04 avril, 2016

Le temps qui passe et ne repassera pas !


Voici encore pas si longtemps, quand j'allais à des mariages, c'était ceux d'amis. On était sur de bien manger, de picoler et de s'amuser. Le plus rigolo c'était de voir la tronche des amis qui se mariaient pour qui ce n'était pas forcément le plus beau jour de leur vie ; tant l'organisation d'un grand mariage est contraignante et stressante. Qu'on se le dise, le grand mariage avec robe blanche, cérémonie et tout le tralala est plus souvent décidé par la future mariée et les familles que par le futur marié, lequel se serait bien passé des préparatifs pénibles. Mais ce que femme veut, Dieu le veut !

Puis, mes relations étant toutes mariées, vint le tour des mariages de petits frères ou sœurs de ces mêmes amis. Ça allait encore, on pouvait faire illusion. On continuait à picoler et à s’amuser et on regardait d'un œil bienveillant les "petits" s'amuser. Vint enfin le tour des premiers divorces. On n'avait pas vu le temps passer mais certains couples si. Et les plus mal assortis faisaient naufrage au bout de dix années d'union. Là pas de fêtes, ni de picole ! On se dit juste que Madame X qu'on était habitué à voir dans les diners en tant qu'épouse de X et avec qui on avait créé des liens, ne viendra plus et qu'on finira par la perdre de vue et l'oublier. 

Voici aujourd'hui venu le temps des mariages de la génération suivante. On ne l'avait pas vue grandir celle-là. Née à la fin des années quatre vingt ou au début des années quatre vingt dix, on avait déjà été étonné qu'ils parlent, puis aillent à l'école, passent le bac ou votent et voici qu'ils sont fin prêts pour convoler. Ces petits cons qu'on a vu naitre sont devenus adultes, ont des métiers et se marient. Bientôt, ils nous enterreront. C'est la vie qui passe. Dès que vous croisez un nourrisson, dites-vous bien que c'est ce charmant bambin rose qui une fois adulte jettera une poignée de terre sur votre cercueil après avoir convenu avec votre médecin traitant d'arrêter les soins !

Sauf que moi, qui suis né vieux et pour qui rien ne vaut autant qu'un lendemain qui ressemble à aujourd'hui et un aujourd'hui qui ressemble à hier, je ne l'ai pas vue passer la vie. Dans un an, j'aurai cinquante balais. Je me souviens que ce même blog que vous lisez, je l'avais commencé à l'âge de trente neuf ans. Le temps passe vraiment vite et je ne l'ai pas vu passer. On grimpe l'échelle du toboggan jusqu'à trente ans, putain que c'est long, et après on le dévale. Le manque de pot, c'est qu'on ne finit pas dans un bac à sable pour regrimper aussitôt mais plutôt dans un caveau dont à part le Christ et Lazare, personne n'est jamais revenu à ma connaissance.

C'est ainsi que mon filleul Lapinou, non content de ne jamais venir me voir depuis qu'il exerce la profession d'auditeur externe chez un des big four, une sorte de travail idiot d'esclave moderne qui le mobilise même le samedi, a décidé de m'assassiner en convolant en justes noces. Il m'a annoncé ça l'année passée alors j'avais tout le temps d'y songer. Sauf que j'ai rangé l'idée dans un coin de ma tête pour ne plus y penser. Et puis le faire-part est arrivé avec même un site internet à consulter. Ça m'a foutu un coup de vieux parce que nous, quand on se mariait, on n'avait pas de site vu que ça n'existait pas ! Et puis je n'avais jamais imaginé qu'on puisse naître en 1989 et avoir l'âge de se marier !

Et puis, ça m'a aussi rajouté un second coup de vieux parce que je me suis demandé comment ça allait se passer. Connaissant les familles de Lapinou et de sa promise, je me doute bien qu'ils mettront les petits plats dans les grands et que tout sera parfaitement organisé. Mais bon, dans la vie, il n'y pas que la bouffe et le pinard, même quand ils sont au top. Il y aussi l’assistance avec qui on les partage. Je n'ai pas lu la lettre à Ménécée pour rien.

Alors je me suis risqué à demander à Lapinou à quelle table nous serions. Celle des mariés, c'est à oublier puisqu'il y aura forcément les parents et les témoins. Ouste Philippe, dégage à une autre table. Oui mais laquelle ? C'est là que le bât blesse et que Lapinou n'a pas voulu me répondre parce qu'il m'assure que les plans de table ne sont pas encore établis. Alors, moi j'ai un peu gueulé, je lui ai dit qu'il avait intérêt à ne pas nous coller à une table de quinquagénaires chiants ! Et mon épouse qui était assise en face de moi a interrompu ma conversation pour me rappeler que si elle calculait bien, étant né en 1967, j'aurais cinquante ans l'an prochain. De fait, il ne semblait pas idiot qu'on me mette à une table de gens de mon âge !

