C'est dingue le nombre de personnes que je peux recevoir et qui sont en colère. Parfois, c'est à la limite de la rage. Je me demande si cela se développe ou si c'est particulier à ma clientèle. Bon, c'est sur que venant du blog,je ne reçois pas beaucoup de gens de gauche. C'est dommage parce qu'eux ont au moins une raison de se réjouir dans la vie avec François Hollande aux commandes. Manque de chance, les miens sont tous d'affreux libéraux ou des anars de droite.
Alors, en plus des problèmes qui sont les leurs et qu'ils partagent avec tout un chacun, ils ne trouvent en plus aucun apaisement dans la contemplation de leur environnement. Ils font partie de ceux qui ne pensent pas que l'économie va repartir, que la courbe du chômage va s'inverser, que la criminalité est en baisse et que la liberté de parole est en progrès. Et d'après ce qu'ils me disent, il se foutent totalement du retour de Léonarda.
Bref, en plus de leurs soucis respectifs et bien réels, quelle que soit la direction vers laquelle ils se tournent, ils n'ont aucune raison d'être apaisés. Si je voulais résumer hâtivement leurs sentiments, pourvu que je les ai bien compris, leur vie leur semble merdique mais ce qui se passe en dehors de leur vie, plus merdique encore.
Alors, certains tentent de s'avader comme ils peuvent. Et à défaut d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte en s'exilant qui aux USA, au Canada, en Nouvelle-Zélande, où n'importe où encore, ils le font comme ils le peuvent. Certains se droguent, d'autres picolent, et tous ruminent d’improbables scénarios dans lesquels ils seront enfin vengés de leurs vies pourries et tous les élus pendus ou fusillés.
C'est un peu la théorie du bouc émissaire revue et corrigée par les déçus de la vie en général et du système en particulier. Or, si en théorie je ne suis pas contre la pendaison d'élus, je ne suis pas sur que cela puisse suffire à rendre heureux. Disons que sur le moment, voir votre pire ennemi, celui qui a tout alors que vous estimez ne rien avoir, celui qui vous vole le fruit de votre travail en se permettant de vous mépriser, se balancer mollement à un réverbère en tirant une grosse langue violette, peut vous mettre du baume au cœur, ce n'est pas en professionnel que je suis, la solution que je retiendrai forcément.
La vengeance, c'est un peu comme la drogue ou l'alcool, plus on en prend, plus on en veut. Disons que dans un cadre strictement thérapeutique, il faut aller plus loin que cela et creuser un peu en soi pour trouver la manière de faire son bonheur en dépendant le moins possible des autres et notamment des politiques.
Ces derniers l'ont d’ailleurs bien compris. En attaquant les structures claniques telles que la famille ou le café (le parlement du peuple comme disait Balzac), ils atomisent encore plus la société en livrant l'individu seul, pieds et poings liés au système. Vous noterez d'ailleurs que dans la récente révolte des bonnets rouges, le préfet de Bretagne a beau tempêter et menacer de poursuite les manifestants, il le fait au chaud dans sa préfecture parce que la rue ne lui appartient plus vraiment ou du moins les nationales sur lesquelles sont installés radars et autres portiques étatiques.
Bref, loin de moi de faire de la politique ici-même mais si je parle de cela, c'est que finalement, bien plus que la manifestation en elle-même, c'est le lien social qui est reste le meilleur rempart contre la tyrannie, la sienne et celle des autres. Le lien social c'est ce qui permet de combler vos besoins sociaux et affectifs, ça va de la personne avec qui vous coucherez à ceux avec qui vous discuterez. C'est capital ! D'ailleurs tous les enragés que je reçois sont souvent isolés.
ils ont beau se déprécier, la plupart savent au fond d'eux-mêmes qu'ils sont différents des autres et c'est bien le problème. Ce n'est pas le lien social qui leur manque, parce que cela n'importe quel café vous l'offrirait, mais le lien social de qualité. Et pour cela, il faut un peu ramer, chercher, se perdre et trouver.
Tenez par exemple, moi qui vous parle du Gringeot, avec qui je partage pas mal de trucs, où pensez vous que je l'aie trouvé ? Ici sur le blog parce qu'il est venu commenter. Cela veut dire qu'il m'aura fallu d'abord ouvrir ce putain de blog et y rédiger des articles. Parce que le Gringeot, ce n'est pas dans un café que je l'aurais rencontré vu que lui et moi vivons aux deux extrémités de la ligne B du RER. Et des gens avec qui je m'entends bien, avec qui je partage, avec qui je ne suis pas une énigme, j'en connais tout de même pas mal ! D'ailleurs, je connais même un blogueur qui a rencontré son épouse parce qu'elle commentait sur son blog. C'est vous dire si tout peut arriver !
D'où en plsu de la nécessité de progresser horizontalement en créant du lien social, de progresser verticalement en tentant de créer son petit univers en cultivant comme aurait dit Voltaire son jardin ! Qu'on s'intéresse à la politique, à la moto, aux tramways, à la cuisine ou que sais-je encore, il suffit de sortir ou si l'on ne veut pas, de rester chez soi et de surfer. Mais attention, il faut y mettre du sien. Lire ce que font les autres ne suffit pas, il faut donner de soi, commenter ou pourquoi pas rédiger. Le lien social est à ce prix.
La colère et la rage, du moins à ses débuts, ça s'élabore, ça se travaille. Et même si ces tendances sont bien naturelles quand on va mal, l'apitoiement sur soi-même pas plus que la colère envers les autres ne sont productives. Adopter ces stratégies, c'est se comporter comme un lion en cage qui tour à tour se jette sur ses barreaux avant de s'allonger le museau entre ses pattes. Comme dit ce brave Épictète, celui qui s'en prend aux autres est un ignorant, celui qui s'en prend à lui-même commence à s'instruire tandis que ne s'en prendre ni aux autres, ni à soi-même est le fait du sage. D'ailleurs des pratiques comme la prière, la méditation ou même juste regarder des poissons nager dans un bocal peuvent aider à récupérer le contrôle sur soi.
Bon ça semble facile tout ça quand on l'écrit mais quand on souffre, c'est une autre paire de manches me répondra-t-on. C'est tout à fait vrai et je ne dis pas que ce soit facile. Ou pire, je dis que c'est tellement simple que cela en devient compliqué. Là où la plupart des gens auraient des rêves de vengeances ou de revanches, quels qu'ils soient comme devenir une rock star adultée ou un tueur en série, moi je préconise le retour sur soi, ses besoins fondamentaux et la pratique quotidienne d'un cordon sanitaire entre soi et l'environnement anxiogène et dépressiogène dès que c'est possible.
Et puis, je ne nie pas que la douleur soit telle que parfois la thérapie ne suffise pas. L'anxiété ou la dépression font souffrir autant qu'une rage de dents et pour apaiser le symptôme, la parole reste limitée. Alors les médicaments sont utiles. Qu'ils 'agisse de consulter votre généraliste pour des antidépresseurs ou un psychiatres si vous pensez qu'il faille autre chose, la médecine est là pour cela. Certes, une molécule ne donne aucun sens à la vie mais elle permet parfois de maintenir le bateau à flots.
Bref ce n'est pas si compliqué d'aller mieux. C'est d'ailleurs ce que je me disais la fois où j'ai visionné le film
Chute libre. A chacune des séquences dans lesquelles Michael Douglas perd de plus en plus pieds, avant de commettre l'irréparable, je me dis qu'on aurait pu tenter quelque chose et réussir.
Je reste un incorrigible pessimiste optimiste !
Faut pas le faire chier !