Avis autorisé ! Les cons ont la parole !
La semaine dernière, mon ami Olive me dit : "Il parait que le gendre de Y s'est tué en moto?". Je suis très étonné car j'ai rencontré la veille l'épouse de Y, j'étais guilleret, je lui ai fait la bise, ayant peur d'être en retard pour déposer mes chèques à la banque. Je n'ai rien senti de particulier.
Je passe donc chez Y que je connais fort bien. Je lui demande si ça va et il me répond que oui et que l'on pourra déjeuner le lendemain ensemble au restaurant. Le lendemain à l'heure dite, je vais chez Y pour l'emmener au restaurant. Son épouse est là, ainsi que leur plus jeune fille que j'ai toujours trouvée très conne. Agée de trente ans environ, elle est très jolie, possède une très grande gueule, mais m'appelle toujours monsieur, ce qui me flatte. Pour simplifier les choses, je l'appelerai "Morue" dans la suite de l'exposé.
Là, une fois dans le bureau de Y, j'apprends qu'effectivement, son gendre, le mari de sa fille aînée est décédé environ trois semaines avant dans un accident de moto. Je présente mes condoléances et m'enquiert de ce qui s'est passé ainsi que de la santé de la jeune veuve. Justement, m'explique Y, elle ne va pas très bien et va venir les voir, aussi ne pourra-t-il pas déjeuner en ma compagnie, ce que je comprends fort bien.
Lui et son épouse me décrivent les symptômes de leur fille aînée et me demandent mon avis professionnel. Je leur dis que face au drame qui la touche et la laisse veuve à trente-deux ans avec deux enfants, il n'y a pas grand chose à faire. Il faut attendre, être présent, si possible retourner travailler parce que le boulot est une bonne stratégie de défense face aux drames de l'existence. Je rajoute qu'il faut écouter sans interrompre, ne pas relativiser tout de suite, et encore une fois attendre et encore attendre, même si cela semble bête.
Je leurs dis que sur le net, ils trouveront les étapes du deuil, décrits par Elizabeth Kübler-Ross, que cela ne sert à rien, si ce n'est à comprendre ce qui se passe et à quel stade se trouve leur fille. Je leurs décris ces stades et ils trouvent cela intéressant.
Bien sur, je rajoute que suivant les symptômes, il sera peut-être nécessaire qu'elle voie un médecin et prenne des antidépresseurs et/ou des anxiolitiques. Et là, Morue me regarde et me dit : "certainement pas, tout ça, c'est de la merde". Bien sur, je lui demande sur quelle étude scientifique ou compétence professionnelle, repose ce jugement sans appel. Et là, Morue, comme toutes les jeunes connes ayant acquis leur culture dans les magazines féminins, me dit qu'on peut être accro à ces merdes et qu'en plus, il y a plein d'effets indésirables, et que c'est bien connu.
Comme je ne connais pas le moyen de transformer un âne en cheval de course et que d'autre part, je sais qu'on ne pratique pas encore de greffe de cerveau, je décide d'en rester là. Je l'ignore et parle à ses parents en lui disant que c'est prescrit sous contrôle médical et qu'il n'y a pas de risques. Qu'au plus, nous avons un ami commun médecin, très compétent, qui pourra lui prescrire.
Je rajoute à l'intention de Morue, que si j'ai toujours pu traiter des patients sous traitements antidépresseurs, il m'apparaissait toujours plus difficile de traiter une suicidée parce que je ne savais pas communiquer avec les esprits. Enfin qu'au-delà du risque suicidaire qui n'était pas forcément avéré, la souffrance psychique pouvait être très pénible et que les médicaments étaient justement là pour l'atténuer, que cela ne ferait pas revenir le défunt mais que cela aiderait à faire passer la pilule.
Et je conclus, que j'espérais qu'à défaut d'avoir des réflexions intelligentes et pertinentes sur les psychotropes, elle pourrait au moins avoir un minimum d'humanité.
