Goûter d'anniversaire, fugue et plongée !
Il m’arrive parfois de faire l’expérience de l’immersion périscopique, ou carrément de la plongée en eaux profondes. Las d’être agressé par l’extérieur, mon radar intérieur enregistrant trop d’échos alarmants, je m’isole. J’avais lu une fois, une astrologue nommée Joëlle de Gravelaine, expliquant que ce complexe de pétrification était monnaie courante chez les capricornes.
A défaut, d’être scientifique, j’avais trouvée l’explication plutôt bien imagée, et révélatrice des moments que je vivais parfois. Muré dans mon splendide isolement, il m’arrive souvent de me retirer du monde qui m’entoure. Agressé par des informations déplaisantes, n’ayant aucun pouvoir de changer le monde, je m’en exclus. J’en ai encore fait l’expérience samedi soir, au cours d’une soirée que je juge calamiteuse.
Il se trouve que voici quelques mois, une jeune amie médecin souhaitait fêter son trentième anniversaire. Comme elle vit dans un deux-pièces, mon épouse et moi-même, fidèles à notre bonté, lui avions proposé de lui prêter notre palais afin d’y inviter ses amis ; à charge pour elle de lancer les invitations, de fournir la nourriture et la boisson. Parce qu'il ne faut tout de même pas déconner : on veut bien être bons, mais pas cons pour autant, on ne va pas nourrir, ni rincer la gueule de quidams inconnus, si vous voulez bien me pardonner cet accès de vulgarité.
Hier soir donc, samedi 24 novembre, avait lieu cette soirée d'anniversaire, au cours de laquelle une douzaine de médecins sont venus chez nous. J'avais cependant prévu d'inviter quelques amis, parce que l'unique compagnie des médecins ne m’enchantait guère. Entendre leurs blagues de carabins, et faire assaut de diagnostics a des limites. Les médecins sont rarement cultivés ou alors très souvent d'une manière précise, pointue, et finalement un peu chiante, à la manière d'un ingénieur qui appréhenderait la littérature comme sa math spé.
Mon épouse, grande organisatrice de soirées devant l’Eternel, avait pris soin d'avertir notre amie qu'une soirée nécessitait une organisation stricte et qu'en ce sens, elle devait veiller à ce que la nourriture et la boisson soient aussi abondants que possible. Notre amie, nous avait rassuré, expliquant qu’elle avait passé le mot à ses amis, leur expliquant qu'ils seraient aimables d'apporter des boissons alcoolisées et non alcoolisées, tandis que sa mère se chargerait du repas.
A sa manière d'organiser cette soirée, comme une préado organiserait sa première boum, je devinais que la cata risquait d’être au rendez-vous. Et puis, j'avais déjà entendu parler de ses amis médecins, j'en avais d’ailleurs croisé deux ou trois, et je n'avais pas vraiment accroché. D'ailleurs, j’ai noté qu’il faut toujours se méfier des médecins qui fréquentent d'autres médecins, comme des psys qui fréquentent d'autres psys.
Il y a toujours dans cette attitude apparemment confraternelle, l'aveu d'une grande impuissance à nouer d'autres liens ailleurs que dans son milieu d'origine, à dépasser le cadre strict de son métier pour s’ouvrir aux autres. Tous les médecins avec qui je m'entends bien, ne fréquentent pas de confrères, qu'ils jugent généralement un peu pénibles : je l'ai toujours remarqué. J’avoue faire de même et ne pas fréquenter de confrères que je juge souvent dépourvu d’humour. Et puis parler de psycho tout le temps deviendrait gavant ; l'important est de savoir demander un conseil lorsque c'est nécessaire.
Tout commença mal puisque, alors que l'amie organisatrice devait venir à 19h00, elle ne daigna venir qu’à 21h30, tandis qu'elle avait donné rendez-vous à ses invités à 21h00. J'ai donc joué le portier, en allant ouvrir à des gens que je ne connaissais pas, sauf les deux premiers que j'avais déjà vus, et qui se sont révélés charmants. Ils avaient amené du vin et même des fleurs pour mon épouse. Je précise qu'ils n'étaient pas médecins.
Suivirent ensuite un couple, venus carrément les mains vides. Lui me plut immédiatement, parce qu'il se mit à visiter la baraque comme un agent immobilier venu faire une évaluation. Alors que je ne le connaissais pas, et le voilà parti dans les étages, avant de finir dans la cuisine à demander si le revêtement était vraiment en granit Et main elle est en granit ? Mais, je gardai bien entendu mon calme.
