03 avril, 2010

Fessebouc !

Je reste toujours surpris de l'importance que certaines personnes accordent au réseau social Facebook. Facebook est un réseau social créé par Mark Zuckerberg et destiné à rassembler des personnes proches ou inconnues. Depuis décembre 2009, il rassemble plus de 400 millions de membres à travers la planète. Facebook est né : il était, à l'origine, le réseau social fermé des étudiants de cette université avant de devenir accessible aux autres universités américaines. La vérification de la provenance de l'utilisateur se faisait alors par une vérification du mél de l'étudiant. Le site est ouvert à tous depuis septembre 2006.

En bref, depuis cette année, n'importe qui put accéder à ce réseau social sans qu'aucune vérification ne soit effectuée. C'est ainsi que si l'on tape "Nicolas Sarkozy" dans la recherche d'amis, on peut trouver 326 résultats. De la même manière, Cary Grant, acteur disparu en 1986, possède 255 profils. C'est vous dire si le réseau est fiable. De toute manière, il ne fut à l'origine établi que pour des étudiants, et non des professionnels. Ce n'est qu'une version électronique de la "bande de potes" des adolescents aujourd'hui prisée par des adulescents.

Soutenu par un engouement médiatique incroyable, Facebook a connu de beaux jours. Tout le monde a voulu y avoir son profil parce que, parce que quoi d'ailleurs.? Sans doute parce qu'il fallait y avoir son profil : c'est tout. C'était un "must have" comme disent ou disaient nos amis anglosaxons. Une fois entré son profil, que se passaient-il ? Tout d'abord, chacun cherchait ses amis. La logique mnémonique de base, faisait qu'on entrait d'abord dans la recherche les noms évidents, à savoir de vrais amis dont on se souvient immédiatement. C'est ainsi qu'un réseau Facebook était d'abord constitué de gens que vous auriez pu voir dix fois dans la semaine et dont vous possédiez le numéro de téléphone. Quel intérêt de les retrouver sur ce médium ?

Puis, passé la fièvre des amis proches, chacun de nous a voulu savoir ce qu'était devenu untel ou unetelle. Parfois, et cela m'est arrivé, on a du se creuser la cervelle pour se souvenir du nom de cette jolie petite blonde que l'on matait discrètement en classe de terminale ou en licence de droit. Une fois le nom trouvé, le profil était rarement accessible. Alors que faire ? Lui écrire ? Oui mais pour lui dire quoi ?

Il y avait les gens comme moi qui se trouvaient un peu glands de demander "comment vas-tu ?" à quelqu'un qu'on n'avait pas vu depuis vingt ans. Parce que la logique est implacable, globalement si vous n'avez pas vu quelqu'un depuis vingt ans, il y a de très fortes chances, sauf cas extrêmes de disparitions inexpliquées, que vous ayez eu de bonnes raisons de ne pas lui donner de vos nouvelles ou elle de ne pas vous donner des siennes.

En revanche d'autres personnes n'ont pas eu ces pudeurs envers moi et se sont proposés de devenir mes amis. Je possède ainsi sur mon "facebook" des "amis" que je n'ai pas vu depuis vingt-cinq ans et que je ne verrai jamais. J'en ai un avec qui j'étais au cours préparatoire en 1971 et que je n'avais pas vu depuis 1973. Je sais qu'il est marié, père de deux enfants, vit dans le sud mais je ne lui ai jamais parlé. D'ailleurs, à part cliquer sur "accepter" à la demande "voulez vous être mon ami", nous n'avons eu aucun autre échange. Ce que nous savons l'un de l'autre, c'est que nous sommes vivants. Et encore ! Sachant que les profils ne sont pas validés, il se peut que ce ne soit pas les vrais amis d'il y a vingt ans de la même manière que je pourrais ne pas être le vrai Philippe. Souvenons-nous que nous naviguons dans un monde virtuel où un loup peut se dissimuler sous une peau d'agneau et une jolie blonde accorte n'être qu'un gros barbu quinquagénaire.

