure gestion de la vie sociale, professionnelle et affective et du respect des règles simples d’hygiène de vie, etc. Tout ceci, permet dans un plus grand respect des spécificités du patient une diminution du nombre de récidives et de rechutes et une amélioration de la qualité de vie.

Parce que quand les molécules vous ont ôté tout ce qui faisait votre spécificité, fussent-ce des symptômes importants, pour vous laisser atone et  amorphe sur les rivage de la vie sociale, on ne peut pas dire qu'il y ait un grand progrès. Vous avez juste été "stabilisé" comme dirait un de mes patients qui ne porte pas la psychiatrie en estime.

Il serait bon que chacun dans sa disciplines soit capable de dire en quoi on peut aider autrui et non d'entreprendre une normalisation aberrante. 

Il me semble que même à une époque ou ces mesures psycho-éducatives n'avaient pas cours, je les aie toujours utilisées sans le savoir. Il m'a toujours semblé important de tenter de créer cette fameuse alliance thérapeutique qui permette à mon patient d'aller mieux tout en respectant le plus possible sa singularité. Je l'ai d'ailleurs toujours clamé haut et fort :

Je ne suis pas directeur de la norme !

Difficulté du diagnostic et écoutel !


Je reçois souvent du courrier à propos de Jésus. Effectivement le cas n'est pas banal Ou plutôt si, il l'est dans la mesure ou il présente une symptomatologie si riche qu'on pourrait retrouver Jésus dans différentes catégories. Les plus expéditifs le classeront chez les schizophrènes tandis que d'autres verront en lui un cas banal de trouble bipolaire de type 2 au cours duquel l'état maniaque crée des délires et des hallucinations. Quant aux plus astucieux, ils croiront voir un cas de syndrome de Stendhal suivi d'un trouble schizo-affectif donnant à penser à une schizophrénie alors que ce n'en est pas une. On peut aussi envisager le TDAH, pathologie dont les symptômes sont assez proches de l'état maniaque.

Malgré la consultation de quatre psychiatres et de deux neurologues, personne n'a tranché, aucun diagnostic franc n'a été fait et il est reparti avec différents médicaments qu'il n'a jamais voulu prendre. Dans un cas, c'était de la Clozapine et dans l'autre du Xeroquel. Il ne m'appartient pas de juger les prescriptions des médecins. Toujours est-il que Jésus n'a eu qu'à lire les "effets secondaires" de ces molécules pour ne prendre aucune d'elles.

Poser un diagnostic est rendu difficile dans la mesure ou l'on e rend compte qu'il n'existe aucune frontière étanche entre la schizophrénie, la dépression et les troubles bipolaires mais qu'il existerait une sorte de continuum entre ces pathologies. De plus, alors qu'on tend à classer les troubles bipolaires en fonction de la fréquence et l'ampleur des changements d'humeur, certains chercheurs émettent l'idée que cette dichotomie est fausse et que l'on pourrait passer d'un trouble bipolaire de type 1 à un type 2. 

Bref, vous l'aurez compris, c'est un peu le bordel et une chatte n'y retrouverait pas ses petits. On a aujourd'hui l'idée de créer des centres experts qui permettrait de poser un diagnostic sur. Le tout est bien sur d'y faire entrer les patients. Et c'est là que cela se complique.

Car s'il est aisé d'interner ou de contraindre à la consultation un patient qui a une symptomatologie riche et invalidante avec par exemple un vrai délire au sens que l'émettait Karl Jaspers, il est plus compliqué d'y contraindre un individu au motif qu'il aurait des pensées baroques.

Pour qu'une pensée soit qualifiée de délire, il faut quecertains critères soient réunis :
  • le fait d'être sûr de cette croyance tenue avec une conviction absolue ;
  • le fait que la croyance ne puisse pas être changée par des contre arguments convaincants ou par la preuve du contraire ;
  • la fausseté ou l'impossibilité de la croyance.
Le diagnostic est donc délicat à établir du fait que chacun de ces critères peut être plus ou moins ambigus. Si je prends le cas "Jésus", il est sur à 99,99% de ce qu'il avance mais admet face à moi qu'il pourrait se tromper. Et si je lui demande par exemple "et si tu te trompais et que la fin des temps n'ait pas lieu", il me répond qu'il en serait ravi et serait délivré d'une grande angoisse. Sa réponse est calme et dénuée d'angoisse et je n'ai pas face à moi un grand délirant. De la même manière, il accepte le débat sauf si l'on tente de faire usage d'argument d'autorité. Mais peut-on en vouloir à Jésus dans la mesure, ou ancien étudiant en philosophie, il sait fort bien qu'un argument d'autorité n'en est pas un. Enfin dans ce qu'il avance, même si cela semble un peu "fou", il n'y a rien d'impossible. Après tout c'est écrit dans la Bible et des centaines de millions de gens y croient.

C'est même le cœur du problème, à savoir que si Jésus peut parfois sembler un peu hors de la norme, il ne fait exprimer que des croyances et non un délire. On pourrait dire que Galilée qui combattait les thèses héliocentristes aux dépens de la thèse géocentrisme fut condamné en 1633 par les autorités ecclésiastiques. Plus près de nous, le docteur Semmelweiss qui posa les bases de l'asepsie fut lui aussi moqué par les autorités médicales et mourut dans la misère. L'histoire est pleine de ces "génies méconnus" s'étant heurté à l'imbécillité de l'autorité.

