La fille d'à côté ... (4) Explications
La maison où s'est passé le drame a été vide durant des années pour être finalement démolie en avril 2009. Elle a longtemps été réputée hantée par le fantôme de Sylvia Likens.
L'histoire semble étonnante parce que les événements se sont passés devant témoins. On a maltraité jusqu'à ce que mort s'ensuive une adolescente et personne n'a rien dit. Qu'ils 'agisse des témoins directs, qui ont assisté à ces scènes ou encore d'adultes à qui l'on a relaté les faits, personne n'a vraiment rien tenté pour la sauver.
Comme l'explique quelqu'un commentait cette affaire : "Les évènements ressemblent à la torture d'un insecte capturé par un groupe d'enfants un peu pervers". De fait, on y retrouve la insensibilité, la même absence de limite morale, le même sentiment paisible de toute puissance qu'on ne trouve que chez les sociopathes ou les psychopathes et que les enfants cessent normalement très tôt d'éprouver pour devenir des adultes responsables.
Sylvia Likens a été torturée longtemps et par beaucoup de monde. C'est en cela que son cas est exemplaire. Les enfants battus sont généralement le fait d'un parent ou d'un tuteur violent. Les meurtres ou torture en bande existent mais ils sont des actes de forte intensité et de courte durée. Ici groupe et durée sont réunis et trouver une explication semble difficile difficile. Pourtant cette explication existe mais doit passer par différents niveaux de compréhension allant du général au particulier.
Il y a d'abord l'époque à laquelle les faits se déroulent. En 1965, l'enfant se tait et l'adulte est tout puissant. Si l'enfant est battu c'est nécessairement qu'il a commis un acte répréhensible et il en viendra pas à l'idée de quelqu'un de mettre en doute le comportement de l'adulte : c'est le pot de terre contre le pot de fer. Rappelons qu'il s'agit aussi d'une petite ville du Middle-West et non d'une grande métropole aux idées "plus avancées". D'ailleurs, cette tortionnaire justifie son comportement par le fait que c'est une attitude normale pour un adulte de corriger une enfant jugée difficile. Ses mauvais traitement aussi odieux soient-ils trouvent aux yeux de Gertrude Baniszewski leur justification dans les principes éducatifs de l'époque.
Il y a ensuite le milieu social qui joue. Gertrude Baniszewski appartient au lumpen-prolétariat, elle fait partie du quart-monde. Femme abandonnée, elle se débat comme elle peut pour élever ses sept enfants en effectuant de menus travaux domestiques. Dans ce milieu prospère une réelle misère matérielle, affective et psychologique. C'est la survie qui prime et les sentiments d'altruisme passent au second plan.
La dureté de la vie transforment un individu. On a ainsi pu constater que si le jeune soldat de 1914 pleure la perte de son camarade mort, en 1916 il pourra fumer sa pipe à côté d'un monceau de cadavres sans éprouver d'émotions particulières. La guerre ne l'a certes pas transformé en sadique mais a simplement provoqué un émoussement affectif nécessaire pour tenir sans devenir fou. On pourrait trouver la même dégradation morale chez un individu soumis à des conditions carcérales difficiles. Il en va de même pour Gertrude chez qui par exemple la mort d'un enfant n'est pas dramatique mais simplement analysée comme "une bouche de moins à nourrir". Les épreuves et sans doute un état dépressif majeur devenu chronique ont altéré les capacités cognitives de cette femme pour qui la vie n'est qu'une succession d'épreuves sans fin contre lesquelles elle s'est endurcie.
Lorsque l'on s'intéresse à la personnalité de Gertrude, on note que c'est une femme bafouée et abandonnée seule avec sept enfants. Sa "condition de femme", via ses grossesses successives, a fait d'elle une victime. Lors de son procès, Gertrude expliquera d'ailleurs qu'elle voulait donner une leçon à Sylvia pour lui apprendre que les femmes souffrent toujours à cause de leurs désirs. L'aversion de Gertrude vis à vis de Sylvia s'explique psychologiquement de trois manières. :
1/ D'une part, on peut l'imaginer jalouse de la jeune et jolie Sylvia qui a la vie devant elle tandis que Gertrude a tout raté ;
2/ On peut aussi admettre que face à cette jeune Sylvia qui commence sa vie de femme, Gertrude se pose vraiment en éducatrice afin de lui épargner ce qu'elle a elle-même vécu, à savoir une historie d'amour médiocre l'ayant laissée seule avec sept enfants à charge. S'en prendre ainsi à la féminité de Sylvia, même si cela apparait délirant, peut constituer une tentative pathologique de corriger le destin de Sylvia. En agissant comme un monstre, il n'est pas certain que Gertrude ait conscience d'en être un. Gertrude n'est pas stricto sensu une sociopathe.
