04 janvier, 2007

Chers cons-frères !

Comme je vous l’avouais récemment sur ce blog, je fréquente peu de confrères et notamment peu de psychologues que je trouve passablement idiots et étroits d’esprits. Bien sur, cela n’engage que moi, et même si j’ai connu et approché bon nombre de confrères, je ne peux pas pour autant affirmer que mon point de vue résulte d’une étude statistique fiable basée sur un échantillon représentatif. Mon point de vue est un sentiment et de ce fait, il fluctue, et je ne dis pas pour autant que tous les psychologues sont des ânes, ni que je refuse de leur parler ! Je suis ici pour écrire sans autre censure que les textes et règlements en vigueur.

Je suppose qu’il existe peut-être dès le départ ce que l’on nomme un biais de recrutement qui fait que la plupart des personnes s’inscrivant en psycho, le font de prime abord pour se comprendre elle-même, plutôt que par envie de comprendre et d’aider autrui.

Les gens m’ont toujours fasciné et je trouve extraordinaire de les voir vivre et en plus j’aime bien les gens. Après des études de droit puis de gestion, et quelques premiers emplois qui m’emmerdaient très largement, j’ai bifurqué en psycho. Je dois donc être l’un des seuls psys capables de déchiffrer un bilan et un compte de résultat et de filer des consultations juridiques. Cela m'a souvent été utilé, notamment face aux personnes angoissées.

J’ai toujours été étonné par la tristesse des amphis de psycho dans lesquels on aurait entendu une mouche voler ; rien à voir avec les amphis de droit où ça gueulait ! Rien à voir non plus, avec les étudiants en médecine, dont j’ai parfois fréquenté les soirées, et qui étaient en général bourrés dès minuit et assez amusants.

Non, en psycho, j’ai eu l’impression d’être au milieu de jeunes dépressifs, n’ayant de cesse que de se comprendre. Peut-être est-ce aussi un trait commun aux étudiants de sciences humaines que l’on retrouvera par exemple, chez les étudiants en lettres ? Je ne sais pas, je n’en ai pas fréquenté dans mon jeune temps. Mais, j’ai eu l’impression parfois d’être confronté à des souris dysphoriques, passant leur temps, entre une rébellion de pure posture, s’indignant contre tout et rien, et une apathie morose.

Je me souviens par exemple de médiocres cours de statistiques qui horrifiaient ces jeunes gens ! L’une des étudiantes m’expliqua alors, qu’elle trouvait fou de faire des maths, alors qu’elle s’était inscrite pour s'intéresser aux personnes. Je lui avais rétorqué que la norme étant une donnée statistique, il me semblait normal d’avoir des cours de stats. Une norme (du latin norma, équerre, règle) désigne un état habituellement répandu ou moyen considéré le plus souvent comme une règle à suivre. Dans les faits, je suppose qu’elle aurait préféré de grandes digressions freudiennes sur tel ou tel cas.

Pour ma part, j’ai toujours préféré les matières plus scientifiques, telles que la neurophysiologie, la neurobiologie et la psychopathologie. Le reste m’a vivement emmerdé. Peut-être ai-je hérité de mes années de droit et de mon expérience de juriste, un côté trop carré, m’empêchant de croire en certaines histoires que l’on me racontait en clinique, préférant les faits. Ajoutez à cela, un côté franchement libertarien et il est clair, que je n’étais pas le candidat idéal pour un bourrage de crâne en règle. Je suis vêtu comme tout le monde, enfin pour ma part, mon uniforme est le costard-cravate, mais je crois que je suis assez punk dans ma tête.

Je pense qu’aujourd’hui encore, j’ai conservé à l’encontre des mes confrères l’idée que je m’en étais faite lorsque je les ai croisés sur les bancs de la faculté : des gens souvent tristes, perpétuellement concernés par tout et n’importe quoi, généralement pas très brillants et plutôt pédants et destinés à traquer chez les autres, leurs propres névroses insignifiantes.

Au-delà de tout cela, ce que je leurs reprocherai toujours, c’est leur absence de liberté. Je me souviens qu’un vieil ami psychanalyste m’avait offert un ouvrage d’un certain Frankl, psychiatre, que j’avais trouvé passionnant, non pour ses théories, bien que sa notion d'optimisme tragique fut passionnante, mais pour la manière amusante dont il menait ses thérapies. Lorsque j’avais évoqué cela avec ce vieux psychanalyste, je me souviens encore de son regard, de ses yeux brillants de convoitise, lorsqu’il m’avait dit : « oui, on sent qu’il est totalement libre », comme s’il énonçait quelque chose qu’il n’atteindrait jamais.

Finalement, je pense que c’est ce que je reproche le plus souvent à mes confrères, peut-être est-ce même la chose qui fait que je m’en tiens à distance : le fait de ne pas être libres.