Analyse réussie !
L'un de mes patients a été, durant dix
ans de sa vie, complètement agoraphobe. C'est à dire que s'éloigner de
plus d'une rue du domicile de ses parents où il logeait à l'époque, lui
semblait surhumain. Je ne l'ai pas connu à cette époque mais peu après.
Le travail que l'on a pu faire consistait à récupérer, autant que faire
se peut, ces dix années "perdues".
Durant
les dix années que met un adolescent à faire diverses expériences,
telles que celle du sexe opposé, des études ou que sais-je encire, lui
est resté tel un nolife scotché à son écran et à sa manette de
jeux. Finalement nous n'avions que brièvement abordé cette période de sa
vie. Je savais plus ou moins comment cela avait commencé mais pas très
bien comment cela s'était arrêté. Un jour, il a pu ressortir et mener de
nouveau une vie à peu près normale, du moins comme celle que mènerait quelqu’un sortant d'un coma de dix ans.
L'ayant
revu la semaine passée, on a abordé à la fin de notre séance les
modalités de sa guérison passée. Comment avait il pu surmonter cette
agoraphobie qui le tenait la plupart du temps enfermé dans sa chambre
d'adolescent ? Ma foi, c'était assez simple et il a rigolé en me
racontant sa thérapie passée.
Ses
parents, au comble du désespoir, s'était mis en tête de chercher un psy
capable de traiter l'agoraphobie qui soit dans leur quartier. C'est un
psychiatre-psychanalyste d'obédience freudienne à qui fut confié cette
lourde tâche de traiter cette agoraphobie. Vivant à deux rues du
domicile des parents de mon patient, ce dernier faisait un effort
surhumain pour aller le consulter chaque semaine.
Il le fit deux mois durant. De son propre avis, il ne comprit jamais vraiment ce que
lui demandait mon confrère, se contentant d'adhérer au cadre que ce
dernier lui proposait. Il parla donc de lui, de son papa, de sa maman et
de son frère tandis que le thérapeute, muré dans son silence, ne lui
adressait que de rares hmm-hmm.
Mon
patient n'ayant aucune autorité en matière de psychologie, et n'ayant
jamais rien lu sur le sujet, ne le prit jamais au dépourvu, se
contentant durant ces deux mois d'honorer son rendez-vous hebdomadaire. Comme
il me l'expliqua lui-même : au moins ça me faisait sortir à deux rues
de chez moi, c'était déjà cela !
Puis,
au bout des deux mois, il se trouva que le psychanalyste perdit sa fille
dans un accident de la route. Une séance seulement fut annulée mais la
semaine suivante, le psychanalyste était de retour dans son cabinet. Mon
patient, qui est un individu doté d'une grande sensibilité, sentit que
son thérapeute n'était pas et ne serait plus jamais le même. Il
ressentait en lui une profonde tristesse mal dissimulée sous le masque
impassible du psychanalyste.
Il
m'expliqua alors qu'il commença à se sentir très mal à l'aise. Au bout
de quelques semaines, il se sentit coupable de venir "ennuyer" ce
pauvre psy ayant perdu sa fille, avec ses histoires d'agoraphobie.
Tandis que le psychanalyste lui renvoyait l'image d'un homme miné par le
chagrin qui se devait de vivre malgré tout, en affrontant chaque jour
le quotidien, mon patient se sentait un peu "minable".
Tant
et si bien qu'un jour, il se décida à surmonter ses peurs et à
ressortir dans la rue. Patiemment il se prit en charge, se raisonnant et
fit des progrès spectaculaires. La semaine suivante, il annula son
rendez-vous et ne consulta plus jamais. Il était guéri.
Songeons
à ce pauvre psychanalyste qui ne saura jamais comment il a pu "traiter"
avec un succès un agoraphobe en si peu de temps. Songe-t-il que ce patient a annulé ce
rendez-vous, déçu de sa thérapie, ou au contraire, s'est-il persuadé que
la psychanalyse freudienne avait porté ses fruits ? Nul ne le sait.
1 Comments:
Ah enfin un peu de bon sens concernant ces fichus psychanalystes !
Moi qui n'y connait rien dans les différents psy je me suis retrouvée dans le cabinet d'un psychanalyste (et aussi psychiatre). Je l'avais choisi après l'avoir entendu dans une conférence ou il m'avait semblé loin des jargons et réaliste. J'y allais plus pour le côté psychiatre ( médicaments nécessaires) et pas du tout avec l'idée de faire une psychanalyse. Il n'en a d'ailleurs jamais été question.
Mais dans son cabinet l'horreur !! Des consultation d1/4h montre en main où il faut dire tout ce qui vient. Autant dire qu'en 15 mn j'avais à peine le temps d'allumer le moteur. Et un immense désarroi de se sentir tellement incapable. Une belle petite banalité pour terminer la séance, "c'est long", " vous allez retrouver la paix"... 85€ au passage ( il prend qd même la carte vitale, et crache une petite ordonnance si on la lui demande, mais il n'a rien rien d'un médecin !!). Au fil du temps j'ai compris que le fameux symptôme qui me pourrit la vie, était complètement négligeable pour lui. Sauf que au quotidien c'est difficilement négligeable...
Le problème est que l'on devient d'une certaine façon "captif" du psy, et dans une situation où on est fragilisé c'est très dur de faire la part des choses. Putain un psy pareil c'est comme un scotch collé au bout des doigts, on ne sait plus comment s'en débarrasser : "il faut terminer le travail engagé"
Mais au final je ne crois pas plus à l'efficacité de tout ça qu'un espèce d'effet placebo, si on est suffisamment complaisant pour se vautrer dans l'infantilisation. Sinon c'est assurément une perte de temps et d'argent, chez ce psy en tout cas !
Maintenant j'attends un rv chez un tcc, tout un programme !!
J'aime beaucoup lire vos remarques décomplexées sur cette profession, cela permet de démystifier pas mal de choses...
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