19 janvier, 2007

Logorrhée, inculture, approximations et sens critique en perdition !


Après avoir enchaîné cinq rendez-vous de suite, je prends un livre et je quitte mon cabinet afin de profiter d’une pause déjeuner bien méritée. N’ayant pas beaucoup de temps, mes pas me dirigent vers un traiteur chinois où j’ai mes petites habitudes.

J’entre, je salue Fleur de Lotus, que j’appelle comme cela, car je ne connais pas son prénom, et vais m’asseoir à ma place habituelle. Cinq minutes après Fleur de Lotus, m’amène mon plateau.

Mon cabinet étant situé près d’un grand lycée parisien, il n’est pas rare que l’endroit soit envahi de lycéens bruyants. En règle générale, l’heure à laquelle je déjeune m’évite la promiscuité avec ces petits crétins braillards, chevelus, fringués comme l’as de pique et débitant des propos pseudo intellos à la cadence d’une MG42 !

Aujourd’hui, j’ai moins de chance et je dois m’appuyer la présence de quatre crétins, deux filles et deux garçons âgés d’environ dix-huit ans. Ils parlent fort, parce qu'ils sont jeunes et qu'ils savent que le monde leur appartient, et je ne peux m’empêcher d’écouter ce qu’ils disent. Ils sont tous en section littéraire. Les conversations pseudo intellos s’enchaînent, au cours desquelles tous les poncifs sont abordés. Convaincus d’être super intelligents et terriblement originaux, chacun d’eux campent sur des positions réchauffées qu’avaient déjà les étudiants de 1968 à la faculté de Nanterre ; ils se contentent de hurler avec les loups en enfonçant des portes ouvertes.

En les écoutant, je comprends que la pauvreté c’est pas bien, que la guerre c’est terrible, que les américains sont des salauds, que l’art contemporain est un truc super, que le cinéma c’est génial -surtout les films chiants- et tout un tas d’autres choses aussi passionnantes et terriblement novatrices : un vrai discours de miss monde, saupoudré de juste ce qu'il faut d'inconvenance pour se donner des airs un peu rebelles. L’un d’eux se dégage du lot en ouvrant sa gueule un peu plus fort. Grand échalas dégingandé à cheveux long, il parle du ton affecté de celui à qui on ne la fait pas, de celui qui a tout compris et qui en plus, a la capacité et la patience de communiquer ses lumières à ses camarades moins doués que lui. Une coupe de cheveux et des fringues propres et il pourrait être assez beau gosse, même si manifestement il a été livré sans l’option cerveau.

Dans le galimatias scientifico-littéraire qu’il développe, il y aurait matière à écrire dix sketches pour un humoriste de talent. Mélangeant allègrement toutes les notions pour en faire une bouillie « goût réflexion » aisément assimilable par ses petits camarades encore plus sots que lui. Le beau pédant fait la roue tel un jeune paon et à ses côtés, une petite rouquine gironde le dévore des yeux.

En l’observant, je comprends enfin ce que signifie véritablement le terme « Bolos » employé par les racailles de banlieues. Bolo, issu semble-t-il de la contraction des mots bourgeois et lopette, est construit à la manière de Bobos qui signifie bourgeois-bohème, sachant que les seconds sont les enfants des premiers.

Jusque là, rien de terrible, jeune je n’aimais déjà pas les jeunes que je trouvais superficiels et idiots. Ce n’est pas de ma faute si je suis né vieux que voulez-vous. Le jeune est superficiel léger, insouciant, souvent bébête et adore en général des trucs qu’il finira par renier quelques années plus tard. C’est ainsi que les révolutions entamées lorsqu’il a l’âge de ne rien comprendre et de laisser manipuler l’amèneront souvent à finir comme exploiteur, que ce soit le cul sur un fauteuil directorial ou encore ministériel, voire comme intermittent du spectacle n'hésitant pas à faire financer par une caissière sa démarche artistique oiseuse.

A un moment de leur conversation, pour je ne sais plus quelle raison, le jeune paon en vient à parler des patois et langues vernaculaires. Après avoir parlé de différents dialectes, le voici qui cite, selon lui, les accents les plus laids de notre beau pays. C’est ainsi qu’il en vient à parler de l’affreux accent toscan. Un de ses amis encore plus sot que lui, demande ce qu’il entend par toscan. Le jeune paon lui explique qu’il veut parler de l’accent toulousain, « de la langue qu’ils parlent là-bas ». Et d’un seul coup, il se remémore que le mot exact n’est pas toscan mais occitan !

Je suis déjà assez étonné que l’on puisse confondre toscan et occitan, les mots ne se ressemblant pas et n’ayant aucun lien, mais je ne suis pas au bout de mes surprises. En effet d’un seul coup, le jeune idiot semblant voir la lumière apparaître déclare :
- « Occitan bien sur, pas toscan, le toscan, c’est en dessous, en Espagne !»

Le pire c’est qu’un des trois autres n’a relevé. Et le pire du pire, c’est qu’il s’agit de jeunes préparant le bac L, le bac A de mon époque !


