21 novembre, 2011

Anders, c'est qui ce mec en fait ?!?


Régulièrement l'actualité nous offre les portraits saisissants d'individus pas comme les autres. Au moment où j'écris cet article, on vient d'arrêter l'assassin de la jeune Agnès. Deux semaines auparavant, c'était la celui de la petite Océane qui défrayait la chronique. Pourtant, puisque je suis en retard sur l'actualité, je ne vous parlerai pas de ces deux sinistres individus. Je suppose qu'ils appartiennent à des catégories plutôt bien connues des service de police.

Celui qui m'a passionné dernièrement, c'est ce cher Anders Breivik parce qu'un mass murder aussi efficace c'est assez rare. Au delà du drame que cela représente pour les familles des disparus, le plus amusant a été la manière dont l'événement a été traité par les médias. Tous les gauchistes que la terre compte se sont jetés sur l'affaire pour l'exploiter jusqu'à la trame. Tous ont vu chez Anders Breivik, le prototype du vilain fasciste qu'ils attendaient, celui qui serait à même de réactiver tous leurs fantasmes concernant "le bête immonde" dont chacun le sait, le ventre est encore fécond. Mais bon, ils tenaient enfin un événement leur permettant de rendre réels leurs fantasmes alors ils ont stigmatisé, discriminé et exploité sans vergogne. Si Breivik n’avait pas existé, il aurait fallu l'inventer. Mais fi de la politique, je ne suis pas ici pour cela !

Parce que, et j'en mettrais ma main à couper, il n'y a aucune motivation politique derrière l'acte odieux de ce cher Anders. Breivik, comme tous les mass murder est un blaireau, un pauvre type dont la vie a été contrebalancée entre deux extrêmes : être le géant de ses rêves ou le nain de ses cauchemars.

Qu'il s'agisse du petit gros binoclard qui revient un jour dans son université US avec un Uzi dans chaque main pour flinguer ses camarades, du mari jaloux qui tue sa femme et ses enfants avant de mettre fin à ses jours ou de l'improbable Anders Breivik, il y a toujours à la base un narcissisme défaillant et blessé. Le narcissisme du médiocre qui s'est rêvé au dessus de tous mais n'y est jamais parvenu. Le mass murder en général, c'est le pauvre mec qui vous lance à la face un atroce "alors vous voyez que vous aviez tort de me prendre pour un con, regardez de quoi je suis capable ?!?" pour vous faire regretter de ne pas lui avoir donné l'importance qu'il aurait voulu avoir. C'est le sale mec qui chouine que personne ne l'aime pas s'en donnera à cœur joie pour humilier la pauvre nana qui lui dirait oui. C'est le nain qui s'est toujours rêvé géant sans prendre le temps de s'en donner la peine, le type qui lorsqu'il est face à sa médiocrité décompense brutalement.

A la base, comment peut fonctionner un type comme cela . Bof, comme tout explosif, il faut de la poudre et un détonateur, un terrain prédisposant et un facteur précipitant. Généralement, on a à faire à ce que l'on nomme une personnalité schizoïde. Dit comme cela, le terme fait peur. Pourtant les personnalités schizoïdes font de bons héros dans les romans ou dans les films. 

Le genre de héros qu'adorent les petits garçons. Il s'agira soit de tueurs froids et méthodiques, soient qu'ils soient dans la légalité et interviennent en tant que justicier solitaire comme l'inspecteur Harry, soit qu'il s'agisse de tueurs à gages, soit encore de savants lunaires contre lesquels le sort s'acharne mais qui finissent par triompher de tout le monde en prouvant qu'ils avaient raison. Le problème est que si la réserve et la discrétion ne sont pas des tares, il se peut qu'une trop grande froideur soit en fait une sorte d'émoussement affectif plus proche de l'alexithymie dont la présence fasse justement soupçonner une personnalité pathologique.

Le trouble de la personnalité schizoïde est un trouble de la personnalité caractérisé par un manque d'intérêt pour les relations sociales. L'individu éprouve des difficultés à nouer des liens sociaux ; ses loisirs, son activité professionnelle, est solitaire et indépendant. Elle n'est en apparence pas touchée par les marques de sympathie ou d'affection et n'exprime pas ses émotions, d'où une image de froideur et d'apathie. 

