25 février, 2007

Acrotomophilie, et hop on continue dans la paraphilie !


Alors je recommence ! En plus j'ai la pêche et je suis super concentré, vu que j'écoute Sambre et Meuse et la Marche Lorraine par l'orchestre de la Garde républicaine. Par contre, je me dis que pour les illustrations ce sera dur, or j'aime bien qu'il y ait des illustrations dans mes articles !

Donc, voici quelques jours, j’avais mis en illustration à la fin d’un article, la superbe prothèse de Heather Mills, ex Madame Mc Cartney. Certains d’entre vous, lecteurs assidus, vieux grognards fidèles qui me restez attachés en ces temps de disette lectoriale, telle la garde impériale, se sont étonnés de cette illustration de prothèse, qui tombait tel un cheveu dans une soupe, dans un blog dédié à la psychologie. Stop Ô mon trop impétueux et brillant sérieux ! J’arrête là cette digression et j’entame enfin la rédaction de l’article que je me suis promis d’écrire !

Voici deux articles, vous avez eu le bonheur extrême de lire un sujet consacré à la paraphilie que j’ai rédigé à propos des interrogations d’une lectrice.

Pour ceux qui n’ont pas suivi, la paraphilie est un terme en usage dans la psychiatrie américaine puisqu’il est évoqué dans le DSMIV et qui désigne toute conduite sexuelle déviante par rapport à une norme observable.

S’il est une paraphilie qui m’a toujours étonné, c’est celle qui répond au doux nom d’acrotomophilie. Elle m’a sans doute étonné, non du fait de son objet, mais parce que j’en ai pris connaissance, voici bien des années, à une époque ou Internet n’en était qu’à ses balbutiements, et ou moi même était sans doute benoîtement trop conforme pour imaginer qu’il puisse exister des attirances tellement hors normes et phénoménales ! J’en étais resté aux descriptions de Kraft-Ebbing, psychiatre allemand contemporain de Freud, dans son célèbre Psychopathia Sexualis mais n’étais pas allé plus loin. Je le confesse, j’étais alors un puceau de la connaissance en matière de perversions sexuelles, doublé d’un gros con suffisant, revenu de tout parce qu’il croyait tout connaître.

J’étais alors jeune et naïf et la vie, maîtresse cruelle et implacable, ne tarda pas à m’apprendre beaucoup de choses. Aujourd’hui, alors que mes tempes ont blanchi, et que le lourd soc de la charrue de la vie a buriné mon visage, je réalise combien je fus sot, même si je confesse que j’ai toujours été largement moins sot que les autres parce que je suis tout de même excessivement brillant.

Or voilà, que face à moi, et à mes folles prétentions m’incitant à croire que je savais tout, un individu m’avoua qu’il était attiré par un certain type de femme très particulier. Je n’avais jamais entendu parler de ce qu’il me conta et j’appris par la suite que sa paraphilie s’appelait l’acrotomophilie ! Je précise à ce point de mon exposé qu je fais exprès d’utiliser le terme paraphilie plutôt que perversion sexuelle, ce dernier terme me semblant détenir une connotation moralisatrice excessive eu égard au sujet traité.

Alors, me direz-vous, enthousiastes, et pris dans un suspens incroyable : qu’est-ce que l’acrotomophilie ?

L'acrotomophilie (du grec acro, extrémité ; tomo, coupure ; philia, amour de) est une paraphilie dans laquelle une personne souhaite avoir des relations sexuelles avec un partenaire amputé, étymologiquement donc, qui est attiré par un paternaire ayant un membre coupé. Sans doute, et là c'est le distngué helléniste qui sommeille en moi, eut-i mieux valu parler de Mélotomophile car mélos signifie membre tandis que acro signifie extrémité et on peut avoir une extrémité coupée sans être amputé (je pense à l'oreille) !

L'amputation peut être partielle et concerner n'importe quelle partie du corps. On notera toutefois que selon les personnes, il peut exister des attirances plus fortes en fonction du type d’amputation. C’est ainsi que si certains se sentent plus particulièrement attirés par les amputés d’un membre inférieur, d’autres au contraire privilégieront l’amputation d’un membre supérieur. Les particularités vont même plus loin puisque certains préféreront l’amputation de plusieurs membres, inférieurs ou supérieurs. Dans les faits, sachant qu’on peut amputer un bras ou une jambe, les deux, trois ou les quatre, à différents niveaux, toutes les combinaisons sont possibles !

Les acrotomophiles emploient un jargon technique au sein de leur communauté. Ce jargon est issu du vocabulaire technique employé aux USA par les prothésistes pour décrire les types d’amputation. C’est ainsi qu’une SAK, sera une « single above the knee », soit une femme amputée d’une jambe au dessus du genou. Une DAK, sera, elle, une « double above the knee », soit une double amputée fémorale bilatérale comme on dit chez nous. L’amputée du bras droit en dessous du coude, sera une RBE, ce qui signifie « right below the elbow ». On peut complexifier la chose, car si l’acrotomophile ne jure que les SHD, « single hip desarticulated », c’est que ses préférences iront vers une femme dont une des jambes a été désarticulée au niveau de la hanche. Enfin, il y aura les irréductibles des DAE, "double above elbow", soit amputée bilétarale des bras. C’est simple non, il faut juste connaître un minimum de vocabulaire anglais ! Donc admettons qu’être acrotomophile n’est pas forcément négatif, puisque c’est révélateur d’un don pour les langues et une occasion de progresser en anglais !

