Vers une société de blaireaux ? 1
Courant août, en passant lire mon confrère La Cage aux Phobes, je tombe sur l'article suivant, narrant un entretien d'embauche. Ca m'a rappelé bien des souvenirs, à l'époque où j'étais moi aussi salarié, quand il fallait que je me plie au rituel de l'entretien d'embauche. Généralement, il s'agissait d'un poste dans le tertiaire, ne réclamant pas de talent particulier, mais correctement payé, qu'un abruti, dénommé recruteur, s'ingéniait à rendre passionnant, un peu comme si votre futur job consistait à sauver le monde !
D'ailleurs, il y avait deux types de recruteurs. D'une part les cabinets de recrutement, chargés de trier les candidatures, s'appuyant sur cela sur des outils fiables et tout prêts que l'on nomme des tests, dont ils avaient payé la licence, puis sur une prétendue expertise un peu bidon, qu'ils facturaient très cher. Alors à chaque fois, il fallait expliquer son parcours, ses choix et ses motivations à un clampin (ou une clampine d'ailleurs), qui vous regardait de l'oeil froid de l'expert avisé. Le mec (ou la nana) du cabinet de recrutement jouait alors au professionnel qui sait, tandis que je faisais le comédien, mimant le mec super concerné.
Je me suis toujours demandé si ces abrutis pensaient que nous leurs disions la vérité, lorsque moi, ou d'autres postulants, leur expliquions que le job proposé était vraiment le rêve de notre vie ? Dans les faits, mon rêve aurait été d'être seigneur féodal parce qu'au moins on m'aurait foutu la paix et que j'aurais pu appliquer ma devise : "Chacun mes idées !"
D'ailleurs je l'ai dit une fois. A l'époque, j'étais évidemment salarié, mais dans la fonction publique. Le DRH, un type plutôt sympa qui voulait un peu se la raconter en jouant les mecs modernes, avait décidé de faire un audit social. C'est en général un truc très mal fait par des gens n'ayant jamais étudié la psychologie du travail, et dont le rapport bourré de termes ronflants et pompeux, ira dormir dans un tiroir parce qu'il est généralement totalement dépourvu d'applications pratiques.
Mais le DRH aura sa conscience pour lui en se disant qu'ils nous a apporté vachement de reconnaissance puisqu'il est allé jusqu'à investir dans ce genre de daube. C'est le genre de démarche qui rappelle un peu celle de Elton Mayo enquêtant dans les ateliers de cablage de Western Electric à Hawthorne à la fin des années 20 ; ça n'est pas vraiment utile mais ça fait plaisir aux petites mains.
Ainsi, durant un peu plus d'une semaine, une greluche, taillée sur le même modèle que celles que l'on retrouve dans les cabinets de recrutement, était passée nous voir pour nous poser plein de questions. J'étais à l'époque juriste, spécialisé dans le montage juridique et financier d'opérations immobilières de logements sociaux. Je brassais plein de fric, j'étais plutôt doué, mais je m'emmerdais parce qu'au bout de trois ans, c'était toujours la même chose. Ma seule perspective de l'époque aurait été soit de faire l'ENA, soit de finir directeur général d'une SA HLM et cela ne m'enchantait guère.
C'est ainsi qu'un jour l'experte en audit social, après que nous eussions pris rendez-vous, se rendit dans mon bureau. Pour parfaire mon côté froid de juriste saturnien spécialisé en finances publiques, j'avais aménagé mon bureau de manière à ce que n'importe qui, y entrant et ne me connaissant pas, se dise : "oh lui ce doit être un sacré peine-à-jouir (ou une tête de con au choix)". Mes codes Dalloz et Litec étaient alignés sur lr bureau formant une barrière entre mon interlocuteur et moi.
La greluche vint donc me voir mais ne tomba pas dans mon piège. Je ne pense pas qu'elle m'ait percé à jour en devinant que sous ma froideur, j'étais quelqu'un de chaleureux, parce qu'elle n'était pas suffisamment intelligente pour cela. Non, je suppose qu'elle appliqua une bête méthode genre consultant en communication ou en RH, consistant à jouer la nana ouverte d'esprit, ultra professionnelle, celle à qui on ne la fait pas, et qui se fait fort d'ouvrir toutes les portes.
Comme, je peux être une vraie tête de con, notamment quand quelqu'un à qui je n'ai rien demandé et dont je n'attends strictement rien, s'impose sur mon territoire, je décidais de persister à jouer la caricature du juriste, dans le genre animal à sang froid hyper-controlant. Elle s'ingénia à me servir sa soupe indigente avec force mots compliqués dument estampillés RH. Je restais évasif, la regardant de l'air bienveillant du type qui ne comprend pas en quoi il peut être utile mais qui reste plein de bonne volonté, un peu comme lorsque Tintin s'efforce de comprendre les aboiements et les mimiques de Milou !
