16 juin, 2008

L'étrange Monsieur L.


L. semble toujours m'en vouloir pour un article, certes peu flatteur que j'avais publié voici près de deux ans. Bien que j'aie ôté ce texte et présenté mes excuses les plus sincères, L. n'est pas satisfait. Il aurait voulu que je lui téléphone. J'aurais pu le faire, cela ne me dérangeait pas, je sais reconnaitre mes fautes, même si cet article était plutôt drôle.

Le problème est que L. aurait exigé de moi une sorte de reddition sans conditions. Je le connais tellement bien que je l'imagine me fixant un rendez-vous. Une fois en ma présence, il aurait pontifié, joué le pater familias outragé, me tançant vertement en m'amenant à prendre la position du vilain garnement pris sur le fait la main dans le pot de confiture.

Si je sais reconnaitre mes torts, je n'aime pas ce genre de situation parce que j'ai ma fierté. J'ai présenté mes excuses en expliquant les raisons pour lesquelles j'avais commis cet article. Si L. avait pu me dire qu'il admettait avoir lui même eu des torts mais que j'avais exagéré, j'aurais acquiescé. En revanche, me faire sermonner injustement ne rentre pas dans mes intentions. Préserver une amitié à ce prix ne m'intéresse pas.

Alors, j'avais expliqué à L. que, tant pis, puisqu'il prenait les choses ainsi, nous ne nous reverrions plus. Je crois avoir rajouté qu'il se punirait lui-même parce que je ne comprenait pas comment on pouvait être fou au point de se passer de moi. Mais l'orgueil que l'on retrouve souvent dans la paranoïa est fou. Les choses en étaient restées là.

Samedi nous organisions une soirée à laquelle L. était bien sûr convié. Le connaissant bien, j'étais persuadé qu'il imaginait que je lui téléphonerais, pour reconnaitre mes torts et surtout ceux que je n'avais pas, simplement pour qu'il daigne venir à cette soirée. Le drôle se faisait désirer comptant sur mon empathie pour régler le problème à son avantage.


Peu de temps avant, il entra en contact avec mon épouse laquelle lui expliqua qu'il n'avait qu'à me téléphoner et qu'elle n'avait rien à voir dans tout cela. Je ne l'appelai pas me contentant de lui envoyer un SMS dans lequel je lui demandai s'il boudait toujours. Les choses en restèrent là.

Une quarantaine d'invités vint à cette soirée. Mon intuition me disait que L. ne résisterait pas à l'envie de venir. Je l'imaginais plongé dans les affres de l'angoisse. Rester campé sur ses positions ombrageuses quitte à regarder la télévision ou venir tout de même, quitte à ravaler son orgueil.

Parce que je pense être un assez bon profileur, j'avais fait le pari qu'il viendrait. Aux quelques personnes qui me demandaient pourquoi L. n'était pas là, je répondais sans entrer dans le détail qu'il boudait mais qu'il viendrait sans doute. La soirée battait son plein. Dans le salon, des convives dansaient tandis que dans la bibliothèque, deux gros amplis Fender faisaient cracher les watts des guitares d'un petit concert improvisé. En hôte courtois, je vaquais d'un groupe à l'autre, allant tortiller de la croupe sur le son de la dance music puis retournant écouter les accords rageurs de l'Epiphone Casino et de la Telecaster.

Il devait être près de trois heures du matin, lorsque dans les escaliers, je croisai un petit homme brun au visage fermé : comme prévu, L. était venu. Je lui fis bon accueil, échangeai quelques mots avec lui, le remerciant d'être finalement passé. Je crois qu'il aurait aimé que l'on aborde notre différend, ce que je voulus pas faire estimant que ce n'était ni l'endroit ni le moment.

Pauvre L. ! Je me le représentais chez lui face à un programme débile de la TNT, songeant à la super soirée se déroulant à quelques kilomètres de là. Je l'imaginais rendu fou par la frustration d'être chez lui à s'emmerder plutôt qu'être avec nous, se rhabiller sur le coup de deux heures du matin, n'y tenant plus, puis sauter dans sa voiture pour venir à cette soirée. Il resta un peu plus d'une heure, repartant aussi mystérieusement qu'il était venu.

Les enfants sont souvent ainsi. Lorsqu'ils se mettent à bouder, quoique l'on fasse, ni supplique, ni menace, ne vient à bout de leur courroux. Alors ils courent se cacher dans leur chambre espérant qu'on cèdera face au caprice, les suppliant de venir. Puis, une fois qu'on les laisse bouder, les voici inquiets. Ils tendent l'oreille, comprennent que là-bas dans le salon la vie continue. C'est un bouleversement de constater que le monde ne tourne pas autour d'eux mais même sans eux. Tôt ou tard, ils se plieront à cette douloureuse réalité.

J'avais raison, L. a préféré renoncer à son orgueil gigantesque pour honorer notre soirée de sa présence.

Je dois être une drogue dure.

3 Comments:

Blogger El Gringo said...

Sans parler des victimes collatérales du conflit…

16/6/08 12:05 PM  
Blogger GCM said...

absolument !

16/6/08 10:10 PM  
Blogger philippe psy said...

Que s'est-il passé ? Je n'ai pas tout suivi !

16/6/08 11:30 PM  

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