30 octobre, 2010

Savoir s'affirmer quand on n'en a pas besoin.

 Shoemaker story, une série pleine de rebondissements bientôt sur vos écrans !
Episode 1 : Steve cordonnier à Los Angeles est bien embête car il n'a plus de colle. Réussira-il à mettre des semelles sous les chaussures de John l'acteur célèbre ?

C'est sans doute la demande la plus courante que je puisse avoir : "je ne me fais pas confiance, j'aimerais m'affirmer mieux". Cela veut tout et ne rien dire. Le patient veut-il réellement savoir s'affirmer parce qu'il manque cruellement de confiance en lui ? Ou bien est-il simplement un individu normal qui se trouve fragilisé par les incessantes comparaisons qu'il effectue avec d'autres qu'il juge plus performants socialement que lui-même.

S'agissant du second type de patients, la thérapie sera simple puisqu'elle consistera à expliquer que ni la réserve, ni l'introversion ne sont des traits pathologiques. Sans doute que l'occident - et notamment de nos jours où une expression à la limite de l'histrionnisme est favorisée - valorise plus l'extraversion que l'introversion. Pourtant, il n'est pas plus pathologique d'être l'un ou l'autre ; ce ne sont que deux versants de la normalité qui s'expriment chez les individus pour en marquer leurs différences. 

C'est souvent le plus difficile à faire admettre aux gens, comprendre que lorsque l'un est sur scène, une production s'agite backstage et que l'un ne peut fonctionner sans l'autre. Le problème est que tout le monde voudrait être sur scène. Et c'est encore pire depuis que la morale s'est diluée et que l'on n'apprend plus aux enfants que "bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée". Ce n'est pas de l'affirmation de soi que ces personnes viennent chercher mais de l'estime et c'est différent.
Le problème n'est donc pas d'être ce que l'on est mais de l'accepter en sachant s'adapter en connaissant ses limites et en les acceptant. Et reconnaissons que c'est parfois très dur parce que si on fait des séries sur les médecins, les pilotes de chasse, les flics ou les avocats, il n'en existe aucune sur les expert-comptables ou les ingénieurs ! Alors, il est certain que dans une société où l'image compte tellement, il est devenu difficile de s'accepter lorsque l'on n'a pas "la chance" d'appartenir à une catégorie médiatiquement mise en valeur. 

C'est ainsi que les émissions de téléréalité sont pleines de ces gens qui ne s'acceptent pas et refusent de devenir de belles personnes en voulant à tout prix devenir des personnes reconnues et admirées. Chez ces individus qui n'ont pas vraiment de problème d'affirmation se stricto sensu mais plutôt un problème d'acceptation, la dépendance au regard d'autrui est le problème central. Se voir, se contempler même, dans le regard des autres est leur occupation favorite comme si autrui était capable de leur donner l'estime qu'il leur manque.

On admet que l'identité sociale est au point de conjonction entre ce que l'on pense de soi et l'image que les autres nous renvoient de nous. Mais pour en avoir une, il faut déjà savoir ce que l'on pense de soi. Le problème de ces individus est qu'ils ne pensent pas réellement à ce qu'ils sont mais sont perpétuellement axés sur un modèle auquel ils voudraient ressembler. Dès lors, quelle que soit l'image qu'on leur renvoie, l'identité sociale ne peut fonctionner, puisque dans leur cas, elle consisterait à confronter l'image qu'ils voudraient avoir et ce que les autres leurs disent qu'ils sont réellement.

Rien de plus terribles que ces gens qui se construisent ainsi en se bricolant une image et une personnalité bancales. Cela donne à terme des comédiens qui se révèlent sinistres dès qu'ils ne sont plus sur scène. Un producteur de "comiques" m'expliquait ainsi que la plupart des professionnels qu'il avait rencontré se révélaient insupportables et à la limite de la dépression une fois descendus de scène. Il s'agit effectivement de personnes qui ne tiennent debout que pourvu que l'image qu'ils rêvent d'avoir correspond à celle que leur renvoie le public : de pauvres histrions et pathétiques. 


