17 septembre, 2012

Quand la politique nous éloigne !


J'avais une patiente avec qui je m'entendais fort bien. Je suis conscient d'avoir pu l'aider dans un ou deux secteurs cruciaux de sa vie mais j'aurais pu aller plus loin. Hélas elle est partie. Un jour, voici quelques mois déjà, elle a annulé un rendez-vous par SMS en utilisant un faux prétexte. Je savais en lisant son SMS, en ayant sous les yeux les quelques mots qu'elle m'avait laissés, qu'elle m'en voulait à mort et qu'elle me rendait responsable d'un drame terrible.

Quel drame ? La non réélection de Nicolas Sarkozy tout simplement. C'était une militante UMP, une vraie de vraie, qui trouve que NKM est bourrée de talent, que Xavier Bertrand est un homme bien, qui ne remettait jamais en cause les décisions, quelles qu'elles soient, de notre ancien président de la république. C'était un vrai petit soldat, un de ceux qui obéissent aux ordres sans broncher, sans les remettre en cause jamais, en allant toujours de l'avant, persuadés que l'officier sait ce qui est bon pour le simple soldat !

Moi, je n'avais jamais parlé de politique. Et ce d'autant plus qu'elle venait de la part d'un médecin. Avec les patients venus du blog c'est différent car il est rare que j'aie des gens de gauches ou du moins des socialistes avérés. Mais de toute manière, sauf pour plaisanter ou si l'on m'interroge, je ne fais jamais de politique dans mon cabinet. Tout au plus, si je viens à discuter littérature comprendra-t-on que je ne suis pas vraiment de gauche mais sinon, je ne dis rien. 

C'est elle qui avait commencé en me titillant, en tournant autour du pot et un jour je lui avais avoué que je n'étais pas socialiste. Je me souviens que je m'étais montré plutôt libéral dans mes développements, voire carrément libertarien. Non que j'y croie vraiment d'un point de vue pratique parce que je sais comment fonctionnent les gens, mais simplement que l'idée d'être roi au royaume de moi-même me séduise. Cela doit autant flatter mon narcissisme que satisfaire ma misanthropie. Etre roi au royaume de moi-même, ne subir que les interactions sociales nécessaires et choisies, voilà mon rêve. 

Bien sur pour le reste, le financement des écoles, des voies publiques, etc., je ne suis pas tout à fait abruti et je comprends comment tout cela fonctionne mais cela n'est pas ma tasse de thé. Cette partie de la politique m'ennuie et peut-être que la politique m'ennuie. De toute manière, je déteste la grande majorité des élus en qui je vois soit des voyous ayant trouvé un bon moyen de voler légalement le chaland sans avoir le courage de rentrer dans le grand banditisme, soit des idiots ayant trouvé là un bon moyen de se sentir utiles, de servir à quelques choses et de parvenir à croire que leur existence est précieuse.

On avait un peu parlé de tout cela après notre séance, il était plus de vingt-et-une heures trente. Elle ne m'avait évidemment pas épargné. C'était une militante, une vraie de vraie, et qui plus est une femme dont sans doute plus proche de la vie pratique que ne le sont la plupart des hommes, en tout cas moi. J'aurais pu argumenter, parler, mais je n'en avais pas envie parce que la relation thérapeutique me liait les mains. Dans n'importe quelle conversation, j'aurais sorti mon sabre et je me serais battu bravement, non pour attaquer son point de vue mais simplement pour défendre le moelleux donjon de certitudes dans lequel je me suis réfugié depuis des années. Je suis de toute manière meilleur en défense qu'en attaque.

Elle avait recommencé la semaine d'après en me relançant sur Sarkozy en me disant qu'il fallait le soutenir et surtout d'en parler à mes patients. La pauvre, si elle avait su de quel bois se chauffaient mes patients, elle aurait compris que j'aurais été bien en peine, eu-je été un sarkozyste convaincu, d'en convaincre un seul ; autant tenter de vendre des bibles en Arabie Saoudite ou des Petits livres rouges à Wall Street ! Et puis, c'était une grande admiratrice d'Alain Juppé que pour ma part je trouve aussi médiocre que la plupart de ses condisciples de l'ENA. 

