Douance, accoutumance, aisance et aberrance !
Être ou ne pas être surdoué, voici l'un des enjeux majeurs de notre temps. Depuis que Jeanne Siaud-Faschin, affectueusement surnommée JSF dans le milieu des surdoués, a publié son livre Trop intelligent pour être heureux, tout le monde se sent concerné par la douance. Et si plutôt que d'être déprimé par l'environnement ou les événements de vie, on pouvait l'être du fait d'une trop grande intelligence.
Se comparer à l'Albatros de Baudelaire, celui que ses ailes de géant empêchent de marcher à certes plus de gueule que de s'avouer juste victime d'une dépression lambda qu'un généraliste soignera à coups d'ISRS, avant que la vie ne reprenne ses droits, mais ce sera une existence normale, tout juste ébréchée par l'accident de parcours qu'aura représenté la dépression.
Sans doute faut-il voir dans la réussite de ce concept de douance à notre époque, l'atavisme qu'ont les gens pour l'individualisme. Déprimer ? Seulement déprimer, ce serait tellement commun, tellement vulgaire. Alors on déprimera au nom d'un idéal, d'une singularité, d'une intelligence malmenée par la bêtise de nos contemporains. On prendra les mêmes antidépresseurs et on recourra aux mêmes recettes que les autres mais tout au fond de soi, on s'estimera unique. La dépression ne sera plus vécue comme un échec, une panne, mais comme la preuve éclatante de ses surcapacités.
Comme je suis souvent confronté à cette donnée nouvelle, on m'a conseillé deux ouvrages que je devais lire absolument. L'un, Les surdoués ordinaires, est de Nicolas Gauvrit et l'autre, La précocité dans tous ses états, est écrit par Fabrice Bak. J'ai commencé le premier et il me tombe des mains. Non qu'ils soit mal rédigé ou inintéressant mais qu'on y ressasse les mêmes choses que partout ailleurs en égrenant la litanie de toutes les particularités qu'auraient peut-être les surdoués.
On aura ainsi le droit à surdoués et schizophrénie, surdoués et troubles "dys", surdoués et créativité, surdoués et humour, pour à chaque fois s'apercevoir que parfois oui mais parfois non, tant est délicat l concept de douance. L'auteur, on ne pourra pas lui reprocher, a au moins le mérite d'être carré. On n'en espérait pas moins puisqu'il est mathématicien de formation. Il me semble que le livre aurait pu être résumé en vingt pages et que cela aurait bien suffit.
Mais l'ayant acheté, je le lirai, c'est l'escalade d'engagement qui l'exige. Et puis je suis trop coutumier d'abandonner des livres en cours de route pour le refaire encore. C'est ma grande décision du jour de l'an : cette année, je finirai tous les livres commencés, même les plus pénibles. Même si à la lecture de celui-ci j'en viens à me souvenir d'un patient qui ayant décrété que le livre était médiocre, n'hésitait jamais à le renvoyer à Amazon en exigeant son remboursement. Sans doute qu'aller à la poste m'est un effort plus insurmontable que de finir ce livre ?
Celui de Bak, je ne l'ai pas encore commencé, tout juste parcouru. Il m'a semblé moins austère que celui de Gaudrit mais cela ne m'a pas pour autant incité à m'y plonger immédiatement. J'ai préféré commencer par le plus petit, le livre de Gaudrit faisant moins de pages que celui de Bak, il m'a semblé que mon calvaire serait plus supportable. Mais bon je lirai les deux car je ne nie pas qu'au fil des pages, je ne puisse apprendre quelques menues choses. Je ne suis pas spécialiste en douance mais si d'aventure on m'en reparle, je serai moins bête en les ayant lus.
De même, je ne nie évidemment pas la validité des tests en psychologie, la psychométrie étant une branche importance de cette discipline. Toutefois, je m'insurge contre cette psychologie réalisée à base de tests qui viendrait en lieu et place de l'observation clinique. Cette psychologie de protocole pour autant qu'elle soit utile pour valider des intuitions ne saurait remplacer la finesse diagnostique.