Le ciel m'est tombé sur la tête. Je me suis imaginé aussi à l'aise que le Petit Nicolas à l'anniversaire de Marie-Edwige sauf que moi, je me voyait assis, cravaté, rasé de près, à une table à laquelle seraient assis des cadres chiants discutant de trucs convenus, attendant que le temps passe, et me demandant à quelle heure il serait convenable de repartir de ce pensum. J'imaginais une table composée de gens capables de s'enflammer pour un duel Lemaire / Juppé ! Et moi au milieu, le vieux toujours jeune ou le jeune né vieux, se demandant ce qu'il était venu faire dans cette galère.

Alors je me suis interrogé ! Suis-je adulte ? Peut-on avoir mon âge et se trouver encore jeune ? Est-il normal quand je croise des gens respectables de mon âge, de me dire que je l'ai échappé belle ? Je n'en sais rien. Et pourtant, je ne pense pas refuser les responsabilités. Je crois même que j'adore ça. Je ne vis jamais mieux que quand je suis persuadé d'être au centre des décisions. Mais bon, j'ai toujours fait la part des choses en me disant que dans la vie, il y avait l'essentiel et l'accessoire. Et moi, l'accessoire, les choses sans importances, les fausses responsabilités, les obligations facultatives ou la respectabilité en carton, je ne cours pas après. 

Et puis est-ce de ma faute si je passe les deux tiers de mon temps à fréquenter des surdoués ? non que j'estime en être un ! Mais simplement que mon cabinet en regorge. Je dois en voir vingt par semaine. Et quelles que soient leurs diplômes et leurs responsabilités, ils savent rester cools et prendre du recul. si leur intelligence pourrait les placer tout en haut de la pyramide, ils s'en foutent. Du moment, qu'ils assurent un minimum, ils ne seront pas du genre à tout faire pour dominer ou posséder. Je n'ai jamais su s'ils étaient sages ou un peu fainéants. Peut-être les deux ? A moins que l'intelligence permette justement de se souvenir que rien n'est plus précieux que le temps libre, celui que l'on peut attribuer à des lubies.

Alors comment faire si on me place à une table de vieux emmerdeurs, de gens pédants et vaniteux. Qu'un seul me vante son pouvoir et ses avoirs et je lui répondrai que dans trente ans de toute manière il sera mort. C'est idiot de s'imaginer cela. Après tout ils seront peut-être sympas, qui sait ...

De toute manière, né sous le signe du capricorne, je suis un être responsable. C'est le mariage de Lapinou, et dut-il m'asseoir à une table de comptables ou je passerai la soirée la plus pénible de ma vie, que je ne dirai rien et me coulerai dans le moule.

Parce que justement, c'est le mariage de Lapinou et que parfois il faut savoir faire taire ma grande gueule, renoncer au délice d'un bon mot, d'une joute verbale, pour simplement faire plaisir.


4 Comments:

Blogger El Gringo said...

Tiens, à propos du temps qui passe, ça ne fait même pas six mois que ma fille m'a transformé en grand-père et voilà-t-y pas que mon fils s'y met aussi!
En à peine plus d'un an je serai passé de jeune-homme à vieillard...

4/4/16 11:34 PM  
Blogger Mourad said...

Moi qui arrive, incrédule, à 48 ans... je comprends et compati! L'autre jour, une petite pisseuse que j'ai vu grandir et jouer à la poupée qui me parle de cuni et de son désir de se reproduire! Ou mon ex, si fine, si délicate, si élancée, si désirable... naguère... aujourd'hui... mazette... ça serait viagra en intraveineuse, et encore !!

Alors de coup de pelle dans la nuque, en tir(s) de snipper évité(s) de justesse, on se retrouve là un peu les bras ballants, en voyant les mecs de nos âges, vieux, affligeants pour ne pas dire lamentable ou déjà paré pour la pré-retraite, et... et... mais... mais...

Que dire d'autre que NON! Refuser cette anesthésie générale, garder le rire et la joie au coeur, faire des trucs déraisonnables, pour arriver au final en vieillard indigne, sourire aux lèvres et faire un bras d'honneur aux biens-pensants...

Bon mariage !

5/4/16 1:36 AM  
Blogger philippe psy said...

@El Gringo : Saturne dévorait ses enfants. On comprend pourquoi ! Dire que ces "petits cons" jetteront une poignée de terre sur le cercueil du Gringeot ! C'est à désespérer de l'être humain !

@Eric : moi j'avais pensé à faire un contre-mariage avec que des "vieux" de mon âge :)

11/4/16 10:08 AM  
Anonymous Anonyme said...

"Petit con". Combien de fois j'ai entendu ce surnom bourré d'amour, selon le principe qui postule que : "qui aime bien, châtie bien". ;)

Et euh, sinon, qui aime "juste" ?

28/10/16 8:52 PM  

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