11 avril, 2009

Malraux et moi !


Durant quelques années, j'ai eu le même coiffeur qu'André Malraux. A trois ou quatre reprises, peut-être plus, je me suis ainsi retrouvé assis à côté de lui. Je me souviens encore de sa voix si particulière même si à cette époque, je ne savais pas qui c'était. Ma mère rentrait alors et disait à mon père : "tiens nous avons vu Malraux chez le coiffeur".

Par la suite, j'ai lu Malraux et j'ai trouvé cela correct sans plus, peut-être un peu verbeux tout de même. Moi qui suis aussi timide qu'une violette, je me défie toujours de ces épopées, de ces fresques grandiloquentes. Et puis, j'ai du mal à imaginer que ce petit mec ait pu vivre tout ce qu'il a écrit. Ça me semble bizarre tout de même ce passé héroïque pour finir par se faire coiffer le cul collé dans un fauteuil rouge à fanfreluches.

Il y a tellement de mythomanes chez les écrivains. Normal puisque pour écrire, il faut de l'imagination ! Alors de l'imagination à la mythomanie, il n'y a qu'un pas que certains osent franchir allègrement. Et puis, je trouve suspect le parcours de cet ancien coco qui finit ministre de la culture du Général. Mais bon, je ne suis pas là pour faire de la politique. Après tout Malraux a tracé la route à des hommes comme messieurs Hirsch et Kouchner.

La seule phrase que je connaisse de Malraux, parce qu'on me l'a serinée mille fois, c'est : "le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas". Il parait que cette phrase ne serait pas de Malraux, lequel l'a récusée plusieurs fois. Il semblerait qu'il ait dit "le grand problème du XXIe siècle sera celui des religions". Putain, que je n'aime pas ces phrases toutes faites, ces apophtegmes torchés à la va vite et qui ne veulent rien dire. Ça me semble aussi con que le célèbre "la femme est l'avenir de l'homme" d'Aragon.

Mais bon, c'est dommage qu'il ne l'ait pas prononcée cette fameuse phrase parce que l'époque nous montre qu'il aurait eu des dons de visionnaire le père Malraux. En disant cela, je ne pense évidemment pas aux religions traditionnelles. Je pense uniquement à cette néo-religion du politiquement correct qui transforme pas mal de mes concitoyens en inquisiteurs et autres fouille-merdes ! Cette lèpre mentale qui corrompt tellement les esprits que la paranoïa règne en maitresse au travers de son pire symptôme : la quérulence.

Ce soir, je suis passé dire bonsoir à mon père. Le téléviseur était allumé sur Canal + et j'ai assisté à la présentation du dernier film de Jean Dujardin au Grand Journal de Denisot, "Rio ne répond plus", une aimable pochade, une simple comédie, à prendre évidemment au second degré.

Les débiles de service, que l'on appelle chroniqueurs, ne savaient plus s'ils devaient rire ou alors afficher des mines graves. Ça leur faisait de drôles de têtes à ces crétins. Ils se dandinaient comme prise d'une envie de chier subite. J'ai compris que quelque chose les dérangeait. Ces microcéphales ne savaient pas s'ils pouvaient rire ou non. Leur pauvre cerveau adapté aux pensées dichotomiques (beau/pas beau, blanc/noir, gentil/méchant) moulinait sans relâche pour tenter d'adopter une pensée conforme aux dogmes. C'est que le film de Dujardin leur proposait de rire de choses graves telles que le nazisme ou le machisme !

Une blonde mafflue s'est alors lancée en demandant : "Jean, le personnage de ce film est tout de même antisémite et machiste non ?". Alors là, gros plan sur la tronche de Dujardin qui rougit, ne s'attendant pas à ce genre de truc. Parce qu'il faut vraiment être le roi des cons ou avoir le vice dans la peau pour voir dans cette comédie la trace de la patte d'un mouvement néonazi. Autant tenter de dresser une analyse politique de La grande vadrouille à travers une grille de lecture marxiste pour y voir l'éternelle lutte des classes. A force de trop penser, les gens deviennent lourdingues !

