Un rêve d'enfant ! Un exploit réalisé !
Ce soir, je suis rentré de mon cabinet plus tôt. Ayant un peu de temps, j'ai décidé de passer voir où en était le chantier de construction du pavillon d'un ami. Je me suis dit qu'il serait peut-être là.
Non, il n'était pas sur le chantier, mais j'ai vu que ça avait bien avancé, et qu'il y aurait prochainement une crémaillère. Par contre, la couleur de l'enduit est particulièrement dégueulasse puisqu'elle est jaune. Mon ami dit que c'est ocre mais tout le monde trouve cela jaune. Tenez, je la prendrai en photo, et vous me direz ce que vous en pensez.
C'est très laid ce jaune. Mon ami trouve que cela fait provençal. Moi, je trouve simplement cela laid. Et puis, s'il y a bien un coin que je n'aime pas c'est la Provence. Quand on me parle de Provence, j'imagine immédiatement le soleil qui tape, l'herbe absente, la cuisine médiocre, l'artisanat pourri qui vous propose des nappes jaunes décorées d'olives vertes et des couverts à salade en bois d'olivier, l'accent difficilement supportable, les mots de patois ridicule et évidemment l'inévitable crétin qui vous parlera de son soleil comme si c'était un truc vital !
Alors que c'est idiot puisque sans eau, il n'y a pas de prairies grasses mais simplement des touffes maigres d'herbe jaunâtre (comme la maison de mon ami !), ce qui implique qu'il ne peut y avoir de vaches mais des brebis ou des chèvres. Or, et là je suis catégorique, une région sans vaches ne mérite pas le détour parce que c'est une région pauvre !
Mais, je ne suis pas ici pour vous parler de la Provence, sans compter que je risque de me fâcher avec mon lectorat sudiste. Ni d'ailleurs, pour vous entretenir des choix déplorables de mon ami en matière de couleur d'enduit. Il est originaire de Provence alors il est excusable. On ne peut pas attendre grand chose de gens qui font tout frire ou baigner dans l'huile d'olive. Et puis, n'allez pas croire que je sois méchant, puisque je suis le parrain de sa fille.
Quand elle était toute petite, je m'asseyais près d'elle pour lui répéter "je n'aime pas la Provence". J'espère que ce bourrage de crâne réalisé alors qu'elle n'était qu'un nourrisson vagissant portera ses fruits, et qu'elle reniera ses origines et refusera d'aller en Provence ! Si mon conditionnement précoce porte ses fruits, il suffira de lui montrer une olive, ou de lui sussurer Marseille à l'oreille, pour qu'elle pique une crise !
D'ailleurs, je ne voulais pas vous entretenir de la Provence ni de la construction jaune de mon ami provençal. Non, il se trouve qu'en allant le voir j'ai réalisé un rêve d'enfant ! En effet, au bout de sa rue, il y a un café ; le genre de tout petit rade de quartier, qui se comptait par milliers voici encore vingt ans et qui ont disparu. Ces rades avaient leur utilité à une époque ou la télévision n'existait pas. Les gens sortaient, allaient boire un coup, ça créait du lien social et des cirrhoses.
Lorsque j'étais tout petit, ma mère prenait cette route pour nous emmener à l'école, mon frère et moi. Et déjà, je trouvais que la présence de ce rade minuscule perdu au milieu d'une zone pavillonnaire était étonnante. Plus tard, j'ai pris cette route en moto, pour me rendre au collège puis au lycée. Et ce petit rade était toujours là. Est venu un jour, où plus âgé, je me suis promis d'y aller prendre un café. Or voici environ vingt-cinq ans, que je le connais, que je suis presque passé quotidiennement à côté sans m'y arrêter.
Aujourd'hui, comme mon ami originaire de Provence, celui qui a la maison jaune, n'était pas là, je suis reparti pour rentrer chez moi. J'ai exprès pris une route qui m'amenait en face de ce petit rade. Arrivé devant, je me suis dit que c'était le moment ou jamais, que sinon, le jour où je me déciderais, il serait fermé. C'est drôle car comme il est tout petit, et très mal placé, il n'y a pas grand monde. D'ailleurs, je crois que je n'y avais jamais vu personne ou presque. Alors, cela me faisait drôle de rentrer dans un bar vide. J'imaginais même que le patron trouverait ma venue incongrue.
Mais, je me suis décidé. J'ai garé mon scooter sur le trottoir en face. Comme c'est une rue calme, ma seule présence créait de l'animation. A travers la vitrine, j'ai vu que le patron me regardait. Alors, même si c'est stupide, j'ai sorti mon portable et j'ai fait comme si j'avais un appel. Je parlais au vide en regardant ma montre. L'impression que je voulais donner était que j'avais un rendez-vous mais que la personne serait en retard et qu'il me faudrait patienter. Or, quel meilleur endroit pour patienter que le comptoir d'un rade ?
