19 janvier, 2015

Charlie et le Stress post traumatique !


Alors là, attention à ce que j'écris. Entre ceux qui n'ont jamais lu Charlie Hebdo, n'y ont jamais pensé ne serait-ce qu'une seconde de leur vie mais semblent songer que le monde n'aurait plus été pareil sans ce journal, et le nouveau délit d'apologie du terrorisme, j'ai intérêt à planquer mes miches moi ! J'ai intérêt à raser les murs et me recentrer sur ma ligne éditoriale : la psychologie ! De toute manière, je vous l'affirme, je pense comme tout le monde ! Et si tout le monde ne pense pas pareil, alors disons que je pense comme la majorité ! 

Ceci étant dit, j'ai vu que le Figaro avait publié récemment cet article dans lequel on fait état d'une hausse des ventes d'anxiolytiques après les attentats. Alors bien sur, il y a les sans-cœurs qui se sont moqués de ces gens soit disant trop fragiles qui ont recours à la pharmacopée pour traiter leurs angoisses de jeunes filles !


A midi, on m'a même demandé si j'avais reçu de nouveaux patients suite à ces attentats. A la vérité, non, si le chiffre d'affaires de Charlie Hebdo a singulièrement augmenté, le mien n'aura pas varié. Personne ne s'est précipité dans mon cabinet, en se jetant à genoux à mes pieds en me disant sauvez moi j'angoisse depuis le neuf janvier ! En revanche, j'ai eu deux cas qui sont très révélateurs de ce que cette hystérie collective a pu avoir de pernicieux pour l'équilibre des gens plus fragiles.

Le premier est un jeune home qui a ressenti un début de panique alor qu'il échangeait avec un ami qu'il estimait bien connaitre. Se sentant en confiance, plutôt qu'adopter la doxa ambiante, il s'est laissé aller à dire que même si l’exécution des douze de Charlie Hebdo était monstrueuse, ce n'est pas pour autant qu'ilapprouvait la ligne éditoriale de ce journal qu'il jugeait stupide et dangereuse. 

Et c'est à ce moment que cet ami se serait écrié : Comment tu n'es pas Charlie ? Avant de l'agonir d'imprécations par lesquelles, tel un commissaire politique Khmer rouge, il lui avoua que sa prise de position était suspecte. Puis, dégoûté de tant d'absence de sentiment républicain, cet ami s'est levé sans le saluer pour rentrer chez lui.

Mon patient a été ébranlé par cette scène qu'il n'imaginait pas pensable dans la mesure où cet ami lui a semblé être toujours un esprit libre. Comme il me l'expliquera plus tard, il lui a semblé que ce n'était pas simplement une altercation, comme il peut y en avoir même entre amis, qu'il avait vécue mais bien une décharge de haine. Cet ami étant inscrit à un club de tir, mon patient en a développé un sentiment paranoïaque, que l'on doit plutôt rattacher à un syndrome de stress post-traumatique, qui lui donnait à penser que cet ami aurait venir l'abattre chez lui. 

Pour une simple altercation à propos de Charlie Hebdo, en venir à imaginer qu'on pourrait venir vous tuer !? Certes, c'est un patient un peu fragile et surtout doté d'une sensibilité intense mais le fait ne m'étonne pas plus que cela. Mon radar tournant sans cesse dans ma tête pour capter les moindres variations de l'environnement, j'ai ressenti un peu la même chose que ce patient. Moi, biens ur je me suis tu, mais j'ai bien compris que les douze mors de Charlie Hebdo venaient de devenir de vrais martyres auxquels on ne touchait pas. 

Libre à tout un chacun de caricaturer Mahomet mais interdiction absolue de remettre en cause ne serait-ce que du bout des lèvres nos douze nouveaux martyres, sauf à vouloir connaitre la fin du Chevalier de la Barre et à être condamné pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Ces douze martyres ont d’ailleurs eu le droit à leur procession dans chaque ville de France, à leurs cierges (bougies chauffe-plat Ikéa) et même aux cloches de Notre-Dame. Quand l'émotion est à ce point à son comble, il n'est plus temps de raisonner, on se tait et on courbe le joug.

Comme on disait dans la défunte URSS :
Si tu le penses ne le dis pas,
Si tu le dis, ne l'écris pas,
Si tu l'écris, ne le signe pas,
Si tu le signes, ne t'étonne pas.

J'ai pu rassurer ce patient en lui indiquant que ses craintes étaient infondées et que je n'imaginais pas quelqu'un venant l’assassiner pour motif de lèse-Charlie. Il a admis que sa grande sensibilité lui avait fait faire du cinéma et que son angoisse était retombée. Nous avons aussi discuté de la période plus que troublante que nous vivions et de l'égrégore que cela avait engendré.

Un égrégore est en ésotérisme, un concept désignant un esprit de groupe, une entité psychique autonome ou une force produite et influencée par les désirs et émotions de plusieurs individus unis dans un but commun. Cette force vivante fonctionnerait alors comme une entité autonome.C'est dans ce cas, une sorte d'exaltation collective répondant, en tant que stratégie de défense, à un état de sidération.

Enfin, deux autres patientes m'ont avoué ne pas se sentir en sécurité en me disant que cet état avait augmenté durant ces derniers jours. Certes, l'idée que l'on puisse être à la merci d'un individu armé d'une kalachnikov n'est pas rassurante. C'est l'attentat combinant la plus forte efficacité puisqu’il ne demande qu'un individu déterminé et des moyens dérisoires pour un résultat meurtrier.

