20 mai, 2007

Doigt dans le cul, pain noir et fromage sec ! La soumission à l'autorité !

Posture de soumission

Selon la définition de Doron et Parot, dans leur Dictionnaire de Psychologie (PUF), l'autorité est « l'influence potentielle sur une ou plusieurs autres personnes. Cette influence s'exerce sur la cognition, les attitudes, le comportement, les émotions et leur expression ».

Cette autorité peut se fonder sur la compétence, sur un système de récompenses et de sanctions ou encore sur la légitimité c'est à dire l'acceptation de traditions et de valeurs.

En latin, « Auctoritas » est de façon générale ce qui augmente la confiance. L' « Auctor » est celui qui oriente, qui soutient une chose et la développe. C'est celui qui donne un sens, une finalité à l'action d'un groupe. L’autorité avant d’être une notion de psychologie sociale est avant tout une notion politique et juridique.

Se soumettre à l'autorité, c’est entrer dans un processus d’obéissance en se mettant dans un état d'interdépendance vis à vis d'autrui en établissant par exemple un quasi lien de vassalité du type : « Je te sers, tu me protèges ». C'est se mettre sous influence, se déconnecter de son contrôle interne pour déléguer l'orientation de ses propres conduites (comportements, pensée, sentiments) à un contrôle et une finalité externe.

On parle de soumission à l'autorité lorsqu'un individu change de comportement afin de se soumettre aux ordres émanant d'une autorité perçue comme légitime. Lorsque l'on parle de soumission en psychologie sociale c'est pour faire référence au comportement de quelqu'un devant une exigence visant à obtenir de lui soit une approbation, soit un comportement, soit un changement cognitif ou perceptif, l'exigence, implicite ou explicite, pouvant provenir d'un individu ou d'un groupe. C’est donc une forme d’influence sociale !

Différentes caractéristiques de cette forme d'influence sociale :
  • Elle se situe toujours à un niveau interindividuel (conformisme et innovation sont des phénomènes intragroupes) ;

  • Elle implique un statut différent entre la source et la cible d'influence : un rapport hiérarchique ;

  • La pression de la part de la source d'influence est explicite : il y a volonté d'influencer.

Ainsi la soumission à l’autorité, n'est pas la formation de norme par un groupe (normalisation), ni même l'adoption de normes d'un groupe par un individu (conformisme).

Enfin, la soumission est une attitude ritualisée, appelée obéissance, que prend un individu subordonné en face de l'autorité.

L’expérience la plus saisissante, en matière d’autorité, fut celle de Milgram, chercheur américain en psychologie sociale, en 1964. Milgram souhaite déterminer jusqu'où les individus peuvent aller dans des actes odieux, simplement parce qu'une personne hiérarchiquement supérieure le leur a demandé. (Soumission à l'autorité, Stanley Milgram, Calmann-Lévy).

Stanley Milgram

Les participants sont recrutés par petite annonce. Au moment où un participant arrive au laboratoire, on lui explique que la recherche porte sur le rôle de la punition dans l'apprentissage. En même temps, un compère connaissant le but de l'expérience se présente.

Par un tirage au sort truqué, on détermine que le compère jouera le rôle de l'élève et que le participant naïf jouera l'enseignant.

La tâche de l'enseignant est de faire apprendre une liste de mots associés (ex : ciel-bleu) à l'élève puis à l'interroger en lui donnant le premier terme.

Le compère fait volontairement des erreurs, et l'enseignant doit punir l'élève avec un choc électrique d'intensité croissante (entre 15 et 450V).

Le compère est attaché sous les yeux du participant sur un fauteuil avec des électrodes sur les bras. Le participant est ensuite conduit dans une autre pièce par l'expérimentateur, où il pourra entendre ce que dit l'élève. On lui confie une manette graduée de 15 à 450V (avec des explications en face de chaque tension quant à la gravité d'un choc sur l'homme). Évidemment, le compère ne reçoit pas réellement de chocs mais en tant qu’acteur, pousse des cris.

Le compère donne des réponses fausses selon des séquences préétablies. Le sujet punit le compère, et à chaque réponse fausse il doit augmenter la tension de 15V. Celui-ci mime la douleur et fait progressivement signe de vouloir arrêter l'expérience. Lorsque le sujet hésite ou refuse de continuer, l'expérimentateur insiste pour qu'il continue.

A = compère (complice de E) ; S = enseignant (le naïf) ; E = expérimentateur (le chercheur) ;

L'expérience est considérée comme terminée lorsque le participant demande trois fois d'arrêter ou inflige trois chocs de 450V.

On met en place des groupes contrôles, où les participants choisissent eux-mêmes l'intensité à administrer sans être influencés par l’expérimentateur.