Ensuite, un drôle de mec, genre Christophe Willem, asexué, se pointa. Il déposa deux gros sacs remplis de sodas que l'on déchargea dans la cuisine ! Et là, surprise, que des bonnes choses : coca light, orangina light, fanta light, ice tea ligth et même un truc que je connaissais pas, du cranberry, light aussi bien sur. De la boisson pour médecins hypocondriaques, à croire que ce type était allé faire ses courses accompagné de Xavier Bertrand, notre ex ministre de la santé, le petite gros qui nous rêve maigres, et à qui l'on doit le Plan National Nutrition Santé.
Enfin bref le genre de merdes imbuvables, qui, même si cela ne vous collera ni cirrhose, ni diabète, risque de vous faire crever d'un cancer si on en abuse, parce que je ne suis pas sur que l’aspartame soit excellent pour le santé. Après ce grand timide se cala dans un coin du salon et ne bougea plus, ne nous adressant pas la parole.
Le reste des invités arriva les mains vides. Rien à boire, et bien sur, pas un bouquet de fleur non plus. Manifestement, chez ces blaireaux, le savoir vivre n'était pas au rendez-vous. Je me sentais un peu tendu, sentant que mes prédictions étaient justes : la soirée s’annoncerait difficile.
L'amie arrive enfin, flanquée de son frère, un mec très agréable, ainsi que de sa mère qui a préparé la bouffe. L'amie file vite retrouver ses petits potes, et laisse tout le monde se démerder pour décharger la bouffe. Ses derniers invités arrivent enfin, avec pour point d'orgue, trois pétasses qui se précipitent dans la cuisine pour hurler "joyeux anniversaire", et rire bruyamment, à la manière de gamines de douze ans hystériques à l'idée d'aller à une soirée pyjama. Je me dis que la soirée va être encore plus merdique que je ne l’avais imaginé : c’est le moment d’être stoïque.
Pour s’amuser un peu, mon épouse fait le compte des boissons, et nous constatons que les convives sont venus avec une dizaine de bouteilles de sodas. Par contre, on ne compte que cinq bouteilles d’alcool, dont trois bouteilles de rouge. Un abruti a cependant apporté une bouteille de Montbazillac, en imaginant peut-être qu'on allait lui servir du foie gras. Curieusement, un autre s'est pointé avec une bouteille de rhum.
Je dois aussi signaler qu'un de ces gougnafiers, a osé venir avec un paquet de chips entamé. Il a du avoir une petite dalle dans le RER et il a attaqué son paquet de Lays. Ne l’ayant pas fini, il a daigné nous offrir le reste du paquet, dans lequel il avait plongé ses mains sales. Quelle délicate attention, même si nous regrettons qu’il n’ait pas joint à son présent mirifique, un reste de paquet de cacahuètes, un emballage vide de curly, voire peut-être une bouteille avec un fond de coca et même, pourquoi pas un mégot puisque je fume. Et puis, pourquoi ne pas carrément ramener ses sacs poubelles, on aurait fait le tri de ce qu'on pouvait garder !?
Deux groupes distincts se forment : les médecins d'un côté, et nous de l'autre. Cela ne changera pas parce que mon amie n'a pas le chic pour faire du brassage culturel. Ceci dit comme je suis passablement énervé par la cuistrerie de ces trous du cul, je ne suis pas sûr que j'aurais eu très envie de nouer le dialogue.
Les mecs nous ignorent totalement et superbement. J'ai l'impression très nette d'être la bignole préposée au gardiennage d'une salle qu'ils auraient louée. Comme leurs trois bouteilles de rouge sont bien vite éclusées, il faut aller taper dans mes réserves. Au total, je remets deux caisses de bordeaux dans la bataille. Et ce sont mes amis qui se sont chargés du champagne !
Les autres, vautrés sur les canapés, baffrent et rigolent entre eux ans jamais se soucier de nous. Mon amie médecin semble trouver que tout va bien, on la croirait presque devenue la fille de la maison, en train de s'amuser avec ses petites copains tandis que ses parents sont derrière, encore à table.
