S'il y a bien un truc que je déteste, c'est bien de changer mes petites habitudes. De ce point de vue, j'ai un côté un peu autiste. Si on me change quoi que ce soit dans mon environnement, j'angoisse, je déprime, et je finis par m'étioler, quand je descends sous la barre des quarante kilos, je risque de mourir de
consomption comme une jeune fille du XIXème siècle amoureuse d'un jeune poète désargenté mais que son père, bourgeois obtus, souhaite marier au fils du notaire. Bon, c'est vrai qu'avant de parvenir sous les quarante kilos, j'ai de la marge. Mais bon, tout de même, il ne faut pas ignorer ce danger.
Quand j'entends mes patientes se plaindre de leurs maris, emcs, copains, pour la raison qu'ils ne les surprennent plus et qu'elles rêveraient d'un week-end surprise, je rigole sous cape. En mon for intérieur, je me dis qu'elles ont de la chance, parce qu'avec un mec comme moi, il n'y aurait aucune surprise du tout !
Mais venons-en au but de cet article, qui encore une fois n'a aucun rapport avec la psychopathologie, même si plus haut j'ai parlé d'angoisse et de dépression. Voici dix-huit ans que j'avais des PC.
Tenez, je me souviens encore du premier que j'aie acheté. C'était en 1990, j'avais 23 ans . C'était un truc allemand, un desktop que j'avais payé 9990 Frs après une enquête minutieuse. Il s'agissait d'une vraie bête, jugez plutôt : un 386SX25 avec 1 mo de ram.! D'ailleurs, je ne sais même plus si c'était des mo à l'époque ? Sans doute que non ou peut-être que oui. Je me souviens que sur les conseils avisés du vendeur de l'époque, j'avais doublé la ram pour une valeur de 700 frs ! Il était vendu avec un beau moniteur VGA de 14' et croyez-moi, j'en étais fier.
A l'époque, je devais être l'un des rares à être équipé d'un pc. Je me souviens que j'ai commencé à travailler cette année là. Les PC ont débarqué en masse remplaçant les bonnes vieilles IBM à marguerite des bureaux. Je me souviens encore de la tête de mes vieux collègues face à ces étranges machines. Ils étaient tétanisés ces gros nuls. Et pendant ce temps là, moi votre serviteur, je me baladais comme un chef dans World et Excel, réalisant des feuilles de calcul de la mort.
Puis, sont venus d'autres appareils dont je me souviens guère. Benoîtement, j'ai suivi la montée en puissance des machines. Tous les trois ou quatre ans, j'ai changé de machine. Et comme je suis un gros rat qui ne jette rien, là-haut, chez moi, sous les combles, c'est le musée du PC. Mon épouse voudrait que je balance tout. Moi je ne peux pas. D'une part, il y a mon côté autistique qui fait que si j'en jette, je risque d'angoisser puis de déprimer et enfin de mourir de consomption, comme je vous disais plus haut. Et puis, je ne sais pas, je n'aime pas jeter. Comme j'ai bonne mémoire, un coup d'œil sur chacun d'eux me remémore des étapes essentielles de ma vie : écriture d'un mémoire ou d'une thèse, première connection à l'Internet, apparition de l'USB, etc. Pour me consoler, je me dis qu'un jour tout cela vaudra de l'or.
Hier, samedi 13 septembre, je suis soudainement devenu fou : j'ai changé mes habitudes. Après dix-huit ans de fidélité absolue aux produits de Bill Gates, j'ai rompu notre union. Lassé des plantages, des mises à jour incessantes, j'ai écouté les conseils avisés de certains et j'ai acheté un Mac.
Je suis allé à la FNAC, et hop. Enfin je dis et hop. Ça n'a pas été facile. Je regardais les Mac et les PC. J'allais d'un rayon à l'autre, comparant et recomparant tout en sachant très bien ce que je voulais. Le problème c'était de changer d'habitudes. Je comparais un portable Sony, suréquipé, et un bel Imac 24 pouces, ce qui n'a strictement rien à voir. Heureusement, j'étais entouré et épaulé par mon épouse et un vendeur compétent. Parce que sinon, moi qui étais venu, pour acheter un Mac, je serais reparti avec un portable Sony. Je m'en serais voulu une heure après mais j'aurais évité l'angoisse immédiate.