Le patron tout en parlant à un consommateur, regardait parfois vers moi. Je suis sûr qu'il n'y a vu que du feu. Vous imaginez un peu le côté accueillant du troquet pour qu'il faille faire tout u cinéma pour donner l'impression que vous avez une bonne raison d'y rentrer ! Donc, je suis rentré. Il n'y avait que deux consommateurs âgés de plus de cinquante ans. Un pauvre type qui finissait de s'arsouiller au Ricard (beurk c'est provençal) et un autre type plutôt bien mis. J'ai dit bonjour et je me suis immédiatement dit que si j'allais m'asseoir à l'une des quatre tables, cela ferait suspect, parce que ce n'est pas le genre d'endroit où on s'assied.
Alors, j'ai fait comme les deux autres, et je me suis accoudé au comptoir en formica, rescapé des golden sixties, et sans doute plus âgé que moi. Le patron plutôt aimable, m'a demandé ce que je voulais. Le biturin a fini son Ricard et est parti et nous sommes restés à trois, le patron, un consommateur et moi. Ce qui est rôle c'est que le patron semblait super bien connaître son client avec qui il parlait de Corse et de nautisme. J'avais l'impression de gêner, de m'être introduit chez un mec qui recevrait un ami à l'apéritif. Mais je suis resté, j'ai tenu bon. De temps en temps, le consommateur me regardait comme si ma présence n'était pas souhaitée.
D'extérieur, ce rade n'a pas l'air d'être un troquet. C'est un petit bâtiment assez bas avec une voiture à une pente. S'il n'y avait pas la vitrine par laquelle on aperçoit le bar, on imaginerait que c'est une espèce de bicoque construite à la va-vite. L'enseigne est minuscule et semble n'être qu'une simple planche sur laquelle le nom du rade a été peint. Ceci dit, lorsque l'on rentre, on constate que c'est très propre. Il ne compte qu'un bar assez laid avec trois tabourets assez moches, derrière lequel sont accrochées des étagères supportant des bouteilles datant de Mathusalem, sauf le whisky et le Ricard qui semblaient récentes. J'ai constaté que les bouteilles de sirop étaient d'une marque sans doute disparue au début des années soixante-dix et que le sucre à l'intérieur s'était figé en une pellicule blanche. Le patron doit les garder parce qu'elles sont collector.
Les quatre frigos d'époque (1965 ?) semblaient hors d'état, puisqu'à côté trônait un réfrigérateur plus récent (1975?), duquel le patron a sorti ma bouteille de coca. Dans la salle, subsistent quatre chaises avec chacun quatre tables. L'éclairage est assuré par des néons assurant une lumière blafarde. La fumée est omniprésente car le patron est sans doute l'un des derniers fumeurs de Gitane et bien sûr, il n'y a aucune aération. L'air est saturé de fumée. Accolée au rade, il y a une véranda d'une taille équivalente à la salle principale, totalement vide, dont certains carreaux sont fêlés. Au fond de la salle principale, on aperçoit une sorte de pièce qui a du être à l'origine une cuisine et où trône un vieux téléviseur en marche.
L'atmosphère était particulière, comme si j'avais remonté le temps. J'écoutais le patron et son client discuter et moi je me demandais de quoi ce mec pouvait bien vivre, en imaginant les 50€ de recette qu'il avait pu faire dans la journée ! Je suis arrivé au quart, et à la demie, j'ai réglé ma consommation et je suis sorti. Assez aimablement le patron m'a salué. parvenu à mon scooter, j'ai vu qu'ils m'observaient, un peu comme s'ils se demandaient quel était l'individu assez dingue pour entrer dans un tel rade. Alors, j'ai ressorti on portable et j'ai fait semblant de le regarder comme si je venais de recevoir un SMS. Ceci dit, vu la tête du patron et la gueule de son rade, je suis pas sûr qu'il sache ce qu'est un SMS.
J'ai appelé mon pote Olive pour savoir s'il était sorti de son boulot d'esclave. On s'est donné rendez-vous dans un autre rade, mais un vrai cette fois-ci.
Dans tous les cas, plus de vingt-cinq ans après avoir vu pour la première fois ce petit troquet, je suis très fier d'y être entré. Les démolisseurs peuvent venir où le patron partir en retraite, maintenant peu m'importe, j'y suis allé, j'ai réalisé un de mes rêves. Mon bonheur tient à peu de choses, dommage que je n'aie trouvé personne pour m'accompagner aujourd'hui.
Non, il n'était pas sur le chantier, mais j'ai vu que ça avait bien avancé, et qu'il y aurait prochainement une crémaillère. Par contre, la couleur de l'enduit est particulièrement dégueulasse puisqu'elle est jaune. Mon ami dit que c'est ocre mais tout le monde trouve cela jaune. Tenez, je la prendrai en photo, et vous me direz ce que vous en pensez.