Viennent ensuite une autre catégorie d'amis consistant en tous ces gens que vous connaissez vaguement sans vraiment échanger plus qu'un "bonjour-bonsoir" et qui sont ravis de vous avoir dans leur réseau Facebook. Si comme moi, vous êtes polis, vous acceptez, et vous avez alors des nouvelles de vagues relations, telles que votre boucher, charcutier ou voisin de palier. Vous assistez alors à l'anniversaire du petit dernier ou à leurs vacances sur la Costa Brava. Parce que Facebook, c'est avant tout cela : dévoiler son intimité à des gens qui s'en foutent la plupart du temps.

Et si vous n'étiez pas sérieux, Facebook, ce moteur de recherche amical vous proposera bientôt de devenir l'ami des amis de vos amis et vous trouverez surchargés de relations que vous ne connaitrez ni d'Eve ni d'Adam. Tant et si bien, qu'à de rares exceptions près, tout le monde finit par se lasser de Facebook. Au début, tout nouveau tout beau, on va regarder et bien vite on n'y fiche plus les pieds et son profil devient aussi peu fréquenté que celui que l'on avait laissé sur Copainsd'avant, l'ersatz français. J'ai d'ailleurs un profil sur ce site que je ne consulte jamais. Lassé des mails m'indiquant qu'aujourd'hui c'était la fête d'untel ou d'unetelle, j'ai même classé ce site sous la rubrique spam dans mon mail.

Si vous ne prenez pas garde, vous aurez vite deux-cents amis. Certains se livrent d'ailleurs à une compétition liée au nombre de contacts sur leur profil. On n'a les mérites que l'on peut ... C'est ainsi qu'un ami mien, musicien professionnel, s'amuse toujours de savoir qu'il a Jimmy Page comme ami. Ce nombre d'amis a d'ailleurs suscité bon nombre d'études et de recherches. C'est ainsi qu'est né le "nombre de Dunbar qui est le le nombre d'amis avec lesquels une personne peut entretenir une relation stable à un moment donné de sa vie. Cette limite est inhérente à la taille de notre néocortex. On l'estime à 148 personnes.

Alors qui reste-t-il sur Facebook ? A vrai dire pas grand monde ou pas grand chose devrais-je dire.

  • Les nouveaux arrivants qui débarquent et se font avoir comme indique ci-dessus.

  • Les gens comme moi qui gardent un profil sur lequel ils ne vont jamais mais n'osent le fermer de peur de heurter la sensibilité de toutes ces gentilles personnes qui les ont demandés comme ami. En revanche, j'ai pu constater que passée l'euphorie des premiers temps, des gens qui publiaient beaucoup ne publient plus. Même le petit Thomas âgé de vingt-et-un ans ne se montre plus guère.

  • Quelques retardataires qui ont lu de vieux magazines de communication datant d'il y a trois ans dans la salle d'attente de leur dentistes d'une quelconque sous-préfecture et se sont dit "Ouah c'est génial ce nouveau média !" et vont vite réaliser comme les autres, que "non ce n'est pas génial" mais "plutôt inutile et gavant". Je ne les blâme pas puisque de même que les choses mettent un certain temps avant de venir de New-York à Paris, elles mettront aussi du temps, peut-être même plus, à passer de la capitale à nos belles provinces. Ces personnes n'auront alors de cesse de mettre en place leur profil ou mieux, celui de leur boutique (Quincaillerie Chopineau à Montluçon) si elles ont un profil d'entrepreneur du XXI ième siècle

  • Les adolescents et les post-adolescents pour qui les groupes et jeux de Facebook restent des gadgets amusants et ont du temps à perdre sur cet outil de la même manière qu'ils en ont à perdre en s'échangeant des SMS pour ne rien dire. Nous avons tous été jeunes. Dès lors, Facebook devient le prolongement naturel des célèbres Skyblogs dans lesquels des ados se racontent.