Elle me vantait ainsi tout le bien qu'il avait fait à Bordeaux et moi je lui rétorquais que j'aurais fait la même chose parce que ce n'était pas compliqué. En effet si vous êtes maire d'une ville et ami du pouvoir en place, les subventions pleuvent alors ensuite, ce n'est pas bien compliqué de faire des ravalements et de créer un tramways, il suffit de voter un budget, de faire un appel d'offre et d'attendre. C'est nettement moins dur que de poser des rails ou de gratter la pierre. Alors là, elle avait été horrifiée !

Mais comme les militants ne décrochent jamais, tout était prétexte de sa part à me titiller, à m'agacer, à me prouver que Nicolas Sarkozy était le meilleur et l'homme qu'il fallait pour enfin juguler cette crise. De mon côté, je m'étais bien gardé de la moindre critique envers notre ancien président. Tout au plus, avais-je souligné chez lui certaines incohérences ou encore pointé certains comportements curieux. Mais, je n'avais guère été au delà. 

Je crois que son drame c'était de penser que si Hollande passait, cela serait la fin de tout alors que moi, je ne voyais pas une différence flagrante si ce n'est dans leur manière respective de tromper leur électorat et d'échouer en fin de compte. Et puis, je pense qu'au fond de moi, François Hollande m'amusait et que j'avais envie de le voir en place. J'avais tellement pris cher comme disent les jeunes durant le quinquennat, que j'avais moi aussi envie d'être dans l'opposition et de pouvoir me moquer des socialistes que je connais. Ce dont je ne me prive pas aujourd'hui.

Et cela a duré pendant toute la campagne électorale. Une fois Hollande élu, je lui ai avoué que je n'étais pas allé voter au second tour, pas plus que je n'y étais allé pour les législatives. Sur ce point, je pense que GCM a raison, lui qui n'a jamais voté. Il pense que cela ne sert à rien de voter tandis que moi j'aurais tendance à penser que c'est utile de ne pas voter. J'ai suffisamment tenu de bureaux de vote pour toujours m'amuser lorsque je voyais les élus arriver l'oeil fiévreux pour demander à combien en était le taux de participation. Alors, j'ai décidé de ne plus voter sauf pour moi si d'aventure je refaisais partie d'une liste.

Quand elle a su cela, ma patiente avait tout de suite adopté un masque teinté de réprobation et de colère sans que je sache laquelle de ces deux émotions prenait le pas sur l'autre. Et elle me répéta à deux ou trois reprises qu'on allait voir ce que nous allions payer ! Pour m'amuser, je lui aurais bien répondu qu'elle paierait sans doute plus que moi parce que je n'avais pas un salaire à celui qu'on lui versait en tant que cadre supérieur de l'industrie pharmaceutique. Mais la voyant peu encline à blaguer, je m'étais abstenu.

Elle reprit rendez-vous et ce n'est que quelques jours après qu'elle m'envoya ce SMS me disant qu'elle ne pourrait venir et qu'elle me recontacterait. Je savais qu'elle ne rappellerait pas, que je l'avais déçu. Elle me prenait pour un type de droite et voilà que je n'avais pas battu des mains à chaque prise de position de l'UMP ou chaque action de l'ancien gouvernement.

Depuis quelques temps, je pense à elle. J'y pense à chaque fois que je vois notre président ou l'un de ses ministres s'exprimer sur un sujet quelconque. Je les trouve tellement nuls, tellement médiocres, amateurs, confus et incapables que loin de m'énerver, je ris beaucoup. Je ris tellement que bien souvent j'en profite pour envoyer un SMS narquois à Lapinou qui est le socialiste que je connais le mieux.

C'est dans ces moments là que je me dis que je devrais envoyer un SMS à mon ex patiente. J'ai parfois juste envie de lui écrire : Nicolas n'a pas été élu mais franchement qu'est ce qu'on rigole non ?

Peut-être qu'elle reviendra parce que dans le fond on s'entendait bien.

2 Comments:

Blogger LE JEUNE J said...

tu aurais du lui avouer que tu votais Méchancon :)

19/9/12 11:36 PM  
Blogger El Gringo said...

"un SMS narquois à Lapinou"

J'attends avec impatience de le revoir. Je promets de ne pas me moquer, juste l'écouter commenter la situation.

27/9/12 12:12 PM  

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