27 août, 2014

Public contre privé !


Juste avant la reprise, j'avais quelques jours. Alors, ni une ni deux, je prends le cabriolet et me voici en Touraine pour me balader et faire ou refaire quelques visites. Ceci dit je joins l'utile à l'agréable car ayant plusieurs patients tourangeaux, je peux ainsi me rendre compte du biotope dans lequel ils ont évolué durant leurs jeunes années. Cela me permet de créer une meilleure alliance thérapeutique et de les comprendre lorsqu’ils me parlent de rillons et de poires tapées. Et puis comme je sais où passent la Loire, le Cher et la Vienne, je ne confonds pas les villes ni les terroirs.

Comme tout ceux qui visitent cette aimable région, j'ai visité quelques châteaux et autres monuments historiques. Il faut dire que cela ne manque pas. Sur chaque portion de départementale, un panneau vous fait de l’œil, vous invitant à visiter telle abbaye, tel château ou que sais-je encore, une cave peut-être ? Parce que si le tourangeau se gave de rillons et de poire tapée, il picole aussi.

Mais trêve de digressions et venons-en à ce que j'ai pu noter. Oui, car j'ai beau me baguenauder tel le touriste moyen, je suis toujours aussi sagace, ne manquant pas de noter certaines choses au cours de mes pérégrinations. J'ai ainsi pu noter que tout ce que je visitais était soit la propriété de l'état ou d'une collectivité publique, soit privé. Oui, comme je vous le dis, il reste des châteaux, vous savez ces symboles de l'ancien régime, de l’oppression des puissants sur le petit peuple, aux mains de particuliers ! C'est à peine croyable !

Alors j'ai noté que les châteaux appartenant à des particuliers se montraient particulièrement créatifs pour attirer le chaland, l'y retenir et lui faire dépenser son argent. Il faut dire que même s'il existe des aides, l'entretien de ces bâtisses et de leurs parcs n'est pas vraiment donné. Alors outre les bâtiments et les parcs proprement dits, les propriétaires rivalisent d'ingéniosité pour créer d'autres attractions susceptibles d'intéresser les visiteurs.

Les puristes trouveront sans doute que les balades en barques sur le Cher à Chenonceau comme le repas de la meute de Cheverny sont des activités de beaufs. Peut-être mais cela marche. D'autres appelleront cela simplement du marketing, de l’ingéniosité, de la débrouillardise, bref tout mot qui conviendrait pour nommer l'ensemble des stratégies que doit déployer tout bon commerçant voulant faire prospérer son entreprise.

De l'autre côté, il y a l'état et ses collectivités territoriales. Là, nul besoin de trouver des stratégies ingénieuses pour perdurer puisqu la manne se trouve aisément dans la poche du contribuable au travers de l'impôt. Peu importe que l'offre corresponde ou non  aux attentes des visiteurs puisque de toute manière, y aurait-il un joli zéro dans la colonne des recettes que cela ne changerait pas grand chose. Seul compte le désir du prince, que celui-ci soit président de la république, d'un conseil régional ou général ou encore simple maire. L'édile veut et le bon peuple finance.

Et donc lorsque le prince finance un projet, il est forcément accompagné de sa cour. Ladite cour se compose essentiellement des clercs, ceux qui ont fait des études et savent et ont pour mission de nous faire partager tant bien que mal toute leur sapience. Et dans les édifices publics, le savoir ne manque pas. D'ailleurs, se voulant modernes, ils n'y vont pas de main morte ! Là où une simple affichette plaquée au mur et protégée par du plexiglas suffirait, il fallait au contraire donner dans la technologie, sans laquelle vous comprendrez bien que le savoir n'aurait pas la même saveur. 

Alors c'est une débauche d'écrans tactiles ou non, de mise en scène curieuses présentant des débats tout juste bons pour les meilleurs élèves de l'école du Louvre, ceux qui rêvent de devenir conservateurs, à grands renforts de meubles et d'équipements qui se veulent interactifs qui nous attendent dans ces palais publics. Tant et si bien que dans certaines salles, ce grand déballage culturel est d'une telle importance que l'on ne sait plus où l'on se trouve et que l'endroit pourrait bien être la salle polyvalente de Tartempion que cela ne changerait rien. Certains poussent le vice jusqu'à occulter les fenêtres pour être bien surs que les visiteurs seront vissés devant leurs écrans. 

Globalement, j'ai constaté que le visiteur semble s'en fout. Après quelques secondes durant lesquelles, mu par sa culpabilité de passer à côté de la Kultür, il tente vainement de mobilier son attention, il cesse de regarder les écrans et passe dans une autre salle. De toute manière, le guide Vert Michelin offre suffisamment de renseignements pour se passer de ce que l'on nous propose.