A un moment, tentant le tout pour le tout, elle décida de rentrer dans mon intimité, et me balança un questionnaire, auquel je répondis tout aussi froidement, mes réponses n'excédant jamais deux mots. L'une des questions était : "plus jeune quel métier ou quelle fonction auriez-vous rêvé d'occuper ?". Je décidais de lui dire que je rêvais peu et que si cela m'était arrivé, dans tous les cas un service de financement du logement n'était pas le lieu le plus propice pour continuer à rêver.
Elle m'expliqua alors, je m'en souviens encore, que je ne devais pas me censurer, mais au contraire me laisser aller et me rappeler mes rêves d'adolescent. Comme beaucoup de consultants en RH ou en Communication, dont la formation en psycho du travail est souvent acquise dans Psychologie Magazine ou Elle (parfois Femme Actuelle ou Cosmo), elle se décidait à jouer la psy sympa et compréhensive qui va m'aider à entrer en contact avec les formidables richesses de mon inconscient.
C'est alors que je lui répondis que dans mes rêves je me serais fort bien vu seigneur féodal. Je la vis rire jaune et aussitôt, elle me répondit, jouant la fille détendue, qu'il s'agissait d'écrire quelque chose de possible. Je lui répondis que si elle m'interrogeait sur ce dont je rêvais, alors seul rêver l'impossible m'amusait, parce que rêver du possible était sans intérêt et n'était pas du rêve mais de la planification tout au plus.
Ainsi, s'il s'agissait de faire expert-comptable, je me serais inscrit en DESCF et je serais aujourd'hui expert comptable ou tout autre boulot de ce genre. Elle tenta de m'expliquer qu'elle devait inscrire une réponse sur sa feuille, aussi lui dis-je d'écrire "seigneur féodal", ce qu'elle fit à contre-coeur non sans m'avoir rappelé que ce document serait remis à ma hiérarchie, en l'occurrence mon directeur qui me connaissait fort bien. Considérant que j'étais un mauvais cobaye pour sa connerie inutile d'audit social, elle se leva, ramassa son questionnaire, me salua et disparut.
Le plus souvent, j'ai eu envie de foutre des tartes dans la gueule à ces spécialistes des RH, qu'ils soient consultants ou bien recruteurs, mais je m'en suis abstenu parce que j'avais besoin de travail pour vivre et aussi parce que je ne suis pas violent.
Rassurez-vous je ne suis pas négatif, et il m'est arrivé de croiser des professionnels vraiment compétents dans ce secteur dont une jeune personne à qui je consacrerai un article un jour. Toutefois, ce fut rare et je suis toujours ébahis par ces abrutis qui se gargarisent avec les mots "humains", "ressources humaines", "hommes", "forces vives", etc., et qui sitôt qu'ils n'ont plus de tests disponibles destinés à mettre les gens dans des boîtes ou des cases, sont incapables d'évaluer quelqu'un intelligemment et intuitivement.
Le test psychotechnique est certes une aide valable, mais n'importe quel psychologue sérieux vous répondra qu'un individu est bien plus complexe que cela et que le vrai travail psy n'est pas de faire passer le test, car un ordinateur le fait fort bien, mais consiste en l'évaluation dudit test. D'ailleurs l'être humain se ne laisse pas piéger aussi facilement. Sachant qu'un blaireau de recruteur va le tester, que fait-il ? Il se rue immédiatement dans une librairie pour tout connaître des tests employés afin de répondre correctement en déjouant les pièges.Cela m'est arrivé récemment avec une patiente qui devait être recrutée dans une grande banque. Lorsqu'elle m'expliqua quel test elle passerait, je n'eus qu'à lui dire, faites-ci, faites-cela, évitez ceci et cela et surtout achetez tel livre et révisez. Elle a d'ailleurs été recrutée.
Amusez vous à taper sur Google "déjouer les tests psychotechniques" et vous constaterez que face à la société de blaireaux pseudo-scientifiques, l'être humain s'adapte toujours !
D'ailleurs, il y avait deux types de recruteurs. D'une part les cabinets de recrutement, chargés de trier les candidatures, s'appuyant sur cela sur des outils fiables et tout prêts que l'on nomme des tests, dont ils avaient payé la licence, puis sur une prétendue expertise un peu bidon, qu'ils facturaient très cher. Alors à chaque fois, il fallait expliquer son parcours, ses choix et ses motivations à un clampin (ou une clampine d'ailleurs), qui vous regardait de l'oeil froid de l'expert avisé. Le mec (ou la nana) du cabinet de recrutement jouait alors au professionnel qui sait, tandis que je faisais le comédien, mimant le mec super concerné.
