Trucs de bobos !
Il y a des jours où je n'ai pas d'inspiration et d'autres où je pourrais écrire un livre entier, voire plusieurs. Sont-ce les muses qui daignent m'inspirer ou simplement une crise hypomaniaque ? Je ne le saurai jamais puique je me préoccupe assez peu de moi. La vérité est que tant que je peux mettre du mélange dans ma RJ49 et aller contempler des poupées qui chantent chez Mickey, ma vie me convient.
Récemment, parce que Le Grand Charles, cher et estimé confrère capricorne, en parlait, je suis allé lire un nouveau blog intitulé "Trucs de bobos". L'initiative n'est pas nouvelle. Les bobos, ces drôles d'individus déracinés ne pouvant vivre qu'en milieu protégé, fascinent tant leur mode de vie interpelle. Tout a été ou presque écrit sur eux. Ce blog n'offre pas grand intérêt si ce n'est qu'il dresse un catalogue assez exhaustif des habitudes boboïdes. C'est un sympathique travail d'entomologiste très observateur et bien rédigé mais il lui manque à mon sens, une bonne dose de méchanceté et surtout de truculence. Le regretté Philippe Muray (mon Dieu quel joli prénom !) possédait un tel talent pour "assassiner les bobos", que tout semble terne à côté.
Dresser l'inventaire des manies du bobo ne suffit pas à comprendre le sujet. C'est aussi lacunaire que de tenter de comprendre un peintre en exposant la liste de ses œuvres. Il faut aller plus loin et tenter de saisir l'essence même qui fait que le bobo aime des choses qui au mieux laisse indifférent les autres et au pire les dégoûte.
J'ai pu approcher les bobos de près. Ma profession fait que je ne me suis pas contenté de les observer : je suis un peu entré dans leurs têtes. Ce qui m'a toujours surpris chez le bobo, c'est cette manière de tout pervertir. Ainsi, le laid devient beau, l'insignifiant prend de l'importance.
Tertullien explique que le diable était le singe de Dieu, en ce sens qu'il voulait l'imiter sans y parvenir. Le bobo pourrait être le singe de ce qu'on appelait auparavant l'honnête homme. Il imite l'honnête homme jusqu'à prendre sa place.
Au XVIIème siècle, l'honnête homme possède une culture générale étendue et les qualités sociales propres à le rendre agréable. Homme de cour et homme du monde, il se doit de se montrer humble, courtois et cultivé mais aussi de pouvoir s'adapter à son entourage. Au nom de la nature, il refuse tout excès et sait dominer ses émotions.
Cette conception de l'Honnête homme renvoie à la phrase célèbre de Montaigne expliquant qu'il vaut mieux avoir "la tête bien faite que bien pleine". Par un subtil équilibre entre culture générale, bon goût et exquise politesse, Montaigne entendait que l'homme réalise pleinement la définition antique de Platon qui en faisait un «animal raisonnable».
Le bobo tente de s'approcher cet idéal, du moins veut-il nous le faire croire. Mais en l'observant patiemment, au-delà de ses habitudes qui nous font soit rire soit hurler, on s'aperçoit bien vite que ce n'est qu'un cuistre, un pauvre type qui ne brille qu'en se parant de médiocres attributs que sont les connaissances inutiles et le dédain pour les choses communes. Angoissé de n'être rien, il ne trouve pas refuge dans la sagesse de la philosophie mais dans une attitude prétentieuse et puérile.
Souvent originaire d'une toute petite ville de province un peu ennuyeuse à son goût, où il manquait surtout de reconnaissance, le bobo "monté" à Paris souffre beaucoup. On lui avait vanté les délices de la grande ville et il est déçu. Paris est une grande ville froide et triste où les gens ne se disent pas bonjour. Alors le bobo n'aura de cesse que de recréer l'ambiance de sa sous-préfecture d'origine. Pour éviter la solitude, il jouera au parisien avec des amis provinciaux et tentera de devenir encore plus parisien que les parisiens. Il mènera une vie de quartier qui n'a qu'un très lointain rapport avec ce que furent les quartiers parisiens. Il sera le "géant de ses rêves" pour ne pas être "le nain de ses cauchemars".
En d'autres temps, on l'aurait qualifié de snob, dont la racine est sine nobilitate, mot qui servait à définir les parvenus qui s'inscrivaient au collège d'Eton ou dans les prestigieuses université d'Oxford ou Cambridge.