Et lorsque ce ne sont pas les cultureux qui essayent de vous assassiner de leur vain galimatias, c'est au tour des artistes contemporains d'en mettre une couche. Pas un édifice public digne de ce nom qui n'ait sa cohorte d'artistes invités et subventionnés venus enlaidir des architectures parfaites de leurs œuvres. C'est ainsi que les dortoirs de l'Abbaye de Fontevraud dans lesquels on pourrait admirer la splendide charpente sont occupés par des tubes néons rouges suspendus au dessus de barques remploies de cailloux. C'est ce qu'on appelle une installation. 

En revanche, le pauvre Richard-Coeur-de-Lion et sa mère Aliénor voient leurs gisants présentés avec le talent d'un étalagiste de chez LIDL, posés par terre comme des gravats. On croirait presque deux malles abandonnées là dans la salle des pas perdus d'une vaste gare grisâtre.

Chaumont n'est pas en reste puisqu'une sorte d'illuminé a décidé avec l'accord du maitre des lieux, la région Centre, de bloquer une immense salle souterraine en y installant des poutres d'où pendent des cloches. De toute manière, il semblerait que où que l'on aille, si c'est public, c'est forcément corrompu par un de ces "artistes". La palme revenant sans doute à Chaumont dans les écuries duquel, un quidam que l'on décrit nanti d'un doctorat et enseignant aux Beaux-Arts, expose un tas de charbon de bois surmonté d'une sorte de pelote de fil de fer. Mais juste à côté dans un ancien manège couvert, c'est l'un de ses concurrents qui ne voulant pas être en reste, expose dans le noir complet une œuvre que j'ai du être le seul à vouloir contempler par curiosité. Certes, il parait que l'oeuvre d'art est dans l'oeil de celui qui la contemple...

Et bien sur l'ONF n'est pas en reste dans cette compétition de vanité et de fatuité. C'est ainsi qu'à Azay-le-Rideau, le parc est à demi fermé et dans un état épouvantable parce qu'il est en train d'être remis à neuf à grands renforts de subventions comme l'explique le panneau d'informations. Et nos braves élagueurs n’ayant sans doute aucune envie d'être à la traine de leurs amis de l'école du Louvre ou des Beaux-arts, et d'être pris pour des cons tout juste bon à faire ronronner leur Stihl, y sont allés eux aussi de leurs jolies petites formules. C'est ainsi que l'on apprend sur un splendide panonceau affiché dès l'entrée du château que "l'on n'abat plus les arbres morts" mais que l'on "élimine les sujets sénescents".

Diantre, si même les bucherons se mettent à faire de grandes phrases où va-t-on ? Je préfèrerai toujours le privé.

O tempora, o mores !
Senatus haec intellegit, consul videt, hic tamen vivit ?
Cicéron, Les Catilinaires

8 Comments:

Blogger Le Touffier said...

Ignare, triple buse, paltoquet, réduire l'art de Jannis Kounellis à un tas de charbon !!!

"Ce maître de l'arte povera pose un acte artistique à même le sol de son atelier romain : un amas d’anthracite, sobrement ceinturé d’une bande blanche. Hommage à la révolution industrielle et aux mineurs anonymes, cette sculpture met en jeu des tensions entre l’ancestral, le fossile, le géologique et le progrès humain, la technologie, la modernité."

Je me suis mangé le tas du maître au CAPC de Bordeaux, mais j'avais une excuse, le cul sublime de celle qui faisait semblant de croire à "l’utilisation de matériaux bruts afin de produire des confrontations sémantiques entre univers naturel et industriel".

Et toi, c'est quoi ton excuse ?

J'irais bien poser une pêche en signe de rébellion contre la dictature du beau, mais il parait que cela a déjà été fait.

27/8/14 2:07 PM  
Blogger philippe psy said...

Je ne suis pas sur que ce que j'aie vu soit de ce type. Mon artiste, il était français, titulaire d'un doctorat d'urbanisme (sic) et prof aux beaux arts. Son truc devait vouloir dire quelque chose mais je n'ai pas lu l'explication. Pour moi, cela me touche ou non. S'il y a besoin de lire ce n'est plus de l'art mais une mise en scène grotesque. Ceci dit à défaut de pêche peut être qu'un fumeur de JPS malavisé a pu balancer son mégot dans cette bouse. C'est possible mais je ne dirai pas qui.

27/8/14 7:07 PM  
Blogger Le Touffier said...