Pour autant, alors qu'il semble que ces armes de guerre ne soient pas difficile à se procurer dans certains endroits, comme l'attestaient déjà des documentaires sur le sujet datant de quelques années, Dieu merci, elles ont essentiellement servi à des actes criminels plutôt qu'au terrorisme. Espérons que la publicité planétaire donnée aux trois terroristes ne donnent d'ailleurs pas d'idée à d'autres. Ce serait aussi le prix à payer pour cette surmédiatisation ! 

En discutant avec ces deux patientes, nous avons vu que cet état de stress existait bien avant ces attentats et que ces derniers n'avaient fait que le catalyser, lui donner plus d'acuité. Les deux ont fait état de la jungle qu'était devenue Paris quand on est une jeune femme obligée de prendre les transports en commun et d'affronter ce que nos bons élus nomment des "incivilités" mais qui pour une femme sont autant d'agressions très difficiles à vivre (insultes, attouchements, etc.).

Enfin, il ressort aussi que la surmédiatisation a donné à ces événements une charge émotionnelle au delà de toute raison. Les chaines d'information tournant an boucle, H24, ainsi que les moyens disproportionnés destinés à arrêter ces trois individus, on pu donner à penser que la France était en guerre, qu'une armée étrangère était aux portes de Paris. Un peu plus, et ils auraient réquisitionné les taxis ! Là où pour toute prise d'otage, telle qu'il s'en est passé une très récemment dans une agence bancaire, on se contente d'envoyer le nombre de spécialistes nécessaires, durant ces journées du neuf au onze janvier, ce fut une vraie débauche de moyens hollywoodiens.

Sans doute que cette débauche de moyens en hommes et en matériel, derrière laquelle de mauvais esprits auront pu voir une instrumentalisation d'un pouvoir exécutif exsangue décidé à faire oublier ses résultats économiques catastrophiques, amplifiée par des médias ultra-présents jusqu'à la nausée, auront pu donner à penser à certains que nous étions en guerre.

C'est sans doute un véritable traumatisme psychique, alors même qu'ils n'étaient proches d'aucune des victimes, qu'auront pu vivre certaines personnes. Un traumatisme psychique est justement un évènement qui par sa violence et sa soudaineté, entraîne un afflux d’excitation suffisant à mettre en échec les mécanismes de défense habituellement présents et efficaces. Il s'ensuit souvent un état de sidération et entraîne à plus ou moins long terme une désorganisation de la psyché.

La sidération est un état de stupeur émotive dans lequel le sujet, est figé ou inerte, allant parfois jqu'à la prte de connaissance ou la catatonie. La sidération agit comme un arrêt du temps qui fige la personne dans le choc traumatique, au point que les émotions semblent pratiquement absentes. La sidération est un blocage total qui protège de la souffrance en s’en distanciant.

C'est justement dans ces moments là qu'il est utile de parler, de mettre à distance les affects traumatisants comme l'angoisse, de revisiter les événements à l'aune de la pensée rationnelle afin d'éviter que les émotions n'agissent seules.

Ainsi qu'on qu'en disent les moqueurs, se croyant toujours au dessus des autres, je comprends tout à fait que les ventes d'anxiolytiques aient augmenté. Au-delà de la tragédie terrible qui a fait dix-sept victimes, il me semble qu'on en a fait trop. Non qu'il aurait fallu minorer les événements mais simplement leur attribuer leur juste gravité ou plutôt réagir de manière plus mesurée et par cette débauche émotionnelle.

Ce n'était pas la wermacht contournant la ligne Maginot, ce n'était que trois individus connus des services de police comme l'on dit. Des individus dont on connait parfaitement le fonctionnement et qui viennent toujours au fantasme religieux via la délinquance. Et moi ce qui m'inquiète, c'est qu'en attribuant une telle charge émotionnelle à ces événements, on ne finisse par créer des émules.

Ce n'est pas pour autant que je finirai sous lexomil. Pas encore !


3 Comments:

Blogger Unknown said...

ah que ça fait du bien de vos lire bon sang!! toujours aussi génial!
merci Philippe; votre blog c'est une thérapie à lui tout seul
je suis fan à fond

19/1/15 7:42 PM  
Blogger Unknown said...

Enfin une explication rationnelle! En tous les cas pour répondre à un ami qui sautait sur la théorie du complot... et qui me disait il suffit d'attendre et de voir à qui profite le crime.. Et bien je le vois! Mais ce qyiddish est à min sens le plus révoltant c'est de voir cette secte médiatique autour du grand Gourou alors sue ce.dernier à quand même financé de par ces conséquentes rançons payées pour la libération des otages journalistes la junte djiadiste...récemment encore... Un qui a été libéré tout seul... Sûrement un proche de Mahomet? Ce qui ne fut pas le cas de ces pauvres journalistes anglais et américain dont les représentants gouvernementaux ont eu l'intelligence du devoir de réserve plutôt que de payer la libération d' instruments pour assouvir leur narcissisme... En témoigne ce pauvre clampin faisant son treking dans les montagnes Kabyles qui n'a pas eu le besoin d'être sauvé..Donc ce grand pourvoyeur de fond des islamistes a maintenant 21% de sondages favorables... comme quoi le crime paye! Mais apparemment le quota des journalistes français à la hausse grâce aux libérations ne convenait pas aux islamistes... Ils l'ont revu à la baisse.8 libérés et 12 en moins... Qui c'est qui s'est fait entubé du début à la fin? Et qui tire son épingle du jeu sans aucun scrupules? Je vous le dis moi le pigeon qui a maculé la veste savait très bien qui il visait!

20/1/15 5:52 PM  
Blogger Unknown said...

"Traditionnellement, les consommations d’anxiolytiques augmentent en janvier, après une baisse en décembre... liée aux fêtes de fin d'année." (http://www.arretsurimages.net/breves/2015-01-21/Anxiolytiques-apres-les-attentats-bataille-de-chiffres-id18463)

21/1/15 9:37 PM  

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