Drôle d'époque que celle où n'importe quelle morue lobotomisée se permet d'avoir des avis sur tout. Combien de fois, ai-je entendu cette rengaine concernant les antidépresseurs. Un antidépresseur ne soigne pas, c'est évident mais c'est utile tout de même. Quand on se noie, ce n'est qu'une bouée qui maintient à la surface.
Seule la compréhension de ce que l'on vit, permet de rejoindre le rivage et d'y reprendre pied. Pour cela, il existe la philosophie, le soutien social des amis et de la famille, la réflexion personnelle, et bien sur la religion.
Et pour ceux, qui malheureusement sont éloignés de tout cela, quelle qu'en soient les raisons, et qui subiront la douleur sans pouvoir comprendre, il y a les antidépresseurs, et c'est déjà quelque chose.
Sur la mort, à mon avis, le plus beau texte reste celui que Sénèque écrivit à Marcia qui venait de perdre son fils.
"De quoi donc, Marcia, souffres-tu ? Est-ce de ce que ton fils est mort ou de ce qu'il a vécu peu de temps ? Si c'est de ce qu'il est mort, tu aurais dû toujours souffrir, car tu as toujours su qu'il mourrait. Songe que les morts n'éprouvent plus aucun mal, que ce qui nous rend les Enfers redoutables n'est que légende. [...]
Avec la mort s'évanouissent toutes les souffrances ; c'est un terme au delà duquel nos malheurs ne passent point : elle nous replace dans la tranquillité où nous étions plongés avant de naître. Si donc vous plaignez les morts, plaignez aussi ceux qui ne sont pas nés. [...]
Ton fils a franchi les limites du domaine de la servitude ; il est au sein d'une paix profonde et éternelle."
Je passe donc chez Y que je connais fort bien. Je lui demande si ça va et il me répond que oui et que l'on pourra déjeuner le lendemain ensemble au restaurant. Le lendemain à l'heure dite, je vais chez Y pour l'emmener au restaurant. Son épouse est là, ainsi que leur plus jeune fille que j'ai toujours trouvée très conne. Agée de trente ans environ, elle est très jolie, possède une très grande gueule, mais m'appelle toujours monsieur, ce qui me flatte. Pour simplifier les choses, je l'appelerai "Morue" dans la suite de l'exposé.
Là, une fois dans le bureau de Y, j'apprends qu'effectivement, son gendre, le mari de sa fille aînée est décédé environ trois semaines avant dans un accident de moto. Je présente mes condoléances et m'enquiert de ce qui s'est passé ainsi que de la santé de la jeune veuve. Justement, m'explique Y, elle ne va pas très bien et va venir les voir, aussi ne pourra-t-il pas déjeuner en ma compagnie, ce que je comprends fort bien.
Lui et son épouse me décrivent les symptômes de leur fille aînée et me demandent mon avis professionnel. Je leur dis que face au drame qui la touche et la laisse veuve à trente-deux ans avec deux enfants, il n'y a pas grand chose à faire. Il faut attendre, être présent, si possible retourner travailler parce que le boulot est une bonne stratégie de défense face aux drames de l'existence. Je rajoute qu'il faut écouter sans interrompre, ne pas relativiser tout de suite, et encore une fois attendre et encore attendre, même si cela semble bête.
Je leurs dis que sur le net, ils trouveront les étapes du deuil, décrits par Elizabeth Kübler-Ross, que cela ne sert à rien, si ce n'est à comprendre ce qui se passe et à quel stade se trouve leur fille. Je leurs décris ces stades et ils trouvent cela intéressant.
Bien sur, je rajoute que suivant les symptômes, il sera peut-être nécessaire qu'elle voie un médecin et prenne des antidépresseurs et/ou des anxiolitiques. Et là, Morue me regarde et me dit : "certainement pas, tout ça, c'est de la merde". Bien sur, je lui demande sur quelle étude scientifique ou compétence professionnelle, repose ce jugement sans appel. Et là, Morue, comme toutes les jeunes connes ayant acquis leur culture dans les magazines féminins, me dit qu'on peut être accro à ces merdes et qu'en plus, il y a plein d'effets indésirables, et que c'est bien connu.
