26 avril, 2013

Mélanchonite aigüe !



Il y a du boulot pour rendre les gens conscients et les empêcher de répéter des âneries entendues. C'est fou que même les plus intelligents ne sachent pas raisonner mieux que des tambours et n’ânonnent qu'un catéchisme gauchiste un peu niais en ayant l'air de vous lancer des vérités historiques à la face.

Voici quelques jours, j'étais avec un patient que je connais bien. Agé d'une trentaine d'années, il est diplômé d'une bonne école d'ingénieur et issu d'un excellent milieu. C'est le prototype du fils de famille rive gauche, chez qui à priori on ne s'attend pas à entendre un discours tout juste digne d'une jeune instit' sortie d'un IUFM et désireuse de corriger les inégalités du monde. Et pourtant !

Voici que lui encore me parle de la Manif pour tous en me demandant ma position. Comme on se connait bien, je n'ai rien à lui cacher. Non que je me sente du à un quelconque devoir de transparence politique vis à vis de mes patients mais que cela ne me dérange pas d'échanger à la fin d'une séance quand je connais bien les gens.

Je lui explique que finalement je m'en fous et que ce qui doit arriver arrivera, que je suis stoïque et puis voilà. Je pourrais lui expliquer que je trouve ridicule d'opposer ainsi les français les uns aux autres pour ce qui n'est pas un enjeux vital et que l'on aurait procéder différemment. Je pourrais aussi lui dire qu'à mon sens parler de mariage entre personnes du même sexe me semble abusif et grotesque au delà de l'amour que ces personnes se portent. Je pourrais lui dire plein de choses mais je n'en ai pas le courage.

Je pourrais aussi lui faire part de mes réflexions que j'ai un peu exposées dans l'article précédent pour tenter de lui dire que je ne vais pas me battre pour des causes perdues surtout quand les troupes sont menées par une baltringue qui ressemble à Jean-Pierre Castaldi affublé d'une perruque blonde. Aller à la Manif pour tous actuellement si rien ne change et en attendre quelque chose, c'est un peu comme bosser chez Renault en attendant que Carlos Ghosn ait une bonne idée ! La Manif pou tous, telle qu'elle se présente me semble aussi opportune que la stratégie frontale de Saddam Hussein face à Bush.

Et encore, je n'ai pas envie de rentrer dans le fond du problème parce que je ne suis même pas sur que le mariage pour tous m'ennuie tant que cela. Moi qui suis libéral, j'aurais préféré qu'on choisisse un autre nom et que les mairies délivrent des licences de mariage à qui de droit et que chacun se démerde pour convoler en justes noces, qui à la mairie, qui à l’Église, qui par le sosie de Claude François si cela leur plait. Ça aurait créét du boulot dans l'événementiel en permettant à des structures délégataires de l'état civil de s'occuper de tout cela.

Bref, en fait pour me résumer avec ma vulgarité habituelle, je n'en ai un peu rien à branler, qu'ils fassent ce qu'ils veulent parce qu je sais déjà comment tout cela finira, comme toutes les utopies débiles ! De toute manière, la machine est tellement emballée qu'elle finira par se gripper, c'est inéluctable. Je suis un mauvais citoyen, peu concerné par ce qui dépasse de trop loin ma petite sphère d'influence. Je dois être un peu clanique et sauvage et je suis capricorne et nous avons la réputation d'être austères et solitaires. 

Alors comme mon patient que je connais bien semblait un peu interloqué par ma prise de position, il m'a parlé politique, comme s'il était en face d'un militant UMP. Je l'ai bien vite fait redescendre sur terre en lui expliquant que pas plus aux présidentielles qu'aux législatives, je n'avais levé mon gros cul de mon canapé pour aller voter.

Et là, j'ai vu qu'il était agacé et il a réagi comme un papa ferait envers son fils un peu bête. Alors qu'il a treize ans de moins que moi, j'ai été tancé comme un garnement qui aurait déchiré son pantalon neuf. J'ai eu le droit à tous les poncifs sur le droit de vote.