  • Les gens dont le métier est de chercher : services secrets, policiers, enquêteurs, etc. Sachant que s'agissant de professionnels, ils ont vite fait de savoir si un profil est réel ou si c'est un fake, une blague montée par un copain (mais certainement pas une usurpation d'identité laquelle en droit est caractérisée par le fait de vouloir nuire). De fait, une de mes patientes exerçant la profession de recruteur pour cadres de haut niveau m'expliquait qu'elle ne consultait plus Facebook car rien n'était authentifié de manière certaine et que c'était une perte de temps. De fait les professionnels du renseignement savent discriminer les informations, c'est là le propre de leur profession.

  • Les dragueurs à deux balles, qui se croyant sur un bon vieux 3615 Ulla de la bonne époque, brancheront dix mille femmes en leur proposant une rencontre coquine de manière plus ou moins agréable allant de "Comme vous êtes jolie !" à "JH 20X6 pour éjac. faciale".

  • Les cambrioleurs qui seront ravis de savoir que vous partez demain pour une semaine pour aller voir votre mémé à Limoges en laissant votre maison vide.

  • Les personnes possédant de grosses tendances hystériques et adorant livrer leur intimité à des inconnus.

  • Papi et mamie qui trouvent cela bien pratique pour rester proches de leurs enfants et de leurs petits-enfants !

  • Et bien sûr tous les libertaires qui ont hurlé après le fichier Edvige mais qui vont se raconter en public. Encore une fois, la soumission librement consentie est la forme la plus aboutie de manipulation.


En bref, il me semble, mais je ne suis pas le seul, que Facebook, comme la plupart des réseaux sociaux, soit une simple mode, un épiphénomène qui retombera tel un soufflé pour ronronner gentiment. Sans doute cela perdurera-t-il mais d'une manière plus modérée en proposant à ceux qui le veulent de fédérer une petite communauté d'amis et de proches autour d'eux (Kevin et ses copains, papi et mamie et leurs petits-enfants, un directeur commercial et ses vendeurs, etc.) car l'outil est pratique pour échanger des données comme des photos de vacances, des textes ou des informations brèves. Dans peu de temps, l'outil jadis merveilleux ne sera plus qu'une sorte de PICASA ou de FLICKR un peu amélioré mais rien d'autre.

Dans les faits, baser une quelconque stratégie professionnelle de communication globale et grand public, sur ce médium me semble ahurissant. Facebook perdurera sans doute en tant qu'outil communautaire destiné à un partage interne de données dans un climat de détente aux visées très limitées à moins d'employer des méthodes publicitaires proposées par le site. Que vous soyez BMW ou la Quincaillerie Chopineau à Montluçon (Allier), vous ne fidéliserez personne sur le long terme à moins de ne vouloir que d'une bande de blaireaux ayant du temps à perdre que vous aurez recruté à grand renfort d'outils marketing en alimentant un buzz perpétuel.

Évidemment tous les abrutis, spécialistes de la communication ou se présentant comme tels, ne comprennent rien à tout cela, se bornant à considérer le nombre de profils sans savoir en analyser le contenu. Comme je l'avais appris en école de commerce, le marketing, avant même d'être une technique, reste un état d'esprit, un don pour sentir, ressentir et deviner. C'est ainsi que les mêmes spécialistes n'avaient pas parié un cent sur la réussite d'Apple sur le marché de la téléphonie portable alors occupé par des mastodontes comme Nokia ou Sony-Ericsson.

Facebook, c'est comme Second Life, il fallait y être mais je ne crois pas qu'il faille y rester. Il n'y a rien de nouveau sur les mondes virtuels qui finissent toujours par partir en vrille. Dans tous les cas, Facebook vous remercie pour tous les renseignements collectés de manière spontanée et sans aucun doute revendus sous forme de fichiers à des entreprises.

