31 août, 2007

Vers une société de blaireaux ? 2

"Coucou, je vais à un entretien de recrutement !"

Mais le blaireau recruteur va toujours plus loin, car à défaut de connaître le fonctionnement psychique d'un être humain, ce qui prendrait du temps et nécessiterait un minimum d'intelligence, il préfère créer de nouvelles tendances.

L'équation est pourtant simple puisqu'il s'agit, en fonction d'un poste donné, de recruter un individu ayant des compétences techniques et humaines adéquates. On ne peut pas dire, que le métier soit bien difficile. Toutefois, à défaut d'être efficace, le recruteur préfère inventer des trucs bizarres. Après les batteries de tests débiles ou inadaptés, j'ai vu que la dernière tendance était d'aller recruter sur Second Life, ce phénomène de société cucul qui fait tellement moderne.

A la limite, qu'on aille sur des messageries, draguer la gueuse, ou qu'on se paluche face à des photos légères, je comprends. Le besoin d'amour et de relation sexuelle est ancré dans nos gênes. Alors après, en fonction de son physique, de ses fantasmes, des rencontres possibles, j'admets que l'Internet puisse être un sacré atout. Mais Second Life, j'ai du mal à comprendre ! encore, s'il s'agissait d'un truc pour ados, pourquoi pas. Nous avons tous été jeunes et cons, et je ne vois aucun mal à ce que les ados actuels, élevés dans cette débauche technologique puissent désirer être cons sur Second Life : chacun vit avec son temps ! Si en 1932, on rigolait avec Ouvrard, on peut bien en 2007 s'amuser sur Second Life !

Par contre, je ne saisis pas ce que les adultes vont y chercher, sauf à s'y inventer une vie fantasmatique, ce que je comprendrais fort bien. Auquel cas, Second Life n'a rien de nouveau. Moi qui ai possédé une messagerie télématique à la fin des années quatre-vingt, je peux vous affirmer que le fantasme tournait à fond. Tous nos connectés, avaient généralement vingt ans de moins, plus de cheveux, dix centimètres en plus, et un meilleur salaire que dans leur vie réelle. Les connectées, à la place d'un jeune éphèbe voyaient souvent un petit gros se pointer au rendez-vous. Mais, soyons justes, les connectés, trouvaient souvent que les connectées avaient forci, en passant du dialogue virtuel à la rencontre réelle. Alors que Second Life soit un 3615 Truc avec des moyens en plus, je n'en disconviens pas, mais que ce soit un fabuleux outil, là je me gausse !

Enfin, revenons à nos moutons. Et toujours est-il que les recruteurs, blaireaux devant l'Eternel et jamais avares de techniques bidons et fumeuses, ont récemment tapé un grand coup. En effet, Accenture, entité issue de la scission en 1997 de la branche conseil du grand cabinet d'audit Andersen, inquiété dans le scandale Enron, a décidé de frapper un grand coup en allant recruter sur Second Life. Le Figaro enavait déjà parlé en mai dernier mais je n'avais pas accroché plus que cela. Mais, ce mois-ci, je ne sais plus 'il s'agit de Capital ou de Management, fait un papier dithyrambique sur cet évènement.

Chaque candidat d'Ac­cen­ture devra d'abord créer son « avatar », c'est-à-dire son double virtuel. Car ce sera l'avatar qui dialoguera avec un recruteur pendant 20 à 30 minutes. Les horaires d'entretiens sont prévus pour coller au mieux à la vie active des candidats puisqu'ils se dérouleront le ma­tin de 7 h 30 à 9 h 30 et de 18 h 30 à 21 heures. Pour personnaliser l'univers de Second Life et le rendre plus compatible avec l'image d'Accenture, l'entreprise a choisi de créer une île virtuelle spécialement pour l'occasion.

L'île aura des allures de terrain de golf pour rester fidèle au groupe de conseil, partenaire de Tiger Woods. Alors là, on croit rêver puisque Second Life, monde onirique de tous les possibles, redevient finalement un truc bien propret. A la limite, je trouve que Accenture, aurait du demander à un progammeur de leur créer la réplique exacte de leurs bureaux ! Au moins, ça aura collé à la réalité.

