Phobie administrative !
Suite à l'article concernant le petit gars Thomas, ce jeune élu droit et sincère qui a récemment défrayé la chronique, un de mes lecteurs m'a laissé un commentaire dans lequel il donne un lien vers un article du Monde. Selon cet article l'aveu de sa phobie administrative par Thévenoud aurait libéra la parole de tous ceux qui souffriraient de la même pathologie qui osent enfin parler de leur haine de la paperasse.
Je pourrais m'inclure dans le lot tant la paperasse et l'administratif me révulsent. Non que je ne sache pas m'y prendre mais que j'aie tendance à me noyer dans un verre d'eau. D'ailleurs, tandis que plein d'autres choses ne me font jamais peur, pourvu que je puisse exercer ma pensée, la paperasse m'angoisse au plus haut point. J'ai l'impression qu'elle me possède et que je n'aurais jamais aucun contrôle sur elle.
Bien que je possède une RJ49, je suis pourtant extrêmement carré. Farfelu parfois parce que j'aime bien explorer d'autres continents, mais extrêmement rigoureux dans mes raisonnements, je n'ai rien d'un artiste. D'ailleurs, confronté aux gens réputés très carrés, les contrôlant, j'ai toujours détesté que l'on me traite d'artiste. Je veux bien être créatif, dans la mesure où je n'ai jamais peur d'emprunter les chemins de traverse, mais je n'ai rien d'un artiste dans le sens que prend cette dénomination dont on affuble tous ceux qui ne suivent pas forcément le troupeau.
C'est sans doute ce qui me gêne dans la paperasse, c'est qu'elle ne puisse faire l'objet d'aucun de mes petits talents. La paperasse, cela se gère, point barre. Cela s'organise, se traite, comme on le ferait d'une chaine de montage. Ce n'est pas pour moi. Je suis un bon concepteur mais certainement pas un grand réalisateur. Plus jeune avant de changer de vie, je m'étais interrogé pour savoir si je n'allais pas devenir avocat mais la paperasse m'a fait fuir. C'eut été pareil pour une profession comme l'architecture quand on voit la complexité d'un dépôt de permis de construire.
De fait j'ai toujours eu la chance d'être bien accompagné dans la vie pour surmonter mon aversion à la paperasse. Car je parle d'aversion et non de phobie, la phobie c'est autre chose, c'est une vraie peur paralysante. J'ai reçu assez de vrais phobiques pour faire la différence entre mon aversion et cette pathologie réelle qu'est une phobie.
Quand j'ai été salarié, j'ai ainsi pu compter sur une assistante extrêmement organisée et carrée. Si elle reconnaissait mes compétences de juristes et notamment mes talents de négociateur pour monter les opérations immobilières dont j'avais la charge à l'époque, elle détestait mon manque d'ordre. Elle classait et je déclassais sans jamais rien remettre à sa place. J'ai vite pris le pli à force de me faire engueuler et me faire traiter de branleur, d'au moins respecter l'ordre qu'elle s'acharnait à mettre dans les dossiers à défaut d'y contribuer.
Lorsque j'avais une petite vingtaine d'années, j'avais monté une petite société dans laquelle je m'étais associé à mon ami Lionou. Lionou n'avait absolument aucune créativité tant et si bien que je l'ai toujours surnommé le galet. Ce type est lisse et sans aspérité mais c'est une machine en ce qui concerne l'administratif. Aujourd’hui encore, et bien que nous ayons vendu les droits de cette société, cet ami me fascine. Il est capable dès le mois de septembre de louer une voiture pour ses vacances d’août de l’année suivante. Tandis que moi, j'aurais tendance à y songer la veille au soir !
Les années que j'ai passées célibataire furent dramatiques pour moi. Il n'y a que les impôts que j'envoyais en temps et en heure dans la mesure où les journaux télévisés rappelaient sans cesse la date butoir d'envoi des déclarations. Mais bien sur il m'est arrivé plusieurs fois d'aller directement à la perception mettre ma déclaration dans la boite aux lettres. Quand l'électricité, plus d'une fois j'ai eu le courant coupé simplement parce que le TIP trainait quelque part sur mon bureau où je l’avais oublié.
