04 mai, 2015

Suradaptation !


La semaine passée, je parlais déjà de suradaptation en vous citant cet article. Cette semaine je recevais un patient habituel. Comme il venait en dernier et que j'avais du temps pour ramasser les morceaux, j'ai adopté un ton apologétique. C'est à dire, que hors de toute réserve, je l'ai cogné par un enchainement de droites et de gauches en lui mettant les points sur les i afin qu'il comprenne que si sa vie était pourrie, ce n'était pas parce qu'il était nul, bien au contraire, mais parce qu'il était en suradaptation permanente et de ce fait luttait contre lui-même !

Ca a bien marché et pourtant c'est du lourd ! ENS, agrégation et doctorat d'état pour le monsieur et une propension malgré ce bagage impressionnant à faire des conneries dès que l'occasion se présente ! Qu'il s'agisse de son parcours professionnels ou affectifs, il est perpétuellement en dessous de ce qu'il pourrait légitimement obtenir. Déjà pour traiter ses problèmes professionnels, il avait fallu recourir à la ruse afin qu'il se souvienne de ce qu'est la saine et juste colère !

Et pourquoi ? Parce que monsieur s'oublie ! Parce qu'il se vit tellement en termes de variable d'ajustement qu'il en a perdu de vue ses simples besoins ! Il passe après tout le monde et s'il ne reste que des miettes, il s'en contente. Du moins, il tentait de s'en contenter car il allait très mal.

Cette suradaptation entraine en effet un inconfort extrême dans la mesure où l'on vit perpétuellement un écartement entre ce que l'on imagine que les autres attendent de nous et ce que l'on souhaiterait pour soi-même. La dépression est le lot quotidien de ceux qui vivent cet état avec pour issue fatale la dépression anxieuse quand on n'est plus capable de s'adapter.

Ce patient, qu'il s'agisse du boulot, de la famille ou des relations affectives, rien ne va jamais ! On a déjà bossé mais c'est qu'il résistait le bougre. Le pire, c'était les relations affectives. Le mec a une gueule d'acteur, des diplôme sà faire pâlir Attali et il se tape des peaux de saucisson pas croyables, des nanas qui ne valent rien et l'exploitent !

Comme je trouvais le moment idéal et que j'avais du temps, j'ai donc boxé afin de le faire décompenser. Wow, quel effet ! Lui toujours sur de lui a enfin pleuré, ce qui était bon signe, avant de s'abimer dans un mélange de profonde tristesse et de rage. C'était plutôt prometteur. Ce qui nous manquait, c'était un sac de boxe contre lequel il aurait pu cogner et cogner pour sortir toute sa rage. 

A défaut, on a fini la séance et on a marché le long de la Seine durant une bonne demie-heure. Il était 22h00 et il n'y avait personne. Je l'ai écouté monologuer, et tout sortir ou presque. C'était fini, le prie était passé. Je pouvais sans risque le laisser repartir chez lui. J'ai gardé mon téléphone près de moi au cas ou et j'ai reçu quelques SMS dans lesquels il me décrivait son était. Les prises de conscience affluaient mais il dominait bien le maelström. 

Je lui ai dit de contacter le Jeune Gentilhomme Tourangeau afin d'aller faire de la boxe. En attendant, je lui ai conseillé d'aller courir afin de faire baiser le taux de cortisol. Ça a bien fonctionné durant tout le week-end. Il n'est pas resté seul et il a couru régulièrement.

si j'étais chirurgien, je dirai que j'ai extrait toute la tumeur. Bon, durant quelques mois, on va le surveiller car on n'est jamais à l'abri de rien surtout côté cœur mais j'ai confiance.

Je ne supporte pas de voir les gens se gâcher à ce point ! On a certes le droit de rater sa vie mais seulement si cela résulte d'un choix !

1 Comments:

Blogger Le Touffier said...

Cher Monsieur Philippe,

En cherchant une analogie pour la rage ressentie par les détenteurs du PASS, j'ai songé à un conducteur raisonnable circulant à 120 sur l'autoroute pour se laisser une marge de manœuvre anti-radar. Le conducteur verrait les autres véhicules faire n'importe quoi, dépasser les limites de vitesse, ne respecter à peu près rien sauf leur sacro-sainte envie d'appuyer sur la champignon et d'être "devant".
Plus les autres font n'importe quoi, plus PASS-Man se montre précautionneux pour compenser les risque pris par les inconscients.
Et logiquement, il finit par bouillonner en sa Ford intérieure. Et il se dit que s'il se met à faire comme tout le monde, ça va être un massacre.
D'un coté il sur-respecte les limites imposées par le code de la route, en s'adaptant à l'augmentation du risque engendré par les chauffards. D'un autre coté, ça finit par lui réchauffer les surrénales d'être le seul à faire attention, la seule sentinelle à compenser les prises de risque.
Et plus on lui colle au cul sur la file de gauche, plus on le double pour être "devant" pour ralentir ensuite, plus on s'insère systématiquement devant lui parce qu'il respecte une distance de sécurité, et plus il redouble de précautions, et plus il a l'impression de circuler dans une voiture-bélier chargée de C4, au détonateur plus sensible que le clitoris de ma belle-sœur, celui du pétage de plomb.
Ce doit être épuisant, gérer les chauffards et maitriser la machine à baffes en conduisant.

Alors qu'en moto... Attention, pas un poumon de Milwaukee avec chrome et lanières de cuir pour midinette ventripotente et moustachue, une vraie moto, un engin qui vous place d'emblée dans la catégorie donneur d'organe potentiel, c'est tout autre chose.
Se montrer prudent n'est plus une contrainte, c'est une question de survie à chaque seconde. Dépasser les limitations de vitesse n'est plus une hérésie, c'est une nécessité pour laisser loin derrière l'estafette conduite par un psychopathe, c'est bon pour gommer la culpabilité de dépasser d'un coup de gaz le Renault Scénic qui vous balaye de ses turbulences et dont la mère de famille au volant ne semble se satisfaire que d'une seule place, celle devant vous.
GGAAAAAZZZZ, en grand. Vous comprenez monsieur l'agent, c'était une question de sécurité.
Ou bien on se traine la b*** si l'humeur vous en prend, avec ce rictus malfaisant de celui qui tient un fusil d'assaut sur ses genoux en conduisant, et si on veut se débarrasser d'un malfaisant, au lieu de défourailler sur le Scénic, il suffit d'essorer la poignée, GGAAAAZZZZ.

Rien que d'imaginer la rogne de la mère de famille qui veut se penser raisonnable avec sa progéniture à l'arrière, la rage est évacuée. Si cette dame était réellement douée de raison, elle ne devrait pas s'agacer qu'une moto reste devant son fourgon à futurs chômeurs.

Se mettre en danger pour se considérer une priorité. Quelque chose comme ça.

C'est l'idée qui me vient, menotté au radiateur de la gendarmerie de l'autoroute, la vessie pleine et l'estomac vide.

Dr Foulques, neurochirurgien, spécialiste de l'Opinel.

5/5/15 9:29 AM  

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