De fait, le bobo trahit, salit, travestit et dessèche tout ce qu'il approche. Ayant trouvé la formule permettant de changer l'or en plomb, il nous propose des contre valeurs dans lesquelles les universaux que furent le beau, le bien et le vrai n'existent plus.
Tel marché misérable pourvu qu'il soit situé dans une contrée exotique devient "un merveilleux kaléidoscope de couleurs et de fragrances" tandis qu'un amalgame d'objets hétéroclites devient œuvre d'art.
Telle couleur, jadis sans plus d'importance qu'une autre, sera magnifiée, par le seule magie du verbe bobo. Ainsi en est-il du marron aussi appelé brun. Pourtant,e ntrez dans l'antre d'un bobo, qu'il s'agisse de son logement ou d'une boutique qu'il exploite et commencez à utiliser les mots "marron" ou brun". Immédiatement, vous verrez le bobo haussez le sourcil d'un air horrifié pour vous corriger ! On ne dit plus marron, on dit "pain brûlé".
Le laid devient beau, l'insignifiant capital. Certains ont osé comparer les bobos d'aujourd'hui aux dandys d'hier. Baudelaire qualifia les dandys de "hercules sans emploi" et il n'avait sans doute pas tort. Le destin particulier de Lord Byron illustre bien cette comparaison, lui qui commença sa vie dans la débauche, trouva la rédemption dans l'art et la politique avant de mourir à trente-six ans. De la même manière, si Arnould de Liedekerke a pu écrire "Talon rouge, Barbey d'Aurévilly, le dandy absolu", on ne voit pas à quel bobo actuel cet érudit aurait pu consacrer une telle somme.
Le bobo c'est de la clinique mais jamais de la littérature. Ça se résume à un fond dépressif chronique sur fond de manque d'estime de soi. Otez ses béquilles pseudodentitaires au bobo, et il ne restera plus qu'à le mettre sous antidépresseur. Le bobo ressemble un peu à ces magnifiques immeubles hausmanniens que des promoteurs achètent et rénovent de fond en combles. Les façades sont jolies mais à l'intérieur, il n'y a plus rien : la vie a déserté les lieux.
Le bobo est tout sauf un dandy, ce n'est qu'un cuistre.
Récemment, parce que Le Grand Charles, cher et estimé confrère capricorne, en parlait, je suis allé lire un nouveau blog intitulé "Trucs de bobos". L'initiative n'est pas nouvelle. Les bobos, ces drôles d'individus déracinés ne pouvant vivre qu'en milieu protégé, fascinent tant leur mode de vie interpelle. Tout a été ou presque écrit sur eux. Ce blog n'offre pas grand intérêt si ce n'est qu'il dresse un catalogue assez exhaustif des habitudes boboïdes. C'est un sympathique travail d'entomologiste très observateur et bien rédigé mais il lui manque à mon sens, une bonne dose de méchanceté et surtout de truculence. Le regretté Philippe Muray (mon Dieu quel joli prénom !) possédait un tel talent pour "assassiner les bobos", que tout semble terne à côté.
Dresser l'inventaire des manies du bobo ne suffit pas à comprendre le sujet. C'est aussi lacunaire que de tenter de comprendre un peintre en exposant la liste de ses œuvres. Il faut aller plus loin et tenter de saisir l'essence même qui fait que le bobo aime des choses qui au mieux laisse indifférent les autres et au pire les dégoûte.
J'ai pu approcher les bobos de près. Ma profession fait que je ne me suis pas contenté de les observer : je suis un peu entré dans leurs têtes. Ce qui m'a toujours surpris chez le bobo, c'est cette manière de tout pervertir. Ainsi, le laid devient beau, l'insignifiant prend de l'importance.
Tertullien explique que le diable était le singe de Dieu, en ce sens qu'il voulait l'imiter sans y parvenir. Le bobo pourrait être le singe de ce qu'on appelait auparavant l'honnête homme. Il imite l'honnête homme jusqu'à prendre sa place.
Au XVIIème siècle, l'honnête homme possède une culture générale étendue et les qualités sociales propres à le rendre agréable. Homme de cour et homme du monde, il se doit de se montrer humble, courtois et cultivé mais aussi de pouvoir s'adapter à son entourage. Au nom de la nature, il refuse tout excès et sait dominer ses émotions.