Il n'est pas toujours facile de traiter de telles personnes parce que dans les faits, si les petits garçons ont pu rêver d'être un jour flic, pompier ou pilote, aucun d'eux n'a jamais rêvé de devenir expert-comptable ou ingénieur système. Il y a donc une part de vrai dans leur désarroi dans la mesure où certanes professions ou état sont plus valorisés socialement que d'autres et qu'il est difficile de se construire hors des codes sociaux.

L'important est donc de les valoriser sincèrement. De leur rappeler que quand un valeureux guerrier se couvre de gloire au combat, il a fallu que bien des personnes concourent à l'épopée. Parce que si le valeureux guerrier, souvent de type promouvant, avait compté sur ses seules ressources, il est fort à parier que l'essence, les vivres et les munitions seraient venues à manquer. Jouer le "beau" n'est pas tout dans la vie, encore faut il ne jamais oublier ceux qui nous en donnent les moyens. Vous savez comme ces comédiens qui leur Oscar entre les mains, n'oublient jamais de remercier a production, les techniciens, etc., "sans qui ils n'auraient jamais pu recevoir une telle récompense".

J'interpelle donc aujourd'hui les scénaristes d'Hollywood, en les sommant d'écrire enfin des séries, dans lesquelles les héros cesseront d'exercer des professions trop valorisées pour enfin donner leur chance aux humbles afin qu'eux aussi aient leur heure de gloire ! La vie des experts-comptables, des coiffeurs, des cordonniers, des secrétaires, peut se révéler palpitante mise en scène intelligemment ! Alors messieurs, soyez enfin créatifs et lâchez-nous avec vos héros trop convenus. 

Marre des pilotes de de chasse, des chirurgiens et des flics, donnez nous des gens vrais !!! Aidez les humbles à se supporter ! Aujourd'hui, les brocanteurs relèvent la tête car ils ont Louis, faites en sorte que demain les poissonniers aient Jean-Paul et les coiffeuses Jennifer !

15 Comments:

Blogger Lousk said...

Quoique Jennifer la coiffeuse ça doit bien passer sur TMC !

30/10/10 10:20 PM  
Blogger L said...

Votre appel n'est pas tombé dans les oreilles d'un sourd et quand je serai scénariste...

Blague à part, j'ai été surpris d'apprendre que Napoléon était un piètre orateur. Il se couvrait de ridicule à chaque fois qu'il prenait la parole au Parlement au point que ses alliés embarassés le priaient de descendre du promontoire le plus vite possible. Comme quoi il est possible d'être un chef de guerre charismatique dôté d'une intelligence démoniaque et de se faire manger comme une simple crevette pour peu qu'on choisisse le mauvais terrain. Chacun son truc comme on dit.

C'est vrai qu'aujourd'hui l'image domine et les valeurs Extraverties sont très appréciées. Cependant les époques se succèdent et les bases de la sagesse restent les mêmes : connais-toi toi-même. Cultiver ses faiblesses plutôt que ses forces ne peut aboutir qu'à un résultat moyen...

30/10/10 10:25 PM  
Blogger Thomas said...

Moi, j'ai toujours rêvé de devenir expert comptable...un jour j'organiserai une expert comptable Academy !! Diffusée en prime sur TF1 !

31/10/10 1:15 PM  
Blogger Stephanie P. said...

Moi moi m'sieur je suis candidate pour écrire un scénario de série. Et même un si bon que les gens ordinaires adoreront leur vie et leurs enfants et tous seront heureux pour toujours...
Il faut juste me trouver un coach et me botter le train pendant un mois ! (Et sans avoir à sortir de chez moi)

31/10/10 2:58 PM  
Blogger philippe psy said...

Thomas, mon lapin,

J'ai beaucoup songé à toi en écrivant cet article. Tu aurais pu devenir un avocat de talent mais tu t'es laissé séduire par la comptabilité. Je te trouve très courageux de suivre ainsi ta vocation. Dans dix ans, à toi les costumes ternes et gris, la sacoche en croute de cuir et les chaussures Méphisto, tu auras enfin réalisé ton rêve. Je trouve courageux de ta part de ne pas avoir cédé aux sirènes de la gloire pour devenir expert-comptable. Tu es devenu le phare de tous ces humbles qui ne s'acceptent pas et se rêvent autres.

