Je suis parfois très étonné de ce que me racontent les patients. Autant Jésus qui me parle de possession, me semble être intéressant autant, parfois des choses apparemment bénignes en apparence me donnent envie de tarter celui/celle qui les prononce.
C'est ainsi que je déteste la mièvrerie ! Si je revendique ma propre sensibilité, j’abhorre la sensiblerie niaise. Qu'on me montre un film avec Meg Ryan, la fille au gros menton, J?ulia roberts, celle qui a des doublures pour toutes les parties de son corps ou Hugh Grant, l'abruti qui se fait choper en train de se fait pomper par des prostituées bas de gamme, et j'ai envie de sortir une Kalachnikov et de faire un carton.
Voici quelques années, une de mes patientes pourtant charmante, m'avait dit que dans sa famille on ne s'était jamais dit je t'aime. J'avais trouvé la remarque d'une absolue crétinerie. Je ne m'imaginais pas moi-même dans ma propre famille avec mon père, ma mère et mon frère en train de nous balancer des je t'aime énamourés. Si tel avait été le cas, j'aurais fui ou je les aurais tous fait interner. D'ailleurs, dans aucune famille, on ne se dit je t'aime. On se le montre, on fait des choses mais on ne le dit pas. Il n'y a que les amants qui ont le droit de se dire qu'ils s'aiment.
Je ne supporte pas cette vague de mièvrerie qui nous submerge et s'immisce dans chaque interstice de notre société. Je ne suis même pas sur qu'il s'agisse pour le coup d'une féminisation de notre société, thème cher à Alain Soral et Eric Zemmour. Même si elles m'emmerdent parfois, j'aime bien les femmes et je dois leur reconnaitre des qualités. Elles se révèlent plutôt dures à la tâche et résistantes à la douleur et savent se révéler aussi cruelles que n'importe quel homme quand c'est nécessaire.
Le pire c'est que notre société, du moins j'en ai l'impression, est dominée par un culte de la jeune fille. Tout devrait y être aussi kitch et merveilleux que dans la chambre d'une pompom girl américaine de téléfilm avec les fanions de l'équipe de foot, la coiffeuse blanche, les nounours couleur pastel et les posters de chanteurs débiles aux mures ! La testostérone et la progestérone sont bannis de cet univers aseptisé !
Et tout ce qui devrait rappeler le monde adulte et donc la sécrétion de ces hormones n'a plus le droit de cité. Une certaine rudesse, la distance, la réserve, la circonspection, et toutes ces qualités qui distinguent les adultes des enfants immatures sont désormais suspects dans un univers où l'on ne célèbre plus que les bons gros sentiments aussi spontanés qu'éphémères et la violation quasi-continuelle de l’intimité auquel tout un chacun a le droit.
Dans ce monde dominé par l'image de la jeune fille, la première image à prendre plein la figure est celle du père. Fini l'idée du père un peu absent occupé à ramener le blé à la maison. Terminé celle du père vu et revu dans tous les films américains qui emmènerait Junior à un match de foot ou pêcher. en revanche, bienvenue à ce nouveau père tel que la suède tente de le créer qui serait finalement une maman comme les autres, capable de torcher bébé, de faire la vaisselle, ne retiendrait pas ses larmes devant Bambi et passerait des heures à jouer avec ses gosses. Et bien sur, à chaque instant, pourvu que sa sensiblerie le lui dicte, il prendrait chacun de ses gosses dans les bras pour leur dire combien il les aime.
Je constate d'ailleurs chez les plus jeunes de mes patients, ceux dont les pères ont subi l'influence récente de la société, un déficit de père étonnant. Non qu'ils n'aient pas été aimés ou qu'ils aient manqué de quoi que ce soit si ce n'est de quelqu'un qui pourrait les initier à ce que sera la vie plus tard. C'est ainsi que quelque soit leur niveau d'études, ils se trouvent bien dépourvus dans un monde qui sorti des magazines et des journaux restent toujours très compétitif. Demandez donc à ceux qui les ont obtenus si les bons diplômes ou les bonnes situations ont été acquis à coups de bisous !
Traditionnellement, tandis que la mère protégeait, il appartenait au père de séparer l'enfant de celle-ci pour lui ensiegner le vaste monde et le préparer à fonder sa propre famille. Que peut-il se passer si ce rôle n'existe plus mais que ne subsistent que deux mamans pour éduquer la progéniture. Et encore, disant cela, ce serait faire injure aux mères puisque celle que l'on promeut actuellement n'a rien de commun avec les mères d'antan qui, quoi qu’assurant leur rôle, ne se sentait pas forcément mise en échec par la présence du père à leur côté, qu'elles vivaient comme étant complémentaire.
A l'époque de la jeune fille reine, le père, ersatz du garçon que l'on recherche activement tout en le craignant parce que trop différent d'elle-même, est persona non grata à moins qu'on lui ait ôté ses crocs et limé ses griffes. Il est alors admis dans la chambre d'adolescente parce qu'il ne déparera pas plus qu'une des peluches posée sur le lit. Il ne s'agit pas tant d'en faire son égal que de le dominer en le noyant dans une mélasse faite de bons sentiments mièvres et sirupeux.
Pourtant le père, tout comme le psy finalement, est un rôle qui se joue sur une juste distance. Il ne s'agit pas forcément d'être comme ces pères britanniques du siècle dernier que les enfants rencontraient une fois sortis d'Eton. On peut se montrer affectueux bien sur, pourvu qu'il existe une toute petite distance. Un père devrait être un initiateur, quelqu'un qui vous montre le chemin, qui vous guide. Et comment vous guider, être un bon guide, si ce n'est qu'en étant au moins quelques pas devant vous afin que vous le suiviez . Ce n'est donc pas la quête par le père de l'enfant qui est constructive mais l'inverse : la quête du père par l'enfant.
Comme le soulignait mon confrère Alain Valtério dans son ouvrage
Névrose psy, dans lequel in fait le procès de ce qu'il nomme la
psyrose, la vraie vocation d'un père n'est pas celle d'un homme "qui aime les enfants", mais celle d'un homme auquel l'enfant peut s'identifier. Cela suppose qu'il ait quelque chose d'un peu héroïque, qu'il reste une figure de prestige quelle que soit sa situation dans la société. Le père doit donc rester un peu inaccessible. C'est excellent pour l'enfant car cela contrebalance la toute-puissance dans laquelle le met l'adoration maternelle. C'est aussi parfois en subissant la frustration d'un père qui cautionne peu que l'on apprend à assumer les autres frustrations de la vie.
Chassons les jeunes filles et remettons du Gringeot dans notre société !
Le Gringeot tournant le dos, totalement inaccessible !