01 janvier, 2019

L'amour et la liste au Père Noël dite aussi Liste des commissions !


J'ai parmi mes patients un type très malheureux en instance de divorce. Bien que son narcissisme heurte un peu mon humilité légendaire, je l'apprécie beaucoup. Dès la seconde séance, il m'a avoué qu'il avait un QI supérieur à 140. J'ai de suite pensé que c'était un défi qu'il me lançait. Défi que j'ai aussitôt tempéré en lui expliquant que j'avais tellement de QI supérieurs à 150 dans ma clientèle que selon ladage expliquant que "qui peut le plus peut le moins", je saurais doute lui venir en aide.

Ceci étant posé, on s'entend très bien. il est fin et intelligent et cultivé ce qui est appréciable. Comme il a été plutôt malheureux en amour, il est de nouveau seul et disponible. Et comme tout mâle urbain il s'est inscrit sur les sites de rencontres et il a fait ... des rencontres. Incroyable non ? Comme il a la tchatche, le physique et la situation qui vont bien, il a fait beaucoup de rencontres. Un peu comme une fille un peu bête dans un magasin de vêtements ou de chaussures.

Comme il est beau mec, riche et intelligent, il a évidemment sélectionné des filles belles et intelligentes. Il a fait sa liste. Il fallait que l'élue de son cœur fut donc selon cette liste : jolie, intelligente (diplômée), dotée de certains moyens financiers (belle carrière) mais aussi gentille. Je crois que les constructeurs automobiles s'était essayé à cette quadrature du cercle en proposant au début des années 70, le break de chasse, à savoir une voiture qui permettent d'emmener ses chiens et ses fusils tout en restant élégante et puissante. Ce fut Volvo avec sa 1800ES qui initia le mouvement me semble-t-il. Je ne sais pas si l'on en fait encore. Les avancées technologiques subies par l'automobile depuis l'émergence de règles écologiques toujours plus contraignantes, m'ont totalement découragé de m'intéresser à l'automobile moderne. 

Mon cher patient cherche donc un break de chasse, rapide, élégant mais néanmoins logeable. Quelque chose qui soit moins exclusif qu'un coupé sportif mais plus élégant qu'un break à cinq portes mais aussi plus valorisant qu'un gros SUV. Mon patient sait ce qu'il veut mais ne trouve pas. Sans doute parce qu'il cherche une femme comme on chercherait une bagnole.

Car tandis qu'une voiture est et restera ce qu'elle est, c'est à dire de la tôle animée par un moteur, un individu, en l'espèce une femme, est plus mutable et changeant. Par exemple, j'oserais dire à mon patient qu'il est sans doute différent quand il assume ses hautes fonctions professionnelles que quand il prend un café avec des amis ou qu'il se gratte les baloches négligemment en regardant un film idiot. Lui, comme la femme de ses rêves, est mutable et changeant et non figé. Et ce n'est pas en une fois, quand elle l'aura rencontré, tout beau dans son costume couteux, que la femme pourra saisir ce qu'il est réellement, c'est en partageant un peu d'intimité avec lui. Car mon patient, comme tout un chacun, lors d'un premier rendez vous, ne montre que le meilleur mais ne se met pas à se gratter les baloches négligemment. 

Voici quelques jours, il m'envoie un SMS me disant qu'il ne pourrait venir à un rendez vous car il avait un "date" comme disent aujourd'hui ceux qui ont étudié l'anglais et affectent de le parler comme ils parleraient leur propre langue. Et peu de temps après, le voici qu'il m'explique qu'il pourra honorer notre rendez vous car son "date" n'a rien donné. Pauvre chou ! Comme il me le dit dans un second SMS : dur de trouver une filel qui soit jolie, sympa, ait réussi et gentille de surcroit. Il ne trouve pas son break de chasse, ce couteau suisse automobile qui sait tout faire.

Parce qu'il voudrait que tout cela apparaisse d'un coup, d'un seul. Il faudrait sans doute que la fille face à lui soit comme à un entretien d'embauche avec un Cv résumant absolument tout de sa vie, aussi bien son parcours scolaire et professionnel mais en plus ses hobbies. Et si parmi ceux ci elle savait cuisiner et tailler des pipes comme une habituée des bordels, ce serait un vrai plus. Lui, mon cher patient, ne doit rien susciter, il doit juste prendre livraison de cette femme parfaite qu'il a échafaudée dans son esprit contrôlant comme le ferait un enfant qui écrit au père Noël.

