23 juin, 2007

La perception enjeu philosophique, biologique et psychologique !


Voici quelques années, une patiente me dit qu'elle veut faire le même métier que moi. Pourquoi pas luis dis-je, sachant qu'elle ne serait jamais une concurrente sérieuse. Parce qu'il ne faut ps rigoler avec la concurrence et que si j'avais senti le moindre talent chez elle, je l'aurais immédiatement dissuadé d'entreprendre des études de psychologie !

Je lui prête alors un ouvrage de base traitant de psychologie, persuadé que cela la dégoûtera à tout jamais. Parce que je suis gentil aussi et que j'aurais pas aimé l'égarer dans un truc n'étant pas fait pour elle.

La semaine d'après elle me rend mon livre en me disant qu'elle ne veut pas faire cela du tout, que ce livre traitait de l'oeil, de l'oreille, etc. Jouant les faux naïfs, je lui dis que c'est normal puisque c'est grâce à nos sens que nous abordons le monde. Que cela s'appelle la perception et que c'est une donnée capitale en psychologie, que dès lors il faut se farcir tout cela avant de parler de parler de psychopathologie. Manifestement, cela ne lui plait pas. Elle imaginait autre chose, un truc genre Femme actuelle où l'on papote des gens.


La perception du monde qui nous entoure, c'est la manière dont on le lit et c'est capital. Prenez la photo figurant juste au-dessus. Imaginez que je vous demande de me dire ce que vous voyez. J'imagine qu'une écrasante majorité d'entre vous diront qu'il s'agit d'un livre, que certains préciseront que c'est un code de la santé publique édité chez Dalloz. Laure Allibert, dira sans doute qu'il s'agit d'un texte ultra-étatiste destiné à asservir les masses. Vous aurez tous tort.

Dans les faits, ce que vous voyez, c'est un rectangle rouge orné de symboles noirs et blancs. Si vous me dites qu'il s'agit d'un code Dalloz, alors vous êtes en train de m'expliquer ce que vous percevez. La perception du monde va bien au-delà de la lecture et comporte trois stades :


  • Le stade sensoriel : c'est ce que votre oeil voit, et de manière générale ce que tous vos sens enregistrent. A ce stade, en regardant la photo votre aire visuelle, située dans le cerveau perçoit du rouge et un peu de blanc et noir, rien d'autre.

  • Le stade perceptif : une seconde tendance se dessine dans laquelle notre cerveau perçoit les formes, en associant des points qu'il juge comparables et ordonnés logiquement. Vous voyez alors un rectangle rouge.

  • Le stade cognitif : notre culture nous apprend qu'il s'agit d'un livre. Ceux qui ont en plus une culture juridique verront en plus qu'il s'agit d'un code édité par Dalloz. On peut aller plus loin puisque selon leur culture politique, certains y verront un ouvrage génial, tandis que d'autre diront que c'est la preuve d'un autoritarisme étatique. A ce stade on se met à juger donc à penser.
Epictète, philosophe stoïcien, avait raison lorsqu'il disait que ce qui trouble l'homme, ce ne sont point les choses mais le jugement qu'il porte sur les choses. Plus près de nous, le psychiatre Boris Cyrulnik trouve que l'ennui avec les humains, c'est qu'ils voient l'univers plus avec leurs idées, qu'avec leurs yeux. La perception du monde, si elle commence neurologiquement, finit toujours culturellement.

Il y a trois types de perception :
  • Extéroception qui nous permet de percevoir le monde extérieur.

  • L'interception, qui nous permet de percevoir l'état de notre organisme, qu'il 'agisse du mal de dent ou de l'anxiété.

  • La proprioception, qui nous renseigne perpétuellement sur la position de notre corps dans l'espace, ce qui nous permet de saisir des objets et de garder l'équilibre.
On peut aussi imaginer que notre perception du monde passe par trois filtres :
  • Un filtre biologique : un chien ou un être humain ne captent pas les mêmes informations. Dès lors le monde n'est pas le même pour eux.

  • Un filtre psychologique : un individu déprimé verra tout en noir, tandis qu'un auitre très optimiste, verra tout en rose.

  • Un filtre culturel : un indien d'Amazonie n'a pas la même vision des évènements qu'un français.

La perception du monde est le coeur des thérapies cognitives. La pensée est un système servant à traiter les informations que nous captons par nos sens.

Il faut cependant distinguer ce qui ressort de la pensée, de ce que l'on doit attribuer à la biologie. Une tumeur cérébrale (ou d'autres pathologies), peut par exemple affecter la pensée et même dans certains cas, amener la personne qui en souffre à percevoir des sons ou des visions imaginaires.

Il faut aussi distinguer le fait culturel qui fait que par exemple, selon sa confession, mais aussi que l'on s'estime croyant ou non, les évènements auront plus ou moins de portée.

C'est pourquoi, en psychologie, l'étude des sens, amenant à la perception du monde est capitale. Une culture encyclopédique est aussi nécessaire. La psychologie est la fille bâtarde de la biologie et de la philosophie, mais elle n'est jamais de la médecine.

1 Comments:

Blogger V. said...

la paternité.
machin le père de la psychologie truc, bidule le père de la doctrine chose et ce de façon récurrente au fil de ce blog. On voit bien à quoi tient ce qui tient l'homme (celui là).
Mais pour cesser de faire de la perception avec du perçu et voir avec ses yeux plutôt qu'avec ses idées, le coup du Dalloz va me rendre grand service.
Donc, merci.
V.

19/2/09 5:25 PM  

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