J'ai finalement acheté un Mac. J'étais tellement pétri d'angoisses, que mes défenses étaient totalement absentes. Je me suis même fait refourguer une garantie étendue et optionnelle à 279 €. Là, il faut vraiment que j'aie été très mal pour être aussi con. Parce qu'il s'agisse d'un aspirateur, d'un lave-vaisselle ou d'un téléviseur, jamais aucun vendeur roué, n'a jamais réussi à me fourguer la garantie optionnelle. J'ai même acheté des logiciels neufs, dans leurs beaux emballages, c'est vous dire.
Rentré chez moi, j'ai déballé la bête. C'est vrai qu'il est beau. A la limite il est trop beau. Ce genre de truc design me déconcerte un peu. Moi, je suis un utilitariste. Non que je n'aime pas le beau mais le design comme cela c'est étrange. J'ai l'impression que cet objet ne me correspond pas. Dans un cabinet d'architecte, chez un graphiste, pourquoi pas, mais dans mon bureau, c'est bizarre. Surtout que ce bureau est destiné sous peu à devenir un second lieu de consultations. Enfin, bon.
Ce genre de trucs dans le cabinet d'un psy, ça fait un peu escroc n arcissique qui se la pète. Enfin, c'est mon idée. J'aurais détesté allez consulter un confrère qui ait un Imac 24'. Je me débrouillerai pour qu'il y ait toujours un Figaro négligemment oublié quelque part, bien en vue, sinon on va croire que je fais partie de la gauche caviar.
Je le mets en route et là, le monde change. En cinq minutes montre en main, l'ordinateur est prêt à tourner, connecté au wifi. C'est après que les galères commencent. Le clavier, tout petit et plat, mais confortable à l'usage, s'avère déconcertant. La touche "!", n'est pas au bon endroit. La barre de tâches en dessous, qu'ils ont baptisée "dock" est étrange. Ce d'autant plus qu'elle est remplie de programmes pour branleurs. Chez Mac, on est vite averti qu'il faut aimer la musique, les photos et la vidéo. Moi, qui ne fais que des photos de vacances médiocres, et n'ai jamais utilisé un caméscope de ma vie, me voilà bien avancé.Quant à la musique, mon vieux Pleyel 3bis, est totalement dépourvu de port USB !
Je commence à télécharger les programmes essentiels. Et là, ça commence, bienvenue dans un monde solitaire. Il faut à chaque fois annoncer que c'est pour Mac et il y a moins de choses. Et souvent les programmes sont au rabais par rapport à ceux pour PC. Même Emule devient Amule. L'interface change et ça me déroute. Quant à MSN, n'en parlons pas. Heureusement, il y en a un fourni avec Office pour Mac que j'ai acheté. Putain, je n'en reviens pas, j'achète des programmes maintenant ! Alors qu'avant, on se démerdait toujours pour trouver le truc qui manquait. Le PC c'est le monde de l'entraide et de la bidouille tandis que le Mac's Wolrd, c'est le monde l'argent !
Et ce putain de clavier ! L'arobase n'est pas placée au même endroit. C'est tout en haut à gauche. Et la souris pourrie livrée avec l'appareil. Moi qui étais habitué à mon t
rackball, d'où une certaine agilité du pouce droit, me voici revenu à la souris filaire et au tapis merdique. Pour les ânes, le
trackball, c'est une souris fixe avec laquelle on fait défiler les trucs en actionnant une petite boule avec son pouce.
Enfin, chaque fois que je télécharge un truc, je ne sais pas où il va ! Les salauds m'avaient dit que c'était intuitif, mon cul ! C'est déroutant oui ! Mon épouse m'entend gueuler du bureau. "Putain de Mac de merde", "saloperie d'ordi", "mais quelle merde ce truc !", sont quelques imprécations que je lance à la volée. Elle ne s'en fait pas. Elle me connait suffisamment. Elle se contente de me dire "ne t'inquiète pas, ça va venir, c'est une habitude à prendre", comme si elle s'adressait à un gosse de quatre ans. D'ailleurs je le sais bien mais gueuler libère.