Plus curieusement, il semble que des préférences existent aussi entre les causes de l’amputation. Certains préfèrent les amputations traumatiques aux amputations congénitales, du fait de la présence d’une cicatrice sur le moignon. D’autres iront plutôt vers une amputation traumatiques que vers une amputation médicales (diabète, cancer,e tc.) sans doute parce que dans le premier cas, l’amputée en tant que victime d’un accident, est vécue comme une sorte de déesse ayant survécu à quelque chose de grave ayant instantanément bouleversé sa vie : c’est une femme idéalisée dans laquelle l’homme peut projeter une anima (je reviendrai sur ce terme) défaillante. Ces choix sont importants pour comprendre le patient.

Comme pour toutes les autres déviances, l’origine de celle-ci est totalement méconnue. Les acrotomophiles peuvent fournir différentes explications tendant à illustre la genèse de leur attrait, mais il s’agit d’explications finalistes, finalement assez peu intéressantes. Par contre, tous peuvent attester de souvenirs extrêmement précoces de personnes amputées dans leur entourage. Alors est-ce le fait d’avoir vu jeune des amputés qui prédisposera à l’acrotomophilie ou bien au contraire, est-ce l’acrotomophilie qui précède et fait que le sujet déjà très jeune parvient à isoler une personne amputée parmi d’autres et à s’y intéresser.

J’ai depuis rencontré de nombreux acrotomophiles, ayant entamé des psychanalyses, qui n’ont eu pour effet que de les soulager de leur argent, en enrichissant l’analyste, sans qu’il y ait de progrès notables dans leur connaissance des origines de leurs penchants. Je ne pense pas que l’on puisse expliquer d’où vient cette paraphilie. Sa genèse nous restera forcément inconnue. Tout au plus peut-on tenter de faire un portrait psychologique de celui qui en est atteint, ce que je ferai dans un futur article. Certains sont normaux tandis que d’autres pourront avoir des tendances pathologiques, guère différentes pourtant d’autres individus ne présentant pas ce type de paraphilie.

Encore une fois, lorsque j’ai reçu, à deux reprises, des personnes souffrant d’acrotomophilie ; j’ai été incapable de leur fournir la moindre piste certaine pour expliquer l’origine de cette déviance, mais nous avons pu travailler sur les conséquences psychologiques de cette paraphilie. Car ces conséquences sont immenses, et aussi importantes que le bouleversement provoqué chez l’adolescent qui entrevoit qu’il est homosexuel.

Quoique puissent en dire les belles âmes, la normalité s’impose dès le plus jeune âge et dès lors, être anormal, c’est sentir peser sur soi le regard réprobateur de la masse et être jugé que l’on soit roux, porteur de lunettes, trop petit, trop gros, trop maigre, homosexuel, attiré par les amputées, etc. C’est aussi endurer, en fonction de ladite anormalité, un mode de vie différent avec des difficultés inhérentes. Si j’ai pu apporter une aide, et je crois qu’elle fut efficace, c’est en travaillant calmement sur ces conséquences psychologiques, notamment en nommant les choses, en rappelant la définition de la normalité, en donnant des définitions claires, par exemple en expliquant qu’une perversion sexuelle n’implique pas le fait d’être pervers, etc. Car la plupart des personnes frappées d’acrotomophilie, devant l’aspect phénoménal de leur attirance, redoutent soit d’être pervers, soit au contraire d’être pris pou des pervers.

Dans les faits, lorsqu’ils expliquent les raisons de leur attirance, certains expliqueront qu’ils aiment ces femmes parce qu’ils ont envie de s’en occuper, de les aider, tandis que d’autres, au contraire fourniront des explications esthétiques, parant la femme amputée de tous les atouts, auprès de laquelle, une femme valide n’offre rien de comparable.

Je dois aussi préciser que je parle au masculin et que c’est un abus. Il existe aussi des femmes attirées par les hommes amputés, et cela ne semble pas rare. Mais l’aménagement particulier qu’une femme fait de sa sensibilité, et l’image que l’on a globalement des femmes, la rend sans doute moins vulnérable à la culpabilisation. Ainsi, si l’on voit une femme en compagnie d’un homme amputé, on mettra son choix sur le compte de l’amour, de sa propension à aimer au-delà de toutes les difficultés et elle apparaîtra en tant que sainte ou infirmière mais jamais comme individu sexué ayant des choix propres. A l’inverse, un homme vu en compagnie d’une femme amputée, risque d’apparaître suspect. On lui reprochera éventuellement son manque de goût et il subira de fait une baisse de sa virilité dans le fait que, pour beaucoup, il ait choisi une femme au rabais. Et dans le pire des cas, on le jugera bizarre, étrange voire pervers d’avoir choisi une telle femme. A moins que l’on se dise qu’il ait choisi cette femme pour son argent ou les avantages matériels qu’elle puisse lui prodiguer. Comme on le voit la parité n’existe pas dans le fantasme.


