26 octobre, 2008

Socrate, Gabin et moi !

Socrate qui même au moment de mourir en raconte encore une bien bonne !
Sacré Socrate !

J'ai reçu naguère une jeune femme de vingt ans en consultation. Elle était en licence de psychologie et abordait cette année là, la psychopathologie. Forte de ces toutes nouvelles connaissances, la demoiselle s'attachait à diagnostiquer et à vouloir traiter tout le monde.

Ses professeurs lui avaient ouvert les yeux : rien n'était ce qu'il semblait être. Son monde naguère paisible était dès lors devenu peuplé de dangereux névrosés et autre pré-psychotiques. Elle en voyait partout ! Comme Saint Paul sur le chemin de Damas, les écailles lui étaient tombées de yeux.

Lorsqu'elle me parlait d'untel ou d'un autre, elle développait et me montrait combien elle avait collecté de renseignements utiles à ses précieux diagnostics. Et ma foi, si je jugeais ses observations cliniques adroites et intelligentes, j'émettais toujours le doute qu'elles puissent servir à diagnostiquer quoi que ce soit d'utile. Tout au plus, auraient-elles pu servir à dresser une série de portraits comme le fit La Bruyère, ou au pire à écrire des sketches.

La demoiselle n'arrrivait pas à comprendre qu'entre les petits travers bien normaux et des symptômes préoccupants existait une marge importante. Pétrie de ses nouvelles connaissances, toute fille un trop coquette devenait hystérique, tout garçon un peu fort en gueule, narcissique.

La pauvrette aurait pu glisser sur la pente amenant toute personne sensée à devenir psychanalyste. Elle aurait alors eu une vie misérable durant laquelle, elle aurait traqué les menues imperfections humaines, en recherchant une perfection inhumaine. Sa vie durant, elle aurait guetté dans les menues gestes du quotidien de ses patients, les preuves inéluctables de l'origine d'un grand malheur.

Moi je l'écoutais gentiment, manifestant parfois mon désaccord, et la titillant sur des points précis parce que justement je ne la trouvais pas suffisamment précise. C'est avec elle que j 'ai pris conscience de l'immensité qui nous séparait, de ce progrès géant que j'avais accompli mais que je n'avais jamais pris la peine de mesurer tant il me semblait dérisoire.

Sans doute avais-je été comme elle, cherchant à tout comprendre, classer, organiser et trier. Je lui expliquai un jour qu'elle était très brillante pour seulement vingt ans. Elle me répondit en riant qu'elle avait vingt ans et demie, comme le font les enfants.

La pauvre était venue me consulter, comme on serait entré en religion, tant il est devenu commun qu'un psy pour être bon, doit avoir pleuré et enragé sur un divan face à un individu mutique. Elle ne fut pas déçue parce qu'en thérapie cognitive, si on ne nie pas le transfert, on le décourage !

Je poursuivis en lui disant que de mon humble point de vue, son questionnement sur le monde était sain, et souvent très amusant et étonnant, qu'elle avait une vraie démarche originale. Que, contrairement à trop de jeunes, pour qui le questionnement consiste simplement à marcher sur les clous et à reprendre en chœur ce que leurs réclament leurs maitres à penser, cette petite était loin d'être naïve.

Je conclus donc que si ces questionnements dénotaient une grande intelligence, le fait de vouloir à tout prix répondre à toutes ses questions démontrait qu'elle était encore très jeune. Elle eut beau se défendre, je n'en démordis pas. Elle eut beau protester et faire valoir ses arguments, je tins mes positions en lui expliquant que le jour où elle distinguerait l'essentiel de l'accessoire, ce serait gagné.

C'est un peu dans ces moments là, que je me mets à penser que j'ai peut-être un côté "vieux con", un peu comme Gabin quand il chantait "je sais". C'est le genre de constat qui pourrait vous foutre un sacré coup de vieux, si je ne savais pas avec certitude, que nous les capricornes, nous ne vieillissons pas. Parce que disons le tout net, Gabin, quels que soient ses mérites, était né sous le signe du taureau, et ne peut donc rivaliser avec nous les capricornes.

Et puis, non sincèrement, je suis ravi de ne plus être à un âge où je m'étonne de tout et me pose des tas de questions. On vante toujours l'innocence des jeunes enfants. Qu'ont-ils d'innocent d'ailleurs ? Rien du tout, ils sont simplement sans expérience et avides de comprendre en explorant le monde qui les entoure.

Pressés de toucher, de palper, de se mesurer au monde, de poser des questions, et surtout les plus stupides, et d'avoir des réponses à tout. Ce qui fait, que tôt pou tard, leur innocence dont on nosu rebat les oreilles, ils la perdront et sans doute encore plus vite de nos jours.

Non, le vrai défi, ce n'est pas de conserver cette pseudo-innocence enfantine, qui n'est que de l'inexpérience et de l'amateurisme. C'est surtout de la retrouver après avoir vécu quelques dizaines d'années.

Je reste en effet persuadé que le bonheur n'est pas de répondre à toutes ses questions, mais de ne pas trop s'en poser. Lorsqu'il affirma "ce que je sais, c'est que je ne sais rien", Socrate a eu raison.

Je suis sur que Socrate et moi aurions pu nous entendre. J'aurais même peut-être pu lui apprendre deux trois trucs ...

4 Comments:

Blogger El Gringo said...

"était né sous le signe du taureau, et ne peut donc rivaliser avec nous les capricornes."

Pff...

27/10/08 12:11 PM  
Blogger Stéphanie said...

Je "pfffe" aussi : les taureaux sont nobles et beaux, ils font les meilleurs amis qu'on puisse trouver, fidèles et sûrs, etc, etc.

"le bonheur n'est pas de répondre à toutes ses questions, mais de ne pas trop s'en poser."
Alors là oui, mille fois oui.

27/10/08 8:38 PM  
Blogger Psignotus said...

Et, quel que soit notre signe, l'avantage que nous avons sur Socrate, c'est de pouvoir continuer à apprendre ces "deux trois trucs" en buvant à votre santé !

28/10/08 4:26 PM  
Blogger Lousk said...

Je viens d'apprendre qu'avant vingt ans j'en suis arrivé à la même conclusion qu'un philosophe à la barbe blanche ! Le meilleur reste à venir !

24/10/10 8:11 PM  

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