27 février, 2007

Gauchisme, Lénine, tolérance et autres notions !


« Lorsqu’on montre la lune du doigt à un imbécile, celui-ci regarde le doigt », nous enseigne un proverbe chinois. C’est un peu ce que fait un(e) lecteur(trice) dans un commentaire sur mon dernier article. Car curieusement, d’un aussi long article, traitant d’un tout autre sujet, ce(tte) lecteur(trice) n’aura retenu qu’un mot : gauchiste. Voilà donc le commentaire :

« Où s'arrête votre tolérance puisqu'il semble que votre tolérance soit mieux que celle des "gauchistes" ?
Vous prônez la plus haute tolérance pourtant en employant le terme "gauchiste", vous ne semblez guère apprécier et tolérer les personnes de gauche... et paaaaaaaf »

Si, j’ai employé le terme gauchiste, c’est à loisir, tel que l’a employé Lénine. En effet, La maladie infantile du communisme (le "gauchisme") est un livre de Vladimir Illitch Oulianov (dit Lénine), datant de 1920 et portant initialement le sous-titre suivant: « Essai de causerie populaire sur la stratégie et la tactique marxistes ».

Lénine y critiquait la stratégie aberrante suivie par une partie des communistes, promouvant l’abstentionnisme aux élections, en régime de démocratie. Il semblait incohérent et puéril à Lénine, qu’au nom d’une pureté de principes, il faille se priver des tribunes que représentaient des élections. Lénine, dans la lutte politique pragmatique imaginée pour prendre le pouvoir, ne désirait pas se laisser enchaîner par des pratiques qu’il jugeait idéaliste et contre-productives. Voilà, si un jour on m’avait dit que je citerais Lénine (beurk) ! Par « gauchisme », j’entendais donc une prise de position esthétisante et immature, digne d'un étudiant de première année de sciences humaines, bien loin des réalités pratiques observables lors d’une psychothérapie. Et Paaaaaaaaf !

Quant à la tolérance dont vous me parlez, ce mot issu du latin tolerare signifiant : soutenir, supporter. La tolérance se définit simplement comme le degré d'acceptation face à un élément contraire à une règle particulière. La tolérance est la capacité d'un individu à accepter une chose avec laquelle il n'est pas en accord, sont attitude face à ce qui est différent de ses valeurs.

La tolérance apparaît actuellement comme une des vertus cardinales de notre époque moderne, comme une véritable obligation morale. Elle semble être une conquête des Lumières sur l'obscurantisme religieux mais aussi un progrès lié à l’avènement de la démocratie.

La tolérance consiste à respecter le droit inaliénable de l'individu à penser conformément à ses propres convictions parce qu'il n'y a pas en effet de vérité, ou de principe transcendant absolu, et traduirait donc le règne du subjectivisme. Toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de les exprimer.

Cette conception moderne de la tolérance repose toutefois sur des contradictions, voire des paradoxes. Excellent slogan politique, le concept de tolérance se dégonfle face aux réalités des faits. Ainsi, il est curieux que le principe de tolérance se pose comme un absolu alors que ce même principe affirme qu'il n'existerait pas d'absolu. De même, la tolérance s’érige en universel alors qu'il résulte de la dissolution de l'universalisme. D’un côté on nie absolument l'existence de principes de morale et de justice universels, mais de l'autre on érige en absolu ce principe de relativité et d'équivalence qu'est la tolérance !

La tolérance est donc difficile à définir et à appliquer parce qu’elle porte en elle d’énormes contradictions. Ainsi, si la tolérance existe vraiment, on ne peut rendre compte de son essence puisque, pour le faire, on devrait faire appel à des présupposés universalistes que nie justement la tolérance pour quoi, il n’existe pas d’absolu .

De plus, la tolérance traduit son attitude comme étant le respect d'autrui, or le respect suppose une égalité de droit tandis que la tolérance sous-entend une forme de supériorité octroyée à celui qui tolère, et de ce fait une inégalité. En effet, celui qui tolère est celui qui veut bien consentir à supporter ce qui ne correspond pas à ses croyances. De la même manière, elle ne peut valoir comme un droit universel puisque, dans son essence - ne rien imposer, tout se vaut, il n'existe que des valeurs relatives - elle en est la négation. Bref, l’idée de tolérance est extrêmement vague dès lors qu’on cherche à l’étudier.