Avec l'âge, je me suis amélioré et dès que je reçois un document je m'empresse de le remplir et de le renvoyer en évitant de remettre la fastidieuse paperasse au lendemain. Fort heureusement mon épouse est du genre super carrée et c'est avec délice que je me vautre depuis déjà pas mal d'années dans une tutelle administrative de tout repos. Elle remplit les documents, m'appelle pour les signer immédiatement et se charge de les renvoyer. elle pourrait me mettre sous tutelle et me dépouiller de tous mes biens que je ne m'en apercevrais pas.
De la même manière, il suffit que je reçoive un recommandé pour que je redoute le pire. Le cinéma se met en branle dans ma tête et me voici immédiatement poursuivi, jeté au cachot pour de longues années. Et pourtant, dussè-je en éprouver de l'angoisse, je vais chercher mes recommandés. Bref si je me reconnais aisément dans l'article du Monde, il s'agit plus
de procrastination, d'absence de goût pour ces choses que d'une réelle
phobie.Je sais ne pas être unique et il m'arrive souvent de recevoir des patients atteints du même syndrome paperassophobe que moi sans pour autant que j'y perçoive un grave trouble psychologique. L'administratif c'est pénible et il faut s'y mettre c'est tout.
En revanche, j'ai parfois eu des patients qui n'assumaient plus du tout leurs obligations administratives. Mais dans ce cas, c'était simplement un trait parmi tant d'autres. Ils étaient simplement tellement dépressifs que plus rien de fonctionnait si ce n'est en mode automatique alors même que les symptômes psychologiques n'étaient pas flagrants. Je pense particulièrement à un jeune patient âgé de 32 ans, diplômé d'une grande école et tout de même capable d'aller chaque matin travailler sans entrain.
J'avais déjà remarqué qu'il était très peu soigné mais pas à la manière d'un type qui se moquerait de son apparence mais plutôt d'un type qui aurait tout lâché. Chemise au col douteux, hygiène corporelle défaillante, chaussures jamais cirées, il donnait de lui le portrait de Gérard Jugnot dans le film Une époque formidable dans lequel il interprète un cadre au chômage venant d'être privé de ses droits. Peu de plaintes, mais en revanche émanait de ce patient une sorte de morne résignation. C'était tout à fait le genre de personne pour qui le pro,ostic vital est en jeux, le genre de type à descendre si bas qu'un jour il ne lui resterait plus qu'à se balancer sous les rails du métro ou se plaindre. Je l'ai incité à consulter un médecin afin de prendre des anti-dépresseurs.
C'est une fois que les IRSR à haute dose l'aient un peu remonté que l'on a pu faire l'inventaire et mettre en place un plan de sauvetage, passant entre autre par un changement de profession. Je me souviens que l'on avait bloqué deux heures afin de faire l'inventaire de sa situation administrative. Il est venu ce soir là avec un sac de sport bourré de lettres jamais ouvertes mais aussi d'avis de recommandés ou de colis qu'ils n'avaient jamais pris la peine d'aller chercher.
Afin de l'aider, nous avions tout ouvert et je lui avais proposé deux tas en fonction de l'urgence de la situation. Dans le premier, on avait classé tous les courriers urgents, dans le second les simples lettres tandis que l'on jetait tout le reste. Il avait évidemment du retard dans ses loyers ainsi que dans le paiement de ses impôts. C'était à lui de régler cela et il s'était engagé à le faire. J'avais aussi noté qu'il ne payait plus son assurance habitation ce qui était un vrai risque. Ce soir là, avec son smartphone il avait payé immédiatement ce qu'il devait à l'assurance en faisant un virement de sa banque : merveille de l'informatique !
Au fur et à mesure qu'il reprenait confiance en lui et en l'avenir, il parvenait à gérer sa situation administrative. Afin de l'aider, et comme il disposait de moyens financiers malgré tout, je lui avais procuré un secrétaire qui durant trois mois l'aiderait à y voir plus clair et à tout organiser. De la même manière, parce que son appartement était un bouge sans nom, il avait trouvé quelqu'un pour lui faire son ménage et s'occuper de ses fringues. Il la trouvait tellement bien qu'il l'avait surnommée Mary Poppins.