Comme je ne connais pas le moyen de transformer un âne en cheval de course et que d'autre part, je sais qu'on ne pratique pas encore de greffe de cerveau, je décide d'en rester là. Je l'ignore et parle à ses parents en lui disant que c'est prescrit sous contrôle médical et qu'il n'y a pas de risques. Qu'au plus, nous avons un ami commun médecin, très compétent, qui pourra lui prescrire.
Je rajoute à l'intention de Morue, que si j'ai toujours pu traiter des patients sous traitements antidépresseurs, il m'apparaissait toujours plus difficile de traiter une suicidée parce que je ne savais pas communiquer avec les esprits. Enfin qu'au-delà du risque suicidaire qui n'était pas forcément avéré, la souffrance psychique pouvait être très pénible et que les médicaments étaient justement là pour l'atténuer, que cela ne ferait pas revenir le défunt mais que cela aiderait à faire passer la pilule.
Et je conclus, que j'espérais qu'à défaut d'avoir des réflexions intelligentes et pertinentes sur les psychotropes, elle pourrait au moins avoir un minimum d'humanité.
Drôle d'époque que celle où n'importe quelle morue lobotomisée se permet d'avoir des avis sur tout. Combien de fois, ai-je entendu cette rengaine concernant les antidépresseurs. Un antidépresseur ne soigne pas, c'est évident mais c'est utile tout de même. Quand on se noie, ce n'est qu'une bouée qui maintient à la surface.
Seule la compréhension de ce que l'on vit, permet de rejoindre le rivage et d'y reprendre pied. Pour cela, il existe la philosophie, le soutien social des amis et de la famille, la réflexion personnelle, et bien sur la religion.
Et pour ceux, qui malheureusement sont éloignés de tout cela, quelle qu'en soient les raisons, et qui subiront la douleur sans pouvoir comprendre, il y a les antidépresseurs, et c'est déjà quelque chose.
Sur la mort, à mon avis, le plus beau texte reste celui que Sénèque écrivit à Marcia qui venait de perdre son fils.
"De quoi donc, Marcia, souffres-tu ? Est-ce de ce que ton fils est mort ou de ce qu'il a vécu peu de temps ? Si c'est de ce qu'il est mort, tu aurais dû toujours souffrir, car tu as toujours su qu'il mourrait. Songe que les morts n'éprouvent plus aucun mal, que ce qui nous rend les Enfers redoutables n'est que légende. [...]
Avec la mort s'évanouissent toutes les souffrances ; c'est un terme au delà duquel nos malheurs ne passent point : elle nous replace dans la tranquillité où nous étions plongés avant de naître. Si donc vous plaignez les morts, plaignez aussi ceux qui ne sont pas nés. [...]
Ton fils a franchi les limites du domaine de la servitude ; il est au sein d'une paix profonde et éternelle."
Sénèque, Consolation à Marcia, XIX, 3-6, in Les Consolations, Editions Payot.
Mais, je n'en démordrai pas. Avant de recevoir et de pouvoir comprendre un tel texte, il faut du temps et en passer par la souffrance, par le refus de cet évènement inéluctable. Et parfois, pour se soulager, il y a les antidépresseurs, quoiqu'en pensent Morue et toutes les morues de la terre.
2 Comments:
Ô Philippe,
Ton blog me ravit.
Urbain.
Un jour, un homme demande à un moine bouddhiste de bénir sa famille.
Celui-ci s'éxécute aussitôt et dit :
"le grand'père meurt, le père meurt, le fils meurt".
Très surpris, l'homme s'insurge que le saint homme puisse prononcer une telle malédiction.
Le moine lui rétorque calmement que si ces 3 choses parfaitement inéluctables s'enchaînent dans cet ordre exact, c'est une immense bénédiction qui est accordée à sa famille....
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