02 mai, 2011

Parlons d'amour et de thérapie par les films !


Dans le message précédent, je parlais d'une amie qui s'était manifestement faite avoir par un pauvre type. Quoique je n'aie pas de raisons de le traiter de pauvre type, il se peut simplement que le brave gars se soit emporté trop vite et qu'une fois déballé, le cadeau ne se soit pas révélé à la hauteur de l'emballage ! Comme dit le Père Peujat dans Les vieux de la vieille : "oh pour sûr l'était belle l'Adèle, mais peau de pêche en dehors et peau d'hareng en d'dans !".

Parce qu'après tout, connait on jamais vraiment ses amis ? Peut être que cette amie est une véritable emmerdeuse dans l'intimité ? Allez savoir ! Dans tous les cas, je ne prendrai pas partie me contentant de dire que si la pauvre s'est faite avoir, la réciproque est vraie aussi et que des hommes souffrent aussi du fait des femmes.

Je me souviens ainsi que voici une dizaine d'années, l'un de mes amis s'était amouraché d'une pauvre fille en laquelle il voyait une vraie déesse. Hormis le fait qu'elle soit plutôt bien foutue, je ne voyais pas vraiment ce qu'il lui trouvait d'aussi extraordinaire. Médiocrement cultivée, moyennement jolie, très ordinaire, sans aucun diplômes, c'était tout à fait le genre de fille commune sur laquelle on ne se retourne pas et en tout cas pas la danseuse pour laquelle un homme se serait ruiné.

Comme je la connaissais peu, j'avais d'abord cru que leur histoire était aussi forte à cause d'une histoire de phéromones, une histoire de fesses pour le dire plus simplement mais je me trompais. Mon ami était véritablement amoureux et le jour où elle se barra de chez lui avec armes et bagages, il déprima totalement. Les symptômes étaient évidents. Il ne mangeait plus, ne pensait qu'à elle, négligeait son emploi, bref il était temps que je l'aide.

Au départ, ne sachant à qui j'avais vraiment à faire, je le conseillais du mieux possible afin qu'il se montre moins insistant et plus adroit dans sa tentative de reconquête. Tant il est vrai qu'un type (ou une femme) amoureux a tendance à faire n'importe quoi dans ces cas là, hésitant sans cesse entre la colère (reviens salope !) et l'auto-apitoiement (tu vas me tuer !). Moi, ayant du recul, j'avais donc joué le coach espérant que nos efforts conjugués auraient du succès.

Jusqu'au jour où mon ami me présentait à l'une des amies proches de cette fille. Après avoir bavardé avec elle, j'arrivai à me faire une idée précise de la belle qui à mon sens n'était qu'une hystérique basique ayant mis les voiles vers d'autres rivages après avoir sucé mon copain jusqu'à l'os.

Je crois que le diagnostic d'hystérie est le plus difficile à expliquer tant le terme a été galvaudé. Comme je le dis souvent, une femme hystérique n'est pas une femme qui crie tout le temps, ça c'est une femme normale. Une hystérique c'est autre chose et on peut passer du temps auprès de ce genre de femme sans même s'en apercevoir. Leurs capacités d'adaptation, leur manière de se mettre à l'unisson les rend difficilement détectable lorsque l'on est trop proche d'elles. Et puis, elle ont un "truc" en plus pour se faire aimer, une sorte de pouvoir étonnant, qui fonctionne avec les mecs sensibles. D'ailleurs ce "truc" fonctionne encore mieux avec les gros durs qui refoulent leur sensibilité, à croire qu'il la projette sur l'hystérique. Et mon ami était plutôt de ce genre.

Ayant fait des études ultra techniques, j'aurais perdu mon temps à lui expliquer de long en large ce qu'était l'hystérie. Certes, il était capable de comprendre les critères diagnostic du DSM mais sans doute incapable de voir comment cela s'articulait pour former une personnalité. Pour bien des gens, dans la vie il y a les fous et les gens normaux, le noir et le blanc, et peu sont capables de comprendre que les pires sont ceux qui sont à la marge : les personnalités pathologiques.

Décidant d'employer les grands moyens, je commandai alors un film qui en deux heures ferait mieux que moi en deux jours pour lui faire comprendre dans quel pétrin il s'était fourré : Manèges, l'arme absolue pour faire reprendre leurs esprits à tous ceux qui se sont fourvoyés dans les méandres tirtueux d'une relation avec une hystérique.


Manèges est un film de Yves Allégret (1950). Entièrement bâti sur des flash-back, ce film d'une profonde noirceur est superbement interprété par Simone Signoret et Bernard Blier.Dans l'histoire, Dora vient d'avoir un terrible accident de voiture. Elle se retrouve à l'hôpital, où Robert, son mari, l'a rejointe. Son état est critique. Profondément affecté du malheur qui touche celle qu'il aime, il entame une discussion avec sa belle-mère, qui a accouru au chevet de sa fille. Là, les langues se délient et Robert va de découvertes en découvertes pour s'apercevoir qu'il a été un pigeon comme il en existe peu.