Dans sa tête, l'amour ne nait pas de la rencontre entre deux singularité mais uniquement de celle du mâle intelligent et performant face à la femme qui saura lui vendre ce qu'elle imagine qu'il attend. N'est ce pas la meilleure manière de se faire michetonner ? Car, des malignes qui savent parfaitement ce qu'attend un gars brillant et friqué, il y en a un paquet. Tu crois au père Noël bonhomme ? Tiens, je vais être ta bonne fée et te piquer ton blé.

Bref quand, tout penaud, il m'a fait sa liste de ce qu'il cherchait chez une femme, je l'ai arrêté net. Pour moi ce n'est pas de l'amour mais un bon de commande. L'amour ne saurait naître de ce genre de démarches. Au pire, on parviendra à unir deux cœurs esseulés acceptant l'un et l'autre de croire les mensonges qu'ils s'envoient. Ca durera ce que ça dure et puis ça cassera. Ça continuera vaille que vaille parce que l'habitude est un ciment qui maintient bien un couple bancal ou ça cassera et l'acrimonie se fera sentir.

C'est très compliqué de parler d'amour surtout pour un froid capricorne qui n'a peur de rien sauf de l'amour parce que justement c'est compliqué à mettre en équation. Tout ce que je retiens de ce que j'ai vu, c'est que l'amour nait du contact, quand des trucs qu'on n'aimait pas deviennent des défauts charmants, quand on s'aperçoit que l'intimité crée un lien qui nous permet de voir des choses qu'une simple première rencontre n'aurait pas permis d'observer, quand on se dit qu'on n'échangera pas la fille avec qui l'on est contre les deux meilleures baiseuses du monde. Bref, il faut du temps pour être amoureux. Il faut savoir s'attacher. Et la multiplicité des rencontres rend cet attachement plus compliqué. On entre dans un processus sans fin ou l'on attend toujours mieux.

Et puis quand on se dit intelligent, on cherche quelqu'un d'intelligent sans se focaliser uniquement sur des artifices. Le diplôme est-il un gage d'intelligence ? Sans aucun doute ! Pour autant sont-ce vraiment les plus intelligents qui collectionnent les diplômes ? Pas toujours semble-t-il sinon Bruno Le Maire ou Alain Juppé auraient eu des destins supérieurs à ceux de Naoléon ou de De Gaulle. 

Bref, je ne saurais trop parler de l'amour ni qu'en dire. Déjà bien s'entendre, avoir des valeurs communes et pouvoir rigoler c'est déjà bien. La beauté ? Bien sur que c'est appréciable. J'en connais peu qui préfèreraient une moche à une belle. Mais quid d'une belle qui militerait pour En Marche par exemple ? C'est compliqué tout ça. Et s'agissant de la beauté, on choisit pour soi et non en fonction  du regard de l'autre. Sinon on montre grand sa faille comme ce gros narcissique de Trump, qui malgré ses indéniables qualités, sera toujours en deçà du tsar Poutine.

Dans tous les cas, je pense qu'il faut non pas chercher quelque chose mais déjà se détourner de ce que l'on déteste, c'est déjà plus simple. Par exemple je n'aurais pas pu être avec une femme de gauche, je parle d'une vraie, pas plus qu'avec une femme trop matérialiste, ou encore avec quelqu'un dont je ne le partage pas les valeurs. Ou bien avec une qui m'aurait saoulé à cause de mon comportement lubique. 

Dans tous les cas, trouver l'amour, ce n'est pas cocher une liste de commissions pour savoir si on a tout dans le caddy, c'est donner sa chance au produit, c'est créer un attachement et voir ce que cela donne. 

En plus j'ai déjà eu un break de chasse, une Lancia HPE ! Et toc ! Elle avait des ailes arrières, on aurait des hanches !

1 Comments:

Blogger maggam said...

Sans vouloir faire du Bourdieu de bas étage, je pense que bien souvent l'amour "durable" a ses raisons que la raison n'ignore pas.
On trouve encore beaucoup sa chacun ou sa chacune dans son milieu, ses préjugés, etc.
La beauté, toute relative d'une femme, n'est que l'un des multiples facteurs d'attirance et je souhaite à votre cher patient de s'acheter une poupée gonflable, entourée de bijoux, issue d'une famille fortunée, ne sachant pas que prononcer des "bouh, bouh, bouh"
quand elle commencera à dégonfler...
Cette histoire de QI et de diplômite aiguë revient à la mode avec des masters à tire-larigot, drôle d'époque !
Certains autodidactes, malheureusement mal reconnus dans notre pays méritent parfois autant de considérations que les sur diplômés souvent issues du même milieu...
Désolé pour ce mot un peu socio-politique.
Bonne nouvelle année surtout avec vos billets qui prêtent parfois à penser ou sourire !

5/1/19 7:25 PM  

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