27 juin, 2008

Vive l'été !

Epargnez-nous cela !

Mardi dernier je recevais une nouvelle patiente. Le temps est chaud et moite. La demoiselle vient court et légèrement vêtue. En bon professionnel, super neutre, je ne remarque évidemment rien de tout cela, concentré comme je le suis sur la problématique qu'elle va soumettre à ma sagacité légendaire. Je suis dans les starting-blocks, mon regard bleu acier et pénétrant rivé sur ses yeux.

Comme je me dis chaque fois que je reçois un nouveau cas : "toi mon grand(e), tu as choisi le meilleur alors je vais me montrer à la hauteur de tes espérances les plus folles et te prouver que la perfection s'incarne en moi". C'est ainsi, l'humilité : je suis tombé dedans quand j'étais petit.

La belle s'assied donc face à moi et commence à me raconter sa vie. Parce qu'il faut que je vous dise, chaque fois que je reçois un nouveau patient je lui demande "Que puis-je faire pour vous ?". Je trouve la formule vachement classe, ça fait profession de service avec le mec qui a parfaitement compris qu'il n'était pas là pour jouer le beau mais bien pour aider la personne en face. Je suis un tueur !

Alors, elle me parle et je l'écoute vachement religieusement, on entendrait une mouche voler, même si de temps à autre, je l'interromps pour comprendre et préciser certaines choses. Parce que dans mon boulot, il faut pas d'approximations, de trucs faux car, comme chacun le sait, ça mène tout droit à la perdition le mensonge. Or moi, je suis là pour amener les gens vers plus de vérité et d'autonomie, ou en gros un truc dans le genre. Et si ici, je peux être rigolo, au taf, je suis un mec carré, jugulaire jugulaire !

Mais revenons à nos moutons, la patiente me parle. Je l'écoute et d'un coup, d'un seul, je vois qu'elle se livre à une activité curieuse. Alors, qu'elle est plutôt soignée, elle porte des sandales plates, avachies et moches. Le genre de savates qu'on lui jetterait à travers la tronche si jamais elle s'avisait d'en faire don au Secours Populaire, au motif qu'on doit respecter les gens même s'ils sont pauvres et ne pas leur donner des daubes qu'on voulait jeter.

Mais bon, les chaussures qu'elle porte je m'en fous. En revanche, je ne sais pas si elle porte des chaussures depuis longtemps. En effet, elle a croisé une jambe, et j'aperçois son pied nu. Je n'ai jamais vu autant de corne ! Le talon est jaunâtre et épais, c'est à vomir. A croire qu'elle a toujours marché pieds nus sur de la pierraille et qu'elle ne porte des chaussures que depuis la veille. C'est à dégouter le "fétichiste" le plus acharné !

Le genre de détail tue-l'amour quand on est un peu porté sur l'hygiène. C'est aussi ragoutant que des cheveux gras ou des aiselles moites et poilues, encore qu'il doit bien y avoir des bargeots pour apprécier. Même que cela ne m'étonnerait pas que dans les prochains jours, des quidams débarquent sur mon blog en ayant tapé "aisselles poilues et moites" sur Google.

Mais non contente d'avoir des pieds qui ressemblent à des sabots d'équidé qui n'aurait pas vu le palefrenier depuis dix ans au moins, la belle se livre a une pratique intéressante. Elle saisit des bouts de corne entre les ongles longs de son pouce et de son index, tire un peu, pour consciencieusement les jeter sur mon beau tapis. Je l'écoute, mais de temps à autre, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil anxieux sur mon tapis qui commence à se couvrir de petites squames salingues.

Alors pour ceux qui ne sauraient pas, la squame est une lésion secondaire. Elle est le résultat d'un détachement de la couche cornée, normale ou pathologique. Les cellules cornées sont peu adhérentes, entraînant une desquamation. Voilà, vous aurez eu un cours de dermatologie. Sympa non ? Et justement parce que c'est peu adhérent les squames, la demoiselle semble prendre un plaisir fou à se les détacher des talons pour en égayer les motifs pourtant déjà gais de mon joli tapis pure laine.

C'est rigolo parce qu'un jour Laurence m'a demandé pourquoi je n'avais pas fait médecine. Je lui ai répondu que d'une part j'étais trop fainéant et qu'enfin, je n'aimais pas trop tripoter les gens et surtout qu'en médecine ça pouvait être cracra. Alors peut-être que j'aurais pu faire psychiatrie, à condition de réussir l'internat, mais qu'être généraliste, ben bof, fallait toucher des gens. Et que justement la psycho, j'aimais bien parce que j'utilisais mon cerveau pour aider les gens, sans les toucher. C'est mon côté débile, comme Howard Hugues, réputé pour ses phobies et ses obsessions, qui d'ailleurs était capricorne comme moi.

