23 juin, 2007

Attention et motivation : cas pratique ! Mort d'un enfant dans une voiture ! Hommes et femmes sont-ils égaux ?

Fait divers : Mort d'un bébé dans une voiture à Béziers. AP | 21.06.2007 | 12:23

"Une enquête de flagrance des chefs d'homicide involontaire et de privation de soins à enfant de moins de 15 ans a été ouverte jeudi, au lendemain du décès d'un bébé de 19 mois par déshydratation à bord du véhicule de son père, qui l'y avait oubliée, a-t-on appris jeudi matin auprès du parquet de Béziers.

Le parquet a confié l'enquête au commissariat de Béziers et a ordonné une autopsie, qui devrait être pratiquée vendredi au service de médecine légale de Montpellier. Le père, "très choqué, n'a pas été placé en garde à vue", précise le parquet dans un communiqué.

"Les résultats des auditions en cours comme ceux de l'autopsie permettront de mieux cerner les infractions pénales à imputer et le choix du type de poursuite", ajoute le parquet.

Mercredi à 16h, la mère de l'enfant s'est présentée à la crèche "La Farandole" à Béziers pour y récupérer sa fille, selon le parquet. N'y trouvant pas l'enfant, elle a téléphoné à son mari. Ce dernier a réalisé qu'il avait oublié de déposer l'enfant à la crèche le matin et l'avait laissée dans sa voiture, stationnée en plein soleil à proximité de son lieu de travail, dans la zone industrielle du Capiscol. Il s'est alors rendu immédiatement à sa voiture et y a découvert l'enfant sans vie. Le décès a été constaté par un médecin mercredi à 17h. AP"

***
Comme j’écoute peu les informations, je n’étais pas au courant de ce drame. C’est en allant dans une petite librairie que je connais fort bien vendredi en fin d’après-midi, que j’en ai pris connaissance. Un client habituel de cette librairie, disait au libraire de ne pas oublier son anniversaire de mariage en précisant « Ne fais pas comme cet abruti qui a laissé mourir sa fille dans la voiture en l’oubliant en plein soleil. ».

Je ne saurais dire pourquoi, mais j’ai demandé à ce client de m’expliquer ce qui s’était passé. Il s’est exécuté en me racontant l’histoire telle qu’il l’avait entendue à la télévision. Ce client racontait cela comme si c’était monstrueux et qu’il faille immédiatement envoyer le père de la gamine au bagne. Je l’ai provoqué en lui disant, que malheureusement, cela pouvait arriver à tout le monde mais sans doute surtout aux hommes. Le brave homme a semblé choqué, comme si je le prenais pour un monstre capable de telles choses !

A tout le monde car, comme je l’expliquais dans l’article précédent, notre perception du monde est non seulement orientée en fonction des capacités de nos organes sensoriels mais aussi en fonction de nos centres d'intérêt et de nos connaissances intérieures. En forêt un naturaliste ne verra pas les mêmes choses qu'un simple promeneur, car ils n'ont pas la même motivation.

Les individus sont inégaux en terme d'attention et de motivations. Tandis que certains sont tellement centrés sur leur tâche, que le ciel pourrait s'écrouler qu'ils ne s'en apercevraient même pas, d'autres en revanche seront de vrais papillons passant d'une chose à l'autre.

William James, le père de la psychologie américaine, a donné une définition devenue classique de l'attention :

« L'attention est la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres. »

Ce retrait dont parle William James, peut être une préoccupation passagère qui servira de filtre à notre perception du monde, nous rendant plus attentionnés à nos soucis qu'à d'autres données de l'environnement. C'est ainsi qu'un chômeur étant sur le point de se faire virer de son logement, sera sans doute moins enclin à danser lors d'une soirée qu'un individu lambda : là où certains n'auront d'oreilles que pour la musique, lui n'aura peut-être d'yeux que pour ces chanceux qui bossent. De la même manière, un chercheur focalisé sur ses travaux pour être amené à négliger d'autres informations. Ainsi l'épouse de Louis Pasteur a expliqué qu'elle devait venir chercher son mari pour qu'il mange, car sinon il serait resté dans son laboratoire. Pasteur aurait pu oublier sa fille dans sa voiture, pour peu qu'il ait eu une voiture et que les crèches aient existé.

Le client a convenu que lui-même, bien qu’il fut sérieux, oubliait parfois certaines choses, simplement parce qu’il avait l’esprit ailleurs. D’autres clients ont ensuite participé à la conversation et ont admis qu’il leur était arrivé d’oublier des choses ou encore de faire des choses stupides. C’est ainsi, et cela semble courant, qu’un client a évoqué le fait qu’il avait déjà pris le métro avec son sac poubelle à la main, simplement parce qu’il était préoccupé par son travail et que de ce fait il n’avait plus pensé à faire un crochet par la poubelle. Un autre a souri en se rappelant qu’il lui était arrivé de mettre deux chaussures différentes.

Ce sont là des choses finalement courantes. L’habitude ou le stress sont autant de moyens de perturber l’attention ou au contraire de focaliser l’attention sur des habitudes. On a aussi pu noter que c’était quelque chose qui arrivait bien plus souvent aux hommes qu’aux femmes. Il s’agit de distraction. Et on pourrait dire qu’un type distrait est surtout un type extrêmement concentré sur quelque chose, ce qui fait qu’il en oublie le reste.

Dès lors, imaginons que ce pauvre homme ait eu chaque jour son petit parcours préétabli, sa routine à laquelle il est fidèle. Son épouse a pu lui demander d’emmener leur fille à la crèche, chose qu’il ne fait jamais ou rarement, sinon il l’aurait intégré dans son programme. Il quitte son domicile, applique ensuite une sorte de routine et oublie totalement sa fille. Une fois au travail un problème peut survenir qui mobilisera son esprit, ce qui fait qu’il persistera à oublier sa fille. C’est juste un problème de sélection et d’attention. Il a des priorités et met le reste en retrait.