31/10/10 3:29 PM  
Blogger Stephanie P. said...

Ca me parait être un problème de gens diplômés "mais pas trop" et urbains, cette affaire. De ceux qui rêvent de retour à la nature et de grandes maisons familiales.
Et c'est vrai que je préfèrerais être la femme oisive d'un notaire de campagne que la maman-secrétaire parisienne débordée.
Je chanterais "Jésus reviens parmi les tiens" à la kermesse et j'aurais des amants très jeunes (22-23 ans). Ce serait bien...

31/10/10 7:30 PM  
Blogger Caroline said...

Stéphanie : J'adore le "mais pas trop" ! Lol On apprécie vraiment pas les proviciaux ici!! Elles ne sont pas femme oisive, - quelle tristesse et désastre psychologique, - mais le "débordée" est sans doute pas très en phase avec la nature humaine. Prendre le temps de bien faire plutot que de faire en peu de temps.

Il peut y avoir des personnes boulimiques de travail mais cela doit être pathologique ? Non ?

Je m'aperçois d'une chose. Certes les pecnos dans les villages ne vont pas souvent voir les psys tant dis que les "urbains" seraient plus disposée, (selon la belle théorie, les uns sont des australopithèques les seconds des personnes éclairées...) . Et si les pecnos eux avaient pour psy, pour pansement de maux, ce que les urbains n'ont plus : La nature, le calme, la quiétude même passagère...qui suffit à remettre les idées en place ?

En revanche pour les amants je crois que les plus charmants sont sur Paris. A part peut-être un ou deux! Me demandez pas les noms je ne vous les donnerai pas!

1/11/10 12:32 PM  
Blogger Stephanie P. said...

Bon je vois que j'ai encore trop résumé ma pensée alors je développe :
- je suis une campagnarde convaincue parce que je déteste la foule et habiter en ville même dans des villes moyennes type Poitiers a été une horreur pour moi. Ainsi je n'ai rien contre les bouseux, au contraire !
- mes quatre séjours à Paris ainsi qu'une connaissance parisienne (qui colle parfaitement au portrait des "en mal de réalisation personnelle") maman et courant toute la journée dans les métros et RER, ont fini de me convaincre.
- les psys sont arrivés en province même s'il est rare d'aller consulter en tracteur...
- "diplômés mais pas trop" signifie la classe moyenne supérieure qui a de quoi vivre mais qui s'ennuie au travail, est débordée et ne peut s'occuper de ses enfants comme il le faudrait.
Les "très diplômés" (professions médicales, enseignants-chercheurs, dirigeants d'entreprise...) ont le plus souvent des jobs qui les passionnent ou gagnent assez pour être plus détendus face à la vie. Mais bien súr, il y a des exceptions dans toutes les catégories sociales !
Quand aux amants, j'ai croisé quand j'avais encore une vie sociale quelques bretons (grands voyageurs ces bretons) franchement pas "dégueu" tant physiquement qu'intellectuellement...

1/11/10 2:29 PM  
Blogger michka said...

« Tu la voyais grande et c’ est une toute petite vie » ("le bagad de Lann Bihouë") a chanté Alain Souchon dans dans le droit fil du billet.

J'aurais plutôt tendance à penser l' inverse à savoir que la très grande majorité des gens l' ont toujours vu petite et que ça leur va en définitive.Les rêves de grandeur ne concerne qu' une minorité.

"Donnez nous des gens vrais !"

Tout à fait d' accord mais c' est pas dans l' air du temps. Je me souviens avoir regardé le feuilleton "l' homme du Picardie" avec mes parents. Et c' était bien.

1/11/10 4:01 PM  
Blogger oliv said...