S'il n'avait pas eu de moyens lui permettant d'assurer de telles dépenses, je lui aurais recommandé de trouver quelqu'un pour vivre avec lui quelques temps. Soit qu'il se fasse héberger par son père vivant aussi à Paris soit qu'il trouve un colocataire jouant un peu la nounou. J'étais en face de quelqu'un qui avait totalement lâché la rampe et qui était passé en mode survie. A ce stade, qu'il s'agisse des impôts ou des assurances, plus rien n'existe que de savoir si l'on va continuer à vivre le lendemain. C'est donc un cas, mais j'en ai eu d'autres bien sur, de dépression majeure au cours de laquelle les symptômes que sont la perte de l'élan vital et l'humeur perpétuellement triste.
Ces cas sont les plus dramatiques dans la mesure où plus une des obligations que l'on se doit d'affronter avec plus ou moins de plaisir ne sont honorées. Mais il ne s'agit pas d'une quelconque phobie administrative ni même d'une simple procrastination mais d'un organisme qui a renoncé et s'est mis en mode survie, un peu comme un corps soumis à une basse température rapatrie le sang aux organes vitaux au détriment des membres non utiles à la survie.
S'agissant de Thomas Thévenoud, je ne crois pas que l'on soit dans la même situation. Qu'il soit narcissique nul ne le conteste aussi verrais-je plutôt dans sa manière de se déclarer phobique le système de défense de celui qui ne veut pas se regarder avec sincérité et admettre ses fautes qu'une vraie pathologie. Qu'il s'agisse de sa personne, de sa carrière ou de sa situation affective, Thomas Thjévénoud me semble parfaitement à l'aise.
De belles études suivies d'un parcours sans faute l'amènent à un poste de député puis de secrétaire d'état. Avouons que pour un grand dépressif, il se débrouillait plutôt bien. De la même manière, sa mise est parfaite, qu'il s'agisse de ses costumes ou de sa coiffure ; on ne distingue pas en lui de laisser-aller qui augurerait une pathologie dépressive. On le sait aussi marié à une femme ayant suivi le même parcours que lui et dont le physique avenant ne donne pas à penser qu'il l'ait choisie en désespoir de cause. Tout cela donne à penser que Thomas avant sa chute, appartenait plutôt au monde des privilégiés comme aime à l'appeler la gauche à laquelle il appartient, plutôt qu'à celui des sans-dents.
J'ai déjà beaucoup de peine à croire en l'existence d'une phobie administrative dans la mesure où une phobie stricto sensu ne nait que suite à une expérience particulièrement traumatisante qui se serait engrammée dans le système limbique. Tout au plus, un manque d'organisation chez certaines personnes peut elle être la source d'une angoisse face à l'inflation paperassière de l'époque sans que l'on puisse y voir une phobie véritable mais une simple procrastination.
Mais s'agissant de quelqu'un d'aussi bien intégré que Thomas Thévenoud, j'ai peine à concevoir que le pauvre petit bonhomme ne se soit pas acquitté de ses obligations du fait d'une prétendue phobie administrative. Pour ma part, j'y vois surtout le signe de l'existence d'une caste tellement coupée du monde réel et tellement persuadée de son impunité que ceux qui la composent se croient tout permis.
D'ailleurs aujourd'hui Thomas Thévenoud se croit même permis d'invoquer la psychopathologie pour excuser son inexcusable conduite. En d'autres temps, son petit corps replet se serait balancé en compagnie de celui de Jérôme Cahuzac, suspendus à une corde par le col au gibet de Montfaucon, là où douze ministres des finances furent pendus.
5 Comments:
Ça se confirme donc: Thévenoud = Eichmann.
"Elle pourrait me mettre sous tutelle et me dépouiller de tous mes biens que je ne m'en apercevrais pas."
Ah merde, c'est vrai alors. Tu n'es vraiment pas au courant ?
Unknown, tu touches combien chaque fois que tu cites Eichmann ?
Faut s'inscrire quelque part ?
Ouaip Le Touffier, moi du moment que j'ai un billet de 20 pour aller acheter mes clopes et mon café, le reste je m'en fous un peu.
J'ai bien noté : un billet de vingt. Combien de poches ?
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