65% des participants ont été jusqu'au bout, soit la mort de l'élève, par trois chocs de 450V.
Dans les groupes contrôles, on n'a administré que des chocs faibles.

On en déduit que l'obéissance s'explique par soumission à l'autorité et non pas par choix.

Cette expérience est reprise dans différentes cultures et l'on obtient des résultats similaires.

Comment expliquer la soumission à l'autorité ?
  • Facteurs psychosociaux : Les sujets obéissent à un personnage doté d'autorité, abandonnent leur état d'autonomie pour adopter un état d'agent. Ils ne se sentent plus responsables de leurs propres actes, se considèrent comme l'instrument de la volonté d'autrui. Ils ne se posent plus la question du bien ou du mal, estiment qu'ils n'ont pas à juger leurs propres comportements ;

  • Intériorisation d'une norme de soumission : la soumission est une norme sociale apprise dans l'éducation ;

  • L'engagement : le choix d'un comportement me pousse à continuer ce comportement ("j'y suis, j'y reste"). Le sujet est progressivement engagé dans l'escalade des punitions (15v par 15V) ;

  • Les résultats de Milgram s'expliquent aussi par des facteurs du contexte (Milgram est connu, n'est jamais remis en question, son laboratoire est renommé, etc.).
A l’opposé, il existe des facteurs susceptibles d'atténuer la soumission à l'autorité !
  • Contact physique (l'enseignant doit appliquer la main de l'élève sur une plaque électrique) : 30% d'obéissance ;

  • Proximité (enseignant et élève dans la même salle) : 40% d'obéissance ;

  • Prestige institutionnel plus faible (bureaux délabrés, expérimentateur inconnu) : 48% d'obéissance ;

  • Autorité perçue comme non légitime (ordres venant d'un compère) : 0% d'obéissance ;

  • Autorité remise en question par un autre expérimentateur : 0% ; par un compère : 10% d'obéissance ;

  • Éloignement de l'autorité (expérimentateur dans une autre pièce) : 21% d'obéissance (les participants mentent à l'expérimentateur).

Pourquoi vous parler de tout cela ? Simplement parce que le 10 mai dernier, au moment d’embarquer à Francfort, pour le long vol en direction de Las Vegas, j’ai repensé à cette expérience de Milgram.

Nous étions tous alignés dans l’aéroport, entre des barrières, nos passeports et cartes d’embarquement à la main. Face à nous, se trouvaient, une dizaine de sas, munis de détecteurs de métaux, et d’un appareil de radiographie destiné à voir ce qu’il y avait dans nos bagages de cabine. Des préposés à la surveillance, passaient entre nous, en nous rappelant les règles en matière de sécurité : pas d’allumettes, de briquet, de liquides, etc. Et au cas, où nous ne l’aurions pas entendu, des affiches écrites en rouges, doublées d’idéogrammes, étaient là pour nous le rappeler encore une fois.

Une fois devant le sas, il a fallu, mettre ses affaires dans deux caisses. La plus grande pour les bagages à main, sacs, mallettes, ordinateurs portables, etc., la plus petite, pour nos effets personnels, clés, porte-monnaie, portefeuilles, ceintures, lunettes et même chaussure. Des factionnaires, peu aimables contrôlaient tout cela d’un œil peu amène, comme si nous étions tous des terroristes en puissance. Une fois passé le sas, il fallu se soumettre à un second contrôle, effectué sous forme de palpation, dès fois que quelque chose ait échappé à l’électronique.

Ensuite les moins chanceux, ceux dont les bagages se sont révélés suspects, ou bien tirés au hasard, doivent endurer, la fouille de leurs effets personnels, par un factionnaire glacial. Evidemment, on ne trouve jamais rien, et le malchanceux, se retrouve à tout remettre dans son bagage, sous l’œil gêné de ses compagnons de voyage. Ca ressemble à un petit viol, de voir les effets personnels, d’une personne étalés sans ménagement, sur une table, aux yeux de tous, comme autant de pièces à conviction d’un crime qui n’a même pas été commis. C’est le règne de la suspicion : vous osez prendre l’avion alors vous êtes un coupable probable.

C’est à ce moment-là, que je me suis étonné de la passivité des gens, acceptant de se soumettre à tout cela, sans rechigner, simplement parce qu’on leur a dit que c’était pour leur sécurité. Je me demandais, à quel degré d’exigence, les autorités aéroportuaires devraient parvenir pour que quelqu’un se rebiffe enfin ?

Dans mon for intérieur, je me disais, qu’un jour viendrait, où un factionnaire, muni d’un gant réglementaire, dûment oint de gel lubrifiant, nous demanderait de nous baisser, puis glisserait son doigt dans le cul pour vérifier que nous ne dissimulions rien ! Et si, réellement, un toucher rectal devenait obligatoire, que diraient les gens ? Je suis persuadé que personne ne dirait rien, et que tout le monde se laisserait humilier, pour son bien, puisqu’une autorité en a décidé ainsi.