3/Enfin Gertrude déteste sans doute sa propre féminité qui l'a amenée à fréquenter des hommes qui ont fait son malheur, ce qu'elle est : une pauvre femme vieillie avant l'âge vivant misérablement. En s'attaquant à la jeune Sylvia, elle ne ferait que projeter son propre dégoût d'elle-même. La féministe américaine Kate Millet a d'ailleurs consacré un ouvrage "The basement : Meditations on a Human Sacrifice" à l'affaire qu'elle analyse comme une volonté d'oblitérer la féminité.
Enfin, plus techniquement, la psychopathologie permet aussi d'envisager un état dépressif sévère chez Gertrude, sans doute compliqué par une personnalité paranoïaque. La rencontre avec Sylvia Likens la fera simplement décompenser, la faisant entrer dans ce que l'on nomme un délire non schizophrénique, une suite de comportements aberrants pourtant logique à ses propres yeux. Rappelons que durant longtemps, les psychiatres appelèrent la paranoïa la folie raisonnante.
L réalité de l'affaire est que bien plus que des "mauvais traitements ayant entrainés la mort," il s'agit bel et bien d'un sacrifice humain. Sylvia Likens a été offerte en sacrifice sur l'autel de la paranoïa de Gertrude
Quant aux témoins, au premier rang desquels figurent sa propre fille ainée Paula, son petit ami et un ami de ce dernier, plus des enfants du voisinage, l'expérience de Milgram. Dans les faits, autorisés, mais surtout encouragés et aidés et supervisés par une mère délirante, les adolescents du voisinage libèrent leur tension sexuelle dans le sadisme.
Comme l'avait démontré la terrible expérience de Milgram, la permission d'outrepasser les codes moraux donnée par une autorité permet à presque tout un chacun de s'en abstraire. Les travaux du philosophe et sociologue allemand Théodore Adorno sur la "personnalité autoritaire" propose la même explication. La présence active ou passive de ces témoins et surtout le fait qu'ils aient fait corps avec la tortionnaire sans s'émouvoir des souffrances de la jeune Sylvia Likens n'est donc pas un mystère. Il faut que la justice fasse irruption pour briser cette alliance mortifère entre cette femme paranoïaque délirante et ces jeunes qui sont devenus ses adeptes.
Rappelons aussi que l'entourage sain, assistante sociale, pasteur ou voisin, n'a absolument rien fait pour faire cesser ce calvaire. On pourra reprocher à l'assistante sociale son manque de conscience professionnel criminel. Quant pasteur, il commet l'erreur de bien des religieux consistant à proposer une solution surnaturelle (la prière) à un problème strictement naturel tel que les mauvais traitements. S'agissant des voisins ayant su ou pressenti qu'il se passait quelque chose mais ne sont pas intervenus, on retrouve le comportement classique des gens qui préfèrent se taire pour se concentrer sur leur propre vie.
L'affaire Sylvia Likens, quelle que soit son atrocité, n'a donc rien de bien mystérieux. Un milieux sordide dans lequel évolue une femme dépressive aux tendances paranoïaques qui va décompenser lorsqu'elle se retrouve face à une jolie jeune femme. Pour le côté phénoménal de l'affaire, on rajoute une kyrielle de témoins subjugués par la personnalité terrifiante de cette femme, comme des adeptes par un gourou.
Et pour clore cette horreur et restituer toute sa banalité atroce à ce fait divers, ne reste plus qu'à rajouter tous ceux qui ont su, se sont doutés, ont été avertis mais n'ont rien voulu savoir.
Comme l'explique quelqu'un commentait cette affaire : "Les évènements ressemblent à la torture d'un insecte capturé par un groupe d'enfants un peu pervers". De fait, on y retrouve la insensibilité, la même absence de limite morale, le même sentiment paisible de toute puissance qu'on ne trouve que chez les sociopathes ou les psychopathes et que les enfants cessent normalement très tôt d'éprouver pour devenir des adultes responsables.
Sylvia Likens a été torturée longtemps et par beaucoup de monde. C'est en cela que son cas est exemplaire. Les enfants battus sont généralement le fait d'un parent ou d'un tuteur violent. Les meurtres ou torture en bande existent mais ils sont des actes de forte intensité et de courte durée. Ici groupe et durée sont réunis et trouver une explication semble difficile difficile. Pourtant cette explication existe mais doit passer par différents niveaux de compréhension allant du général au particulier.