C'est sans doute là que résidé tout l'art du diagnostic psychiatrique dans la mesure où il faut séparer le bon grain de l'ivraie, c'est à dire la singularité de l'individu des symptômes. Or, j'ai pu constater que par manque de temps, mes confrères psychiatres ne prenaient pas tout le temps pour écouter le patient, pour en saisir l'originalité et replacer les symptômes à leur juste place. C'est d'ailleurs pourquoi Jésus ne veut plus entendre parler de médecine psychiatrique. Non qu'il n'y croie pas mais qu'il se soit senti jugé et totalement dévalorisé par un système d'état qui amalgamait sa singularité et sa souffrance. 

Là où il aurait fallu tenter d'atténuer les symptômes tout en respectant l'originalité de Jésus, même si l'on n'y adhère pas personnellement, il n'a perçu qu'une entreprise de normalisation tentant coûte que coûte à le faire entrer dans un moule dans lequel il aurait perdu toute originalité et se serait renié. Si Jésus explique qu'il ressent des douleurs comparables à celles qu'évoque Padre Pio, il faut alors tenter de le comprendre et non de penser automatiquement au délire. On peut être croyant sans être fou.

Toute manifestation hors du commun n'est pas de l'hystérie et c'est justement à la psychiatrie de marquer les bornes de ce qu'il faut rendre à César ou à Dieu, sous peine de devenir un ersatz de psychiatrie soviétique qui jugeait que tout individu anti-communiste était un déviant sévère méritant la camisole. Cela pose sans doute la question de la sélection des médecins et du scientisme ambiant. Il faut parfois admettre que l'on ne sait pas et faire de son mieux pour apaiser le patient. Cela nécessite d'établir un dialogue, de nouer une vraie relation thérapeutique et non de se comporter en médecin lors d'un conseil de révision.

C'est vrai qu'aujourd'hui Jésus va mieux. Mais il aurait pu aller beaucoup mieux encore et surtout plus rapidement. Sans doute que certaines molécules, à définir, lui ferait du bien et lisserait son humeur. Une amphétamine s'il est réellement atteint d'un TDAH ? Un anti-épileptique s'il a un trouble bipolaire ? Un antidépresseur tricyclique s'il ce n'est qu'une dépression ? Je n'en sais rien et il ne m'appartient pas de faire de l'exercice illégal de la médecine.

Tout ce que je sais, c'est qu'à moins de l'y contraindre par la force, Jésus ne mettra plus jamais les pieds dans le cabinet d'un psychiatre. Récemment encore, son généraliste, sans lui demander son avis, lui avait pris rendez-vous avec un grand spécialiste des troubles bipolaires. J'étais plutôt content de cette idée mais j'aurais juste voulu que son médecin en discute avec lui et moi plutôt que d'autorité, il prenne ce rendez-vous.

D'une part, c'était nier le travail spécifique que je fais avec Jésus et que l'on pourrait appeler de la thérapie psycho-éducative, au cours de laquelle je l'entraine à vivre au mieux avec ses symptômes. Enfin, c'était user d'une grande violence à l'égard de Jésus dans la mesure où ce rendez-vous était pris sans qu'il n'ait été mis au courant, comme on emmènerait un chien chez le vétérinaire. Jésus et moi avons d'excellents rapports et j'aurais pu le persuader d'honorer ce rendez-vous.

Au lieu de quoi, lorsque je l'ai revu la semaine passée, il allait très mal parce qu'il avait imaginé que j'étais de mèche avec son médecin. Il a fallu que je jure sur ce que j'avais de plus cher que je n'étais pas au courant de cette initiative pour que Jésus admette que j'avais été moi aussi gardé dans l'ignorance totale de la démarche de son généraliste. J'ai vu des mois de progrès constants balayés par une démarche arbitraire d'un médecin qui s'entête à voir en Jésus une sorte de "fou" simplement parce qu'il ne partage pas ses idées.

Chaque fois que j'ai reçu des patients, j'ai toujours tenté de percevoir en eux, la partie saine de leur psyché sur laquelle j'allais m'appuyer pour créer l'alliance thérapeutique et avancer. J'ai toujours pris garde de les juger et ai toujours mis en avant mes failles(lubies, cigarette, etc.) afin de leur offrir un rapport d'humain à humain et non exclusivement de "sachant" à "paumé" parce que justement je déteste ceux qui font "peter leurs galons" pour faire usage d'arguments d'autorité.

Écouter un patient n'est pas si difficile. Faire la part entre la singularité de la personne et ses symptômes est juste une question de discernement. De mon côté, j'ai toujours jugé qu'on ne pouvait décemment pas faire de psychologie en ignorant les données physiologiques à moisn de sombrer dans le psychologisme. L'inverse est aussi vrai et il me semble difficiel de faire de la psychiatrie efficace en niant la psyché du patient et sa singularité.

Aujourd'hui, je me retrouve un peu paumé simplement parce que Jésus est fâché avec la médecine qui aurait vraiment pu lui être utile. Et ce n'est vraiment pas de sa faute !