C'est très laid ce jaune. Mon ami trouve que cela fait provençal. Moi, je trouve simplement cela laid. Et puis, s'il y a bien un coin que je n'aime pas c'est la Provence. Quand on me parle de Provence, j'imagine immédiatement le soleil qui tape, l'herbe absente, la cuisine médiocre, l'artisanat pourri qui vous propose des nappes jaunes décorées d'olives vertes et des couverts à salade en bois d'olivier, l'accent difficilement supportable, les mots de patois ridicule et évidemment l'inévitable crétin qui vous parlera de son soleil comme si c'était un truc vital !
Alors que c'est idiot puisque sans eau, il n'y a pas de prairies grasses mais simplement des touffes maigres d'herbe jaunâtre (comme la maison de mon ami !), ce qui implique qu'il ne peut y avoir de vaches mais des brebis ou des chèvres. Or, et là je suis catégorique, une région sans vaches ne mérite pas le détour parce que c'est une région pauvre !
Mais, je ne suis pas ici pour vous parler de la Provence, sans compter que je risque de me fâcher avec mon lectorat sudiste. Ni d'ailleurs, pour vous entretenir des choix déplorables de mon ami en matière de couleur d'enduit. Il est originaire de Provence alors il est excusable. On ne peut pas attendre grand chose de gens qui font tout frire ou baigner dans l'huile d'olive. Et puis, n'allez pas croire que je sois méchant, puisque je suis le parrain de sa fille.
Quand elle était toute petite, je m'asseyais près d'elle pour lui répéter "je n'aime pas la Provence". J'espère que ce bourrage de crâne réalisé alors qu'elle n'était qu'un nourrisson vagissant portera ses fruits, et qu'elle reniera ses origines et refusera d'aller en Provence ! Si mon conditionnement précoce porte ses fruits, il suffira de lui montrer une olive, ou de lui sussurer Marseille à l'oreille, pour qu'elle pique une crise !
D'ailleurs, je ne voulais pas vous entretenir de la Provence ni de la construction jaune de mon ami provençal. Non, il se trouve qu'en allant le voir j'ai réalisé un rêve d'enfant ! En effet, au bout de sa rue, il y a un café ; le genre de tout petit rade de quartier, qui se comptait par milliers voici encore vingt ans et qui ont disparu. Ces rades avaient leur utilité à une époque ou la télévision n'existait pas. Les gens sortaient, allaient boire un coup, ça créait du lien social et des cirrhoses.
Lorsque j'étais tout petit, ma mère prenait cette route pour nous emmener à l'école, mon frère et moi. Et déjà, je trouvais que la présence de ce rade minuscule perdu au milieu d'une zone pavillonnaire était étonnante. Plus tard, j'ai pris cette route en moto, pour me rendre au collège puis au lycée. Et ce petit rade était toujours là. Est venu un jour, où plus âgé, je me suis promis d'y aller prendre un café. Or voici environ vingt-cinq ans, que je le connais, que je suis presque passé quotidiennement à côté sans m'y arrêter.
Aujourd'hui, comme mon ami originaire de Provence, celui qui a la maison jaune, n'était pas là, je suis reparti pour rentrer chez moi. J'ai exprès pris une route qui m'amenait en face de ce petit rade. Arrivé devant, je me suis dit que c'était le moment ou jamais, que sinon, le jour où je me déciderais, il serait fermé. C'est drôle car comme il est tout petit, et très mal placé, il n'y a pas grand monde. D'ailleurs, je crois que je n'y avais jamais vu personne ou presque. Alors, cela me faisait drôle de rentrer dans un bar vide. J'imaginais même que le patron trouverait ma venue incongrue.
Mais, je me suis décidé. J'ai garé mon scooter sur le trottoir en face. Comme c'est une rue calme, ma seule présence créait de l'animation. A travers la vitrine, j'ai vu que le patron me regardait. Alors, même si c'est stupide, j'ai sorti mon portable et j'ai fait comme si j'avais un appel. Je parlais au vide en regardant ma montre. L'impression que je voulais donner était que j'avais un rendez-vous mais que la personne serait en retard et qu'il me faudrait patienter. Or, quel meilleur endroit pour patienter que le comptoir d'un rade ?
Le patron tout en parlant à un consommateur, regardait parfois vers moi. Je suis sûr qu'il n'y a vu que du feu. Vous imaginez un peu le côté accueillant du troquet pour qu'il faille faire tout u cinéma pour donner l'impression que vous avez une bonne raison d'y rentrer ! Donc, je suis rentré. Il n'y avait que deux consommateurs âgés de plus de cinquante ans. Un pauvre type qui finissait de s'arsouiller au Ricard (beurk c'est provençal) et un autre type plutôt bien mis. J'ai dit bonjour et je me suis immédiatement dit que si j'allais m'asseoir à l'une des quatre tables, cela ferait suspect, parce que ce n'est pas le genre d'endroit où on s'assied.