S’agissant d’un mâle, on peut même imaginer que le travail et les problèmes peuvent aisément l’emporter sur le reste. Souvent, j’entends mes patientes dire que les hommes sont égoïstes. Peut-être sont-ils simplement spécialisés, du fait de la biologie, sur le travail et la résolution de problèmes, l’élevage des jeunes étant une activité totalement annexe. Il est de nos jours choquant d’imaginer cela, tant on voudrait qu’hommes et femmes aient les mêmes comportements. Pour ma part, je n’en crois rien, nous sommes, bien au contraire, spécialisés : hommes et femmes n’ont globalement pas les mêmes manières de fonctionner. La femme semble multi-tâches et l’homme mono-tâche. L'attention d'une femme fluctue peut-être plus que celle d'un homme, passant aisément d'une tâche à une autre.

On pourra gloser sur le cas de ce pauvre homme autant que l’on voudra. Je reste persuadé qu’à certains moments de la vie, ce genre de chose peut arriver. Doit-on exiger d’un individu dont la biologie en a fait un chasseur-cueilleur qu’il s’occupe de la crèche ? Là est le débat. Cela n’arrivera bien sur pas à tous les hommes, mais confier ce genre de responsabilité à un homme augmente les risques, j’en suis persuadé. D’ailleurs, pour mener ce genre de tâche à bien, la plupart des hommes seront concentrés et stressés, là où la plupart des femmes feraient cela sans y penser. Et encore, il se pourra que le soir venu, madame reproche à monsieur d'avoir oublié je ne sais quoi qu'il aurait du mettre à l'enfant : "Tu as bien vu qu'il pleuvait, il fallait lui mettre l'imperméable rouge, pas le manteau bleu !".

Cette histoire aurait pu m’arriver. J’en suis persuadé ! Mais dans le même temps, je sais que jamais cela ne me serait arrivé. Car je connais mes capacités de concentration, mon habitude à me déconnecter du monde si je réfléchis à un sujet quelconque. Je sais donc que je peux totalement manquer de tête pour certaines choses. Si je dois faire des courses, on me fait une liste. Si je dois aller chez le cordonnier ou au pressing, de la même manière, je note !

Alors si un matin, j’avais du, en plus de mon train-train habituel, emmener ma fille à la crèche, je pense que j’aurais mis un post-it sur le volant !

Illustration d'un goût douteux ! Merci Laurence !

8 Comments:

Anonymous Anonyme said...

cette horrible histoire illustre bien l'article sur les modes de perception. je suis persuadé que cela peut arriver à n'importe quel jeune parent, concentré sur la circulation, la journée de travail à venir, un rendez-vous difficile, ou une dispute avec son conjoint avant de partir. il est rare qu'un fait divers m'émeuve tant ils sont souvent dûs à un manque de bon sens. mais celui-ci ... faudra-t-il condamner ce père de famille ? on a peine à imaginer le taux de culpabilité qu'il va se traîner toute sa vie. je crains les futures déclarations définitives du type "mais comment peut-on faire ça", "quelle irresponsabilité !" de la part des petits comissaires politiques que vous évoquiez il y a peu...
Jean-Philippe

24/6/07 8:00 PM  
Anonymous Anonyme said...

En entendant ce fait dramatique a la radio, j'ai bien entendu été peiné pour les parents.
La pensée qui m'est venue :qu'elle vie pourra t-il avoir apres cela?
Comment la maman de leur enfant pourra-t-elle lui pardonné? et pire comment pourra t il se la pardonner lui meme?

25/6/07 9:14 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ce n'est pas un acte manqué?

25/6/07 10:26 PM  
Blogger ghjxfjfhj said...

Bonjour, il y a eu le même genre d'accident il y a plus ou moins un mois en Belgique, sauf que c'était une maman, et qu'elle avait l'habitude de conduire son bébé à la crèche.

26/6/07 5:46 PM  
Anonymous Anonyme said...

Comment un père peut oublier son enfant dans sa voiture ? Expliquez moi ceci !Il est à jeter aux lions cet homme !

8/7/07 6:56 PM  
Anonymous Anonyme said...

Il est à jeter aux lions cet homme !

8/7/07 6:57 PM  
Blogger Mag said...

Dommage
Le début était intéressant;
La différence "biologique" entre hommes et femmes tient de john Gray : psychologie de comptoir pour ne pas dire de cuvette de chiottes préhistoriques.
Un peu de sociologie ne serait pas de trop.

23/7/08 11:05 PM  
Blogger philippe psy said...

Votre commençait bien mais finit mal. Nier les différences biologiques entre homme et femme n'est pas sérieux aujourd'hui.

Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, dans notre espèce, les mâles sont généralement plus grands et forts que les femelles. D'après vous est-ce culturel ou biologique ? Est-il nécessaire de mettre des sociologues sur le coup ?

Avez-vous noté que les femelles de l'espèce sont dotées d'un utérus et de glandes mammaires ? Pensez-vous que ces attributs soient là pour faire joli ou ces attributs ont-ils un but dans le développement del'espèce ?

Si tel était le cas, serait-il si idiot d'envisager que globalement, il existe un lien mère/enfant indéniable. Par ailleurs, vosu aurez noté que ce lient mère/enfant est étudié et non nié.

Partant de là, généralement il vaut mieux que la mère s'occupe de l'enfant.
C'est d'ailleurs ce que confirment les juges aux affaires familiales en cas de divorce plaçant la résidence des enfants le plus souvent chez la mère.

25/7/08 1:44 AM  

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