La description psychologique commença avec les observations d’Eugen Bleuler en 1924 puis en 1940, Ronald Fairbairn présenta son travail sur la personnalité schizoïde dans lequel figurent la plupart des phénomènes schizoïde connus actuellement. Il esquissa 4 thèmes centraux : un besoin de régler une distance relationnelle ; une capacité à mobiliser ses défenses personnelles et la confiance en soi même ; une tension entre le besoin d‘attachement et le besoin de distance défensive, qui s’observe de façon manifeste par de l'indifférence et enfin une surévaluation du monde intérieur et l’exclusion du monde extérieur. 

Enfin, même si le DSM et la CIM 10 s'accordent à peu près sur les traits diagnostiques de cette personnalité pathologique, les dix critères énoncés par Harry Guntrip, précisent encore mieux les caractéristiques de ce type de personnalité : introversion, retrait/autarcisme, narcissisme, indépendance, sentiment de supériorité, manque d'émotions, solitude, dépersonnalisation et régression

Voilà, à mon sens en lisant cela, on peut à peu près profiler un individu comme Breivik. Tout colle, cadre et fonctionne parfaitement, le genre de type qu'on jugera un peu spé sans s'inquiéter outre mesure parce qu'à priori il parait suffisamment adapté. Il ne hurle pas, n'explique pas qu'il a vu des martiens, et ne coupe pas des animaux en rondelles,  alors pourquoi s'inquiéter ?

Le problème des personnalités schizoïdes c'est que l'on ne sait jamais ce que cela peut masquer. Parfois rien, parfois de grave problèmes. Si la mer semble étale, cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas une vie riche en profondeur, pour le pire ou le meilleur. Dans son ouvrage "Amour sexualité et personnalité pathologique", Quentin Debray rapporte ainsi que les enquêtes psychologiques pratiquées à propos des agresseurs sexuels tels qu'ils ont été étudiés en milieu carcéral montrent que ces sujets présentent volontiers une personnalité schizoïde. Solitaires, frustrés, souffrant d'un complexe d’infériorité, ayant l'impression d'être rejetés par les autres, socialement peu habiles, ils développent à la fois des sentiments de vengeance et des fantasmes sexuels atypiques

Flatteurs comme héros froids et déterminés et vivant dans leur monde, les personnalité schizoïdes sont donc loin d'être uniquement des gens bizarres ou un "peu largués" quand on les observe dans la vraie vie. Comme dit le proverbe il faut se méfier de l'eau qui dort. On sait que les experts se méfient de la sagesse populaire mais elle a parfois du bon.

En revanche, tous ceux qui sont affectés de ce trouble ne commettent pas d’attentats ni ne massacrent pas plus de soixante-dix personnes. Il faut avoir de sacrées motivations pour en arriver là et elles ne sont pas politiques. Il y a dans ces actes une recherche d'absolu, je dirais même la recherche d'un exploit, la volonté d'être le meilleur. Alors, pourquoi en arriver là ? A ce stade, on peut dire que s'il en avait les moyens psychologiques du fait de sa pathologie lui donnant le calme, la méthode et le retrait nécessaire, il n'avait pas de mobile.

Sans doute que l'on pourrait rechercher son mobile dans sa relation au père. Abandonné à l'âge de un an, il n'aura plus que des contacts sporadiques avec lui jusqu'à ses seize ans, après quoi le père et le fils en se reverront pas. D'après ce qu'explique la biographie de Breivik, son père refusera de le revoir parvenu à l'âge adulte. Sans doute que l'abandon seul ne suffirait pas à expliquer l'acte fou de Breivik, mais avec pour toile de fond une telle personnalité pathologique, on peut imaginer qu'il ait voulu prouver à son père qu'il avait eu tort de ne pas lui faire confiance. Il y a sans doute dans cet acte fou et horrible autant d'amour que de haine, comme si Breivik voulait à la fois prouver à son père qu'il est meilleur et plus intelligent que ce dernier ne le croyait, mais tout autant lui démontrer ce qu'a occasionné son abandon en faisant de lui le père du plus grand criminel que la Norvège ait jamais connu.

