Les vieux Johnny Hallyday !
Quand j'étais petit, mes parents avaient une maison de campagne. C'était à la mode dans les années soixante-dix. Le vendredi soir, on venait nous chercher à l'école, mon frère et moi, et hop, nous avions le droit aux embouteillages de l’autoroute A6.
C'était parti pour au minimum une heure et demie de voiture avant d'arriver dans la région de Courtenay. (Mes lecteurs du Gâtinais apprécieront que je connaisse leur région ) Avec le recul et la nostalgie qui teinte tout de rose, je dois dire que ce furent de très bons moments que j'adorerais revivre même si à l’époque je pestais de laisser mes copains pour aller m’ennuyer à la campagne.
Et puis, j'avais évidemment le complexe du francilien qui pense que dès qu'on dépasse Fontainebleau au sud, on entre en terre inconnue. Pour moi, es gens du Gâtinais étaient des pécores, gentils certes mais des pécores tout de même.
Bref; j’étais un petit con de parisien de son époque, mais un petit con observateur qui se posait toujours des tas de questions. Et si ma passion de la lecture me permettait de trouver certaines répondes ; toutes ne s'y trouvaient pas. Parfois il faut juste vieillir pour comprendre ou connaitre : je crois qu'on appelle cela l'expérience.
C'est ainsi qu'à l'époque, je voyais passer ce que j'appelais dans ma tête "de vieux Johnny Halliday", c'est à dre des gars du cru qui se donnaient plus ou moins de mal pour ressembler à leur idole Johnny ou du moins pu avoir l'air rock'n'roll. Le minimum était de porter la banane et la nuque longue et des santiags. Les plus riches rajoutaient un perfecto avec des chaines.
Moi, je trouvais ça rigolo parce que si Johnny Halliday continuait à faire des disques, il avait un peu évolué. Or ce que je voyais semblait sortir de l’accouplement contre nature du célèbre chanteur de rock et d'un chauffeur routier. Ca sortait directement d'un musée des antiquités des années soixante et à l'époque, moi le très jeune, je trouvais cet accoutrement ridicule.
Je ne comprenais pas qu'on puisse comme cela, stagner et cesser d’évoluer pour ne pas vivre à son époque au risque d'apparaitre comme une caricature anachronique d'une époque disparue tout juste bonne à susciter les quolibets de la génération montante.
Mais les "vieux Johnny Halliday" semblaient s'en foutre et être heureux. Ils allaient boire leur coup et acheter leurs cigarettes au tabac de la place Armand Chesneau et là, tout le monde semblait les trouver normaux. Les gars avaient juste arrêté de s'adapter pour vivre comme ils l'entendaient avec leurs souvenirs.
Et puis comme l'écrivait Marcel Gotlib, maintenant que le lourd soc de la charrue de la vie a buriné mon visage, j'ai vieilli et j'ai compris. J'ai évidemment compris que l'adaptation incessante confinait encore plus au ridicule que d'accepter son âge en se disant qu'on a vécu des choses à l'époque et que c'était bien, que ça ne reviendra pas, que c'est comme ça et qu'il faut laisser la place aux jeunes.
Qu'il faut cesser de s'informer, de jouer au jeune sous peine de devenir un vieux jeune voire un vieux beau un peu ridicule, u de ces quinquagénaires qui se trimballe en jean slim avec un t-shirt ajusté qui dissimule mal la petite bedaine qui pointe malgré les efforts sportifs et la discipline alimentaires.
J'ai eu mon heure, ma jeunesse, bien que je me dise être né vieux, je me suis amusé, j'ai connu des modes successives que j'ai plus ou moins suivies, des chanteurs et des groupes et c'était bien. Je n'ai plus envie de m'adapter.
Je ne me sens pas vieux parce que mon cerveau fonctionne bien et que pour moi c'est l'important. Je connais tout ce qui se fait soit par les médias traditionnels soit par ce que m'en disent mes plus jeunes patients et cela me suffit.
Je suis devenu sans m'en rendre compte moi aussi un vieux Johnny Halliday qui traine avec se souvenirs, persuadé que c'était mieux avant.
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