Il y a d'abord l'époque à laquelle les faits se déroulent. En 1965, l'enfant se tait et l'adulte est tout puissant. Si l'enfant est battu c'est nécessairement qu'il a commis un acte répréhensible et il en viendra pas à l'idée de quelqu'un de mettre en doute le comportement de l'adulte : c'est le pot de terre contre le pot de fer. Rappelons qu'il s'agit aussi d'une petite ville du Middle-West et non d'une grande métropole aux idées "plus avancées". D'ailleurs, cette tortionnaire justifie son comportement par le fait que c'est une attitude normale pour un adulte de corriger une enfant jugée difficile. Ses mauvais traitement aussi odieux soient-ils trouvent aux yeux de Gertrude Baniszewski leur justification dans les principes éducatifs de l'époque.
Il y a ensuite le milieu social qui joue. Gertrude Baniszewski appartient au lumpen-prolétariat, elle fait partie du quart-monde. Femme abandonnée, elle se débat comme elle peut pour élever ses sept enfants en effectuant de menus travaux domestiques. Dans ce milieu prospère une réelle misère matérielle, affective et psychologique. C'est la survie qui prime et les sentiments d'altruisme passent au second plan.
La dureté de la vie transforment un individu. On a ainsi pu constater que si le jeune soldat de 1914 pleure la perte de son camarade mort, en 1916 il pourra fumer sa pipe à côté d'un monceau de cadavres sans éprouver d'émotions particulières. La guerre ne l'a certes pas transformé en sadique mais a simplement provoqué un émoussement affectif nécessaire pour tenir sans devenir fou. On pourrait trouver la même dégradation morale chez un individu soumis à des conditions carcérales difficiles. Il en va de même pour Gertrude chez qui par exemple la mort d'un enfant n'est pas dramatique mais simplement analysée comme "une bouche de moins à nourrir". Les épreuves et sans doute un état dépressif majeur devenu chronique ont altéré les capacités cognitives de cette femme pour qui la vie n'est qu'une succession d'épreuves sans fin contre lesquelles elle s'est endurcie.
Lorsque l'on s'intéresse à la personnalité de Gertrude, on note que c'est une femme bafouée et abandonnée seule avec sept enfants. Sa "condition de femme", via ses grossesses successives, a fait d'elle une victime. Lors de son procès, Gertrude expliquera d'ailleurs qu'elle voulait donner une leçon à Sylvia pour lui apprendre que les femmes souffrent toujours à cause de leurs désirs. L'aversion de Gertrude vis à vis de Sylvia s'explique psychologiquement de trois manières. :
1/ D'une part, on peut l'imaginer jalouse de la jeune et jolie Sylvia qui a la vie devant elle tandis que Gertrude a tout raté ;
2/ On peut aussi admettre que face à cette jeune Sylvia qui commence sa vie de femme, Gertrude se pose vraiment en éducatrice afin de lui épargner ce qu'elle a elle-même vécu, à savoir une historie d'amour médiocre l'ayant laissée seule avec sept enfants à charge. S'en prendre ainsi à la féminité de Sylvia, même si cela apparait délirant, peut constituer une tentative pathologique de corriger le destin de Sylvia. En agissant comme un monstre, il n'est pas certain que Gertrude ait conscience d'en être un. Gertrude n'est pas stricto sensu une sociopathe.
3/Enfin Gertrude déteste sans doute sa propre féminité qui l'a amenée à fréquenter des hommes qui ont fait son malheur, ce qu'elle est : une pauvre femme vieillie avant l'âge vivant misérablement. En s'attaquant à la jeune Sylvia, elle ne ferait que projeter son propre dégoût d'elle-même. La féministe américaine Kate Millet a d'ailleurs consacré un ouvrage "The basement : Meditations on a Human Sacrifice" à l'affaire qu'elle analyse comme une volonté d'oblitérer la féminité.
Enfin, plus techniquement, la psychopathologie permet aussi d'envisager un état dépressif sévère chez Gertrude, sans doute compliqué par une personnalité paranoïaque. La rencontre avec Sylvia Likens la fera simplement décompenser, la faisant entrer dans ce que l'on nomme un délire non schizophrénique, une suite de comportements aberrants pourtant logique à ses propres yeux. Rappelons que durant longtemps, les psychiatres appelèrent la paranoïa la folie raisonnante.
