04 janvier, 2007

De l'utilité de bousculer les normes établies !


Le trop grand attachement à la norme qu'affectent bon nombre de mes confrères peut éventuellement aggraver les symptômes ou bien empêcher un bon diagnostic ou encore détourner ceux qui en ont besoin de fréquenter nos cabinets. C’est ainsi que prisonniers de leur genre professionnel et empêtrés dans des règles absconses, il est de bon ton de s’interdire de voir un patient hors du cabinet, quitte à se priver d’informations et d’observations supplémentaires.

Le patient doit être une météorite, entrant dans le champ de gravitation du psy, pour en ressortir au bout de quelques mois ou quelques années, pour filer ailleurs. Je conçois, comprends et admets que le patient est un être libre de son destin et que notre métier est justement de l’aider à récupérer cette liberté. Je crois aussi que mon cabinet est un lieu hors du monde dans lequel la vraie vie n’entre finalement jamais. On y est cordialement reçu, je pèse mes mots, je modère mes attitudes, tout est finalement un peu factice, un peu trop doux, au regard de ce qui les attend dans la vraie vie, dehors.

Pour autant, rien ne m’interdit de m’entendre mieux avec certains patients. Rien ne m’interdit non plus d’assouplir certaines règles si je le ressens comme étant nécessaire. Et il m’est par exemple arrivé d’en revoir dans un contexte privé. Ou que d’autres, m’appellent en me disant qu’ils seront dans le quartier tel jour et que cela leur ferait plaisir de venir me dire bonjour et de prendre un café. Mon cher cabinet, n’est pas l’alpha et l’oméga de la relation thérapeutique.

C’est à moi qu’il appartient de gérer cet « écart », de savoir avec qui, quand et où, je me l’autorise. Le style professionnel exige un peu plus de doigté et de jugeotte que le genre professionnel réducteur. Si je veux me permettre certaines privautés en m’absolvant de certaines règles, à moi d’en assumer les conséquences. Dès lors à moi, d’être prudent en ne faisant pas n’importe quoi avec n’importe qui.

C’est ainsi que certains patients me tutoient, qu’il m’arrive avec d’autres de faire les séances dans un café, voire ne déjeunant. Je fais même la bise à quelques un€s c’est vous dire ! Avec certains anciens patients, il m’est arrivé d’aller à ces soirées ou des concerts. Sans que je ne me sente le moins du monde en train de violer un quelconque tabou : je suis un être libre et responsable !

Je n’ai jamais eu à souffrir d’un quelconque désagrément à m’affranchir de règles que j’estimais stupides et stériles : bien au contraire. Voici ce que cela m’a permis de réaliser, entre autres :

Dans certains cas, l’assouplissement de certaines règles m’a permis de traiter des personnes qui n’auraient jamais poursuivi si j’en étais resté au genre professionnel, simplement parce qu’une attitude trop froide de ma part, aurait renforcé leur angoisse et le sentiment qu’elles ne pourraient jamais s’en sortir ou leur aversion pour les psys.

Parfois, le fait de papoter en prenant un café le matin, avant la consultation proprement dite, m’a permis d’observer le patient, hors du cadre du cabinet et de faire émerger d’autres problématiques qui ne seraient sans doute jamais apparues.

A deux reprises, observer des patients lors de soirées, m’a permis de diagnostiquer des maladies maniaco-dépressives qui m’auraient totalement échappées à l’époque ou ces patients venaient dans mon cabinet pour des problèmes différents. Et qui d’ailleurs avaient totalement échappée aux confrères que ces patients avaient vu durant de nombreuses années avant moi. C’est intéressant dans la mesure ou des statistiques attestent qu’il faut en moyenne douze ans et quatre médecins différents pour diagnostiquer une MMD.

Pour les amateurs de transfert, ma manière de pratiquer me permet même un meilleur transfert dans la mesure ou me montrer ailleurs que dans mon cabinet tend à accréditer que je ne suis pas un être exceptionnel, un psy doté de pouvoirs mystérieux, mais un professionnel, au même titre qu’un médecin par exemple, un type avec des qualités et des défauts. Je me souviens par exemple d’une petite patiente, aujourd’hui en internat de chirurgie, qui, arrivant un matin dans le même café que moi, m’avait serré la main pour me dire ensuite : « Comment ? Vous ! Vous lisez le Parisien ? J’aurais cru que vous lisiez le Monde ». S’en était suivi une passionnante discussion sur les stéréotypes et finalement une coopération beaucoup plus efficace par la suite.


En un mot comme en cent, je n’ai jamais eu à regretter ma liberté. Je l’assume et elle m’a permis d’être plus efficace. Et je rajouterai qu’être un gros coincé du cul, empêtré dans des règles rigides et stériles n’a jamais été une preuve de grand professionnalisme.