Si l’on se réfère à mon article précédent sur la manipulation, quels gibiers de choix pour les manipulateurs que ces jeunes cons. Habitués à débattre, à exposer leurs idées, sans jamais creuser ni exercer leur esprit critique, ce sont de futurs pigeons totalement mûrs pour devenir les victimes des pires arnaques ! Deux concepts philosophico-politiques fumeux, présentés d’un ton docte, et vous les faites adhérer à n’importe quoi !


Mythe éternel du complot, légende urbaine, ou réalité, on dit qu'un jour on retrouva dans un photocopieur acheté d'occasion une note de service sur laquelle figurait, entre autre le texte suivant :

"La qualité de l'éducation donnée aux classes inférieures doit être de la plus pauvre sorte, de telle sorte que le fossé de l'ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures."

Empêcher les gens de penser en leur interdisant l'accès aux raisonnements construits et aux connaissnances, est une des techniques connues pour embrigader les individus. Encourager les discours creux portant sur l'émotionnel est une technique d'endoctrinement bien connue des sectes et largement étudiée en psychologie sociale !

Au-delà de la théorie du complot, il est intéressant de constater qu'il existe une dérive de plus en plus grande entre sciences dures et sciences molles. Les sciences humaines, alors qu'elles contribuent à édifier la manière de penser qui est la notre, semble dorénavant échapper à toute logique et à toute critique. Tout y est permis, on peut affirmer tout et n'importe quoi, et le sens critique semble en être totalement absent. Bien entendu, loin de moi l'idée de blâmer ces pauvres jeunes qui ne sont que le produit de ce qu'on leur enseigne. Non, ce qui me hérisse voire me fait peur, c'est que l'on puisse considérer que parler suffit à être intelligent et que la forme puisse finalement primer sur le fond. Les idées, la manière de les formuler mais aussi le fait de comprendre que c'est grâce à elles que nous apparait le monde en tant que réalité objectivable, sont un domaine laissé en jachère ou le pire côtoie le meilleur.

En tant que psy cognitiviste, je reçois quotidiennement des personnes qui dépriment ou sont anxieux simplement parce qu'ils ne savent pas ou plus penser. Il est évident que je ne m'arroge pas le droit de penser à leur place ni mêmed'estimer que mes idées sont meilleures ou plus justes que les leurs. Non, la seule chose que je leur râbache à chaque fois, c'est : "Avez-vous raison de penser cela ?". Le fond de ma pratique est simplement de réintroduire un élément critique discriminant amenant les personnes qui me consultent à ne plus subir un prêt à penser hérité de leur passé ou de leurs conditions de vie, pour accéder à plus d'autonomie et de liberté. C'est exactement ce que révèla l'affaire Sokal.

«L’affaire Sokal» est une polémique qui agite le monde universitaire depuis 1994. Tout commence quand Alan Sokal, professeur de physique à l’Université de New York, réussit à faire publier dans la revue scientifique «Social Text» un article délibérément bourré d’erreurs défendant de surcroît une thèse absurde. Intitulé «Vers une herméneutique transformative de la gravité quantique», cet article qui n’éveille pas la méfiance du comité éditorial alors que c'est en réalité un exercice de style totalement vide de sens plagiant les auteurs les plus en vueen sciences humaines. Par cette mystification, Sokal entend dénoncer le laxisme intellectuel d’une partie de la communauté académique américaine, ainsi que la bienveillance vis-à-vis du jargon pseudo-scientifique et de l’idéologie relativiste.

Ces griefs, Sokal les reformule sérieusement dans «Impostures intellectuelles», ouvrage récemment publié (Ed. Odile Jacob) et co-écrit avec le Belge André Bricmont. Les auteurs dénoncent à nouveau certaines dérives constatables dans les sciences sociales : le déferlement de citations d’auteurs, la confusion des registres discursifs, politique, philosophique, mathématique, physique, psychanalytique, l’accumulation de phrases ambiguës, d’affirmations sans preuve, de contresens, de faux-sens et bien sûr le relativisme. Cet ouvrage secoua durablement l'intelligentsia française, car nos ntellos beaux parleurs et creux, furent dépités d'être ainsi épinglés pour la minceur voir la viduité de leurs théories !

  • Il est plus facile de gouverner un peuple sous-cultivé afin de pouvoir le manipuler à volonté ! Donc on peut imaginer que l'on fait tout pour apauvrir les programmes scolaires et faire en sorte que les jeunes ne pensent plus ;


  • Réintroduire une plus grande rigueur dans la pensée et éduquer le sens critique, permet à un individu d'être plus libre et autonome.


  • Merci de m'avoir lu en espérant ne pas avoir été trop abscons !

1 Comments:

Blogger El Gringo said...

"Donc on peut imaginer que l'on fait tout pour apauvrir les programmes scolaires et faire en sorte que les jeunes ne pensent plus ;"

Ce n'est pas ça, la théorie du complot?

5/4/07 12:44 AM  

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