En premier lieu, j'ai eu le droit à un panégyrique sur la démocratie, ce merveilleux système, aboutissement de millénaires de combats, qui serait le meilleur et qui bien sur, ne s'userait que si on ne s'en sert pas. Moi, bien sur j'ai rigolé en lui apportant quelques remarques pertinentes sur les limites de la majorité et de la représentativité. Et puis, je lui ai dit qu'en l'écoutant j'avais l'impression de lire les élucubrations d'un journaliste de Marianne. C'était assez fou, son développement était d'une telle mièvrerie, j'avais l'impression de lire la planche maladroite d'un compagnon au Grand Orient.

Comme il était bien parti, il ne s'est arrêté et m'a expliqué doctement que le droit de vote était justement un droit que l'on m'avait octroyé et que je devais donc l'utiliser. Moi, goguenard je lui ai demandé s'il avait le permis moto. Comme il m'a répondu qu'il ne l'avait pas avec des yeux ronds et qu'au surplus il n'en avait pas besoin, je lui ai dit qu'il avait le droit de passer son permis moto et qu'il devrait exercer ce droit au plus vite !

Ensuite, j'ai eu le droit à la culpabilisation car il m'a rappelé que des gens étaient morts pour le droit de vote. Alors à chaque fois qu'on demande qui est mort, personne ne répond. Il était bien con de ne pourvoir me dire qui était mort mais bon, il l'avait entendu dire. Et il a poursuivi en changeant un peu sa stratégie en me disant que nos pères et nos grand-pères s'étaient battus pour voter. Alors là, je lui ai dit que jamais mon père ne m'avait raconté cette bataille et que j'étais sur qu'il n'avait jamais combattu pour voter. Quant à mon grand père, la seule guerre dont il se souvenait, c'était celle de 14-18 puisqu'il avait fait Verdun qui avait semblé plus difficile qu'un combat pour le droit de vote.

Alors à bout d'argument, il m'a dit que justement grâce à la république on ne vivait pas sous le despotisme d'un roi qui aurait fait ce qu'il voulait et notamment qui levait des impôts quand il voulait. Comme je sais qu'il a une "grosse situation" comme on disait dans les années cinquante, je lui ai rappelé que cette année et celle d'après, il pourrait constater sur sa feuille d'impôt, que notre bon président de la République ne se gênait pas pour lever les impôts qu'il voulait. J'ai rajouté que sous l'ancien régime, il y avait parfois des jacqueries sanglantes ce qui n'arrivait même plus à notre époque où les gens se laissent tondre comme des moutons. Pour l'emmerder, je lui ai dit qu'il me rappelait Pikov, le personnage de commissaire politique idiot et borné qu'interprétait Martin Lamotte dans Twist again à Moscou.

J'ai aussi rajouté que bien que n'étant pas particulièrement monarchiste (sauf si je peux devenir Philippe VII), l'idée communément répandue par les gauchos selon laquelle l'ancien régime aurait été forcément une ère de despotisme était fausse. Les gens avaient des droits et le métier d'avocat comme celui de prostituée est l'un des plus vieux du monde. Comme disait Ardisson du temps où il avait le courage d'affirmer son monarchisme : même si nous avions Louis XX, cela n'aurait pas empêché la télévision d'être inventée. Et pour enfoncer le clou, je lui ai rappelé qu'aussi bien en Belgique, qu'en Espagne ou en Grande-Bretagne, il y avait des monarchies et que les gens ne s'en portaient pas plus mal.

Alors là, il ne savait pas quoi rajouter si ce n'est : enfin vous me comprenez Philippe ? Alors rien que pour l'emmerder, je lui ai dit que c'était mon métier de comprendre ce qui semblait à priori incompréhensible et que ce n'était pas la première fois qu'un fils de famille jouerait les gauchistes. Alors il m'a souri en me disant que je le faisais chier. Ce à quoi j'ai répondu que je m'en foutais et que je continuerais à ne pas voter si j'en avais envie parce que c'était mon droit et que ce n'était pas un jeune blaireau de trente ans qui allait me dire comment vivre ! Ne pas voter est une stratégie comme une autre pour se faire entendre et comprendre et opposer le concept de légalité à celui de légitimité.

Bon, on a repris rendez-vous parce qu'au delà de cette petite passe d'armes on s'entend très bien. De mon côté, j'ai diagnostiqué chez lui une mélanchonite aigüe, qui est une sorte de processus mystérieux d'involution qui fait qu'on se met à raconter n'importe quoi au début avant de persister en gueulant de plus en plus fort.

Pourvu qu'il s’en sorte !