Le risque est donc que la tolérance devienne ainsi une attitude d'indifférence généralisée, voire de désintérêt ou de mépris de l'autre, dans laquelle un individu considère que toutes les opinions se valent. Elle traduit facilement une forme de confort de l'irresponsabilité et l'individualisme égoïste d'une société cherchant l'assouvissement de toutes les pulsions. Dès lors, incapable de se réfréner et de se contrôler, l'individu souhaitant devenir cohérent avec lui-même et ses travers, devient forcément tolérant, frôlant là aussi une forme de complicité. C’est aussi pour cela que j’avais employé le terme « gauchisme », au sens ou Lénine l’emploie, de maladie, infantile, le risque étant grand de considérer qu’au nom d’une sacro-sainte tolérance, l’intolérable soit toléré.

Si l’on souhaite aller plus loin, la tolérance n’est pas pour autant de l’indifférence, puisqu’elle est l'acceptation de la différence. Or l'indifférent n'a pas d’être tolérant envers qui ou quoi que ce soit. De même, la tolérance n’est pas forcément de l’indulgence, même si elle en partage certaines caractéristiques, qui est une disposition à la bonté, à la clémence et une facilité à pardonner.

Enfin, et j’insisterai sur cette notion, la tolérance n’est surtout de la complicité qui, elle, est une association active dans le mal. En ce sens, tolérer une situation, une conduite, parce que celle-ci fait notre affaire, est une complicité passive. Cette tolérance n’est plus de la tolérance mais un moyen d’obtenir un alibi, une excuse, un prétexte.

De ce fait, le terme « tolérance » que j’ai employé devient sans doute un abus de langage tellement ce terme est difficile à circonscrire. Dès lors il serait faux de dire que tolère tout au nom de cette tolérance. Je l’ai d’ailleurs expliqué dans les articles traitant de gypsophilie et d’acrotomophilie.

Ainsi, lorsque ces pratiques « déviantes » ou paraphiliques ont lieu entre adultes consentants, je suis tolérant, peut-être dans le sens d’une forme d’indifférence, n’ayant pas à m’immiscer dans des affaires privées, quelque soit mon sentiment sur lesdites pratiques.

Par la notion d'adultes consentants, j'entends ceux détenant la capacité de contracter, c'est à dire la possibilité de passer des contrats quels qu'ils soient, tel que le definit le Code civil dans les articles suivants :
  • Art. 1123 : Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi.

  • Art. 1124 : Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :
    - les mineurs non émancipés ;
    - les majeurs protégés au sens de l'article 488 du présent code.

  • Art. 488 : La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile.
    Est néanmoins protégé par la loi, soit à l'occasion d'un acte particulier, soit d'une manière continue, le majeur qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts.
    Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales.

Il était donc évident que ma tolérance a des limites et l’article 488 du Code civil est suffisamment large pour envisager tous les cas ou cette capacité de contracter serait empêchée. Par tolérance envers la paraphilie, il va de soi que les pratiques visées, doivent avoir lieu entre deux adultes consentants, c’est à dire majeurs et capables d’envisager les risques et les conséquences de leurs actes quels qu'ils soient.

Voilà pour la tolérance !

2 Comments:

Blogger Laure Allibert said...

Intéressante analyse de la notion de tolérance. Je vous renvoie à ce qu'en disait JF Revel :

"La tolérance n’est point l’indifférence, elle n’est point de s’abstenir d’exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l’usage de toute autre arme que l’expression de la pensée. "

http://www.liberaux.org/wiki/index.php?title=Tol%C3%A9rance

1/3/07 9:24 AM  
Blogger philippe psy said...

Jolie définition effectivement. Très fine et permettant de liquider les incohérences que présente la notion de tolérance.
Merci!

2/3/07 5:55 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home