03 mars, 2014

Angoisse !

"Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d'affreux naufrages appareille."

Verlaine, L'angoisse, extrait

Allez hop un petit détour du côté de chez Verlaine pour illustrer l'angoisse. Ça ne mange pas de pain et ça met un beau vernis de culture sur mon blog.

Dans la psychopathologie, l'angoisse désigne un état douloureux se manifestant par une sensation interne d'oppression et de resserrement ressentie au niveau somatique. Ces symptômes s'accompagnent le plus souvent d'une crainte de malheurs imminents contre lesquels on se sent impuissant. Lorsqu'elle devient trop fréquente voire continue, elle devient de l'anxiété généralisée et si elle présente des pics anormaux et très douloureux, on parlera alors de panique aigüe.

Bien entendu, l'angoisse en tant que telle ne se guérit pas vraiment. On peut néanmoins l'apprivoiser. Comme le soulignait Sénèque voici deux-mille ans déjà, il ne sert à rien de rassurer un anxieux. Il vous écoutera mais en tâche de fond continuera à angoisser. Au mieux vous lui procurerez un apaisement passager.

Comme le notais fort jsutement Sénèque, il faut au contraire placer l'anxieux face à ce qu'il redoute pour qu'il cesse de tourner à vide en laissant son imagination morbide prendre le dessus mais qu'il puisse au contraire penser concrètement.

Parce qu'au positif les anxieux sont des gens sensibles et imaginatifs. En revanche dès lors qu'ils perdent pied, ne parviennent plus à s'ancrer dans la réalité, qu'ils perdent tout contrôle, ils deviennent anxieux ne pouvant que projeter leur imagination sur leur écran blanc intérieur où ne passent que des films catastrophe.

Alors plutôt que de leur dire de ne pas avoir peur, il faut au contraire les ré-ancrer dans le réel et leur demander : et si ce que vous redoutiez arrivait ? Et là , généralement, avec un peu d'entrainement, cela suffit à les calmer. Il faut que la préoccupation cède la place à l'occupation. Finalement angoisser c'est imaginer sans penser, c'est laisser son cinéma en roue libre et cela peut vite ressembler à du cinéma d'auteur français et devenir mièvre, précieux, ridicule et confiner à l'hystérie.

En revanche le fait d'imaginer quelque chose de potentiellement réel revient à coupler la pensée à la créativité et de développer des stratégies d'adaptation idoines. Bref, les stratégies d'évitement consistant à ne surtout pas affronter ses angoisses sont finalement les pires qui soient. 

Car si sur le moment, on se préserve du pire tant redouté, la vie étant bien faite, elle a tôt fait de vous faire payer chèrement cet évitement en maintenant l'angoisse à bas niveau au fond de votre tête assez basse pour que vous viviez mais suffisamment haute pour vous pourrir l'existence. A ce stade vous pourrez vous bourrer d'anxiolytiques ou d'alcool, ça calmera l'angoisse mais ne la fera jamais cesser.

Et puis, il ne faut pas diaboliser l'angoisse, en faire quelque chose de dramatique. L'angoisse est aussi précieuse et nous permet de nous adapter lorsque l'on sent que notre situation ne correspond pas à ce qu'elle devrait être. Elle est un peu comme ces radars de recul dont sont équipés les véhicules modernes : plus vous approchez de l'obstacle, plus l'alarme hurle.

Elle peut hurler à un tel point que cela devient un sentiment de panique. Parfois aussi, on peut ne pas comprendre ce qui nous fait angoisser ainsi. Ce qui parait simple au psy par exemple n'apparait pas forcément ainsi au patient qui se préserve parfois de prises de conscience trop douloureuses pour son égo. 

Finalement, plus on se rapproche de son centre de gravité, moins on angoisse. C'est assez simple lorsque l'on explique l'angoisse ainsi sans recourir au lourd arsenal psychanalytique. Et puis, la biologie du stress est bien connue et explique fort bien les trois états qui vont de l'alerte, à la résistance et parfois jusqu'à l'épuisement lorsque tout cela se transforme en dépression anxieuse.

L'anxiété est à prendre au sérieux parce que cela peut pourrir la vie de telle manière que cela entraine le sujet vers l'addiction soit aux médicaments soit aux stupéfiants. De la même manière, l'anxiété ne l'oublions pas, peut être le symptôme d'autres pathologies et un diagnostic différentiel est nécessaire afin de ne pas sombrer d'office dans la psychologisation en cas de symptômes anxieux.

Enfin, on a pu selon une étude récente, montrer que les symptômes anxieux étaient fréquemment corrélés à l'intelligence. La sélection naturelle aurait conduit à conserver les humains les plus anxieux car ce sont ceux qui du fait de leurs craintes excessives anticipent le mieux le danger et savent s'en protéger. Une étude portant sur deux échantillons de personnes, anxieuses ou pas, a montré ce lein entre QI et anxiété.

Le plus étonnant est que l'on sache que l'anxiété est deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes. Dès lors peut-on imaginer qu'un homme anxieux présenterait comme une sorte d'androgynie psychique attestant de la douance, tandis que les femmes peu anxieuses manifesteraient le tableau contraire ?

Alors face à l'angoisse, posez vos problèmes sur une feuille blanche et prévoyez le pire, c'est bien mieux que de tenter de mettre un mouchoir par dessus. Si vous êtes anxieux, limitez les expériences si vous ne les maitrisez pas. Et enfin, apprenez aussi à en rire car tout finit par s'arranger même mal.

Enfin, lorsque votre cerveau mouline sans cesse et vous êtes pétri d'angoisse, apprenez à vous dire" ta gueule tu verras bien". Ce n'est certes pas très élégant mais au moins ça coupe court à l'excès de stimulation du système nerveux central.

Et poru conclure, une belle photo sensée réprésenter l'angoisse piquée sur un magazine de psychologie. Je préférais Verlaine.

Qu'est ce que je vais me mettre !

3 Comments:

Blogger chaton said...

"Finalement, plus on se rapproche de son centre de gravité, moins on angoisse. C'est assez simple lorsque l'on explique l'angoisse ainsi sans recourir au lourd arsenal psychanalytique"

Oui, enfin à condition d'avoir un traducteur pour comprendre ce que tu entends par "centre de gravité"!

4/3/14 9:34 AM  
Blogger philippe psy said...

@£chaton : c'est bon d'être hermétique parfois. Quoique tu sois bien le seul à ne jamais me comprendre :)

5/3/14 1:12 AM  
Blogger chaton said...

Qu'est-ce que tu veux, nous les Poissons, on a notre monde à part

5/3/14 8:40 AM  

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