Je me suis toujours demandé si ces abrutis pensaient que nous leurs disions la vérité, lorsque moi, ou d'autres postulants, leur expliquions que le job proposé était vraiment le rêve de notre vie ? Dans les faits, mon rêve aurait été d'être seigneur féodal parce qu'au moins on m'aurait foutu la paix et que j'aurais pu appliquer ma devise : "Chacun mes idées !"
D'ailleurs je l'ai dit une fois. A l'époque, j'étais évidemment salarié, mais dans la fonction publique. Le DRH, un type plutôt sympa qui voulait un peu se la raconter en jouant les mecs modernes, avait décidé de faire un audit social. C'est en général un truc très mal fait par des gens n'ayant jamais étudié la psychologie du travail, et dont le rapport bourré de termes ronflants et pompeux, ira dormir dans un tiroir parce qu'il est généralement totalement dépourvu d'applications pratiques.
Mais le DRH aura sa conscience pour lui en se disant qu'ils nous a apporté vachement de reconnaissance puisqu'il est allé jusqu'à investir dans ce genre de daube. C'est le genre de démarche qui rappelle un peu celle de Elton Mayo enquêtant dans les ateliers de cablage de Western Electric à Hawthorne à la fin des années 20 ; ça n'est pas vraiment utile mais ça fait plaisir aux petites mains.
Ainsi, durant un peu plus d'une semaine, une greluche, taillée sur le même modèle que celles que l'on retrouve dans les cabinets de recrutement, était passée nous voir pour nous poser plein de questions. J'étais à l'époque juriste, spécialisé dans le montage juridique et financier d'opérations immobilières de logements sociaux. Je brassais plein de fric, j'étais plutôt doué, mais je m'emmerdais parce qu'au bout de trois ans, c'était toujours la même chose. Ma seule perspective de l'époque aurait été soit de faire l'ENA, soit de finir directeur général d'une SA HLM et cela ne m'enchantait guère.
C'est ainsi qu'un jour l'experte en audit social, après que nous eussions pris rendez-vous, se rendit dans mon bureau. Pour parfaire mon côté froid de juriste saturnien spécialisé en finances publiques, j'avais aménagé mon bureau de manière à ce que n'importe qui, y entrant et ne me connaissant pas, se dise : "oh lui ce doit être un sacré peine-à-jouir (ou une tête de con au choix)". Mes codes Dalloz et Litec étaient alignés sur lr bureau formant une barrière entre mon interlocuteur et moi.
La greluche vint donc me voir mais ne tomba pas dans mon piège. Je ne pense pas qu'elle m'ait percé à jour en devinant que sous ma froideur, j'étais quelqu'un de chaleureux, parce qu'elle n'était pas suffisamment intelligente pour cela. Non, je suppose qu'elle appliqua une bête méthode genre consultant en communication ou en RH, consistant à jouer la nana ouverte d'esprit, ultra professionnelle, celle à qui on ne la fait pas, et qui se fait fort d'ouvrir toutes les portes.
Comme, je peux être une vraie tête de con, notamment quand quelqu'un à qui je n'ai rien demandé et dont je n'attends strictement rien, s'impose sur mon territoire, je décidais de persister à jouer la caricature du juriste, dans le genre animal à sang froid hyper-controlant. Elle s'ingénia à me servir sa soupe indigente avec force mots compliqués dument estampillés RH. Je restais évasif, la regardant de l'air bienveillant du type qui ne comprend pas en quoi il peut être utile mais qui reste plein de bonne volonté, un peu comme lorsque Tintin s'efforce de comprendre les aboiements et les mimiques de Milou !
A un moment, tentant le tout pour le tout, elle décida de rentrer dans mon intimité, et me balança un questionnaire, auquel je répondis tout aussi froidement, mes réponses n'excédant jamais deux mots. L'une des questions était : "plus jeune quel métier ou quelle fonction auriez-vous rêvé d'occuper ?". Je décidais de lui dire que je rêvais peu et que si cela m'était arrivé, dans tous les cas un service de financement du logement n'était pas le lieu le plus propice pour continuer à rêver.
Elle m'expliqua alors, je m'en souviens encore, que je ne devais pas me censurer, mais au contraire me laisser aller et me rappeler mes rêves d'adolescent. Comme beaucoup de consultants en RH ou en Communication, dont la formation en psycho du travail est souvent acquise dans Psychologie Magazine ou Elle (parfois Femme Actuelle ou Cosmo), elle se décidait à jouer la psy sympa et compréhensive qui va m'aider à entrer en contact avec les formidables richesses de mon inconscient.
