23 janvier, 2015

Souvenirs d'enfance !


L'émotion est enfin retombée, il était temps que cette hystérie collective cesse. Voilà, tout le monde était dans la rue, tout le monde a voulu son Charlie Hebdo de collec' et tout est bien qui finit bien. On s'est indigné, on a pleuré, on a communié, on a marché, on a allumé des bougies chauffe-plats, on a assisté en direct aux obsèques de Charb et enfin le gouvernement nosu a dit qu'on allait voir ce qu'on allait voir ! C'est vrai qu'entre l'ancien maire de Tulle, d’Évry et de Cherbourg, c'est du lourd, des types habitués aux grandes décisions, inaugurations de fontaines, galettes des rois, création d'un rond-point, de la graine de De Gaulle ou de Churchill. On peut dormir tranquille.

La semaine passée, je discutais avec l'un de mes chers patients, un jeune avocat, qui s'étonnait de la tournure des événements et surtout de la tristesse ressenties par certaines personnes, alors qu'ils n'avaient aucun lien avec l'une des victimes de ces attentats. Fallait-il y voir de l'hystérie, et donc de la comédie, ou une certaine sincérité et donc en être étonné. 

Parce c'est vrai qu'il faut avoir un sacré degré d'empathie pour pleurer des morts que l'on ne connait pas ! Ceci dit, personne n'a jamais connu la mère de Bambi et sa mort reste tout de même un traumatisme pour bien des enfants. Il s'agit justement d'enfants ! Quoiqu'à la vérité, bien qu'étant adulte, je ne suis pas sur de résister à cette scène, ce qui fait que je n'ai jamais voulu revoir Bambi.

Tandis que je plaidais pour mon explication de la sidération, telle que je l'ai exposée dans un article précédent, j'ai aussi pu avancer un début d'explication à cette débauche lacrymale. J'ai ainsi pu noter lors de ces deux semaines écoulées qu'une catégorie de ma clientèle avait été plus touchée que le reste. Si tout le monde s'accorde à dire que c'est triste, l'une des victimes semblait avoir un statut particulier.

C'est ainsi que chez les 38/42 ans, principalement les femmes, le décès de Cabu a été ressenti plus durement que les autres. Non que cette catégorie de personne ait suivi la carrière du dessinateur mais simplement qu'elles aient toutes gardé en mémoire les prestations de Cabu lorsqu'il participait à l'émission enfantine Récré A2 en compagnie de Dorothée. Dans cette émission, Cabu intervenait pour apprendre aux enfants à dessiner et réalisait en direct ses caricatures. Tous les amateurs d'art, et je sais qu eje suis lu par d'anciens élèves de l’École du Louvre,  se souviendront de la caricature de l'animatrice avec son nez pointu.

C'est en "creusant" un peu avec l'une des patientes qu'i m'en parlait, que j'ai pu réaliser la forte charge émotionnelle liée au décès de Cabu. Parce que beaucoup se souviennent de lui lors de ses prestations dans cette émission enfantine, il a pu bénéficier de l'étiquette de "gentil" que n'avaient pas forcément ses collègues à la dent dure. Cabu c'était donc pour beaucoup, cet éternel adolescent à la drôle de coupe de cheveux et aux lunettes rondes qui les amusait lorsqu'ils étaient petits.

Et comme me le disait ma chère patiente, c'est un peu sur son enfance disparue, ce moment agréable de son existence, ce paradis perdu. A travers la disparition du dessinateur, c'est aussi sur elle, sur son passé qu'elle a aimé pleurer. Jamais auparavant elle n'avait repensé à Cabu pas plus qu'elle n'a jamais acheté Charlie Hebdo. Il aura fallu ce drame, cette exécution pour que le nom du dessinateur soit sur toutes les lèvres et dans tous les journaux.La disparition de Cabu aussi fou que cela paraisse, c'était comme s'apercevoir que ses parents étaient mortels.

Et les souvenirs sont revenus, sans doute pour bien des personnes. A l'instar de la petite madeleine de Proust au travers duquel il revivait son enfance, sans doute que le fait que le nom de Cabu soit ressorti d'un relatif anonymat (qui en parlait avant le drame ?) pour être sur toutes les lèvres aura servi à certains de catalyseur pour se remémorer leur enfance. Certains auront voulu détruire la liberté de la presse dixit le pouvoir, alors qu'ils auront surtout abimé les souvenirs d'adultes.

Personnellement, appartenant à une génération gavée par L'ile aux enfants, je n'aurai jamais ce problème parce que je sais bien, pas depuis très longtemps c'est vrai parce que je suis un grand naïf,  que Casimir n'était qu'une défroque dans laquelle se glissait un comédien. Je sais donc que Casimir ne peut pas mourir et c'est un peu rassurant. Cabu est mort, les madeleines de Proust sont devenues immangeables mais Casimir est vivant !

Je m'adresse donc à tous les terroristes pour leur crier : moi, vous n'assassinerez jamais mon enfance parce que Casimir est immortel ! Même si vous le bruliez, on s'en fout, on peut en recoudre un le lendemain !

Casimir vous nique tous, bande de lâches !

3 Comments:

Blogger Le Touffier said...