Mes amis, sans doute ahuris par ce désastre, disparaissent bien vite pour aller faire un poker à l’étage. Je me retrouve totalement isolé, et j’en veux terriblement à mon amie. Mon radar intérieur ne cesse de tourner et n’enregistre que des échos négatifs. Cette soirée est un ratage total et rien n’est entrepris pour la remettre sur des rails.
Les seules pensées qui m'assaillent ont la même tonalité : comment peut-on s'inviter chez les gens, et être aussi sans-gênes, mal éduqués et immatures ? C'est stupide de ma part puisque je connais par cœur la pensée I du livre II des "Pensées pour moi-même" de Marc-Aurèle, qui répond très bien à ma question.
Une belle dissonance cognitive, c'est-à-dire deux systèmes de pensée antagonistes, se met en place dans mon cerveau. D'un côté, il y a en moi, un cuirassé qui tourne ses tourelles de 380mm, avec une folle envie de faire feu sur ces abrutis. Feu sur le connard qui triture les boutons de la chaîne pour passer ses CD ! Feu sur la grognasse, médecin spécialiste dans un obscur service hospitalier de province, qui se la pète comme si elle avait eu un Nobel, et tout ça parce qu'elle s'est payée des belles lunettes chez Grand Optical à Roubaix (39,99€) ! Feu sur Miss Spéculum, grande exploratrice de vagins, qui me parle comme à un demeuré, et que j’ai grande envie de baffer !
De l'autre côté, persiste à demeurer en moi quelqu'un de courtois, le psy qui se dit qu'après tout il a n’a que ce qu’il mérite, qu’il savait à quoi s‘attendre en prêtant sa maison, qu’il suffit de patienter, de faire le dos rond, de se dire qu’on ne reverra jamais tous ces abrutis, et que dans quelques heures, il ira se coucher et que tout ceci n’est finalement pas grand chose. Sénèque, Cicéron et Epictète sont avec moi mais le stoïcisme se dilue dans l’alcool.
Les dissonances cognitives, sont souvent à la source d’une grande tension parce qu’il est impossible pour notre cerveau de traiter des informations contradictoires. L’adaptation est nécessaire. Dans mon cas, soit je dégaine le colt et j’abats tout le monde, soit je fais contre mauvaise fortune bon cœur. Mais il est impossible de mixer ces deux comportements antagonistes en une synthèse acceptable. La dissonance cognitive est un système à deux équations que l’on doit résoudre, en choisissant exclusivement l’une d’elles, ou en en posant une troisième.
Estimant, que ne pouvant mettre tout le monde à la porte, pas plus que je ne peux me résoudre à jouer les hôtes aimables, feignant de trouver ce petit monde bien sympathique, je décide de m’évader. Je passerai donc une partie de la soirée, dans une sorte de sorte de trou noir, une espèce de passage à vide, nommée ordinairement "état de fugue". Je décide simplement de disjoncter, de mettre mon activité cérébrale en sommeil. Comme l'amnésie ou l'hystérie, la « fugue » est une sorte de réaction de dissociation, une cassure du psychisme pour rompre avec l'anxiété et les conflits.
Bien sûr, la notion de fugue et légèrement abusive puisque je ne quitte pas mon domicile. Non, confronté à un environnement stressant, je me suis réfugié ailleurs. J'ai gardé les yeux ouverts et baissé un rideau de fer intérieur. J'ai agi en pilote automatique. Je me souviens qu'à un moment donné, ces charmants convives sont enfin partis et que je suis revenu à mon état de conscience normal, un peu comme des lumières qui se rallumeraient après qu’on eut remis le disjoncteur en marche.
Rien de dramatique, juste un petit passage à vide, qui m'a permis de résoudre cette foutue dissonance cognitive. On rentre le périscope, on remplit les ballasts, notamment à coups de bordeaux, on règle les barre de plongées, et on descend aussi profondément qu’on le peut. Comme dans les films de guerre, on se dit que les grenades sous-marines peuvent bien tomber, on est à l’abri posé sur le fond. Une fois tout danger écarté, on chasse l’eau des ballasts, et on remonte à la surface, on ouvre le kiosque et tout va bien.
Quoiqu'il en soit, je sais que maintenant, je me suis fait une belle bande de copains médecins ! A ce sujet, mon amie, ne m'a pas rappelé non plus ! Mais bon tout n'est pas perdu, il faudra qu'on organise une autre fête, j'ai encore plein de coca, d'ice tea, de cranberrie, de fanta et d'orangina light ! Moi, je me charge de la boisson !