L réalité de l'affaire est que bien plus que des "mauvais traitements ayant entrainés la mort," il s'agit bel et bien d'un sacrifice humain. Sylvia Likens a été offerte en sacrifice sur l'autel de la paranoïa de Gertrude
Quant aux témoins, au premier rang desquels figurent sa propre fille ainée Paula, son petit ami et un ami de ce dernier, plus des enfants du voisinage, l'expérience de Milgram. Dans les faits, autorisés, mais surtout encouragés et aidés et supervisés par une mère délirante, les adolescents du voisinage libèrent leur tension sexuelle dans le sadisme.
Comme l'avait démontré la terrible expérience de Milgram, la permission d'outrepasser les codes moraux donnée par une autorité permet à presque tout un chacun de s'en abstraire. Les travaux du philosophe et sociologue allemand Théodore Adorno sur la "personnalité autoritaire" propose la même explication. La présence active ou passive de ces témoins et surtout le fait qu'ils aient fait corps avec la tortionnaire sans s'émouvoir des souffrances de la jeune Sylvia Likens n'est donc pas un mystère. Il faut que la justice fasse irruption pour briser cette alliance mortifère entre cette femme paranoïaque délirante et ces jeunes qui sont devenus ses adeptes.
Rappelons aussi que l'entourage sain, assistante sociale, pasteur ou voisin, n'a absolument rien fait pour faire cesser ce calvaire. On pourra reprocher à l'assistante sociale son manque de conscience professionnel criminel. Quant pasteur, il commet l'erreur de bien des religieux consistant à proposer une solution surnaturelle (la prière) à un problème strictement naturel tel que les mauvais traitements. S'agissant des voisins ayant su ou pressenti qu'il se passait quelque chose mais ne sont pas intervenus, on retrouve le comportement classique des gens qui préfèrent se taire pour se concentrer sur leur propre vie.
L'affaire Sylvia Likens, quelle que soit son atrocité, n'a donc rien de bien mystérieux. Un milieux sordide dans lequel évolue une femme dépressive aux tendances paranoïaques qui va décompenser lorsqu'elle se retrouve face à une jolie jeune femme. Pour le côté phénoménal de l'affaire, on rajoute une kyrielle de témoins subjugués par la personnalité terrifiante de cette femme, comme des adeptes par un gourou.
Et pour clore cette horreur et restituer toute sa banalité atroce à ce fait divers, ne reste plus qu'à rajouter tous ceux qui ont su, se sont doutés, ont été avertis mais n'ont rien voulu savoir.
4 Comments:
merci pour cette excellente analyse.
Et pour toutes vos notes politiquement incorrectes à mourir de rire !
Sceptique et remué après avoir vu le film, ça éclaircit bien des choses.
Merci pour votre travail !
Je ne devrais pas lire ce genre d'articles, cela me rend profondément triste. Je crois que je fais bien de ne pas regarder les infos ni trop les lire. Le monde est ce qu'il est, mais les infos en montrent le plus souvent les côtés les plus moches. Ayant encore (je l'espère ! ) quelques années à vivre devant moi, ainsi qu'un enfant, je veux garder le moral pour la suite.
Je trouve ça assez vaseux comme explication.
Elle aurait été meurtrière à cause des conditions difficiles, etc... Il y autant de psychopathes dans les familles bourgeoises que dans le quart-monde. Je vous mets au défi de me prouver le contraire. C'est une vue de riche, qui regarde d'un air condescendant la misère, ce sont des explications digne de l'époque de Zola, mais depuis, on a fait des progrès en psychologie heureusement, on sait comment évolue une personnalité sociopathe, et que la misère n'est pas le déterminant.
Ensuite " cette tortionnaire justifie son comportement par le fait que c'est une attitude normale pour un adulte de corriger une enfant jugée difficile." ça c'est l'excuse qu'elle donne, on ne sait pas si elle même y croit réellement, ou si elle s'est forcée à y croire après coup. (ça rappelle le cas de la famille qui interdisait à sa fille de boire de l'eau), elle a justifié en disant qu'il fallait bien la punir.
Si à cette époque, on battait les enfants à mort, en trouvant ça normal, ça se serait su tout de même!
Je ne trouve pas beaucoup d'explications psy dans cet article basé sur des faits concrets, ou des paroles concrètes, ou un profile psy, seulement des suppositions et des peut-être qu'elle s'imaginait... Bref, déçue de l'article.
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