23 juillet, 2010

Précisions !


Max qui semble être une fille puisqu'elle le dit malgré son pseudo d'homme, m'adresse le message suivant :

Je ne vous comprends pas ou trop bien!!! D'un coté vous refusez de répondre à mes accusations de fumisteries,et au fond la psy ne sert qu'à flatter les égos et de l'autre à deux reprises vous démontrez que certains de vos patients échouent dans votre cabinet juste parce qu'ils ont un problème d'égo car la petite dinde blonde, c'est un peu ça non ? ou alors elle est alcoolique ? Ce qui revient au même... Après si vous traitez les patients de manière à ce qu'ils puissent se dégager de l'égo, de ce qui flattent nos bas instincts alors ce n'est pas de la psychologie mais de la philosophie... Aussi ce n'est pas tant la discipline que l'étre humain derrière le psy.. Sur cela je suis d'accord avec vous..Mais tout le monde peut etre psy alors je vais ouvrir un cabinet!

La psychologie est en effet la fille bâtarde de la philosophie et de la biologie. Tantôt, elle se donne des allures intellectuelles et reprend à son compte tous les concepts philosophiques connus. Si l'on imagine que la philosophie depuis Platon dénonce la doxa, c’est-à-dire l’apparence, le faux savoir, le préjugé qui nous empêchent d’atteindre à la vérité alors la thérapie est aussi une expérience philosophique. Tantôt parce que la philosophie a ses limites, la psychologie emprunte à la neurobiologie pour marquer les limites de l'être humain en tant qu'individu rationnel maître de son destin. En ce sens, on ne trouvera jamais mieux que la prière de la sérénité des Alcooliques anonymes qui doit tout à la philosophie stoïcienne :

Mon Dieu,
Donnez-moi la sérénité
D'accepter
Les choses que je ne puis changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D'en connaître la différence.

La psychologie tente donc d'objectiver des expériences aussi subjectives que l'angoisse, la dépression ou de manière générale le mal-être. La psychologie, n'en déplaise à Max, traite bien de l'égo des gens. Sauf que de nos jours, la psychologie ayant évolué, elle aborde l'égo sous l'angle bio-psycho-social ce qui restitue ce fameux égo dans une perspective beaucoup plus large que précédemment. La psychologie, du grec psukhê, âme, et logos, science, est l'étude scientifique des faits psychiques, la connaissance empirique ou intuitive des sentiments, des idées, des comportements d'autrui et des siens, l'ensemble des manières de penser, de sentir, d'agir qui caractérisent une personne.

Alors comme l'affirme Max, tout le monde peut-il être psychologue. ? Oui et non. A mon sens, nul besoin d'avoir passé cinq années en faculté pour être psychologue à moins que l'on ne songe à la profession réglementée.

Souvenons qu'à l'origine, le mot psychologue était une qualité inhérente à certains individus. Est réputée psychologue, une personne qui comprend de façon intuitive les sentiments des gens. Ainsi, sans être psychologue diplômé d'état, on peut être un bon psychologue et à l'inverse, on pourra avoir obtenu tous les diplômes nécessaires et n'être jamais un bon psychologue. L'essence précède donc l'existence et des études ne sauraient transformer un âne en cheval de course. Les connaissances acquises au cours des études ne sont que des informations que seul le talent, qui lui ne s'acquiert jamais sur les bancs de la faculté, permet d'utiliser à bon escient.

En revanche, si tout un chacun peut se révéler un bon psychologue au sens étymologique, la connaissance de la psychopathologie me semble nécessaire. En effet, deviner de manière intuitive les sentiments des gens n'est que le premier pas. Pour les aider pleinement, il faut un peu de technicité. Car le but est de savoir ce que l'on peut exactement pour la personne qui nous consulte. Parfois, pas grand chose parce que derrière des symptômes psychologiques se dissimule une pathologie purement physiologique qui n'est pas de notre ressort : on renvoie donc aux médecins. Dans d'autres cas, bien que la pathologie soit clairement psychopathologique, les espoirs de "guérison" sont minces comme dans le cas des personnalités pathologiques souvent difficiles à traiter.

Ensuite, la philosophie reprend ses droits ca il faut aussi se souvenir que même lorsque le "cas" est d'une désespérante banalité, en face de nous existe un sujet libre que l'on ne pourra jamais emmener quelqu'un plus loin qu'il ne le veut. Cela s'appelle la tentation de toute puissance. Puis enfin, l'on peut aussi réfléchir à la notion de santé mentale, de bonheur, d'épanouissement, etc. Ainsi, si l'on m'a souvent dit que j'étais très intelligent et que je pourrais faire de grandes choses, je ne les ai jamais faites et ne les ferais jamais sans que cela ne me frustre. La seule personne qui m'ait dit quelque chose d'intelligent à ce sujet était l'ami Toju qui un jour m'a dit : "tu préfères rêver les choses que les faire". C'était très vrai. Ainsi pour certains confrères un peu âgés, je pourrais être victime d'une "névrose d'échec" (terme devenu caduc) tandis que moi je me sens heureux dans ma petite vie médiocre tout juste ponctuée de coups d'éclats. Le bonheur est donc difficile à définir mais on en revient toujours à l'égo.