Dans le film, Dora n'est pas spécifiquement hystérique au sens psychopathologique du terme mais une manipulatrice odieuse dotée d'un cynisme peu croyable. Et quiconque vit une relation difficile avec la très impression de se faire avoir, ne peut regarder ce film sans souffrir pour Robert et finir par s'identifier à lui jusqu'au point d'être écœuré par sa bêtise.

Ca n'a pas raté, avec mon ami, le coup a marché. On avait regardé le film ensemble et comme j'épiais discrètement ses réaction, au fur et à mesure je l'ai vu changer. J'ai vu passer toutes les émotions sur son visage, l'incompréhension, l'incrédulité, la pitié, il était à fond dedans. Et toutes les expressions allaient bon train, du "c'est pas possible d'être aussi con" à "mais putain quelle salope !"

A la fin du film il était définitivement vacciné contre toutes les Dora du monde entier, ne voulant aucunement être un Robert. Je vous certifie que le remède est souverain ! Voir ce pauvre Bernard Blier se faire avoir dans les grandes largeurs par une Simone Signoret (époque jolie) totalement machiavélique ne laisse personne indifférent.

Sinon, en cas de résistant à ce traitement, deux autres films français traitent de ce sujet, Martin Roumagnac (1946) et Voici le temps des assassins (1956) les deux ayant pour premier rôle Jean Gabin. Eh oui, même si l'on admet généralement que Blier avec son physique médiocre puisse être la caricature du pauvre mec, le grand Gabin, l'homme, le vrai, se fait lui aussi avoir comme un premier communiant par la première gourgandine (c'est plus élégant que salope non ?) venue !

La thérapie par le cinéma, c'est simple, novateur, délicieusement culturel et ça se passe chez Philippe le Psy !

9 Comments:

Blogger Lucie Trier said...

Je pense qu'il y a moyen d'ouvrir un module de TCC Arts de l'image à Paris 8, en partenariat avec le DESS Arts du Clown. Tu pourrais enfin avoir cette reconnaissance universitaire que la Nation te refuse si injustement !

Enfin, cette idée géniale nous a malheureusement déjà été piquée vu les beaux jours de l'Art thérapie. Et c'est une musicienne et cinéphile (de niveau international comme tu le sais) qui te le dit, c'est pour dire. Je déchiffrerai bientôt chez toi The Entertainer pour Les Nuls avec un bandeau sur les yeux, n'utilisant que mon nez, sous les caméras des plus grands vidéastes new-yorkais pour enregistrer ce grand moment. Au fait, faudrait qu'on fasse un six mains avec Laurence.

La véritable raison de ce message débile est que je n'arrive pas à dormir, évidemment.

-c-

4/5/11 2:57 AM  
Blogger polydamashk-blog said...

Les films sont des grands enseignements sur ces sujets, vous n'êtes pas le seul thérapeute à les utiliser. Il est hautement probable qu'à chaque pathologie/psychose/névrose corresponde un film.

Ainsi, sur les effets gâchette, Portier de Nuit, avec Charlotte Rampling est magistral. 12 hommes en colère, sur les effets mimétiques. Sur la route de Madison pour la sensibilité et l'attention à l'autre. Et l'on pourrait continuer longtemps.

4/5/11 3:13 PM  
Blogger V. said...

Blier avec son physique médiocre !!!!
Un capricorne !

8/5/11 12:06 PM  
Blogger V. said...

Lucie, sur la photo, vous me faites penser à PJ Harvey (jeune, of course)

ps : c'est un compliment, je trouve son visage très intéressant.

8/5/11 12:15 PM  
Blogger L said...

- Tu es amoureuse ?
- A quoi ça se reconnaît ?
- Ben, c'est quand avec un homme on ne pense pas à l'argent.


Magistral Manèges, la scène avec l'amant où elle le supplie de l'embrasser vaut aussi son pesant d'or. Il y a tout dans ce film, Mystery n'a rien inventé !

10/5/11 11:55 AM  
Blogger GCM said...

...Pinot simple flic pour le fétichisme

10/5/11 6:01 PM  
Blogger Lucie Trier said...

V., il se trouve que PJ Harvey est une de ces "femmes de tête" qui pourraient faire tourner la mienne. Je la trouve fantastique. C'est donc un compliment très flatteur, merci !

16/5/11 9:53 PM  
Blogger Élie said...

J'avoue que j'ai beaucoup de mal à me représenter une hystérique autrement que comme quelqu'un qui pique des crises de nerfs régulièrement, alors je vais essayer de voir les films que vous citez pour me faire une idée.
Mais d'après ce que vous dites de l'hystérie, je me demandais si le personnage féminin d'Un si doux visage, d'Otto Preminger, était hystérique.

6/6/18 9:48 PM  
Blogger Élie said...

J'ai lu les résumés des deux autres films, en fait une hystérique c'est juste une salope sans cœur ? C'est moche et immoral, mais en quoi ces personnages sont-ils pathologiques ?

6/6/18 10:00 PM  

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