27 janvier, 2020

Les cas qu'on foire !

Ici, j'écris, je plaisante, je déconne, mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas une conscience qui me titille parfois. Je pense être plutôt performant mais il n'empêche que parfois j'ai une sensation de manque, l'impression qu'avec un patient, on aurait pu aller plus loin ou que j'ai foiré le truc. Quand je dis que j'ai foiré, ce n'est pas que je n'aie pas vu la demande, mais plutôt que pour une raison quelconque, je sois passé à côté. Depuis des années, il y a deux cas qui m'ennuient où je me dis que j'ai été un peu nul.

Le premier, c'était un ingénieur que je recevais voici quelques années. On s'entendait plutôt bien dans le cabinet même si je le trouvais un peu compliqué. J'avais toujours pensé qu'en l'aidant à améliorer ses aptitudes sociales, je l'aiderais facilement à s'insérer dans le monde. J'ai fait ce qui était possible pour lui présenter du monde et l'insérer dans des situations nouvelles. Je ne nie pas qu'il y ait pris du plaisir mais cela ne suffisait pas, comme si tout ce que je proposais n'était pas à même de l'aider.

Il en allait de même professionnellement ou rien ne semblait le satisfaire. J'avais cru le pari gagné quand il avait été recruté dans une grande sociaté de conseil mais non, il en avait finalement démissionné, estimant qu'il était bien trop intelligent pour eux. Sans doute que oui, sans doute aussi qu'il était confronté à ce que bien des gens connaissent, à savoir qu'il faut bien gagner sa vie et que la solution idéale n'existe pas. Je lui avait alors présenté un ex-patient, diplômé de l'X, avec lequel il n'avait pas plus acroché que cela non plus. Même une coach spécialisée n'avait pas eu plus de succès.

J'étais confronté à une demande à laquelle je ne savais pas répondre. J'avais tenté mais j'avais l'impression d'être face à un nourrisson vorace jamais rassasié. Quoique je tente, c'était nul ou au mieux médiocre. Je ne savais plus quoi faire et ce d'autant plus qu'il y avait dans sa demande une sorte de violence larvée, l'impression que j'étais à chaque fois mis en échec par un patient m'attendant au tournant.

Parfois, je me disais que l'ensemble de ses symptômes ressemblait un peu à un syndrome d'Asperger, dépassant le cadre de mes compétences, mais sa violence larvée m'a toujours empêché de lui communiquer cette possibilité. A d'autres moments, j'ai cru être face à une personnalité schizotypique, mais là encore, impossible de le préciser et encore moins de lui dire. 

Au bout de deux ans, il a fini par cesser de me consulter. J'en ai éprouvé du soulagement parce que chaque séance était devenue une épreuve dans la mesure où il me semblait avoir tout essayé sans que rien ne marche avec à chaque fois quelqu'un me réclamant des résultats.

J'aurais pu l'oublier mais je ne l'ai pas fait parce que la seule chose que je n'ai pas tentée, c'était de me mettre en colère et de lui gueuler dessus un bon coup en lui disant qu'il me faisait chier, que la vie était ainsi faite que ses prétentions de petit prince de mon cul ne serait jamais satisfaites et qu'il faudrait qu'il fasse comme tout le monde en faisant contre mauvais fortune bon coeur ! 

Je ne l'ai jamais fait parce qu'alors que généralement je lis assez bien les gens, je n'étais pas sur de sa réaction et que j'avais senti un potentiel de violence en lui. Sans doute que si j'avais hurlé un bon coup, il se serait tu, peut-être que non. Peut-être qu'il se serait tu en sanglotant silencieusement comme il l'avait fait un jour. Je n'en sais rien. Et tous les gens qui l'ont connu, bien que lui reconnaissant de vraies qualités, admettent qu'ils ont eu l'impression de rester à une porte définitivement close.

Le second était flic mais pas un flic lambda, un type étonnant, un peu étrange et très brillant. Rien à voir avec les bourrins tabassant du Gilet jaune ou avec "la tenue" qui roule en Kangoo. Lui, c'était un officier, un type étonnant ayant eu une vie bien que jeune. Il était venu me consulter pour une curieuse paraphilie puisqu'il était amateur de bondage. Bref, il aimait attacher les femmes sans pour autant être un serial killer !

Sans doute qu'à mon âge et avec mon expérience, ce genre de paraphilie reste assez classique. L'expérience prouve que ce qui gêne à trente ans amuse à quarante une fois l'expérience acquise. Il voulait que je traite ce curieux penchant et je n'y ai pas attaché plus d'intérêt que cela, me fixant plutôt sur sa personnalité étonnante. Son emploi du temps un peu compliqué nous empêchait de nous voir de manière fixe, ce n'était pas facile. Et puis, un jour, il n'est plus venu. Soit qu'il ait pensé que cela ne servait à rien, soit qu'il ait trouvé quelqu'un lui témoignant plus d'écoute.

Je n'y ai pas pensé durant un certain temps puis, les mois passant, je me suis souvenu de lui. C'était un type attachant et intelligent. Sa paraphilie, qu'il estimait problématique ne m'avait pas semblé plus grave que cela. J'ai du le décevoir. Ça arrive.

Il faudra que je réfléchisse un peu plus. Je me souviens parfaitement de ces deux cas. Pourquoi ? Aucune idée. Peut-être parce qu'au-delà de l'échec que furent nos rencontres, nous avions bien accroché. Je n'en sais rien.

C'est sympa d'avoir ces cas en tête. Ça évite de se griser quand on a du succès.

2 Comments:

Blogger Unknown said...

Bonjour,

Si jamais cela se représente, Je pense que vous pourriez le diriger vers des pratiques à la lisière du BDSM tel que le shibari, qui est du bondage japonais, il existe des cours ou l'on peut apprendre à encorder sa partenaire de manière esthétique. En plus de demander une vrai technique et un vrai investissement, cela aurait pu le mettre au contact d'un cercle social ayant le même penchant, en plus de transformer une banale paraphilie en véritable pratique érotiques constructive. Qu'en pensez-vous ?

30/1/20 7:48 PM  
Blogger cmosorchestra said...

Comment ne pas se demander ce qu'on aurait pu faire si Henri Virlogeux était venu consulter...

30/3/20 1:56 AM  

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