Et en cas de problèmes, je sais m’isoler, plongée profonde ou complexe de pétrification, j’ai de l’expérience.
A défaut, d’être scientifique, j’avais trouvée l’explication plutôt bien imagée, et révélatrice des moments que je vivais parfois. Muré dans mon splendide isolement, il m’arrive souvent de me retirer du monde qui m’entoure. Agressé par des informations déplaisantes, n’ayant aucun pouvoir de changer le monde, je m’en exclus. J’en ai encore fait l’expérience samedi soir, au cours d’une soirée que je juge calamiteuse.
Il se trouve que voici quelques mois, une jeune amie médecin souhaitait fêter son trentième anniversaire. Comme elle vit dans un deux-pièces, mon épouse et moi-même, fidèles à notre bonté, lui avions proposé de lui prêter notre palais afin d’y inviter ses amis ; à charge pour elle de lancer les invitations, de fournir la nourriture et la boisson. Parce qu'il ne faut tout de même pas déconner : on veut bien être bons, mais pas cons pour autant, on ne va pas nourrir, ni rincer la gueule de quidams inconnus, si vous voulez bien me pardonner cet accès de vulgarité.
Hier soir donc, samedi 24 novembre, avait lieu cette soirée d'anniversaire, au cours de laquelle une douzaine de médecins sont venus chez nous. J'avais cependant prévu d'inviter quelques amis, parce que l'unique compagnie des médecins ne m’enchantait guère. Entendre leurs blagues de carabins, et faire assaut de diagnostics a des limites. Les médecins sont rarement cultivés ou alors très souvent d'une manière précise, pointue, et finalement un peu chiante, à la manière d'un ingénieur qui appréhenderait la littérature comme sa math spé.
Mon épouse, grande organisatrice de soirées devant l’Eternel, avait pris soin d'avertir notre amie qu'une soirée nécessitait une organisation stricte et qu'en ce sens, elle devait veiller à ce que la nourriture et la boisson soient aussi abondants que possible. Notre amie, nous avait rassuré, expliquant qu’elle avait passé le mot à ses amis, leur expliquant qu'ils seraient aimables d'apporter des boissons alcoolisées et non alcoolisées, tandis que sa mère se chargerait du repas.
A sa manière d'organiser cette soirée, comme une préado organiserait sa première boum, je devinais que la cata risquait d’être au rendez-vous. Et puis, j'avais déjà entendu parler de ses amis médecins, j'en avais d’ailleurs croisé deux ou trois, et je n'avais pas vraiment accroché. D'ailleurs, j’ai noté qu’il faut toujours se méfier des médecins qui fréquentent d'autres médecins, comme des psys qui fréquentent d'autres psys.
Il y a toujours dans cette attitude apparemment confraternelle, l'aveu d'une grande impuissance à nouer d'autres liens ailleurs que dans son milieu d'origine, à dépasser le cadre strict de son métier pour s’ouvrir aux autres. Tous les médecins avec qui je m'entends bien, ne fréquentent pas de confrères, qu'ils jugent généralement un peu pénibles : je l'ai toujours remarqué. J’avoue faire de même et ne pas fréquenter de confrères que je juge souvent dépourvu d’humour. Et puis parler de psycho tout le temps deviendrait gavant ; l'important est de savoir demander un conseil lorsque c'est nécessaire.
Tout commença mal puisque, alors que l'amie organisatrice devait venir à 19h00, elle ne daigna venir qu’à 21h30, tandis qu'elle avait donné rendez-vous à ses invités à 21h00. J'ai donc joué le portier, en allant ouvrir à des gens que je ne connaissais pas, sauf les deux premiers que j'avais déjà vus, et qui se sont révélés charmants. Ils avaient amené du vin et même des fleurs pour mon épouse. Je précise qu'ils n'étaient pas médecins.
Suivirent ensuite un couple, venus carrément les mains vides. Lui me plut immédiatement, parce qu'il se mit à visiter la baraque comme un agent immobilier venu faire une évaluation. Alors que je ne le connaissais pas, et le voilà parti dans les étages, avant de finir dans la cuisine à demander si le revêtement était vraiment en granit Et main elle est en granit ? Mais, je gardai bien entendu mon calme.
