27 avril, 2015

Grr, je vais craquer !


Non pas moi, je ne vais pas craquer, tout va bien ! Je pense à deux de mes patients. Le premier, un jeune de moins de trente ans très prometteur est venu me voir parce qu'il ne savait pas ce qu'il avait. Il se trouvait "limite" mais de mon point de vue, il n'avait rien d'une personnalité limite. Ça je m'en serais rendu compte !

En fait, il n'avait rien du tout. Intelligent, cultivé, du moins je suppose car je ne sais pas s'il connait Jean Nouvel, poli et gentil, je ne lui ai toujours trouvé que des qualités bien qu'il se dise de gauche. Comme il est encore jeune, je ne lui en veux pas, ça pourra se guérir.

Et puis, c'est compliqué d'y voir clair parce qu'il travaille beaucoup ! Il travaille tellement que quand il divise son salaire net par son nombre d'heures, il arrive à huit euros de l'heure. C'est pas lourd tout de même ! 

J'ai cherché, cherché et n'ai rien trouvé ce qui n'est pas dans mon habitude vu que généralement je trouve tout le temps. Parfois ça prend plus de temps mais je finis par trouver. Parfois en revanche, on se laisse un peu abuser et entrainer par des symptômes apparents et on ne pense plus au fond. Là, ce qui bloquait tout c'était son activité qui le rendait proche du burn-out et puis son côté gentil et accommodant. Mon Dieu qu'est-ce qu'il est gentil et accommodant ce jeune homme, me dis-je chaque fois que je le reçois !

D'ailleurs, il a fini par me dire qu'il en avait marre d'être gentil et accommodant et qu'en lui bouillonnaient des choses qui finiraient par exploser. Je vous avoue qu'il est si gentil et accommodant que c'est bien le dernier chez qui j'aurais pu soupçonner de la violence. Ce type n'a jamais été scout mais je vous assure qu'il aurait fait un bon scout ! Ceci dit, il y a aussi un proverbe qui dit qu'il faut se méfier de l'eau qui dort !

Par exemple, le mec qui fait l'émission River monsters sur la 23 en sait quelque chose. Dès qu'il s'approche d'un coin d'eau, il réussit à trouver un poisson à la bouche pleine de dents voire pire ! Tenez, un soir que je ne dormais pas et que je matais ça tranquillement, le type farfouillait dans un marigot putride où il ne devait pas y avoir plus de dix centimètres d'eau. Et bien, le proverbe a du bon, parce qu'au milieu de cette eau qui semblait dormir nageait traitreusement des anguilles électriques capables de tuer un homme !

D'ailleurs depuis que j'ai vu cet épisode de River monsters, je me dis que sous ses dehors gentils et accommodants, mon jeune patient serait capable de tuer quelqu'un, comme une anguille électrique. Ceci dit, il est de constitution tout à fait normale et ne ressemble en rien à une anguille ! Jean Sablon par contre qui est très grand et mince pourrait plus faire penser à une anguille. Sauf que l'anguille c'est rapide et que Jean Sablon pas tellement en fait. D'ailleurs maintenant que j'y pense personne dans mon entourage ou ma clientèle ne me fait penser à une anguille.

Mais revenons à ce patient en apparence gentil et accommodant mais qui se dit capable de violence, au point peut-être de tuer comme le ferait une anguille électrique bien qu'il ne ressemble aucunement à cet animal improprement appelé anguille alors qu'en fait c'est un gymnotidae. Qu'est ce que cela voulait donc dire quand il faisait état de cette violence alors que moi je ne voyais que gentillesse.

Comme je vous l'ai souvent dit, mon métier consiste souvent à traquer les incohérences et là j'en tenais une. Tel qu'il se racontait, j'avais l'impression qu'il décrivait le personnage interprété par Mickaël Douglas dans Chute libre, ce drôle de film qui nous raconte la descente aux enfers d'un cadre qui décompense soudainement.

Voici donc quelques semaines que ce cher patient tentait de me prévenir que sous ses abords gentils et accommodants se dissimulait de la dynamite ou pire de la nitroglycérine. Une sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde en quelque sorte. Et c'est sans doute pourquoi, il se retrouvait peu ou prou dans la personnalité limite parce que justement, dans cette personnalité il y la notion de limite, comme une fenêtre qui serait ouverte sur quelque chose de terrible.

Je lui ai donc dit que pour ne pas l'avoir vu c'est qu'il devait être perpétuellement en sur-adaptation. Parce que même dans la manière de me décrire ses symptômes, on avait du mal à y croire un peu comme si un gentil garçon avec la raie au milieu vous racontait sa guerre. Alors on a creusé cela, di moins on a commencé à creuser ce syndrome de sur-adaptation. Il s'agit de savoir quand il a commencé et pourquoi il a été mis en place. Le reste, on s'en fout car comme toute stratégie mise en place durant l'adolescence, cette sur-adaptation survit à son utilité. 

Bon, on peut imaginer que passer sa vie à faire bonne figure, dire oui quand on voudrait dire non, faire les choses alors qu'on en a pas envie, puisse être une frustration terrible de nature à générer une tension énorme. Comme je lui disais, son truc c'est de la thermodynamique et rien de plus ! C'est aussi connu comme syndrome de l'imposteur. Et finalement, on peut lui donner tous les noms que l'on veut.

Comme lui, farfouille sur le net, il a fini par trouver ce texte qui parle de syndrome PASS. Bon, c'est juste ce que l'on connait mis à la sauce américaine. Et il faut dire que si les ricains ne savent construire ni une voiture ni une moto digne de ce nom, côté marketing ce sont des champions. Dans tout ce qu'ils touchent, zou ils ont la patte marketing qui transforme un truc médiocre en un machin fantastique.

Bon, vous pourrez prendre connaissance du texte, mais le syndrome PASS, ce n'est pas une trouvaille pharamineuse, c'est juste passer à côté de sa vie en jouant le falsificateur, l'usurpateur, contrait que l'on a été par une influence extérieure de renier ses besoins et sa personnalité. Ça arrive à plein de gens et même si cela parait simple écrit comme cela, ça fait souffrir et ça amène souvent des dépendances pour supporter ce réel insupportable et ça peut faire péter le plombs gravement en cas de décompensation.

Moi par exemple, j'aurais voulu être un artiste pour pouvoir faire mon numéro quand l'avion se pose sur la piste à Rotterdam ou à Rio !