Comme pour la gypsophilie que j’exposait dans un article précédent, il faut là aussi faire la différence entre la perversion sexuelle t le comportement pervers :

  • Etre attiré par une femme amputée, parce qu’elle plait ainsi, quelles qu’en soient les raisons, est une simple déviance n’offrant aucun intérêt d’un point de vue psychopathologique. C’est comme préférer les brunes ou les blondes, c’est un choix, rien d’autre malgé le caactère phénoménal de ce type d'attirance ;

  • Etre attiré par la femme amputée, et généralement handicapée dans ce cas, parce qu’on l’imagine comme une proie facile et donc apte à satisfaire les goûts d’un prédateurs sexuel ou narcissique est un comportement profondément pervers. Et généralement, seront pathologiques, toutes les attirances dans lesquelles le partenaire est instrumentalisé et nié en tant que personne. Dans ce cas la vision du partenaire amputé devient monstrueuse et il n’existe pas de partage.< /li>
Le terme acrotomophile est rarement utilisé, les adeptes préférant s’appeler entre eux « devotee », terme anglais circonscrivant l’attirance pour le handicap et signifiant littéralement « passionnés » mais dont l’acception est plutôt « fétichistes ». Cette paraphilie semble ne pas être si rare et il existe une vraie communauté de devotees sur plusieurs groupes de discussion, sites et forums.

La littérature tout comme le septième art, ne sont pas avares d’exemples dans lesquels apparaissent des héros ou héroïnes amputés. Cette paraphilie n’est donc pas un épiphénomène mais par son ampleur et sa durée, s’inscrit comme un courant, une sorte de communauté d’intérêt inscrite dans l’histoire de tout temps.

Voilà ce que l’on peut dire aujourd’hui de cette étrange déviance, discrète et que l’on connaît peu. Dans leur immense majorité, les devotees, sont des gens normaux, hormis leurs goûts particuliers.

Et comme je suis et serai toujours un éternel optimiste, je trouve que la vie est bien faite. Si l’on considère que la vie, du fait de la maladie, des accidents, ou de la génétique, n’offre pas d’autre alternative pour certain(e)s que de vivre diminués et amputés, alors il est plutôt encourageant de considérer que d’autres les aiment ainsi.

Finalement, la pierre d’achoppement pour une femme amputée sera d’apprendre à être aimée pour ce qu’elle déteste en elle. Cela fera l’objet d’un prochain article.

Amputée, danse contemporaine et Beach-Boys !

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

A propose de disette lectoriale, est-ce que vous êtes sûr que tout marche bien techniquement ?
Depuis un moment, certaines illustrations apparaissent pour moi comme des gros caches gris qui masquent une partie du texte.
(Je lis à partir d'un Mac, je n'ai aucune explication technique donc je le dis à tout hasard).
Comme je suis une lectrice fidèle, intéressée et amusée par vos textes, je prends mon mal en patience, je lis le reste et j'essaie de reconstituer ce qui manque (excellent exercice par ailleurs). Mais si ça ne m'est pas réservé, ça peut expliquer que d'autres se lassent ?

25/2/07 10:56 AM  
Blogger philippe psy said...

Je n'en sais rien, ici tout est visible. Mais il est vrai que blogspot est un service assez médiocre !
Merci de vos remarques !

25/2/07 7:54 PM  
Anonymous Anonyme said...

En ce qui me concerne toutes les illustrations apparaissent normalement....

26/2/07 4:04 PM  
Anonymous Anonyme said...

Pour moi aussi, tout est normal.
Toutefois, au sujet de cet article. En tant que psy, ne trouvez-vous pas 'anormal' d'être attiré par les femmes amputées ? c'est tout de meme etrange et tres bizarre. je vous trouve trop conciliant pour un psy.
en tout cas votre blog est sympa.

26/2/07 7:50 PM  
Anonymous Anonyme said...

pour moi, pas de soucis techniques non plus !

peut-être avez-vous une faible bande passante ? ou un parefeu mal paramétré qui bloque les illustrations ?

27/2/07 1:18 AM  
Anonymous Anonyme said...

Commentaire sur le texte

Je suis amputée du membre supérieur droit et n'est jamais eu à faire avec quelqu'un ayant ce trouble. Par contre, je trouve que votre choix de vocabulaire et vos idées laissent entendre que les gens dans ma situation sont des victimes, perçues à tout coup comme diminiuées face aux autres. Personnellement, je crois que vous glisser de votre sujet principal qu'est l'acrotophilie vers un débat éthique que vous laisser en suspend et très vague. Il serait peut-être intéressant de vous questionner vous même sur votre rapport à la normalité versus l'handicap physique.

C.

20/11/07 8:42 AM  

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