Le Test de QI n'échappe donc pas à mes interrogations. Je comprends que l'on en fasse, notamment lorsqu'on y est poussé par des parents soucieux de savoir ce que leur chérubin a vraiment dans la tête. Pourtant, il me semble curieux qu'à l'âge adulte on veuille encore s'y soumettre comme si l'on pouvait douter de son intelligence et ne pas savoir quelle quantité approximative on en possède. A moins, que mus par des intentions moins honnêtes, il s'agisse de s'inscrire dans un classement destiné à savoir si l'on fait partie des THQI ou simplement des HQI. Pourquoi pas ?
Quoiqu'il en soit, il m'a toujours semble qu'un examen clinique pas spécialement complexe permettait de detecter cette fameuse douance bien plus rapidement et facilement qu'un test long et couteux. Certes l'entretien ne viendra jamais mettre une note ni graduer l'intelligence mais simplement avertir la personne si elle est surdouée ... ou non. Quoiqu'à la vérité, je suis persuadé de ne jamais m'être trompé en donnant un chiffre de QI à quelqu'un. Mais fi des chiffres et du classement, la douance cela se sent. C'est rapide un surdoué et ça renvoie toutes les balles qu'on lui envoie, fond de court ou derrière le filet.
Dernièrement je recevais un nouveau patient, un jeune type âgé de vingt-six ans pour des problèmes d'anxiété. Comme je discutais avec lui, je lui fis remarquer au bout de vingt minutes qu'il était très certainement surdoué. J'ai été très amusé de sa réaction. Il m'a répondu "ah non pas vous, déjà que la psychiatre précédente avait évoqué cela au bout d'un mois". Je lui ai fait remarquer en souriant qu'il m'avait fallu vingt minutes et non un mois. Et puis comme il prenait mal le fait d'être catalogué surdoué, je lui ai demandé pourquoi il avait cette réaction.
Il m'a alos avoué que pour lui le concept de "douance" était un "truc marketing vraiment cheap". Voilà un peu où amènent l'inflation de livres sur le sujet ai-je pensé. Il a rajouté qu'il venait trouver des réponses et traiter son anxiété et non sombrer dans "des histoires de bonnes femmes". J'ai simplement rajouté que sa douance, au même titre que son sexe et son parcours scolaire et professionnel étaient des données utiles pour traiter son anxiété et que je n'avais jamais eu l'intention d'apporter comme preuve définitive de mes compétences le fait que j'aie détecté sa douance. On a pu crever l'abcès et nous nous entendons fort bien. Il est vif d'esprit, très cultivé et bourré d'humour ... comme souvent les surdoués !
Mais ces remarques ont fait leur chemin en moi. J'ai trouvé amusant que ce qui aurait du passer pour un compliment soit vécu sur un mode agressif. Et j'ai trouvé intéressante son analyse de la "douance" comme étant un "truc marketing actuel".
Sans doute qu'il n'a pas tort ce jeune surdoué.Sans doute qu'à force de trop s'y intéresser, d'en dénaturer le concept, de le décortiquer jusqu'à lui faire perdre toute saveur, la douance sera bientôt le centre d'intérêt pour les sots !
Viendra un jour, où les gens vraiment intelligents refuseront d'être appelés surdoués laissant cette épithète aux fats et autres cuistres pour qui la normalité est insupportable à vivre !
De toute manière, soyons surs qu'on est toujours le con de quelqu'un !
9 Comments:
à propos de qi regardez la réaction de ce type dans cette vidéo à 11 minutes 20
https://www.youtube.com/watch?v=D0TgTApPqGA
c'est juste énorme ,surtout que le test est un test idiot trouvé sur internet,mais bon l''avantage c'est que du coup ça vend du rêve tout en restant gratuit
Que certains désirent être surdoués pour donner de l'éclat à une dépression, ok, mais moi, c'est un autre truc : ça m'emmerde ne pas savoir. Que ce soit dans un sens ou dans l'autre. C'est plutôt le souci de vérité.
J'ai bien fait le test sur le site de MENSA, ok, mais je ne sais pas si je dois en tenir compte, car ça me paraît léger, on dirait que ça ne prend en compte qu'une partie de la complexité de la pensée. Ou alors je ne suis simplement pas surdouée et ce n'est pas un drame. :)
Mais une psy a dit à ma mère quand j'avais 9 ans que j'étais dans la limite de la normalité, quasi-surdouée, et que c'était mieux car les surdoués sont une source d'emmerdements pour eux-mêmes, qu'ils ne peuvent pas être heureux, c'est chiant pour leur entourage car il faut une école spécialisée, etc, etc.