Cher Monsieur Philippe,

Dorénavant, jusqu'au jour de votre mort, où que vous soyez, chaque marine est votre frère.
La plupart d'entre vous iront au Vietnam.
Certains d'entre vous n'en reviendront pas.
Mais rappelez-vous toujours ceci :
Les marines meurent. C'est fait pour !
Mais le Corps des Marines vit à jamais...
Ce qui veut dire que vous, vous vivez à jamais !

Casimir forever !

Le niveau d'aboutissement niaiseux de la société française s'est ainsi exprimée dans toute son ampleur lors des meurtres du seven one.

Dans la pensée contemporaine, tapissée d'images médiatiques doucereuses, la mort, la souffrance, l'effort, le sacrifice sont hors de vue. De même que les vieux, les handicapés, les pauvres, la vie est ainsi plus belle.

Les 89 militaires français morts en Afghanistan n'existent pas, n'ont jamais existé pour la majorité des français. Aucune manifestation n'a répondu au meurtre de militaires français sur le sol français, non seulement parce que des gens comme Cabu les ont ridiculisés depuis toujours, mais aussi parce que la guerre est devenue une réalité ingérable pour l'esprit du citoyen moyen.

Son niveau infinitésimal d'acceptation de la réalité de la violence lui fait refuser l'impact destructeur d'une gifle à un enfant, le viol psychologique d'une tentative de drague maladroite, le stress post-traumatique de la panne de son smartphone. Coupé du monde.

La mort c'est uniquement dans les fictions, et encore, les morts n'ont pas de réalité, il ne s'agit que de figurants qui sortent stupidement de leur abri pour se placer sur la trajectoire des balles du héros.

C'est la perte de l'innocence que les gens pleurent. Leur petit monde niaiseux n'est pas prêt à affronter la guerre si elle se déroule près de chez eux. Devenir adulte et responsable risque de devenir nécessaire, c'est ça qui est rejeté.

Les actes ont des conséquences. Faire la guerre au Moyen-Orient, c'est un peu loin certes, mais ça reste une guerre. Se gausser du symbole absolu d'une religion n'est pas juste une bonne blague, c'est une gifle cinglante claquée sur le visage de plusieurs millions de français.

Ce qui traumatise les gens c'est de devoir renoncer au droit de dire et de faire n'importe quoi sans se soucier des conséquences, renommé pour l'occasion "liberté d'expression".

C'est vrai que c'est chiant de devenir adulte. Pour un peu, il faudrait que l'on devienne responsable des conséquences de ses actes, pour soi et pour les autres.

Ô, que renaisse le temps des morts bouffis d'orgueil,
L'époque des m'as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil,
Où, quitte à tout dépenser jusqu'au dernier écu,
Les gens avaient à cœur d' mourir plus haut qu' leur cul

24/1/15 11:06 AM  
Blogger Unknown said...

Oui je l'avoue, c'est à l'annonce du nom de Cabu parmi les victimes que mon coeur a crié à l'injustice... Mon ami lui de 10 ans plus âgé que moi c'est à l'annonce de Volinski qu'il a blêmi... Moi je ne le connaissais pas vraiment, quand j'ai vu ensuite ses dessins de femmes j'ai mieux compris le sentiment de perte de mon compagnon! Et oui on a chacun ses repères... Casimir lui même égorgé une armada de filles de mon age lui recoud illico une fermeture éclair... C'est le monstre le plus attrayant du monde! Je me souviens que tout en essayant de découvrir si je pouvais voir la tête du comédien à travers la bouche( je sais je suis d'une curiosité excessive!) je réfléchissais chaque soir à la façon dont je pourrai bien trouver une oie pour lui grimper sur le dos afin qu'elle m'emmène comme cette petite veinarde du générique dans les étoiles jusqu'à l'île aux enfants...J'avais beau espérer je savais que mon rêve d'y aller avait peu de chance d'aboutir... Or un jour mes parents nous emmène min frère et moi à la maison de la radio assister à une émission de radio avec Sim quand je vois dans les couloirs une flèche où il était écris "studio de l'île aux enfants" . Je me souviens comme d'aujourd'hui le sentiment de triomphe de véritable bonheur d'avoir enfin trouvé l'ile aux enfants!!!! Me savoir dans les mêmes murs que Casimir, Léonard, Julie et François était une joie immense! Après maintes supplications auprès de mes parents, Je crois que ma vie ce jour là à pris un tournant... Même si ça n'aboutit complètement crois toujours en tes rêves! J'avais approché Casimir à qques murs d'intervalles, je ne l'ai pas vu, mais mon vif espoir de trouver l'ile aux enfants avait été récompensé...J'étais confortée! C'est bien plus tard quand j'ai vu à la TV Clémentine Célarié "buguer " et se mettre à éclater en sanglots devant Casimir qui arrivait sur son plateau que je me suis dis deux choses...:" ah elle ,elle n'a pas eu ma chance d'y être parvenu et elle est resté frustrée et bloquée la dessus,et ouah..ça donne envie de grandir! " et" Casimir a fait des dégâts quand même dans le coeur des petites filles..." et je vous lis parlant de Casimir et oubli est immortel même pour vous! Mais étant la première génération Télé... Je crains que notre cerveau évolutif en ait pris un coup...

25/1/15 12:48 PM  
Blogger Unknown said...

Je pense en effet qu'il est tant de sortir du couffin... Les histoires des 3 petits cochons, du petit poucet et de Hensel et Gretel par exemple étaient un peu plus proche de la réalité pour aborder la vie.... Et nous y préparer!

25/1/15 12:55 PM  

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