Mouvement d'humeur !

Il y a des jours, comme aujourd’hui, où j’ai envie de tout envoyer balader, de dire à ma chère clientèle d’aller se faire voir ailleurs, éventuellement chez les grecs. De prendre un autre boulot, où je pourrais exploiter ma connaissance de l’humain, en exploitant justement de manière éhontée les humains. Et croyez-moi ce n’est pas dur, tant les gens sont prévisibles, vous appuyez sur un bouton et hop vous avez le résultat escompté.

Pourquoi, ce mouvement d’humeur, moi qui me pique d’avoir lu tout Sénèque, Cicéron, Marc-Aurèle et Epictète, me direz-vous ? Comment un stoïque comme moi, ou du moins quelqu’un qui apprécie le stoïcisme, peut-il sortir de son ataraxie, voie royale pour vivre au mieux dans le monde, et adopter un tel mouvement d’humeur ? Pourquoi tant d’aigreur, moi qui suis la bonté personnifiée ?

Voici deux heures, une première patiente, a annulé son rendez-vous parce qu’elle ne pouvait pas faire garder sa fille. C’est une patiente sérieuse, et je ne lui en veux pas. Pour qu’elle annule, il fallait réellement une vraie raison, en béton armé.

Par contre voici dix minutes, une seconde patiente, annule son rendez-vous en m‘expliquant que cela ne sera pas possible. Point barre. Aucun motif, rien, je suis congédié comme un valet. Quoique même un valet est mieux traité puisqu’il bénéficie de droits qui interdisent à son employeur de le lourder du jour au lendemain C’est déjà bien qu’elle m’appelle me direz-vous ? Parfois, je suis planté et non prévenu, ça arrive aussi.

Comme si, annuler un rendez-vous au dernier moment, était une chose naturelle, alors que c’est écrit en gros dans mon cabinet, je déteste qu’on annule au dernier moment les rendez-vous ! Je pense tout pouvoir tolérer des gens, tout supporter sauf que l’on me plante au dernier moment, et notamment les rendez-vous du soir qui sont les plus demandés.


En effet, dans mon cabinet, il est écrit la règle suivante, affichée dans un cadre au mur :

ATTENTION Compte tenu des exigences d’une thérapie Des contingences économiques, Et des impératifs de mon emploi du temps, TOUTE SEANCE NON DECOMMANDEE 24 HEURES
À L’AVANCE SERA DUE

C’est toujours amusant de constater que les gens imaginent que je vis d’amour et d’eau fraîche et qu’ils peuvent me planter au dernier moment sans aucune conséquence pour moi. Comme si je pratiquais mon métier, comme un hobby, comme d’autres la peinture le dimanche, et que j’avais d’autres sources de revenus me permettant d’endurer leur impolitesse ! Ces abrutis ne comprennent pas que je ne suis pas médecin, avec une salle d'attente bondée de gens pas malades, genre atteints d'un rhume qu'on peut se soigner tout seul en prenant du paracétamol, attendant un rendez-vous quasi gratuit, du fait de la sécu et de leur mutuelle. Si on me plante, je n'ai pas le loisir de dire "Au suivant !".

Les plus courtois, lorsqu’ils ratent le rendez-vous, s’empressent de rajouter, que bien sur, ils régleront la séance, puisque c’est un contrat clair fixé entre nous. A l’opposé les jeanfoutres, s’en tapent totalement en pensant : « je ne peux pas venir, qu’il se démerde ! ».

C’est une pratique qui tend à s’accroître comme si la courtoisie était quelque chose qui disparaît petit à petit. Dans ces moments là, j’ai une forte envie de fermer la boutique, d’aller envoyer chier ma clientèle et de faire un autre boulot.

Mais bon, je me dis que je me rattraperai la semaine prochaine, lorsqu’elle viendra, je vais prendre mon pied. Innocemment, elle fera son chèque et me le tendra. Et après avoir lu le montant, je lui rendrai en lui disant qu’il manque une séance. Elle va jouer l’étonnée et je lui montrerai le cadre dans lequel figure la règle claire selon laquelle, un rendez-vous annulé le jour même est du. Et là, hop, elle me refera un chèque à moins qu’elle ne veuille pas et m’oppose j ne sais quelle raison que je balaierai d’un revers de main. Auquel cas, je lui dirai de se trouver quelqu’un d’autre, qu’une thérapie exige un cadre et que ce n’est pas le domaine du n’importe quoi. Et toc ! Dans sa tronche ! M’en fous, c’est elle qui souffre, pas moi !

Car il y aussi une loi non écrite, une autre règle absolue qui ne figure dans aucun cadre sur les murs de mon cabinet. Une règle que je dois rappeler aux gens peu sérieux et peu scrupuleux qui me consultent parfois. Cette règle édicte ceci :

Ma sensibilité ne sera jamais de la sensiblerie,
Ma gentillesse ne sera jamais de la faiblesse,
En un mot comme en cent, vous apprendrez que,
Bon et Con sont différents.

A bon entendeur salut !