C'est à la fois monstrueux et pathétique. D'ailleurs le parcours, du moins ce que j'ai pu en connaitre de Breivik montre toute son ambition à devenir quelqu'un ! Passé de droite à gauche en faisant une escapade dans la maçonnerie, on voit bien que le parcours de Breivik n'est pas lié à un quelconque engagement politique mais à la volonté farouche de devenir quelqu'un, de trouver un groupe dans lequel on l'acceptera. Sans doute que la maçonnerie avec ses rites secrets et son initiation a plus flatter le schizoïde qu'il est mais las, elle l'a rejeté comme tous les groupes qu'il aura pu fréquenter.Sans doute que c'est sa pathologie et ses fantasmes de toute puissance qui le guideront vers l’étude d'autres doctrines tout aussi confidentielles.

Faute de trouver une issue favorable à sa névrose et à sa volonté de puissance, Breivik choisit alors une forme de suicide en faisant le plus de morts possibles. La Norvège n'étant pas les USA où n'importe quel type du SWAT l'aurait sans doute battu, il n'aura pas eu l'issue qu'il espérait.  A moins qu'il n'ait vraiment voulu s'en sortir pour obtenir une surmédiatisation et jouer au mec tout-puissant capable de donner la mort. Au pire haï, au mieux méprisé ou étudié par des psys qui voudront tout connaitre de sa pathologie, Breivik sera juste un monstre de plus.

Un monstre qui une fois étudié ne laissera rien d'original. Parce qu'une fois mis sous la lumière, Breivik na rien de fascinant, c'est juste un paumé, un malade, une personnalité schizoïde non détectée. Un de ces faux gentils qui ne trouvent pas leur place, mais que l'on imagine fort bien se muer en vrais salauds si le monde leur donnait une once de pouvoir. Un de ces faux calmes chez qui on sent bouillonner une énergie malsaine qu'ils n'arrivent pas à canaliser.

Et pour tenter de finir en beauté, il se livre encore à des pantomimes grotesques en exigeant d'être étudié par un psychiatre japonais. Sans doute que dans son cerveau malade, le japonais reste pour lui le samouraï impassible. Après Breivik gentil garçon, Breivik militaire, Breivik franc-maçon, Breivik tueur de masse, voici venir un énième avatar de ce cerveau malade : Breivik samouraï obéissant à un quelconque code du Bushido.



Il se rêvait géant, il n'aura été qu'un nain et cela même dans sa pathologie des plus communes.

11 Comments:

Blogger Lucie Trier said...

Erostrate et Breivik auraient été super potes. Ils auraient cramé ensemble le temple d'Artémis ! Quoique Erostrate a plus la classe. Et les grecs de l'époque aussi qui, finauds, avaient interdit par décret que l'on prononce son nom :)

22/11/11 7:40 AM  
Blogger Nafy-Nathalie said...

Philippe a dit : "Il se rêvait géant, il n'aura été qu'un nain et cela même dans sa pathologie des plus communes."
Soit ! et sans doute comme le dit Lucie il aurait été super pote avec Erostrate.
Mais, comme Sartre l'a fait remarquer personne ne se souvient du nom de l'architecte du temple d'Artémis mais tout le monde parle encore d'Erostrate et sans doute que son calcul n'était-il pas si mauvais.
Et c'est ce qui est vraiment effrayant !

23/11/11 12:31 AM  
Blogger LE JEUNE J said...

Je ne vois personnellement qu'un mec qui n'a fringué qu'un tas de gauchos, ulcéré par la bougnoulisation de son pays, mais ton analyse se tient peut être :)

23/11/11 1:53 AM  
Blogger V. said...

Philippe
Ma question est la suivante : comment les psychopathes le deviennent ils ?
Est ce strictement biologique ? Mais dans quelle mesure certaines connexions, maturation, développement neuronaux, peuvent ils ne pas se faire au nom de causes environnementales ?
Alice Miller disait que tous les enfants violentés ne deviendront pas des adultes violents, mais que tous les adultes violents avaient été des enfant violentés.
Et que s'il fallait bien sûr juger l'individu pour les actes qu'il avait commis, il fallait aussi impliquer ceux qui en amont avaient contribué à la situation.
Elle était partisane d'une "éducation des éducateurs", si j'ai bien compris.