Oui, elle a raison sauf que moi, je voudrais que l'habitude vienne vite. Comme tous les hommes, bien sûr, je n'ai lu aucune doc, me fiant à mon génie inné de la compréhension des choses techniques. Mon épouse me rassure en m'expliquant que son ami Bruno, un architecte qui ne jure que par Mac viendra passer une demie journée avec nous pour nous apprendre les rudiments.
Putain, une demie-journée avec Bruno ! Lui, c'est l'analysant parfait. Une fois, comme il aime faire la cuisine, il était venu chez nous faire un Tiramisu. Il pesait tout au gramme près. Il a mis des heures. On aurait cru un ingénieur chimiste se livrant à une expérience super dangereuse risquant de faire péter le quartier. Moi, je ne sais pas faire la cuisine, mais bon, j'aurais tout fait à l'arrache, à vue d'oeil, mais lui non. Enfin, s'il faut en passer par là, je passerai la matinée avec l'ingénieur. Après tout, je m'y ferai, mon filleul est un peu comme lui dans le genre pinailleur et je le supporte.
Enfin, après quelques temps, je commence à m'en sortir, même si cette putain de barre des tâches en bas a encore disparu. Bon, c'est beau, y'a pas de fils qui trainent mais pour le reste, ça n'a rien d'intuitif. Je préférais mon bon vieux PC. Et cette souris de merde et son fil pourri, j'en ai marre ! Et chaque fois que je veux marquer mon point d'exclamation, je me retrouve avec "=" parce que le "!" est en haut. Heureusement que le père Jobs n'est pas à côté de moi, sinon il aurait pris ma main dans la gueule pour apprendre ce qu'est l'intuition et l'ergonomie.
Chose amusante, en regardant sur Wikipedia, j'ai vu que
Steve Jobs est né en février. C'est un verseau comme mon filleul et Bruno l'ingénieur-cuisinier. Ah non, même pas, c'est un poisson. encore moins bien que verseau qui déjà n'est pas un signe terrible. Pff, les poissons c'est pas carré comme signe. C'est fantasque et imaginatif. Confiez la conception d'un ordinateur à un capricorne, et il vous fera un truc simple , cubique avec les trucs essentiels et sans superflu. Le poisson c'est trop artiste. C'est sans doute pour cela que Mac est prisé par les artistes. Je trouve ma Microcar RJ49 plus intuitive. Heureusement que c'est pas Steve Jobs qui l'a conçue sinon je chercherais le démarreur sous le siège et le volant serait dans le coffre.
Produit rationnel et français ! Je suis même en train de me demander si Mac n'est pas fait pour ceux qui se la pètent et trouvent géniaux des trucs médiocres : les bobos ! Mais bon, je suis coincé, je viens d'acheter un Mac neuf ! Allez, j'arrête sinon le bel Imac va valser. Surtout que j'entends Laurence m'appeler sur MSN. Manque de pot, comme je n'ai plus la barre de tâche, j'entends juste le son matérialisant l'appel mais je ne la vois pas. Impossible de lui répondre, c'est frustrant. Dire que tous les utilisateurs de Mac ne jurent que par ça. Il parait même, de source sure, qu'un type qui passe de PC sur Mac ne revient jamais sur PC. Mouais, faut voir.
Bon, allez j'arrête. Dès demain, j'irai acheter un livre pour crétins démarrant sur Mac, pour apprendre à m'en servir. Peut-être qu'en même temps, j'irai m'acheter une chemise près du corps et des lunettes carrées. Et puis, j'ai entendu qu'un jeune vidéaste-plasticien exposait dans un squat d'artistes, il faudrait que j'aille le voir.
Je ne dois pas non plus oublier d'aller à Versailles pour voir les oeuvres de Jeff Koons. J'aime bien cette idée consistant à désacraliser le grand siècle en permettant à des artistes contemporains d'exposer. J'aimerais bien qu'un jour, il y ait du hip-hop à l'opéra Garnier et du slam salle Pleyel.
Le virus Mac est en moi ! Et cela me fait un peur. Salut à tous(tes), je vais boire une tasse de café équitable.
Putain que c'est beau du Koons !