Montage délicat de Laurence !

Chaque fois que je prends l’avions, je me demande si un jour je vais voir un individu gueuler et dire, que cette fois, c’en est trop et qu’il ne joue plus, qu’il préfère garder sa dignité, dut il pour cela renoncer à ses vacances. Mais cela n’est jamais arrivé.

Bien sur, on gueule beaucoup plus en France, tandis qu'aux Etats-Unis on reste bien sage. Une inspection de valise trop appuyée, et vous êtes sur que le propriétaire va finir par se plaindre et se rebeller. En revanche, aux Etats-Unis, je n’ai jamais constaté aucune plainte.

Ensuite, il y a le trajet en avion, serrés comme des veaux dans une bétaillère, les genoux dans le menton, et la tablette rabattue, qui vous coince le bide, lorsqu’ils servent un repas ou une collation. Et si vous avez déjà voyagé sur une compagnie allemande, vous aurez constaté la qualité gustative des repas. Par exemple, je n’avais jamais vu un tel pain, avant que la Lufthansa, ne m’en serve un morceau. Dans les tons gris-noirs, sec d’apparence, compact, il vous est proposé dans un emballage de cellophane, arborant fièrement en rouge, la mention « Vollkorubrot ».

Si je sais que « brot » signifie « pain » en allemand, je ne sais pas ce que signifie « vollkorn » : pain complet sans doute puisque « vollkorn » signifie « pleinement » ? Ce doit être du pain de seigle, tel que nos campagnes en produisaient en l'an mil. Contemplant dubitativement ma tranche de pain noir, je me demandais si je n’avais pas sous les yeux, une vieille ration de combat récupérée sur le front de l’est, le genre de pain qui vous tient au corps et vous offre le maximum de calories dans un minimum de volume. Ensuite, vous prenez votre Mauser, et vous montez en ligne !

Le morceau de fromage était intéressant aussi. Tout aussi sec que le pain, on se demande rien qu’en le voyant, s’il est fait avec du lait. Mais rassurez-vous, une fois qu’on le mâche, que l’on sent sa texture pâteuse et collante sous les dents, et son goût étrange sur les papilles, on comprend que ce doit être un truc produit par IG-Farben, Hoechst, ou Bayer, ou tout autre groupe de chimie allemand.

Gros plan de mon petit pain noir "Vollkornbrot", dimensions réelles : 89mm X 54mm. Hmm das ist gut !
(photo personnelle)


Là encore, fauteuils inconfortables, espace plus que mesuré, nourriture insipide ou mauvaise, tout le monde se tait, personne ne dit rien. Ceci dit, le personnel fut aimable ! Il ne manquerait plus qu'ils nous gueulent dessus !

Curieusement, à la télévision, je ne vois que des héros, des types qui jugent par exemple les évènements de la seconde guerre mondiale, en prenant des postures de résistants, se permettant de faire la leçon à tout le monde, mais chaque fois que je prends l’avion, je ne vois que de gentils moutons obéissants.

Peut-être que les résistants ne prennent pas l’avion ?

747 de la Lufthansa, au dessus de Frankfurt am Main, les soutes pleines de Vollkornbrot !

4 Comments:

Blogger El Gringo said...

Se soumettre à l'autorité est avant tout confortable, ça permet d'être dans l'équipe qui gagne si tout va bien et de cracher sur le chef si ça se complique. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a beaucoup plus de candidats pour les postes subalternes que pour les postes de direction (en tous cas chez Sean, j'imagine que c'est comme ça ;-)

Nb: La première classe, ça doit exister aussi dans les avions allemands, n'est-ce pas?

20/5/07 2:45 PM  
Anonymous Anonyme said...

Vollkorn = grain complet, (voll = complet, Korn = grain).

A manger quand on a vraiment faim, mais c'est très "gesund".

Tagada.

20/5/07 2:47 PM  
Blogger philippe psy said...

Oui, la première classe existe et tu as même une miche entière de vollkornbrot !!! Alors tenté ?

20/5/07 4:28 PM  
Anonymous Anonyme said...

Le genre d'endroit où mon cerveau est capable de tout imaginer pour oublier qu'il existe.(ça veut rien dire, mais c'est l'intro)
Ah si seulement alcool et drogues étaient disponibles dans ce genre d'endroit, tout le monde seraient défoncés, dormiraient par terre ou rigoleraient. Les 14h de vol deviendraient une bonne déconnade entre personnes qui font connaissances déchirées.
Jean Luc Delarue a voulu lancer le concept, y parait que la fédération algérienne de foot s'y est opposée....
Dob

20/5/07 8:29 PM  

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