07 janvier, 2008

Avenir de la France !


Il faut relire un des chapitres de "De la démocratie en Amérique intitulé :

« Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre ».

L'auteur, Alexis de Tocqueville, y explique que les souverains du passé disposaient d’«un pouvoir immense et sans contrepoids», que «leur tyrannie pesait prodigieusement sur quelques-uns [mais] ne s’étendait pas sur un grand nombre». Le despotisme démocratique, quant à lui, « aurait d’autres caractères » : « il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Le souverain démocratique « étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes […] et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ». Tocqueville avouait avoir du mal à nommer cette « sorte de servitude, réglée, douce et paisible ». Voici le texte complet ci-dessous.

« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.

Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?

C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses; elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »

Tocqueville, De la Démocratie en Amérique


Comme dans les pays de l'Est, vous vous apercevrez, un jour, faute d'esprit de résistance, que votre pire ennemi est, en fait, votre voisin. Il viendra un temps où il vous dénoncera aux autorités publiques. Mais, rassurez-vous c'est déjà fait.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Platon rapporte que les idées sont préexistantes à l'Homme.

C'est exactement la position de toutes les traditions authentiques, dont on garde le fil conducteur dans l'église catholique, dans l'islam véhiculé par le soufisme, dans l'hindouisme, et dans la Kabbale hébraïque.

C'est aussi la position prise au XX° siècle par René Guénon.

Ce courant de pensée est porteur de la philosophia perennis, la Sagesse Transcendante et inamovible, reçue par un petit nombre en période sombre, et étendue à toute la caste sacerdotale pendant les périodes lumineuses.

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Pourquoi ce long avant propos ?

Car précisément je suis plongé depuis un mois dans la relecture de Tocqueville, et mon bloggeur préféré devant l'Eternel ressort de son chapeau des extraits du même auteur éclairant la situation contemporaine.

J'ai l'immodestie de croire que j'ai une trop forte proximité intellectuelle avec le psy n°1 de la Toile, pour que ce soit le fruit du pur hasard.

Je crois que nous avons puisé ensemble dans ce monde des idées décrit par Platon.

Carl Gustav Jung désigne sous le nom de "synchronicité" ce type de correspondances temporelles. J'ai toujours regretté que Jung ait tant cérébralisé ses perceptions du monde, car il était tout équipé pour produire des écrits inspirés. Jung est trop bavard et confus, il n'a pas su maîtriser la source qu'il avait pourtant atteinte. Peut-être l'époque ne s'y prétait pas encore...

Toju

( nonobstant tout zurnisme )

8/1/08 2:23 PM  
Anonymous Anonyme said...

Et quel est l'instrument par excellence de ce despotisme démocratique ?
La télévision, outil merveilleux, dont nos dirigeants ont parfaitement compris l'utilité.

8/1/08 3:28 PM  

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