L'acteur bredouille et se sentant pris au piège, explique qu'effectivement Hubert Bonisseur de la Bath est une personne atroce chargée de tous les péchés mais que bien sûr c'est une caricature. Il aurait du rajouter que le film pouvait être vu comme une sorte de mise en garde destinée à montrer ce qu'il ne faut ni faire ni dire ! Il aurait fait un strike au niveau de l'acte de repentance. Les autres chroniqueurs se lancent à la suite de la blonde, bien décidés à lui disputer le titre de " meilleur citoyen vigilant".

Et le pauvre Dujardin continue à bafouiller et est même obligé d'expliquer que bien sûr, ce n'est qu'un personnage de film avec lequel il prend de la distance et qu'il n'approuve pas. Les visages se détendent. Message reçu 5/5, le film est une vraie comédie et rien d'autre. Il ne recèle aucun message subliminal et peut être visionné par tous les publics. Jean Dujardin est déclaré en "état de grâce" et est admis à communier. Les chroniqueurs parlent alors du film et se mettent à rire en relatant certaines scènes.

Ouf, Dujardin s'en sort bien. Ce n'est pas ce soir qu'il sera fusillé par le comité d'épuration réuni sur le plateau de Canal + ! Il a eu chaud, on en a vu qui ont ruiné leur carrière pour moins que cela.

Effectivement, même si Malraux ne l'a pas dit, le XXIème siècle sera religieux ou ne le sera pas. Curieusement, je ne suis pas sûr qu'il aurait prévu que les nonnes confites en dévotion d'une époque révolue et traquant satan partout, seraient remplacées par des saltimbanques s'organisant spontanément en comités de vigilance citoyenne.

Il faut vraiment être pourri de l'intérieur pour voir ainsi le mal partout ! Dire que ce sont les mêmes qui s'affolent si on leur parle de Hoover ou des talibans. Putain, je n'aurais pas aimé les connaitre sous l'occupation ceux-là. Sûr qu'ils auraient adoré l'époque si propice aux dénonciations.

Si Malraux ne m'a pas laissé de souvenirs impérissables, en regardant cette bande de cons, je repensais furieusement à Philippe Muray, à ses analyses et à son génie visonnaire. Qui n'a pas lu Après l'histoire ne pourra jamais comprendre ni décrypter ces saynètes apparamment anodines et qui pourtant me font froid dans le dos.

Mais si Muray parle de Festivus, moi j'aurais une autre analyse. L'époque est la proie de la paranoïa, cette atroce folie raisonnante qui s'étend sans cesse.

7 Comments:

Blogger Psignotus said...

Cher Philippe Psy, d'habitude, la partie commentaire est aussi savoureuse que vos textes, cf. Ethnologie et road movie. Et pour ce billet-ci, zéro commentaire. Sans commentaire. Ou alors c'est que personne n'ose ? Sans commentaire en effet.

22/4/09 10:13 PM  
Blogger Laurence said...

Nous pouvons tout simplement en conclure que les fidèles lecteurs de ce blog sont plus friands d'ethnologie que de culture ;))CQFD

23/4/09 10:30 AM  
Blogger El Gringo said...

Disons que quand le billet est sérieux et bien argumenté, comme dans le cas présent, il est plus difficile de venir ajouter ses 3 gouttes de pipi en balançant un commentaire plus ou moins idiot.
Alors effectivement, personne n'ose.

23/4/09 12:05 PM  
Blogger Laurent said...

Enfin, il faut être drôlement cultivé pour faire de l'ethnologie aussi fine. Et c'est sûr qu'à la culture de Malraux (beurk), on préfère tous l'ethnologie de Philippe.

23/4/09 1:14 PM  
Blogger monoi said...

Ou peut etre que les lecteurs de ce blog sont en majorite des Touloises qui aiment commenter sur les bites.

Personellement, cet article m'a fait commander 3 livres de Muray pour voir de quoi il cause le psy.

23/4/09 4:07 PM  
Blogger Psignotus said...

Ah ! Qu'en termes galants...

23/4/09 9:37 PM  
Blogger Psignotus said...

A toutes fins, ma réponse "Ah qu'en termes galants" s'adressait à Laurence.

24/4/09 4:32 PM  

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