23 septembre, 2008

Ne pas croire en l'homme !


Toujours et encore, on nous ressasse des propos humanistes : j'en ai marre. Ce genre de postulats, gluants de mièvrerie, aurait tendance à m'exaspérer. Pourtant, j'aime bien les gens, sinon je n'aurais pas choisi ma profession.

En revanche, alors qu'en entrant dans mon cabinet, la plupart se croient atteints d'un mal incurable, j'aurais tendance à penser que mes patients sont la plupart plus lucides que le reste de la population. Au moins, sont-ils capables d'imaginer que tout ne va pas bien, et tentent-t-ils de réfléchir. La plupart ont déjà tenté de s'automédiquer en prenant, qui de la came, qui de la coke, ou encore en pratiquant le déni, ce qui consiste à se dire que tout va bien quoiqu'il arrive. Voyant que cela ne marche pas, ils sont tentés de trouver une autre voie et viennent consulter.

Au-dessus de mes chers patients, il y a les personnalités pathologiques, que l'on voit peu parce que leur rigidité caractérielle les empêche de se remettre en question. Les pires à fréquenter sont les narcissiques, les sociopathes, et les paranoïaques. Au moins ont-ils la chance, à défaut d'être lucides, d'être tellement centrés sur eux-mêmes qu'ils pourront faire de belles carrières en politique ou dans les affaires. Certes les moins malins d'entre eux finiront en prison.

En-dessous de mes très chers patients, il y a le troupeau, ceux qui suivent et ne disent rien. Ceux qui sont persuadés qu'une chose est vraie simplement parce qu'on l'a dit à la télé, et ce d'autant plus que c'est un type en costard cravate ou un pseudo-spécialiste qui l'aura annoncé. Pour ceux-là, du foin, un abreuvoir et une étable au dessus de la tête et tout ira bien.

Dans les faits, croire en l'homme ne rime à rien. A de rares exceptions près, les gens sont prévisibles et décevants. Appuyer sur un bouton et vous obtiendrez la réponse que vous désiriez puisque la plupart sortent préprogrammés.

Pour ce faire, nul besoin d'être sorcier, il suffit de se documenter. Pour tous ceux qui adorent lire, achetez les ouvrages suivants :

- Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens de Joule et Beauvois. Vous y apprendrez les rudiments de la manipulation, qui consiste à obtenir des autres le comportement que vous attendez d'eux, en leur faisant croire que cela vient d'eux. Ceci dit, les auteurs semblent moraux et ne dévoilent pas tout.

- Influence et manipulation de Robert Cialdini. C'est un ouvrage similaire au premier mais écrit dans un style plus vivant. Vous y apprendrez d'autres choses encore et notamment, les recettes pour devenir un bon gourou. L'auteur connait son affaire et rédige bien.

- Psychologie de la manipulation de la soumission de Nicolas Guéguen. Alors là, c'est édité chez Dunod. C'est un pavé un vrai livre de cours, pour tout ceux qui veulent quitter la petite carambouille pour devenir de vrais escrocs. Vous aurez les modèles psychologiques qui vous permettront d'entrer dans le "comment ça marche". Si vous digérez l'ensemble une carrière dans la politique ou dans une agence de notation est envisageable.

- Comment gérer les personnalités difficiles ? de Lelord et André. Quand vous vous savez comment les gens interagissent entre eux, vous serez peut-être tentés de savoir comment cela se passe dans la tête d'un individu. Ce livre est fait pour vous. Il est simple sans être simpliste. Vous y apprendrez les rudiments de la personnalité et surtout comment elle déraille. Vous saisirez combien La Fontaine avait raison lorsqu'il écrivit le Corbeau et le Renard.

- Les personnalités pathologiques de Debray et Nollet. Là, c'est la gamme au dessus. C'est édité chez Masson en psychiatrie. C'est la version très élaborée du livre précédent. Voilà de la belle clinique française. On est bien loin des listes du DSM-IV. C'est minutieusement observé et superbement rédigé, ça se lit comme un roman. C'est logiquement fait pour guérir mais entre des mains perverses et avisées, tout ce qui est écrit peut-être utilisé pour contrôler et manipuler. La connaissance est une arme dangereuse.