C'est alors que je lui répondis que dans mes rêves je me serais fort bien vu seigneur féodal. Je la vis rire jaune et aussitôt, elle me répondit, jouant la fille détendue, qu'il s'agissait d'écrire quelque chose de possible. Je lui répondis que si elle m'interrogeait sur ce dont je rêvais, alors seul rêver l'impossible m'amusait, parce que rêver du possible était sans intérêt et n'était pas du rêve mais de la planification tout au plus.
Ainsi, s'il s'agissait de faire expert-comptable, je me serais inscrit en DESCF et je serais aujourd'hui expert comptable ou tout autre boulot de ce genre. Elle tenta de m'expliquer qu'elle devait inscrire une réponse sur sa feuille, aussi lui dis-je d'écrire "seigneur féodal", ce qu'elle fit à contre-coeur non sans m'avoir rappelé que ce document serait remis à ma hiérarchie, en l'occurrence mon directeur qui me connaissait fort bien. Considérant que j'étais un mauvais cobaye pour sa connerie inutile d'audit social, elle se leva, ramassa son questionnaire, me salua et disparut.
Le plus souvent, j'ai eu envie de foutre des tartes dans la gueule à ces spécialistes des RH, qu'ils soient consultants ou bien recruteurs, mais je m'en suis abstenu parce que j'avais besoin de travail pour vivre et aussi parce que je ne suis pas violent.
Rassurez-vous je ne suis pas négatif, et il m'est arrivé de croiser des professionnels vraiment compétents dans ce secteur dont une jeune personne à qui je consacrerai un article un jour. Toutefois, ce fut rare et je suis toujours ébahis par ces abrutis qui se gargarisent avec les mots "humains", "ressources humaines", "hommes", "forces vives", etc., et qui sitôt qu'ils n'ont plus de tests disponibles destinés à mettre les gens dans des boîtes ou des cases, sont incapables d'évaluer quelqu'un intelligemment et intuitivement.
Le test psychotechnique est certes une aide valable, mais n'importe quel psychologue sérieux vous répondra qu'un individu est bien plus complexe que cela et que le vrai travail psy n'est pas de faire passer le test, car un ordinateur le fait fort bien, mais consiste en l'évaluation dudit test. D'ailleurs l'être humain se ne laisse pas piéger aussi facilement. Sachant qu'un blaireau de recruteur va le tester, que fait-il ? Il se rue immédiatement dans une librairie pour tout connaître des tests employés afin de répondre correctement en déjouant les pièges.Cela m'est arrivé récemment avec une patiente qui devait être recrutée dans une grande banque. Lorsqu'elle m'expliqua quel test elle passerait, je n'eus qu'à lui dire, faites-ci, faites-cela, évitez ceci et cela et surtout achetez tel livre et révisez. Elle a d'ailleurs été recrutée.
Amusez vous à taper sur Google "déjouer les tests psychotechniques" et vous constaterez que face à la société de blaireaux pseudo-scientifiques, l'être humain s'adapte toujours !
7 Comments:
Moi je m'en fout, je viens de trouver un super job:
Inspecteur Général pour la région Poitou-Auvergne!
On vient d'en discuter avec Laurence, on te rajoute le Limousin, parce qu'on te juge capable !!!
L'ami de la famille va irradier de bonheur ces gens simples chez qui tu sonneras !
Oh, je vous vois venir tous les deux: on me rajoute une région, peut être même qu'on me nomme vendeur de l'année mais au prochain budget, on me refile des objectifs de vente hors de portée...
Après une courte période de probation, on te fera remplir un super questionnaire pour t'ajouter une éventuelle affectation dans la Creuse !!
Foug sera certainement le challenge suprême mais il te faudra patienter un peu et être hyper performant ;)
Roooooo El Gringo, déjà des revendications ??
Ca te branche pas le Québec ?
Au Québec? Aucune chance de leur vendre un tel article. Là bas, les femmes sont libres et heureuses depuis qu'elles se sont affranchies du joug masculin qui les oppressait. Elles n’ont donc pas besoin de thérapies. Quant aux hommes, il faut qu'ils demandent l'autorisation à leur épouse, alors ce n'est pas gagné.
Foug, par contre, semble plus prometteur: il parait que les femmes y sont soumises et dociles: des clientes potentielles!
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C'est alors que je lui répondis que dans mes rêves je me serais fort bien vu seigneur féodal.
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Illustre. Vous m'avez bien fait marrer. J'imagine la tete de la consultante RH specialiste en immersion culturelle enmerdee car 'je dois remplir la case moi Monsieur'. Zezette X.
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