La télé, et particulièrement les séries sont toutes basées sur le même concept : "nous parler de nous"... en y réfléchissant c'est tout ce qui nous interesse, que l'on s'identifie, quitte à rèver le métier de la star du sictom. Il y a quelque siècles seulement les romans et pièces de théatres parlaient (enfin) de psychologie de personnage....exemple : Shakespeare Le roi Lear, Hamlet). Etant issu d'une famille d'intellectuels j'ai toujours été l'imbécile de la famille jusqu'à aujourd'hui, comment je me suis sorti de ce " rôle ",je ne sais pas vraiment mais en tout cas c'est posible et en plus je n'ai plus la télé depuis plus de 3ans. J'ai dit ce que j'avais à dire. O

1/11/10 5:44 PM  
Blogger Caroline said...

Stephanie, vous ne me rabrouez plus ? Je plaisante et je m'en vais de toute façon je voulais seulement vous faire part de mon étonnement!! Certaines vies ne sont pas enviable même si à Paaaaaaaaaaris, la plus belle ville du monde. Personnellement je préfère l'atmosphère romaine. Le métro romain, n'a rien de comparable au métro parisien aux heures de point.. Même bondé les gens sont encore respecteux, il n' y a pas de bousculade, pas d'écrasement contre les vitres, pas de cohue.

O: J'aime lorsque les gens la boudent cette chose de plus en plus prépondérante dans notre quotidien ( par sa taille et ses programmes qui tend à reléguer autrui à la préhistoire dès lors qu'il ignore ce qu'est la nouvelle série à la mode). Heureusement le sevrage est rapide l'esprit s'habitue très vite à son absence. Des bouquins sur des gens ordinaires qui parlent de nous, des petits réveurs des gens à l'orgueil simple, cela existe déjà.

1/11/10 9:07 PM  
Blogger V. said...

vous oubliez ceux qui n'ont pas eu le temps de dire ouf et se sont retrouvé(e)s à l'Opéra à faire des pliés, puis sous les feux de la rampe, puis les applaudissements, puis se sont pris les pieds dans le refoulé et se sont retrouvé(e)s dans la toute petite vie qu'ils(elles) n'avaient pas envisagée.

Et ça, c'est pas facile.
Et ce n'est pas une question d'orgueil.

1/11/10 10:03 PM  
Blogger Lucie Trier said...

Il y a Papy Dance dans Brèves de Trottoir qui correspond tout à fait au décalage interne/externe que vous décrivez. France 3 a suivi votre esprit visionnaire et commence déjà à s'emparer des coiffeuses.

Mais V. comme souvent a raison et les glorieux devenus loosers sont un mets de choix pour ceux qu'émeut l'implacable sauvagerie du réel. Ce n'est pas très fictionnel parce qu'on préfèrera avoir recours aux ficelles scénaristiques façon rencontres salvatrices, Deus Ex Machina et ange gardiens. Il faut qu'il y ait de l'évènement et de la logique, que les méritants soient récompensés et les puants punis, comme si on voulait encore croire que l'amour a quelque chose à voir avec le mérite. C'est peut-être pour cela qu'on trouve rarement des cordonniers héros de série : pas seulement à cause de la difficile identification aux gloires de cet ordre, mais aussi parce que la fiction est née pour compenser le réel, pour faire justice là où il est un Salaud.


Les histoires de Soldats Inconnus sont peut-être les plus troublantes.

-c-

2/11/10 2:17 AM  
Blogger Unknown said...

Et Mac Gyver alors ?
Ce mec était une vraie promotion pour l'ingénierie...

3/2/15 1:26 PM  
Blogger Élie said...

Caroline, comme je suis d'accord avec vous !

"Et si les pecnos eux avaient pour psy, pour pansement de maux, ce que les urbains n'ont plus : La nature, le calme, la quiétude même passagère...qui suffit à remettre les idées en place ?"

Sans même vivre à la campagne, parce que dans certains secteurs, pas évident d'y trouver un boulot, on peut au moins essayer de passer le plus de temps possible au grand air et dans la verdure. Beaucoup de boulots sont sédentaires et se font dans des espaces fermés plus ou moins restreints, alors s'aérer me paraît vital !

31/5/18 9:43 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home