Si vous lisez le tout, le comprenez bien, le digérez et le retenez, normalement vous ne devriez plus jamais avoir de principes humanistes. Vous comprendrez que la plupart des gens ont autant de liberté que des moutons dans un troupeau. Sans nier le libre arbitre, vous vous apecevrez que c'est une notion plus que délicate à appréhender.

Si vous êtes honnête et doté d'un sens moral élevé, vous saurez mettre des noms sur toutes les arnarques que vous voyez autour de vous. Vous vous apercevrez vite que ces livres, et bien d'autres sans doute, ont été lus par des tas de gens dont l'ambition est de vous faire faire ce que vous ne vouliez pas faire en vous faisant croire que cela vient de vous.

Vous deviendrez effroyablement lucide, vous perdrez tous les biais d'optimismes qui vous faisaient voir la vie en rose, et vous deviendrez déprimés.

Vous pourrez alors vous tourner vers la religion.

11 Comments:

Blogger Unknown said...

Et l'intérêt pour la religion finit par amener... au Discordianisme.

Franchement, c'est tout ce que les curieux insatiables méritent.

24/9/08 6:12 PM  
Blogger Léa said...

Le libre arbitre...

Au départ, un individu se développe selon l'expression plus ou moins soumise au hasard de son code génétique (la qualité nutritive etc de l'environnement intra-utérin joue déjà un peu).

Puis, dès la formation de son système nerveux, il ressent le monde extérieur, et son développement peut s'en trouver modifié.

Une fois né, l'individu entre en interaction avec l'environnement. Ainsi, toute sa vie, il perçoit des évènements et réagit d'une certaine manière. Cette manière de réagir, propre à cet individu, dépend des schémas comportementaux conçus selon ce qu'il a vécu.

L'expérience modèle la personnalité. La pensée libre est le résultat d'automatismes acquis. Nous sommes le produit d'un génôme, d'un environnement, et de leur interaction.

Où est le "je", sujet qui pense ? Et ben voilà, pour résumer, le libre arbitre : mon cul ! ;)

24/9/08 9:56 PM  
Blogger philippe psy said...

@Léa : ah comme le monde a changé. Je me souviens que lorsque je faisais mes études de psycho, la psychanalyse régnait en maîtresse absolue. Et vous voici, toute jeune consœur, prompte à dégainer le déterminisme absolu. Encore un pas et vous finirez avec une blouse blanche à prescrire du Prozac et les laboratoires Lilly vous emmèneront en séminaire aux Seychelles.

25/9/08 1:36 AM  
Blogger Unknown said...

Pour finir: la personnalité d'un individu n'est jamais que la somme de ses mèmes ;)

25/9/08 5:41 PM  
Blogger Léa said...

C'est marrant parce que d'après ce que j'ai entendu, les 2 seuls pays au monde où il existe des écoles de psychanalyse sont la France... et l'Argentine !

Bref, je ne crois pas au tout biologique, au tout génétique, au tout simpliste, et justement ma formation neuropsy fait le lien entre neurophysiologie et comportement, avec un peu d'espoir on essaiera d'y inclure l'approche psychanalytique, si un jour on arrive à faire taire les réticences des scientistes...

J'ai justement parlé d'interaction entre génétique, ou physiologie, et environnement, donc expérience de vie... La psychanalyse est trop logique pour ne pas avoir un fond de vérité !

En tout cas, si un jour j'arrive à finir en blouse blanche, je serai bien heureuse ! Et pour le séminaire aux Seychelles aussi ;) Bah, on n'a qu'à dire que je ne suis qu'une fataliste qui s'approprie les cours pour servir son propos ! Cela m'empêche-t-il d'avoir peut-être raison ?

26/9/08 12:43 AM  
Blogger philippe psy said...

@Léa : si vous appréciez mon blog, c'est que vous êtes intelligente. Si vous êtes intelligente, vous réussirez. Ce qui implique que tous ceux qui m'apprécient réussissent.