J'ai bientôt 29 ans. Je voudrais juste savoir la vérité. Est-ce qu'il y'a une personne qui peut m'aider?
J'ai été votre patiente pendant un an environ, je faisais une dépression et c'est passé, on a vaguement parlé de douance car ce n'était pas le coeur des problèmes que je rencontrais et depuis j'ai continué à avancer, mais que dois-je faire avec cette demie-donnée? Je suis pas surdouée parce que ça fait chier la psy, les parents et les instituteurs, je le suis pour de vrai, je ne le suis pas?
Il a fallu sept années pour que je trouve un neurologue qui accepte de changer les traitements que je prends, je suis vraiment heureuse d'avoir pu baisser les doses, mais j'ai quand même le sentiment d'être passée à côté de plein de choses, je ne voudrais pas passer à côté d'une donnée supplémentaire qui peut-être importante.
Je ne tiens personne pour responsable de mes problèmes, mais je voudrais juste SAVOIR.
L'intelligence, c'est la chose la mieux répartie chez les hommes parce que, quoiqu'il en soit pourvu, il a toujours l'impression d'en avoir assez, vu que c'est avec ça qu'il juge.
-- Coluche
Les gens vraiment intelligents refusent déjà ce mot et préférent être appelés des zèbres.
D'ailleurs, ils ne devraient plus tarder à rappliquer ;-)
Bof, de toute façon l'intelligence c'est dans les gênes. C'est comme les gros seins, ya pas de quoi s'en venter.
Après, vu les statistiques sur le sujet, mieux vaut mettre toutes les chances de son côté pour la descendance. C'est pour ça que moi, j'ai ciblé un juif ashkénaze pour partenaire :)
Votre fidèle lectrice genevoise,
Victoria
Cher Monsieur Philippe,
Cet état des lieux n'est pas très reluisant. Je subodore dans un avenir proche l'obligation de porter un badge avec la mention du QI. Les enfants pourront jeter des pierres, les femmes éviter de perdre leur temps et tous les autres choisir la munition à leur convenance, crachat ou mépris.
Il est toujours vivant le ventre fécond des bêtes immondes qui auront toujours sous la main le premier de la classe. Ce défouloir à lunettes vous aura sans doute privé de quelques patients, stabilisés sans effort en dégainant la machine à baffes.
C'est l'explication qui me vient à l'esprit à la lecture de votre article. Il y manque l'enthousiasme et l'ardeur qui vous emportèrent vers les sommets, lorsque vous vous passionnâtes pour le zurna ou la croutonnade.
J'ai une petite préférence quand vous pensez à Fernande, ça ne se commande pas.
Hpets, méfie-toi des ashkénazes, on ne peut pas les exposer au soleil ni à des séfarades et il ne faut surtout pas leur donner de la nourriture pimentée sinon ils risquent une combustion spontanée.
J'aimerais remercier Madame Victoria (hpets), je n'avais jamais compris en français l'origine de l'expression "se la péter". Or elle a écrit:
"C'est comme les gros seins, ya pas de quoi s'en venter."
Venter, c'est péter! Je viens de comprendre, merci encore!
J'en profite aussi pour lui demander si elle a de gros seins. Car la poitrine, c'est comme l'argent, ceux qui en ont beaucoup ne peuvent pas comprendre ce que c'est que d'en manquer.
Je ne suis pas d'accord avec Mr Touffier. Cet article de Mr Philippe est très bien.
Il semble que chaque fois il est question de QI ou d'intelligence, cela chatouille une glande (mais laquelle?) à Mr. Touffier. Un problème à régler sans doute, peut-être le pointeau est marqué et trop d'essence coule, à moins que la coupe du boisseau est trop petite (et mélange trop riche).
Et aussi arrêter de penser à Lulu.
PS.
Les moulins à poivre ne sont pas en danger, tant qu'il y aura du poivre. D'ailleures le poivre c'est bon sur la croutonnade.
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