Ensuite, un drôle de mec, genre Christophe Willem, asexué, se pointa. Il déposa deux gros sacs remplis de sodas que l'on déchargea dans la cuisine ! Et là, surprise, que des bonnes choses : coca light, orangina light, fanta light, ice tea ligth et même un truc que je connaissais pas, du cranberry, light aussi bien sur. De la boisson pour médecins hypocondriaques, à croire que ce type était allé faire ses courses accompagné de Xavier Bertrand, notre ex ministre de la santé, le petite gros qui nous rêve maigres, et à qui l'on doit le Plan National Nutrition Santé.
Enfin bref le genre de merdes imbuvables, qui, même si cela ne vous collera ni cirrhose, ni diabète, risque de vous faire crever d'un cancer si on en abuse, parce que je ne suis pas sur que l’aspartame soit excellent pour le santé. Après ce grand timide se cala dans un coin du salon et ne bougea plus, ne nous adressant pas la parole.
Le reste des invités arriva les mains vides. Rien à boire, et bien sur, pas un bouquet de fleur non plus. Manifestement, chez ces blaireaux, le savoir vivre n'était pas au rendez-vous. Je me sentais un peu tendu, sentant que mes prédictions étaient justes : la soirée s’annoncerait difficile.
L'amie arrive enfin, flanquée de son frère, un mec très agréable, ainsi que de sa mère qui a préparé la bouffe. L'amie file vite retrouver ses petits potes, et laisse tout le monde se démerder pour décharger la bouffe. Ses derniers invités arrivent enfin, avec pour point d'orgue, trois pétasses qui se précipitent dans la cuisine pour hurler "joyeux anniversaire", et rire bruyamment, à la manière de gamines de douze ans hystériques à l'idée d'aller à une soirée pyjama. Je me dis que la soirée va être encore plus merdique que je ne l’avais imaginé : c’est le moment d’être stoïque.
Pour s’amuser un peu, mon épouse fait le compte des boissons, et nous constatons que les convives sont venus avec une dizaine de bouteilles de sodas. Par contre, on ne compte que cinq bouteilles d’alcool, dont trois bouteilles de rouge. Un abruti a cependant apporté une bouteille de Montbazillac, en imaginant peut-être qu'on allait lui servir du foie gras. Curieusement, un autre s'est pointé avec une bouteille de rhum.
Je dois aussi signaler qu'un de ces gougnafiers, a osé venir avec un paquet de chips entamé. Il a du avoir une petite dalle dans le RER et il a attaqué son paquet de Lays. Ne l’ayant pas fini, il a daigné nous offrir le reste du paquet, dans lequel il avait plongé ses mains sales. Quelle délicate attention, même si nous regrettons qu’il n’ait pas joint à son présent mirifique, un reste de paquet de cacahuètes, un emballage vide de curly, voire peut-être une bouteille avec un fond de coca et même, pourquoi pas un mégot puisque je fume. Et puis, pourquoi ne pas carrément ramener ses sacs poubelles, on aurait fait le tri de ce qu'on pouvait garder !?
Deux groupes distincts se forment : les médecins d'un côté, et nous de l'autre. Cela ne changera pas parce que mon amie n'a pas le chic pour faire du brassage culturel. Ceci dit comme je suis passablement énervé par la cuistrerie de ces trous du cul, je ne suis pas sûr que j'aurais eu très envie de nouer le dialogue.
Les mecs nous ignorent totalement et superbement. J'ai l'impression très nette d'être la bignole préposée au gardiennage d'une salle qu'ils auraient louée. Comme leurs trois bouteilles de rouge sont bien vite éclusées, il faut aller taper dans mes réserves. Au total, je remets deux caisses de bordeaux dans la bataille. Et ce sont mes amis qui se sont chargés du champagne !
Les autres, vautrés sur les canapés, baffrent et rigolent entre eux ans jamais se soucier de nous. Mon amie médecin semble trouver que tout va bien, on la croirait presque devenue la fille de la maison, en train de s'amuser avec ses petites copains tandis que ses parents sont derrière, encore à table.
Mes amis, sans doute ahuris par ce désastre, disparaissent bien vite pour aller faire un poker à l’étage. Je me retrouve totalement isolé, et j’en veux terriblement à mon amie. Mon radar intérieur ne cesse de tourner et n’enregistre que des échos négatifs. Cette soirée est un ratage total et rien n’est entrepris pour la remettre sur des rails.