@J : Vos développements sont intéressant mais delà à faire un copier coller de l'intégralité de mon texte ... Bon pour le reste, je parle d'instantanéité, ce qui fait que j'ai raison. C'est un peu comme si vous parlais de développement personnel et que vous m'entreteniez d'évolution de l'espèce. Et puis, je suis largement aussi bon que Konrad Lorenz. J'ai eu des oies moi aussi. C'est une preuve non ?

26/9/08 1:45 AM  
Blogger Unknown said...

"Vos développements sont intéressants"

C'est inévitable. Je suis Pape, donc infaillible et destiné à éclairer les masses.

"Et puis, je suis largement aussi bon que Konrad Lorenz. J'ai eu des oies moi aussi. C'est une preuve non ?"

Vous méritez certainement d'être Pape vous aussi. A défaut, que diriez-vous d'une canonisation vite-fait ?

26/9/08 12:31 PM  
Anonymous Anonyme said...

savoir partial et partiel.
la religion est réductrice.quand on a compris que vouloir se raccrocher à un dieu ou à de l'être relève d'une attitude de fuite et de mensonge à l'égard de soi-même, on peut comprendre qu'il ne faut pas avoir peur du néant.
Loin d'être synonyme de destruction, celui-ci renvoie à la liberté, au sens où, moins on est ceci ou cela, moins on est prisonnier d'une identité ou d'un ordre. Plus, donc on est ouvert à l'inconnu et à l'avenir.
donc l'humanisme, si l'homme n'a pas d'être, ce n'est pas qu'il n'est rien, c'est qu'il a tout à être .Tout à faire. Tout à construire. Aussi ne faut-il pas hésiter à s'engager et à agir, afin de faire advenir un monde véritablement humain et libre, parce que délivré des conformismes.

16/10/08 1:59 AM  
Blogger polydamashk-blog said...

Bonjour,

J'aurais aimé savoir quels ouvrages vous pourriez recommander sur la psychologie des foules. J'imagine que depuis le livre de Gustave le Bon, on a approfondi le sujet.

17/1/09 1:20 PM  
Blogger koit1 said...

Très heureux par moment de lire ce genre d'essai. Catégorisée comme "défaitiste" un personne froidement analyste et rationnelle est un leurre, nous sommes d'accord.

Cependant, je suis assez étonné qu'un cheminement de pensée tel que le vôtre, argumenté, appuyé par des ouvrages reconnus, aboutisse à une conclusion si enfantine et bâclée.
J'irai même jusqu'à penser que vous avez réussi conduire votre réflexion aussi loin par coup de chance.
- être honnête et doté d'un sens moral élevé n'a rien à voir avec le fait de chercher à comprendre le genre humain dans son fonctionnement. Je suis désolé, mais c'est même un peu con comme affirmation
- Limiter votre analyse à une époque ne permet pas de généraliser un comportement social. Pourquoi ne pas démontrer que de tout temps, de toute circonstance, de toute religion, le comportement du sapiens, aussi antagoniste que cela puisse paraître, et notamment parce que doué de raison, est dénoué de tout logique durabilité (jalousie, pouvoir, gourmandise, mensonge, destruction de l'habitat). L'homme est comme il est, impropre à tirer partie de son individualité. Cette superbe liberté est un fardeau.
- Il y a des moutons et des gourous??? C'est comme cela que l’espèce fonctionne depuis l'aube des temps. Est-ce que c'est bien, critiquable? Qu'importe, admettons simplement que l'homme et homme. Si le mouton ne s'y retrouve pas, il agira.


Désolé pour la narration mal construite, c'est juste deux minutes de commentaire.