Cette conception de l'Honnête homme renvoie à la phrase célèbre de Montaigne expliquant qu'il vaut mieux avoir "la tête bien faite que bien pleine". Par un subtil équilibre entre culture générale, bon goût et exquise politesse, Montaigne entendait que l'homme réalise pleinement la définition antique de Platon qui en faisait un «animal raisonnable».
Le bobo tente de s'approcher cet idéal, du moins veut-il nous le faire croire. Mais en l'observant patiemment, au-delà de ses habitudes qui nous font soit rire soit hurler, on s'aperçoit bien vite que ce n'est qu'un cuistre, un pauvre type qui ne brille qu'en se parant de médiocres attributs que sont les connaissances inutiles et le dédain pour les choses communes. Angoissé de n'être rien, il ne trouve pas refuge dans la sagesse de la philosophie mais dans une attitude prétentieuse et puérile.
Souvent originaire d'une toute petite ville de province un peu ennuyeuse à son goût, où il manquait surtout de reconnaissance, le bobo "monté" à Paris souffre beaucoup. On lui avait vanté les délices de la grande ville et il est déçu. Paris est une grande ville froide et triste où les gens ne se disent pas bonjour. Alors le bobo n'aura de cesse que de recréer l'ambiance de sa sous-préfecture d'origine. Pour éviter la solitude, il jouera au parisien avec des amis provinciaux et tentera de devenir encore plus parisien que les parisiens. Il mènera une vie de quartier qui n'a qu'un très lointain rapport avec ce que furent les quartiers parisiens. Il sera le "géant de ses rêves" pour ne pas être "le nain de ses cauchemars".
En d'autres temps, on l'aurait qualifié de snob, dont la racine est sine nobilitate, mot qui servait à définir les parvenus qui s'inscrivaient au collège d'Eton ou dans les prestigieuses université d'Oxford ou Cambridge.
De fait, le bobo trahit, salit, travestit et dessèche tout ce qu'il approche. Ayant trouvé la formule permettant de changer l'or en plomb, il nous propose des contre valeurs dans lesquelles les universaux que furent le beau, le bien et le vrai n'existent plus.
Tel marché misérable pourvu qu'il soit situé dans une contrée exotique devient "un merveilleux kaléidoscope de couleurs et de fragrances" tandis qu'un amalgame d'objets hétéroclites devient œuvre d'art.
Telle couleur, jadis sans plus d'importance qu'une autre, sera magnifiée, par le seule magie du verbe bobo. Ainsi en est-il du marron aussi appelé brun. Pourtant,e ntrez dans l'antre d'un bobo, qu'il s'agisse de son logement ou d'une boutique qu'il exploite et commencez à utiliser les mots "marron" ou brun". Immédiatement, vous verrez le bobo haussez le sourcil d'un air horrifié pour vous corriger ! On ne dit plus marron, on dit "pain brûlé".
Le laid devient beau, l'insignifiant capital. Certains ont osé comparer les bobos d'aujourd'hui aux dandys d'hier. Baudelaire qualifia les dandys de "hercules sans emploi" et il n'avait sans doute pas tort. Le destin particulier de Lord Byron illustre bien cette comparaison, lui qui commença sa vie dans la débauche, trouva la rédemption dans l'art et la politique avant de mourir à trente-six ans. De la même manière, si Arnould de Liedekerke a pu écrire "Talon rouge, Barbey d'Aurévilly, le dandy absolu", on ne voit pas à quel bobo actuel cet érudit aurait pu consacrer une telle somme.
Le bobo c'est de la clinique mais jamais de la littérature. Ça se résume à un fond dépressif chronique sur fond de manque d'estime de soi. Otez ses béquilles pseudodentitaires au bobo, et il ne restera plus qu'à le mettre sous antidépresseur. Le bobo ressemble un peu à ces magnifiques immeubles hausmanniens que des promoteurs achètent et rénovent de fond en combles. Les façades sont jolies mais à l'intérieur, il n'y a plus rien : la vie a déserté les lieux.
Le bobo est tout sauf un dandy, ce n'est qu'un cuistre.
2 Comments:
Avec trois ans de retard, on en parle aussi ici :
http://www.larepubliquedesmoches.fr/2011/06/le-moche-et-le-bobo/
Je dois être fraîchement tombée sur Terre depuis la planète Mars, je n'ai jamais rencontré de bobo ni de pervers narcissiques.
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