Je résume : tout le monde peut être psychologue sans être psychologue tandis qu'un psychologue pourrait très bien ne pas être du tout psychologue. Vous me suivez ? En revanche, être psychologue ne saurait suffire à être un bon psychologue car des connaissances sont nécessaires. Toutefois, ces connaissances ne sont pas suffisantes car elles ne garantissent jamais que l'on soit un bon psychologue. La profession est donc simple en apparence mais beaucoup moins si l'on veut être performant. Auquel cas, il faut un égo démesuré pour être sur de soi alors qu'on ne fait qu'objectiver du subjectif ce qui n'est pas facile, tout en conservant une immense humilité pour ne pas se laisser tenter par la toute puissance et laisser son patient autonome. Je pense donc qu'il faut être psychologue et psychologue au minimum.

Maintenant, chère Max, vous pouvez accrocher une plaque au dessus de votre porte. Je crois que je vous ai tout dit !

PS : je n'ai jamais traité une seule de mes patientes de "petite dinde" même quand l'une d'elles m'emmerde prodigieusement. D'ailleurs, je déteste que l'on critique ma clientèle.

4 Comments:

Blogger L said...

Je pense que les véritables thérapeutes ont quelque chose en + que les gens ressentent intuitivement. Les gens viennent leur parler spontanément dans la vie de tous les jours et ils se livrent très rapidement, parfois dès la première discussion.

Mon père est psychothérapeute lui aussi et il n'a pas de diplome de psychologie universitaire. Pourtant, cela ne l'empêche pas d'être efficace et de renouveller sa clientièle majoritairement par le bouche à oreille car les médecins en général sont réticents à recommander quelqu'un qui n'a pas un diplome d'Etat.

En revanche, sa formation est quand même extrêmement solide et variée. De temps à autre, des patients sont impressionés par les résultats et ils lui tressent des lauriers de gourou. Il leur explique alors qu'il n'y a pas de magie et que sa pratique est soutenue par une colonne vertebrale de nombreuses techniques qui ont fait leurs preuves aux US mais qui sont souvent boudées en France (la psychanalyse et ses clichés occupent une place particulière dans notre société). Là où le talent intervient, c'est que la thérapie est un art : la technique ne suffit donc pas. Il faut s'avoir s'adapter au patient, piocher par petites touches dans la palette des outils dont on dispose et y appliquer le bon dosage, être intuitif, connaître ses limites... C'est un tout qu'il est impossible de décomposer en méthodes rigides qu'il suffirait d'appliquer linéairement.

Malgré leurs styles visiblement différents, l'auteur de blog et mon père (qui ne se trouveraient probablement pas d'affinités dans la vraie vie) semblent être arrivés à des conclusions identiques concernant leur profession, et ce en tous les points ! C'est troublant de retrouver exactement le même discours étant donné que mon père n'est pas un rationnel (au sens Jungien). Chemins différents, même destination.

Si je fais le recoupement entre les 2 je peux isoler quelques indices qui signalent un bon psy :

- il s'est formé mais n'est pas sectaire (ne se réclame d'aucune école qui serait la solution à tout)
- collabore avec des médecins pour l'aspect médicamenteux, n'hésite pas à explorer la piste d'un problème physique plutôt que psychique (examens médicaux).
- bon contact avec les jeunes
- la thérapie ne dure pas 10 ans

Mais la similarité la plus impressionante entre les 2 reste ce côté créatif qui n'a pas été "mis à profit". Mon père a notament commencé comme artiste peintre et ses pairs lui reconnaissaient un talent fou, mais il était incapable d'y travailler assez sérieusement pour en faire carrière et faire vivre sa famille. Une fois rendu à l'évidence, il est passé à autre chose.

23/7/10 4:43 PM  
Blogger philippe psy said...

Merci de ce commentaire intelligent qui me change des crêpages de chignon habituels de mes fidèles lectrices (qui se reconnaitront :) )

Qui dit que je ne m'entendrai pas avec votre père ? Souvenez vous que je suis le seul mec de droite qu'on prenne pour un mec de gauche ! :)

Pour le reste, vous avez raison : il y a ce qui marche que l'on comprenne pourquoi ou pas. C'est toute la différence entre le scientifique et le scientiste ou le religieux.

23/7/10 4:53 PM  
Blogger V. said...

je trouve ce texte d'une très très grande qualité (d'habitude y'a qu'une seul "très". Parfois y'en a pas) :o)
et le commentaire de "L" tout autant.

Merci à tous les deux.

23/7/10 5:39 PM  
Blogger 100hp said...

Concernant l'égo, c'est très juste. D'ailleurs, l'égo est ce qui se commercialise le mieux dans nos sociétés ! Disons que si le sage affirme que l'esprit réside dans la mémoire, l'homme moins sage pense que la valeur de son esprit réside dans sa capacité à influence le monde extérieur.

24/10/10 9:00 PM  

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