Quoiqu'on fasse, que l'on en dise, Internet sera et restera toujours une sorte de marigot infâme, une pierre moussue sous laquelle grouillent des choses pas jolies. Et donc, à moins d'utiliser intelligemment internet en choisissant les sites que l'on visite, et en ayant soi même la possibilité de discriminer les informations fournies, le Net ne sera jamais qu'un outil technique pour le pire comme pour le meilleur. Que tous ceux qui ont vu dans Facebook, quelque chose qui rapprocherait les hommes se souviennent : il n'y a rien de nouveau sous le soleil ! La vraie communication, ce sera toujours parler, dire bonjour, prendre soin de quelqu'un et savoir que quelqu'un pense aussi à vous mais certainement pas ces bidonnages informatiques.

Et pour clore ce long article, voici l'adresse d'un lien où vous pourrez vous amuser des perles que recèle ce médium encore récemment à la mode. un exemple ci-dessous :)

10 Comments:

Blogger Mörie Bryer said...

Je suis ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.
Pour ma part, Facebook m'est bien utile pour garder contact avec mes amis éparpillés (Toulouse, Londres, Jaipur en Inde, Nantes, Paris...) et que je ne peux tous appeler régulièrement.

Un mail, une lettre demande un effort certain, et donne au destinataire une sorte d'obligation de répondre. Facebook n'oblige pas, et demande peu d'efforts pour un résultat certain : on est toujours au courant des choses importantes dans la vie de ceux qui comptent et qui sont loin, mais aussi de leur quotidien, sans être obligé de les appeler toutes les semaines (ce qui est impossible).

C'est aussi un lieu d'échange : photos, projets, textes, articles. C'est un peu comme un forum mais avec une interface nettement plus agréable.

En résumé, on "prend des nouvelles" au sens propre :), parce qu'elles sont disponibles facilement. Je m'aperçois que je suis moins proche des amis qui n sont pas sur Facebook, même si je les appelle, parce que je ne peux pas avoir d'information régulière sur leur quotidien, sur les petites choses importantes.

Et puis enfin, pour revenir sur ce que vous disiez à propos des connaissances d'il y a vingt ans, c'est tout à fait vrai, et le meilleur survient quand on retrouve ses ennemis et qu'on s'aperçoit qu'on a mieux réussi qu'eux dans la vie ;)

3/4/10 11:22 AM  
Blogger philippe psy said...

Marie, vous êtes donc d'accord que Facebook est utile pour les petites communautés ? C'est justement ma conclusion. :)

3/4/10 2:05 PM  
Blogger Gabrielle said...

cé du louuuuuuuuuuuuuuuuuur 7 articl oééé grosse ^^

3/4/10 10:18 PM  
Anonymous Anonyme said...

Quoi ? Il y a une quincaillerie Chopineau à Montluçon ? Une vraie ? Avec des chignoles à main et des vis à bois en vrac ? Un Blount à l'entrée et un quincailler qui se met le crayon derrière l'oreille ? Je veux l'adresse !

4/4/10 12:19 AM  
Blogger philippe psy said...

Oui Robert et même que monsieur Chopineau qui porte le même prénom que vous, parle encore à la troisième personne : "qu'est ce qu'il veut le monsieur ? Des clous ? Et il en veut combien ?"

4/4/10 3:14 AM  
Blogger El Gringo said...

"...et une jolie blonde accorte n'être qu'un gros barbu quinquagénaire."

C'est pas moi, je le jure!
D'ailleurs je ne sais même pas à quoi ressemble ce site...

5/4/10 11:50 PM  
Blogger philippe psy said...

Dis le Gringeot, répondras tu à Marido ? Je crois qu'elle t'a adressé un mail :)))

6/4/10 2:40 AM  
Blogger GCM said...

Ouais, et t'es sur une pente savonneuse mon vieux gringeot...

6/4/10 9:22 AM  
Blogger Laurence said...

Ben alors Gringeot, tu fais ton boubourse ???

7/4/10 11:28 PM  
Blogger AbeLinKoln said...

Ahhh, comme c'est bô, tous ces pauvres petits bipèdes, malades de leur anonymat !
Je propose une formule destinée à désigner ces comportements névrotiques : jouer à l'égo !

22/10/10 1:25 PM  

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