- Je finis par cette phrase sinon on en finira pas:
"Vous deviendrez effroyablement lucide, vous perdrez tous les biais d'optimismes qui vous faisaient voir la vie en rose, et vous deviendrez déprimés. Vous pourrez alors vous tourner vers la religion.3

Venant d'un psy, ça m'étourdi de simplisme et de caricature. Vous avez dû sécher pas mal de cours en amphi non? Ou vous aviez un épisode de "Scandale" à regarder avant de sortir ça.
Etre lucide vous perdrez l'optimisme: Ah bon? Je conclue que l'homme, par ses lacunes, n'a pas vocation à perdurer donc paf! obligé! pas le choix je deviens pessimiste. Allons au bout de votre idée... Je suis curieux, j'analyse, je m'aperçois que quoi qu'il arrive, la terre sera irrémédiablement absorbée par le soleil ! bim! pas de bol! bon les gars désolé la je vais être pessimiste et je vais déprimer ( ah oui j'avais publié ça aussi). Mieux soit je me flingue, soit je me tourne vers la religion...

Alors d'abord il faut consulter parce que vous êtes fragile.
Mais surtout pourquoi n’émettez-vous pas l’hypothèse, même un instant, qu'une personne assez curieuse pour admettre, accepter, et valider nos faiblesses puisse y trouver soulagement et une nouvelle base de développement personnel.
Certains ne supporteront peut être pas l'évidence et la froide réalité, jusqu'à déprimer.
Mais accepter que malgré nos super capacités, nous sommes en échec, que c'est comme ça, et qu'après tout qu'est-ce que change? C'est comme si vous disiez à un patient que maintenant qu'il a pris conscience qu'il est mortel, il n'a plus qu'à déprimer et se tourner cers la religion... Dit comme ça, vous vous rendez compte de l'absurdité de votre affirmation?
En quoi la lucidité empêcherait un être à se créer un micro-environnement plus ou moins adapté à ces codes. Tout en ayant conscience des choses?
En quoi, valider la philosophie selon laquelle la marguerite, dans le prés du voisin, à la même légitimité d'être ici que son fils et un frein au bonheur?

Désolé je ne me relis même pas, c'est posé là, comme ça.


6/2/16 12:03 AM  
Blogger koit1 said...

Oh non je viens de lire des commentaires...
Tiens au pif celui là:
"si l'homme n'a pas d'être, ce n'est pas qu'il n'est rien, c'est qu'il a tout à être .Tout à faire. Tout à construire. Aussi ne faut-il pas hésiter à s'engager et à agir, afin de faire advenir un monde véritablement humain et libre, parce que délivré des conformismes."
Ah bon il a tout à être, tout à faire, tout à construire. Ok ! allons-y.
- l'homme à tout à être. Qu'à-t-il a y gagner? Etant justement ce qu'il est et surtout à vouloir être plus que ce qu'il devrait être, est-il plus libre et heureux qu'avant? (alors svp arretez aussi de penser Homme à l'echelle occidentales les autres ont faim). L'homme à tout être... tout à y gagner? qui gagne? Les 6% de riches... l'environnement?
- Tout à construire... pour sa pomme oui c'est certain. A quel prix? oui laissons le faire, l'homme, il assure grave tonton.
- "Aussi ne faut-il pas hésiter à s'engager et à agir, afin de faire advenir un monde véritablement humain et libre, parce que délivré des conformismes."
Quand les gens vont-il arrêter d'utiliser le mot humain comme un bienfait, un compliment? L'homme n'a besoin d'aucun effort pour faire le mal, dominer, envier, détruire. Ca lui demande des efforts de faire le bien, souvent par bonne conscience ou parce que il n'y aura plus rien à manger. Si ce n'était pas le cas, nous ne serions pas dans cette situation. Si l'homme avait une place à prendre, voir une légitimité, naturellement, ses actions auraient un sens en terme d'éthique, de durabilité, de sociologie,.... Mais ce qui est génial, c'est que cette pensée sous-entends: " non mais aujourd'hui on est plus raisonnable, plus conscient, ..." sous -entendu nos ancêtres étaient des cons, nous on va faire mieux.

Svp arrêtez, surtout, de faire des cheminements de pensée mielleuses de riches.
Allez donc parler de délivrance de conformisme au Rwanda qui meure de fain, au Bangladesh qui meurt de maladies dont on a les traitements, mais pas assez rentables, en centre-afrique qui jongle de dictature en dictature, ...

6/2/16 12:31 AM  

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