Si, c'est bien le même escroc. Devis de l'installation à Chaumont en 2008 : 695.000 euros HT.

De toutes les preuves d'escroquerie présentes, le tas de charbon a le don d'attiser la subversion. J'avais poussé un morceau du pied pour vérifier si j'allais être excommunié. Rien.

Dans ce genre de foutage de gueule subventionné, le directeur de l'exposition se prend pour un mécène inspiré, et se met en valeur sans aucune pudeur. C'est comme la revendication d'un attentat.

Et ça m'étonnerait qu'un impur copie honteusement le tas de charbon. Dans le domaine de l'intemporalité conceptuelle, le seul plaisir reste la fraternité cultureuse, le mot de passe devant un tas de charbon, c'est "JANNIS KOUNELLIS", merde, quoi.

28/8/14 1:32 AM  
Blogger philippe psy said...

Et bien tu m'en diras tant ! Et dire que des porcs irresponsables et ignares se permettent de coller leur mégot dedans ! Si j'avais su, j'aurais tancé vertement ce malotru.

Cependant, en tant que directeur de la publication du présent site, je ne puis souscrire au terme d'escroquerie que tu emploies ! Juriste un jour, juriste toujours :D

28/8/14 2:13 AM  
Blogger Lucie Trier said...

J'ai eu l'immense honneur de visiter cet été le château de Salses, où j'ai subi le même phénomène. Guide insipide et imposée (pas de visite libre possible pour les ectoplasmes ignorants que nous sommes), sans aucune pédagogie, débitant des faussetés historiques hallucinantes (je connais un peu Isabelle de Castille et les détails de sa fille Jeanne La Folle, qui me plaît), ponctuant toutes ses phrases par un petit "d'accord ?!" enculatoire et condescendant, prenant les visiteurs plus intelligents qu'elle (la plupart) pour des cons à la façon exacte d'un concours de l’Éducation Nationale.
Mises en espace du lieu, installations contemporaines, personnel pantagruélique sans rapport avec les besoins réels du lieu, trompant l'ennui en papotant chiffons. Heureusement que l'austérité est là et qu'il nous faut un retour à la vraie gauche, de toute urgence !

Lorsque j'ai atterri, esseulée, sur une installation dans l'ancien four du château qui avait vu les Siècles et les Douleurs, consistant en 2014 à remplir ce dernier de petits pâtés en terre cuite vidéoprojetés pour, je cite, "interroger le rapport de nos contemporains à la faim", lorsque je me suis souvenue - j'étais visiblement la seule parmi les visiteurs à être hantée par cette pensée - que tout ceci était financé par des fonds publics sans aucune exigence de qualité ni d'effectivité, lorsque j'ai songé à ce qui devait se passer quand ces "artistes" payés une fortune pour leur étron installé se regardent dans le miroir le matin, j'ai cru sentir une nausée urgente et très physique m'envahir. Mais c'est fréquent.

28/8/14 7:05 AM  
Blogger philippe psy said...

@Christine : Ouiii j'avais oublié la guide d'Azay-le-Rideau posant des questions comme une petite instit' face à des enfants. Et ça trainait, trainait...

28/8/14 4:49 PM  
Blogger chaton said...

Et en tant que juriste et psy, tu peux souscrire si je dis qu'on est dirigés par des fous?

29/8/14 11:01 AM  
Blogger Unknown said...

"lorsque le prince finance un projet, il est forcément accompagné de sa cour. Ladite cour se compose essentiellement des clercs, ceux qui ont fait des études et savent et ont pour mission de nous faire partager tant bien que mal toute leur sapience. Et dans les édifices publics, le savoir ne manque pas. D'ailleurs, se voulant modernes, ils n'y vont pas de main morte !"

Ah, mais ce n'est même pas un apanage du public. J'ai bossé ans une grande entreprise privée où un vieux cadre a été 'gentiment' mis au placard pour réuire sa nocivité. Placard où il s'est empressé de dépenser des fortunes pour faire monter un "showroom technologique" n'importe comment. Mur d'images pas compatible avc les sorties HD des ordinateurs installés avec, murs installés AVANT la pose des câbles électriques et réseau, etc. Il s'est m^me permis, à un moment, d'aller à la FNAC avec la carte de crédit du compte sociétaire et acheter des tablettes numériques (qui évidemment ne peuvent être connectées à rien d'autre sur le site et ne peuvent pas faire tourner nos logiciels de démo...)

Bref, ce n'est pas tant le secteur public, mais la bureaucratie en général, qui a ce genre d'effet pervers.

30/8/14 10:50 AM  

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