Alors, j'ai fait comme les deux autres, et je me suis accoudé au comptoir en formica, rescapé des golden sixties, et sans doute plus âgé que moi. Le patron plutôt aimable, m'a demandé ce que je voulais. Le biturin a fini son Ricard et est parti et nous sommes restés à trois, le patron, un consommateur et moi. Ce qui est rôle c'est que le patron semblait super bien connaître son client avec qui il parlait de Corse et de nautisme. J'avais l'impression de gêner, de m'être introduit chez un mec qui recevrait un ami à l'apéritif. Mais je suis resté, j'ai tenu bon. De temps en temps, le consommateur me regardait comme si ma présence n'était pas souhaitée.
D'extérieur, ce rade n'a pas l'air d'être un troquet. C'est un petit bâtiment assez bas avec une voiture à une pente. S'il n'y avait pas la vitrine par laquelle on aperçoit le bar, on imaginerait que c'est une espèce de bicoque construite à la va-vite. L'enseigne est minuscule et semble n'être qu'une simple planche sur laquelle le nom du rade a été peint. Ceci dit, lorsque l'on rentre, on constate que c'est très propre. Il ne compte qu'un bar assez laid avec trois tabourets assez moches, derrière lequel sont accrochées des étagères supportant des bouteilles datant de Mathusalem, sauf le whisky et le Ricard qui semblaient récentes. J'ai constaté que les bouteilles de sirop étaient d'une marque sans doute disparue au début des années soixante-dix et que le sucre à l'intérieur s'était figé en une pellicule blanche. Le patron doit les garder parce qu'elles sont collector.
Les quatre frigos d'époque (1965 ?) semblaient hors d'état, puisqu'à côté trônait un réfrigérateur plus récent (1975?), duquel le patron a sorti ma bouteille de coca. Dans la salle, subsistent quatre chaises avec chacun quatre tables. L'éclairage est assuré par des néons assurant une lumière blafarde. La fumée est omniprésente car le patron est sans doute l'un des derniers fumeurs de Gitane et bien sûr, il n'y a aucune aération. L'air est saturé de fumée. Accolée au rade, il y a une véranda d'une taille équivalente à la salle principale, totalement vide, dont certains carreaux sont fêlés. Au fond de la salle principale, on aperçoit une sorte de pièce qui a du être à l'origine une cuisine et où trône un vieux téléviseur en marche.
L'atmosphère était particulière, comme si j'avais remonté le temps. J'écoutais le patron et son client discuter et moi je me demandais de quoi ce mec pouvait bien vivre, en imaginant les 50€ de recette qu'il avait pu faire dans la journée ! Je suis arrivé au quart, et à la demie, j'ai réglé ma consommation et je suis sorti. Assez aimablement le patron m'a salué. parvenu à mon scooter, j'ai vu qu'ils m'observaient, un peu comme s'ils se demandaient quel était l'individu assez dingue pour entrer dans un tel rade. Alors, j'ai ressorti on portable et j'ai fait semblant de le regarder comme si je venais de recevoir un SMS. Ceci dit, vu la tête du patron et la gueule de son rade, je suis pas sûr qu'il sache ce qu'est un SMS.
J'ai appelé mon pote Olive pour savoir s'il était sorti de son boulot d'esclave. On s'est donné rendez-vous dans un autre rade, mais un vrai cette fois-ci.
Dans tous les cas, plus de vingt-cinq ans après avoir vu pour la première fois ce petit troquet, je suis très fier d'y être entré. Les démolisseurs peuvent venir où le patron partir en retraite, maintenant peu m'importe, j'y suis allé, j'ai réalisé un de mes rêves. Mon bonheur tient à peu de choses, dommage que je n'aie trouvé personne pour m'accompagner aujourd'hui.
2 Comments:
Bonjour,
En ce qui concerne la région Provençale, vous allez finir par vous attirer les foudres de Recounquisto Prouvençalo...
Enfin, étant non Provencal, je me demande un truc : Comment font ils pour déguster leur Pastis si il n'y a pas d'eau pour le couper ?
Et puis pour les régions sans vaches, estimez vous que le Limousin, célèbres pour les vaches Limousines est une région riche ? Et je suis persuadé que dans cette région on doit trouver moults vieux rades déserts en tout point identiques à celui décrit içi.
Petit, il rêvait déjà de fréquenter les bistrots...tssss et les "bon" précèptes de Xavier Bertand dans tout ça ! Quel exemple pour la jeunesse ! ;-)
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