07 décembre, 2006

Violence et dangerosité !

Prédire la dangerosité, c’est d’abord tenter de définir ce qu’est la dangerosité et tenter de comprendre comment elle naît.

Le mot dangerosité est formé à partir du mot danger, dérivant du latin domniarium signifiat le pouvoir, lui-même issu de dominus, désignant le seigneur. Le danger contient à l'origine l'idée d'une domination et d'une puissance arbitraire exposant à un risque celui sur lequel elle s'exerce. La notion de dangerosité renvoie à une éventualité incertaine et implique une prédiction dont le degré de survenue est aléatoire. Elle indique la possibilité qu'un individu puisse se livrer à un acte violent, elle s'exprime donc en termes de probabilité et non de certitude. Je reviendrai sur la prédiction de la dangerosité dans le post suivant.

Il existe bien sur, bon nombre d’explications neurobiologiques à la violence. On sait que certaines pathologies mentales, comme certaines formes de schizophrénie par exemple, prédisposent à la violence. De la même manière, certains sevrages particulièrement difficiles, comme le sevrage d’héroïne, amène les toxicomanes à se comporter violemment. Dans le cadre de la sociopathe, des recherches amènent certains spécialistes à imaginer qu’il existerait une anomalie cérébrale amenant ces individus à manquer totalement d’empathie et donc de sens moral.

Plusieurs approches psychologiques de la violence et de l'agressivité coexistent aussi. Elles cherchent à mettre en lien les conduites agressives avec d'éventuels facteurs déterminés. Les théories comportementales étudient les relations entre les stimuli de l'environnement et l'agressivité. La privation de nourriture, de déplacement, les variations des paramètres extérieurs, tels que le bruit et la chaleur, sont autant de sources d'agressivité et d'irritabilité pouvant entraîner la violence. Des études mettent aussi en évidence l'incidence de formes, de mouvements ou encore de certains sons sur les comportements humains : les formes pointues ou irrégulières, les gestes brusques déclencheraient la peur et l'hostilité. D'autres théories, fondées en particulier sur les travaux de Bandura, insistent sur l'importance des modèles. Elles postulent qu'il existe un apprentissage de la violence à partir d'expériences à charge émotionnelle dense. Dans cette perspective, la propension d'un sujet à la violence dépendrait aussi de modèles de comportements agressifs, familiaux ou environnementaux.

D'autres travaux conduisent à considérer l'agression comme la réaction première à la frustration et envisagent l'agression comme catharsis de la frustration. La frustration est définie comme "l'état d'un sujet auquel les réponses adéquates aux stimulations qu'il reçoit sont interdites". L'agression se tournerait alors directement contre la source de frustration. Si cette agression est inhibée, elle produit des agressions dérivées ou de l'auto-agression. Les approches cliniques soulignent les facteurs traumatiques, tels que les séparations et les crises familiales, dans la formation des personnalités agressives. Des recherches prouvent même l’existence d’une corrélation entre les conduites suicidaires et l’agression sur autrui, comme s’il n’existait finalement qu’une forme de violence mal contenue.

La psychologie sociale étudie l'agressivité et la violence au sein des situations d'interaction. Elle insiste sur l'importance des structures de la situation, de l'assignation de rôles et constate que les traits de la personnalité ne sont pas les seuls en cause dans la production de conduites agressives. Des expériences, telles que celles menées par Stanley Milgram, démontrent que les comportements des agresseurs et des victimes se conditionnent mutuellement. La leçon de ses expériences est que "la simple passion d'obéir et la soumission à l'autorité transforment des individus qui ne sont pas particulièrement pervers en tortionnaires".

Les théories sociologiques et notamment marxistes se basant ur la lutte des classes, associent la violence aux organisations sociales et politiques. Inspirés par la théorie de l'agression/frustration, certaines théories corrèlent la violence à la privation relative. Le volume de violence serait conditionné par l'écart entre le niveau d'aspiration et le niveau de satisfaction des individus. On peut aussi établir une corrélation entre modernisation et violence en observant que des changements rapides dans les sociétés favorisant la désintégration sociale amènent l'émergence de la violence.

Comme on le voit, toute explication de la violence est nécessairement complexe et plurifactorielle. La violence a de multiples causes et de multiples effets. Le phénomène intéresse la biologie, la chimie, la morale, la psychologie, la sociologie, la politique, etc. Si l'on admet que l'agressivité est inhérente à la condition humaine, la civilisation a fait reculer la loi de la jungle dans ses formes les plus brutales en développant un cadre permettant au plus grand nombre de prospérer et de limiter leurs frustrations. Le développement psychoaffectif lié à l'éducation, le processus de socialisation intervenant dans le cadre scolaire et les institutions telles que la justice par exemple, canalisent l'agressivité au niveau individuel et collectif, ce qui permet au groupe d'exister et de prospérer en tant que tel.

Dès lors, l'éclosion de la violence destructrice naît probablement de la rencontre entre mécanismes internes et événements externes et des expériences liées à l'apprentissage social. Les tentatives de gestion de la violence peuvent donc difficilement se réduire à la désignation d'un seul facteur ou d'un seul individu. Cette simplification outrancière de l'explication de la violence serait dangereuse en cela qu'elle relèverait du même processus de rationalisation de la violence. Toutefois, ne pratiquons pas l’angélisme et faisons la part entre la violence ordinaire et la violence extraordinaire.

En effet, dans la sociopathie dont je parlais dans le post précèdent, ce n’est pas tant de la violence dont il est question mais plutôt d’un comportement extraordinaire par rapport aux normes observées et s’accompagnant souvent de violence. Après tout, un gamin simplement violent mais n’ayant pas d’autres problèmes pourra éventuellement faire une jolie carrière dans la boxe ou s’engager dans la légion étrangère et de ce fait canaliser sa violence en l’intégrant dans un but social. Non, le véritable problème de la violence du sociopathe, est qu’elle est froide et déshumanisée purement mécanique puisqu'elle représente un simple passage à l'acte ! Le trouble de la personnalité antisociale est un désordre de la personnalité qui se caractérise essentiellement par un caractère antisocial et un comportement impulsif mais ce n’est pas la violence qui est au centre mais bien plus le non respect systématique des valeurs communément partagées par un groupe d’appartenance et érigées en tabou tels que ne pas voler ou ne pas tuer.

Ayant conscience d’avoir déjà été très long dans mes explications, je vous laisse digérer ce post et en ferai un troisième sur ce sujet afin de savoir si la violence est unique ou multiple et si certains types de violence sont inhérents à un type d’individus non intégrables dans la société.