Je n'ai aucune compassion pour les assassins et je ne suis pas certaine de trouver quoi que se soit de constructif au postulat d'Alice Miller, ce norvegien mal dans sa peau que vous qualifiez de pauvre type, est il selon vous un simple abruti congénital ? la bêtise est elle déterminée à la naissance ? Tout comme la propension à détester son prochain à moins d'une éducation suffisante pour apprendre la socialisation ?

23/11/11 10:44 AM  
Blogger philippe psy said...

@Jeune J : tu mérites le trophée du commentaire le plus navrant de ce blog ! Si pour toi flinguer une blondinette aux yeux bleus est un acte politique, tu ne seras jamais élus. Moi j'adore les blondinettes et je n'aime pas Anders.
@V. : il y a beaucoup de recherches sur ce sujet; A toutes fins utiles vous pouvez lire le dernier numéro de Cerveau et psycho qui fait un petit point sur la psychopathie.

24/11/11 12:29 AM  
Blogger V. said...

Merci.

ps : Jeune J a parlé de fringuer des gauchos.
Mars en balance sans doute...

24/11/11 9:42 AM  
Blogger philippe psy said...

@V. : Sans doute mais je l'assume :)

24/11/11 11:08 AM  
Blogger Sophie said...

Je serais curieuse de voir l'analyse du meurtrier d'Agnès aussi. Parce qu'autant pour Anders j'arrive, en creusant profondément, à trouver quelque chose qui ressemble à une démarche, autant pour le premier c'est juste en tous points incompréhensible pour moi.

24/11/11 1:46 PM  
Blogger V. said...

Nan pas vous !
Le Jeune J !
Je voyais bien un couturier avec mars en balance...
Les fringues, la mode...

Finalement, ça tourne plutôt autour de Soeur Emmanuelle et Pamela Anderson (et Freddie Mercury)... Comme quoi ...

24/11/11 5:48 PM  
Blogger Julien said...

En tout cas, moi, tant qu'on m'aura pas prouvé que les 6 tonnes d'engrais chimique ont bien été utilisées intégralement pour la confection des bombes, je mange plus rien qui vient de la ferme à Breivik : je vais pas payer au prix du bio des salades engraissées au nitrate d'ammonium...

24/11/11 9:31 PM  
Blogger Kiiqelik said...

Ça fait quelques heures que je lis votre blog, un peu au hasard.

Vous touchez souvent juste et j'ai compris, je crois, le truc du nain des cauchemars et du géant des rêves qui revient plusieurs fois.

Étant schizophrène, c'est quelque chose que j'ai plusieurs fois fortement vécu et à ma dernière décompensation, j'ai senti clairement la tentative de la part de la psychiatre de me diminuer l'ego (je sais pas trop comment le dire autrement).

Enfin bref, je voulais vous dire, si votre volonté de responsabiliser les gens suscite sans aucun doute l'intérêt (vous le faîtes avec punch et cohérence en plus), vous donnez par là même souvent l'impression de n'avoir aucune compassion pour les victimes.

Ici en creux, mais surtout par exemple à la fin d'un de vos articles sur l'assassin d'Agnès où vous dîtes que ce qui lui est arrivé est d'autant plus horrible qu'elle ne l'avait sûrement aucunement "mérité", ou un terme approchant.

Bon. Il est peut-être dans l'ordre de la nature que l'animal à grandes dents blesse les autres, ou, pour parler comme les hindous, que le doux et l'humble soient fait pour être sacrifiés.

Vous avez fait vos choix.

Mais les schizoïdes ne sont pas, d'après ce que j'ai compris et d'après mon expérience, les animaux à sang-froid que dîtes.

Vous parlez aussi un moment de la "dangerosité extrême" des schizophrènes.
Pardon, mais statistiquement, les schizophrènes sont beaucoup plus victimes que coupables.

D'autre part, étant souvent de jeunes mâles blancs polytoxicomanes, le fait que la population atteinte de schizophrénie commette légèrement plus de crime que le reste de la population est logique et pas forcément imputable à cette pathologie.

Pardon, mais j'ai tout à fait le droit de chouiner, une totale légitimité à le faire, et la beauté un peu chaotique de ma vie embrasée est une ode en acte aux valeurs de responsabilité et de respect pour le monde.

Et je ne crois pas être le seul dans ce cas.

12/10/12 10:33 PM  

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