Les seules pensées qui m'assaillent ont la même tonalité : comment peut-on s'inviter chez les gens, et être aussi sans-gênes, mal éduqués et immatures ? C'est stupide de ma part puisque je connais par cœur la pensée I du livre II des "Pensées pour moi-même" de Marc-Aurèle, qui répond très bien à ma question.
Une belle dissonance cognitive, c'est-à-dire deux systèmes de pensée antagonistes, se met en place dans mon cerveau. D'un côté, il y a en moi, un cuirassé qui tourne ses tourelles de 380mm, avec une folle envie de faire feu sur ces abrutis. Feu sur le connard qui triture les boutons de la chaîne pour passer ses CD ! Feu sur la grognasse, médecin spécialiste dans un obscur service hospitalier de province, qui se la pète comme si elle avait eu un Nobel, et tout ça parce qu'elle s'est payée des belles lunettes chez Grand Optical à Roubaix (39,99€) ! Feu sur Miss Spéculum, grande exploratrice de vagins, qui me parle comme à un demeuré, et que j’ai grande envie de baffer !
De l'autre côté, persiste à demeurer en moi quelqu'un de courtois, le psy qui se dit qu'après tout il a n’a que ce qu’il mérite, qu’il savait à quoi s‘attendre en prêtant sa maison, qu’il suffit de patienter, de faire le dos rond, de se dire qu’on ne reverra jamais tous ces abrutis, et que dans quelques heures, il ira se coucher et que tout ceci n’est finalement pas grand chose. Sénèque, Cicéron et Epictète sont avec moi mais le stoïcisme se dilue dans l’alcool.
Les dissonances cognitives, sont souvent à la source d’une grande tension parce qu’il est impossible pour notre cerveau de traiter des informations contradictoires. L’adaptation est nécessaire. Dans mon cas, soit je dégaine le colt et j’abats tout le monde, soit je fais contre mauvaise fortune bon cœur. Mais il est impossible de mixer ces deux comportements antagonistes en une synthèse acceptable. La dissonance cognitive est un système à deux équations que l’on doit résoudre, en choisissant exclusivement l’une d’elles, ou en en posant une troisième.
Estimant, que ne pouvant mettre tout le monde à la porte, pas plus que je ne peux me résoudre à jouer les hôtes aimables, feignant de trouver ce petit monde bien sympathique, je décide de m’évader. Je passerai donc une partie de la soirée, dans une sorte de sorte de trou noir, une espèce de passage à vide, nommée ordinairement "état de fugue". Je décide simplement de disjoncter, de mettre mon activité cérébrale en sommeil. Comme l'amnésie ou l'hystérie, la « fugue » est une sorte de réaction de dissociation, une cassure du psychisme pour rompre avec l'anxiété et les conflits.
Bien sûr, la notion de fugue et légèrement abusive puisque je ne quitte pas mon domicile. Non, confronté à un environnement stressant, je me suis réfugié ailleurs. J'ai gardé les yeux ouverts et baissé un rideau de fer intérieur. J'ai agi en pilote automatique. Je me souviens qu'à un moment donné, ces charmants convives sont enfin partis et que je suis revenu à mon état de conscience normal, un peu comme des lumières qui se rallumeraient après qu’on eut remis le disjoncteur en marche.
Rien de dramatique, juste un petit passage à vide, qui m'a permis de résoudre cette foutue dissonance cognitive. On rentre le périscope, on remplit les ballasts, notamment à coups de bordeaux, on règle les barre de plongées, et on descend aussi profondément qu’on le peut. Comme dans les films de guerre, on se dit que les grenades sous-marines peuvent bien tomber, on est à l’abri posé sur le fond. Une fois tout danger écarté, on chasse l’eau des ballasts, et on remonte à la surface, on ouvre le kiosque et tout va bien.
Quoiqu'il en soit, je sais que maintenant, je me suis fait une belle bande de copains médecins ! A ce sujet, mon amie, ne m'a pas rappelé non plus ! Mais bon tout n'est pas perdu, il faudra qu'on organise une autre fête, j'ai encore plein de coca, d'ice tea, de cranberrie, de fanta et d'orangina light ! Moi, je me charge de la boisson !