« Bien sûr, ces rencontres sur Second Life ne remplaceront pas les entretiens de visu dans la vraie vie », in­siste Caroline Rigaud, responsable du recrutement d'Accenture. À partir du 25 juin, les candidats retenus seront d'ailleurs auditionnés. Ce qui veut dire, que pour les futurs recrutés, c'est encore une problème supplémentaires. Non seulement il fallait envoyer un Cv et une lettre de motivation, dans laquelle il fallait mentir comme un arracheur de dents, mais en plus, il faudra en plus se créer un avatar sur Second Life.

Personnellement je serais ravi de savoir comment s'est soldé cette fumeuse campagne de recrutement. J'imagine que si au départ quelques hurluberlus se sont amusés à jouer aux cons, peu à peu, il y a du avoir une foule d'avatars en costumes sombres ou tailleurs stricts.

De toute manière, Accenture qui semble vouloir recruter des profils moins conventionnels, est-elle une société qui a les moyens de ses ambitions ? Imagine-t-on une seule seconde le petit génie de l'informatique, être fantasque et créatif, vouloir aller chez eux ? Englué dans des protocoles rigides, avec des grades omniprésents, comme dans une armée, de stagiaire à partner, en passant par consultant junior, senior, executive, manager, etc., Accenture est le prototype même de boîte anglo-saxonne de conseils typiquement faite pour des profils très typés analysant, c'est à dire à l'écoute et centrés sur la tâche (genre expert-comptable ou diplômé de l'ENA).

Pas une seule seconde, je n'imagine un mec imaginatif, libre et créatif, pouvoir rester chez eux plus de deux ou trois ans ; et encore faudrait-il qu'il soit jeune. Tous ceux que j'ai connu à une époque, ayant ce profil, y sont allés pour la carte de visite, parce que ça fait bien et que c'est formateur. Pour eux, être imaginatifs et parfois fantasques, Accenture (ou andersen Consulting avant), avait un peu l'image d'une école d'application, mais pas d'une branche où l'on puisse faire carrière. Un peu comme l'armée, on reste un temps, et si on aime la liberté, on finit par se barrer dans le civil.

Mais, le plus amusant, c'est que malgré la bêtise récurrente des recruteurs, qui pensent qu'ils suffit de peindre des rayures sur un âne pour le transformer en tigre, le réel ne ment pas. Tandis que, sous l'emprise d'une lubie incompréhensible, Accenture, décidait de jouer les jeunes et les foufous, je recevais depuis quelques temps déjà plusieurs patients salariés chez eux. Ces jeunes gens, bardés de diplômes et créatifs, sont venus semaine après semaine me conter combien ils étaient malheureux chez Accenture. Non que la boîte soit mauvaise, mais simplement qu'elle était inadaptée à ce qu'ils étaient.

Les quatre ont finalement foutu le camp ou s'apprêtent à le faire, minés par le côté pointilleux, peu créatif, trop administratif de leur employeur. L'un(e) d'eux m'avait d'ailleurs expliqué qu'un soir, il(elle) avait du rester jusqu'à une heure du matin au bureau parce que son abruti de chef de mission, voulait à tout prix lui faire refaire son document Powerpoint pour le rendre plus joli, ergotant sur les couleurs et les virgules. Comme me l'expliquait en substance ce(tte) patient(e) : "je ne me suis pas tapé une sup de co et un master, pour jouer les secrétaires, tout ça pour un crétin obsessionnel et borné".

Ceci dit, et je me dois de rétablir la vérité, tout ceci ne concerne évidement pas qu'Accenture et je reçois souvent des jeunes à qui on a promis monts et merveilles, puis qui se retrouvent à s'emmerder à cent sous de l'heure. Alors souvenez-vous chers recruteurs que ce n'est pas parce que vous recruterez des techniciens de surface plutôt que des balayeurs, que vous rendrez le boulot consistant à passer le balai plus passionnant. La carte peut-être appétissante, si ce que vous mettez dans l'assiette est médiocre, les gens se barreront.

Alors, pour pas un rond, c'est cadeau, totally free, je voudrais expliquer à ces pitres de recruteurs, que recruter des hauts potentiels, un peu atypiques, nécessite d'avoir en face des gens taillés comme eux pour les gérer et les faire évoluer. Car c'est toujours le défaut des gens capables, imaginatifs et intelligents, que vous rêvez de recruter : ils s'ennuient vite quand ils ne sont plus intelligemment stimulés !

Juste pour rire !

1 Comments:

Blogger Alexis said...

J'adore le cigle Enron...et vous ne croyez pas si bien dire...un autre Enron n'est jamais bien loin.

4/9/07 4:22 PM  

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