Bruxisme !

La voiture d'un maître du lâcher prise ne craignant pas le ridicule car indifférent au jugement d'autrui.
(Pour les connaisseurs, c'est une Arola 12)

Je suis allé voir mes statistiques sur Webstat. Ça va, moi qui n'ai rien foutu depuis quelques jours, c'est assez stable. J'ai aussi regardé d'où venaient les visiteurs. J'ai constaté qu'un blog nommé Réticule m'envoyait du monde. Je ne sais pas pourquoi il a choisi ce nom qui a deux acceptions, petit sac ou instrument de visée.

Je suis passé voir le blog. Dans la colonne droite, le titre de mon blog rien qu'à moi, figure dans les liens sous la rubrique Bruxisme. Et là, je me suis demandé pourquoi. Ben oui, pourquoi figurer sous la rubrique bruxisme. Le bruxisme, c'est un grincement de dents nocturne qui touche environ cinq pour cent de la population.

Si vous voulez tout savoir, il existe une bruxisme centré, quand la personne ne fait que serrer les dents, et un bruxisme excentré, quand la personne grince des dents. On attribue le bruxisme au stress. On grincerait des dents à défaut de mordre. Le bruxisme, je ne sais pas pourquoi, est l'un des premiers trucs que j'ai appris en psychopathologie. Dans le même cours, on avait abordé le mérycisme qui est un truc assez crade consistant à régurgiter et à ruminer pathologiquement les aliments chez l'être humain.

Jeune, je me croyais intelligent, un peu comme GCM qui affirme avoir 147 de QI (n'importe quoi!) mais maintenant que je n'ai plus d'égo, je sais que c'est faux et que je suis un individu moyen. Alors moi qui au départ n'avait rien compris, au fur et à mesure que j'écris cet article, je comprends pourquoi le rédacteur de Réticule nous met tous dans cette rubrique. Sans doute parce qu'on serre les dents à défaut de pouvoir agir. On n'aime pas notre vilaine époque mais on serre les dents et nos tits poings ! Il n'est pas idiot ce type. Il gagne d'ailleurs le droit de figurer dans mes liens sous la rubrique Liens réciproques, dans laquelle je colle les url des gens qui font figurer mon blog dans leurs liens à eux ! Quel veinard !

Quoiqu'à la réflexion, même si son cheminement intellectuel tient la route, il ne s'applique plus vraiment à moi. Voici bien des années que je ne serre plus les dents en attendant que cela passe.

D'une part, attendre que cela se passe, c'est mon truc. Il n'y a pas moins entreprenant que moi. A part lire et réfléchir, je ne sais rien faire d'autre. Tenez, j'ai tenté d'être sur une liste électorale aux municipales et j'ai trouvé cela chiant. Je préfère être copain d'un élu, on a les mêmes avantages sans se casser la tête.

Voici quelques siècles, j'aurais fait curé, qui est un boulot où on n'agit pas trop non plus. Et puis avant, j'aurais fait philosophe parce que j'aime bien parler et jouer les sages. Et aujourd'hui, je ferais bien sénateur parce que le lieu de travail me plait, qu'on n'en fout pas lourd et qu'on ne voit jamais la gueule des électeurs à qui on n'est pas obligé de serrer la pince les jours de marché. Enfin bref que des trucs où l'on reste le cul dans son fauteuil. Autant vous dire qu'il y a peu de chance pour que je me fasse péter les couronnes en faisant du bruxisme.

Et puis, même si j'aimais agir, ce qui n'est pas mon cas, je n'agirais pas. J'aime trop le stoïcisme pour envisager d'agir. Non, comme l'enseigne Lao Tseu, qui devait être capricorne comme moi :
"Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de l'eau, et bientôt tu verras passer son cadavre dans la rivière."

Les courants psychologistes contemporains parlant de développement personnel, et qui réinvente le stoïcisme et le cynisme deux mille ans plus tard, ont un nom pour cela. Ça s'appelle le "lâcher prise".

Lâcher prise, c'est se placer en observateur sans monologues intérieurs ni analyses ou pensées, se laisser totalement envahir par l'image qui vient à nous. Lâcher prise, c'est accueillir l'émotion ou la sensation sans faire intervenir le mental. C'est ressentir sans nourrir de pensées, laisser les pensées s'envoler d'elles mêmes sans essayer de les chasser.

Tenez, quand on s'entraîne au lâcher prise, on peut parvenir un stade de détachement tel qu'on croit qu'Ingrid Betancourt a été libérée par l'armée colombienne, sans qu'une rançon ne soit versée comme ils le disent à la TV ! C'est fou non !?

L'étape ultime du cheminement sur la dure voie du Lâcher prise, c'est de parvenir à regarder cette vidéo sans être tenté de rire UNE SEULE FOIS. Mais là, ce n'est pas facile, c'est réservé aux maîtres du Lâcher prise ! Moi, je ne réussis pas encore totalement puisque je ris toujours à la fin quand le chanteur engagé lève son poing vengeur, tourne un visage déterminé vers la caméra et profère d'un ton énergique : "Libertad !" Si vous voulez vous tester, rendez-vous là ! Et attention, il faut regarder jusqu'à la fin !

C'est ça le lâcher prise, c'est magique ! Alors ne me parlez pas de bruxisme ! Je ne serre pas les dents, moi ! J'aurais plutôt tendance à rigoler.