Et en cas de problèmes, je sais m’isoler, plongée profonde ou complexe de pétrification, j’ai de l’expérience.
13 Comments:
Voilà bien la différence entre stoïciens et cyniques, entre Epictète et Diogène... Diogène avait choisi de vivre dans son tonneau et de dire merde à tout le monde. Etre stoïcien et vivre dans le monde est peut-être plus difficile.
Diogène les aurait sans aucune doute envoyé se faire foutre.
Mais Diogène, n'ayant qu'un tonneau, ne courait aucun risque, puisqu'il est rare qu'on organise une soirée dans un tonneau.
Diogène, malgré ses incontestables qualités, est tout de même celui qui, renonçant à tout, ne prend aucun risque.
En général, quand ils sont jeunes ils sont fêtards ! D'où sortaient-ils vos médecins ??
Laure Allibert,
Vous me plé.
Toju.
Tiens, revoilà Toju.
Je récapitule derechef :
- Le Zurna est à l'origine
- Le Zurnolo est un petit Zurna
- Le Zurnum est un gros Zurna
- Le Zurne peut être funéraire ou électoral
- Le Zurnaze est un adepte du Zurnisme.
- La Zurnaïa est une troupe de musiciens dont certains ont un bras qui pourrit dans le dos.
Et pour frimer devant Laure Alibert, je repose la question :
Le Zurnisme est-t'il un humanisme ?
Toju.
Et c'etait votre amie pourquoi ?
On a parfois tendance à aider ceux qui le méritent le moins ou qui on ont le moins besoin. C'est étrange.
Ouais bof, m'en fous, j'y étais pas !
Toju,
Pour revenir sur ce pauvre homme qui appartient à l'association des joueurs de tambour à une main, sache qu'il semblerait, selon mes recherches, qu'il soit né avec une main humaine et une pince de crabe, ce qui rend très périlleuse la tenue de la baguette. ainsi, si son bras trempe dans un bocal, c'est qu'il contient de l'eau de mer (et éventuellement quelques larves pour 4h).
Désolé d'avoir supprimé un de tes commentaires GCM, mais c'était trop personnel, même si ta remarque à propos d'"Indigènes" était pertinente.
A propos d'Indigènes, sur le même thème, je préfère le film "La Ciociara" de Vittorio de Sica.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=9525.html
Je comprends et l'avais bien entendu laissé à ton libre jugement. J'ai juste trouvé le jeu de mots rigolo...
;-)
La foule criait d'un élan puissant :
ZURNA 2 !!
ZURNA 2 !!
ZURNA 2 !!
... Et l'Empereur du Blog contemplait les masses avec grandeur.
Et la foule de poursuivre sans faiblir, laissant vibrer son cri profond :
ZURNA 2 !!
ZURNA 2 !!
ZURNA 2 !!
L'Empereur du blog, assuré de son infaillibilité, plissa légèrement les yeux.
Les plus proches de l'empereur virent dans ce signe un acquiescement.
Le bruit se répandit très vite :
" L'empereur va publier son ZURNA 2!"
Ce fut comme une délivrance.
La rumeur devint sans délai certitude. Le mot passait de proche en proche : "L'empereur va publier !!...L'empereur va publier!!".
S'ensuivirent des scènes d'embrassades comme jamais l'Empire n'en avait connu. Bientôt le vin coulait à flot dans les Tavernes. Des orgies s'improvisaient partout. Même les femmes les plus sages, emportées par la liesse, épuisèrent les mâles les plus vigoureux dans des étreintes paroxystiques sur toutes les places publiques. Hommes, femmes et chevaux se roulaient au sol, la bave aux lèvres, dans une joie étrange.
Puis, phénomène sans pareille, la foudre ouvrit le ciel en deux, et parut dans l'espace un gigantesque visage :
L'Empereur du blog !
L'Empereur parla depuis le firmament.
Sa voix n'était pas lointaine. Il parlait comme s'il était présent auprès de chacun. Il parlait d'une vibration grave. Au point que chacun se sentait comme saisi.
Mais point d'effroi. Aucune panique. Chacun était rassuré. Rassuré et comme paralysé avec douceur.
La voix disait :
"Oui, rassure toi, je vais publier Zurna 2. Aie confiance, aie confiance en ton destin, aie confiance dans en Empereur. Zurna 2 sera publié, j'en fais le serment impérial."
Tojus.
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