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21 juin, 2022

Rêver d'un ailleurs !

 

Un de mes patients, brillant s'il en est, m'expliquait qu'il voyait l'agonie de notre pays non pas comme quelque chose de brutal mais comme une lente descente aux enfers, un peu comme aura pu la  connaitre l'Espagne qui après avoir partagé le monde, est devenue une terre d'émigration parfois moins riche que ses anciennes colonies. Ça c'est la vision des gens de droite.

A gauche, le catastrophisme est aussi de rigueur mais les causes invoquées sont différentes. On accuse le capitalisme, la croissance sans borne, l disparition de la biodiversité. Bref, la terre mais surtout les villes sont devenues un enfer.

Les deux visions se rejoignent dans la croissance en un ailleurs paradisiaque qui n'attend qu'une impuslion, de la bonne volonté pour devenir réel. A droite, on songe à des communautés survivalistes dans lesquelles l'état n'aurait pas son mot à dire à moins de se heurter à une levée d'AR15, tandis qu'à gauche, c'est la décroissance qui domine avec à la clé des enfants nus gambadant au milieu de jardins luxuriant.

Bref, fachos et gauchos, telles des midinettes rêvent d'un monde meilleur. Mais ce mon existe-t-il ? Ces rêves, plutôt que d'être le prolongement d'un anarchisme bien compris ne seraient ils pas plutôt la conséquence d'un coup de pied aux fesses qu'envoie l'histoire à une flopée de gens incapables de s'inscrire dans l'évolution d'un monde qui change. Rêver d'un ailleurs, d'une communauté utopique n'est-il pas l'apanage de cas sociaux ? On pourrait m'objecter que s'intégrer à une société malade n'est pas non plus un signe de bonne santé.

On notera que ce rêve d'un ailleurs plus doux est apparu concomitamment avec la société industrielle. C'est la ville avec l'arrivé du travail industriel, de la crasse et ds cadences infernales qui a amené certaines personnes à imaginer un autre type de société et cela dès la première partie du XIXème siècle. On constate qu'uaune de ces commuanutés n'a pu perdurer plus de quelques années à derares exceptions près.

D'abord, économiquement, c'est très compliqué en l'absence de fonds propres, puis de revenus suffisants de faire vivre une communauté. Les gens qui y adhèrent le font pour un avenir meilleur et non pour vire plus mal qu'ils ne vivaient dans les villes. Aller s’enterrer dans une forêt pour y cultiver une mauvaise terre dont personne ne voulait, généralement loin de tout axe de circulation n'est pas chose facile.

Enfin, ce qui préside à la création de ces communautés n'est pas assez fort pour fédérer fortement les gens. Une communauté libertaire, quelle qu'elle soit n'est pas une communauté religieuse ou la croyance transcende tout. On peut accepter une vie dure pour gagner son paradis mais c'est plus compliqué lorsqu'on ne croit pas au Salut de l'âme. A quoi bon vivre difficilement si c'est pour souffrir sans but. Endurer mille morts pour des idées ? Le jeun 'en vaut pas la chandelle.

Enfin, dans les communautés, il y a des gens et les gens où qu'ils soient sont soumis à la psychologie des groupes. C'est ainsi que la plupart de ce belles idées finissent souvent dans le récriminations, les scissions, voir les affrontements. On trouve que l'un a plus que l’autre mais ne le mérite pas et c'est un chef, souvent charismatique à l'initiative du projet, qui agit ensuite en autocrate afin de régler les différends.

Dans les communautés religieuses, il y a, avant de prononcer ses vœux, un noviciat qui permet à la communauté de tester 'arrivant mais aussi à celui-ci de savoir s'il sera capable d'y vivre avec une règle stricte. Dans l’Église catholique par exemple, le noviciat désigne aujourd’hui le temps estimé nécessaire pour qu’un candidat arrive à une décision personnelle en ce qui concerne l’appel ressenti à suivre le Christ sur la voie des conseils évangéliques.ET c'est un religieux spécialement formé à ce magistère qui a la charge des novices. 

Chez les Amish, autre communauté bien connue, le rumspringa est une pratique correspondant à une période durant laquelle les adolescents sont temporairement déliés de leur Église et de ses règles afin de découvrir le monde. Libre à eux ensuite de continuer à vivre chez les anglais - les gens du dehors - ou à retourner dans la communauté y recevoir le baptême. C'est une manière d'expurger la communauté des éléments les plus récalcitrants.

Rien de tout cela dans les communautés laïques fondées sur l'enthousiasme. Hélas, l'enthousiasme ne permet pas de réparer une charpente ou une voiture, pas plus qu'il ne soigne ou élève du bétail. Or, ces communautés ont toujours pâti d'un faible nombre de professionnels utiles à la vie communauté. Et même si ce serait un peu outrancier de l'affirmer, ces expériences de vie en communauté attirent essentiellement ds cas sociaux ou psychologiques (chômeurs, grands dépressifs, anxieux pathologiques,  gourous en mal de contrôle, etc.).

Bref si le monde vous ennuie, tentez de le changer de l'intérieur. Comme disait ce bon vieux Sénèque : "Ailleurs l'herbe est toujours plus verte". Mais laissons le mot de la fin à Jean-Charles Fortuné Henry, fondateur de la communauté de L'Essai à Aiglemont, qui dura trois ans  :

« Il est passé à Aiglemont, comme d’ailleurs il est passé et passera dans toutes les tentatives libertaires, à côté des éléments sédentaires, des philosophes trop philosophes, des camarades ayant préjugé de leurs forces et de leur volonté, des partisans d’absolu, des paresseux, des estampeurs croyant avoir trouvé le refuge rêvé, enfin des malhonnêtes moralement parlant »

1 commentaire:

  1. Bonjour, beaucoup d' utopies s' arrêtent au premier coup de pioche, je ne connaissais pas Jean-Christian Petitfils, merci.

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