Et là, je repense à cette conversation et je me dis que même ma profession ne me met pas à l'abri des cradingueries des gens. C'est terrible. Moi qui suis aussi sensible qu'une jeune fille de douze ans, voici que j'en suis réduit à voir des petits bouts de peau jaunâtres sur mon beau tapis. Si je n'étais pas aussi bien éduqué, j'en gerberais. Ou du moins, je dirais à la demoiselle de cesser immédiatement de semer ses peaux mortes chez moi. Ça me rappelait l'ex-mannequin que je recevais et qui avait demandé une fois à utiliser mes toilettes, avait fait la grosse commission, et était sortie sans s'être lavé les mains. Tout ça je ne peux pas !

Le plus rigolo c'est que cette jeune patiente est en train de me parler de ses difficultés avec les hommes. Elle vient de se faire plaquer et elle est triste. Si j'étais méchant, je lui demanderais bien si la rupture n'a pas coïncidé avec l'arrivée du beau temps ? Si je daignais sortir du cadre qui est le mien, je lui conseillerais de porter des bottes ou bien d'appliquer une crème quelconque, que cela pourrait l'aider en amour. Mais bon, je suis un gars sympa et j'écoute tant et si bien qu'à la fin, elle est satisfaite puisqu'elle me redemande un rendez-vous.

Je la raccompagne à la porte que j'ouvre de la main droite, ce qui me permet de la saluer d'un joli sourire et d'un gracieux signe de tête, sans lui serrer la main.

Pourvu que mardi prochain il pleuve !


En vente chez tous les bons psys !

6 Comments:

Blogger Paul Touron said...

Vous avez dû remarquer que Laure Allibert a mis son blog en standby.Est-ce un passage dépressif (et dans ce cas je compte sur vous pour qu'elle aille mieux) ou a-t-elle réglé quelque nœud mental et n'éprouve-t-elle plus le besoin d'attaquer les moulins à vent ? Si c'est le cas il faudrait lui expliquer que sa guerre est juste et qu'elle doit la poursuivre même si ses problèmes sont réglés !

27/6/08 10:24 AM  
Blogger Gold said...

Les Psy sont décidément plus tarés que leur patient. Perso j'ai en difficulté étant adolescent. Même psychologiquement en dessous de tout, j'ai perçu qu'ils pouvaient rien pour moi, par contre je pouvais faire un truc pour eux, les occuper un peu.

27/6/08 6:20 PM  
Blogger Baudricourt said...

Si vous n’aimez pas ça n’en dégoûtez pas les autres !
A chercher les détraqués, si en plus vous leur tendez bâton…
Amateur de tarte au poils et tabliers de sapeurs,
Cher docteur, je vous aurais bien joint quelques images de jeunes filles natures de ma collection,
Aux aisselles exhalant leurs sucs enivrants de phéromones, bien que nous déplorions que les images en odorama n’existassent point.
Je vous laisserez au souvenir du formidable film de Ferreri de 1964
« La donna scimmia » avec Annie Girardot, beau rêve :
http://www.repubblica.it/trovacinema/rendercmsfield.jsp?field_name=Image&id=281357

27/6/08 9:24 PM  
Blogger Stéphanie said...

Ca doit demander un grand self-control vos rendez-vous parfois !
J'aurais explosé de rire en la voyant arracher ses petites peaux tout en parlant de ses problèmes amoureux.
Pour le prochain rendez-vous : a priori il va faire beau donc une bonne bâche sous son siège et voilà !
Mais à part ça, c'est vrai que vous êtes un peu chochotte, les vrais hommes aiment les cochonnes, on m'avait dit...

29/6/08 12:21 AM  
Anonymous Anonyme said...

Je comprends que parfois un psy puisse avoir des réticences à garder certains patients.Dans le cas de cette jeune femme,son problème de "pied" est probablement un symptôme de quelque chose de plus sérieux. Mais pour en savoir davantage, la seule solution c'est de la revoir. Alors bon courage ! Mais comme vous être un psy très compétent, je ne doute pas que vous réussirez à dépasser votre dégout.

Bonne continuation

29/6/08 4:14 PM  
Blogger Laurence said...

et le curage de nez, tu aimes ?

29/6/08 7:19 PM  

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